[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 novembre 1789.] 335 Nous serous üdèles à notre serment. Voici donc le décret que je propose : L’Assemblée nationale, considérant la différence absolue du régime de la France à celui de ses colonies, déclarant par cette raison que plusieurs de ses décrets, notamment celui des droits de l’homme, ne peuvent convenir à leur constitution, a décrété et décrète que toute motion relative à la constitution des colonies, serait suspendue et renvoyée à l’époque où elle recevra du sein même dé ses colonies leurs vœux légalement manifestés dans un plan de constitution qui sera soumis à un sérieux examen de l’Assemblée nationale, avant d’être décrété. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGELIN, ARCHEVÊQUE D’AIX. Séance du lundi 30 novembre 1789 (1). M. Rabaud de Saint-ICtieime, l'un de MM. les secrétaires , fait la lecture du procès verbal des deux séances du 28. M. Gillet de la «Jacqueminière fait une observation relative au décret sur l’imposition des biens privilégiés, et demande qu’on y ajoute que la capitation noble et privilégiée des six derniers mois de 1789 et de 1790 ne sera point imposée ou perçue, et qu’elle sera remboursée à ceux qui l’auraient acquittée, en justifiant par les uns ou les autres de l’acquit d’une ou plusieurs cotes de taille personnelle réunie, excédant ladite capitation. La discussion de cette demande est ajournée. On a fait lecture des adresses dans l’ordre qui suit : Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Mâcon en Bourgogne ; elle demande à être le chef-lieu d’un département. Adresse du même genre des habitants du bourg des Gardes en Anjou ; ils attendent avec la plus vive impatience l’organisation des assemblées provinciales et municipales, et demandent l’établissement d’une paroisse dans leur bourg. Adresse du même genre des représentants de la commune de Château-du-Loir; ils réclament avec instance la conservation de la sénéchaussée de cette ville, et présentent un nouveau plan d’arrondissement Adresse du même genre de la ville de Château-Renard en Gâtinais; elle demande à être le siège d’une assemblée de département. Adresse des habitants des lticeys, qui forment trois bourgs et trois paroisses, d'ans laquelle ils conjurent l’Assemblée de conserver l’abbaye de Molesuce, dont les religieux ne passent point de jour sans donner des preuves sensibles de leurs vertus et de leur bienfaisance ; cependant, remplis de confiance dans les lumières de l’Assemblée nationale, ils adhèrent d’avance avec une soumission respectueuse à tous les décrets qu’il lui plaira de porter. Délibération de la compagnie présidiale de la ville de Moulins, par laquelle elle a arrêté de rendre la justice gratuitement. Adresse de la compagnie des volontaires de Château-Thierry, dans laquelle ils présentent à l’Assemblée nationale l’hommage de leur profond respect et de leur dévouement sans bornes pour maintenir l’exécution de ses décrets. Adresse des officiers municipaux et habitants de la communauté des Essarts en Bas-Poitou, contenant l’expression d’une adhésion absolue à tous les arrêtés et décrets rendus et à rendre par l’Assemblée nationale. Adresse de la municipalité de la ville d’Antibes en Provence, par laquelle elle adhère avec une respectueuse reconnaissance à tous les décrets rendus par l’Assemblée nationale, et notamment à ceux des 26 septembre, 8 et 9 octobre, 2 et 5 novembre. Adresse de la communauté du Gua en Dauphiné, contenant adhésion au décret concernant la contribution patriotique; elle supplie l’ Assemblée de porter une liquidation générale sur les arrérages de rente à un taux modéré, afin qu’elle puisse se libérer malgré son extrême détresse. Adresse des officiers de la maîtrise des eaux et forêts de la ville de Vendôme, contenant une ordonnance de ces officiers, portant défense à tous particuliers de s’introduire dans les bois de Monsieur et autres bois ecclésiastiques situés aux environs de cette ville, et en même temps réquisition aux officiers de la milice bourgeoise, à ceux du régiment Royal-Cravate en garnison audit Vendôme, et à celui de la maréchaussée, de veiller de tout leur pouvoir à la conservation de ces bois, livrés au plus affreux pillage depuis le décret de l’Assemblée nationale sur la disposition des biens ecclésiastiques, parce que des gens mal intentionnés ont fait entendre à quantité de vignerons journaliers et autres qu’il avaient droit à ces bois, comme appartenants à la nation. Les officiers de la maîtrise annoncent que leur ordonnance a eu tout l’effet qu’ils en espéraient. Adresse des marchands faneurs réunis à la foire d’Angers, qui supplient avec instance l’Assemblée nationale de supprimer les droits de régie, et de rendre à la fabrication des cuirs, la liberté et les facultés nécessaires à son développement. Il a été demandé ensuite à l’Asssemblée d’accorder un passe-port au sieur Tavernier de la Junquières, chargé des dessins relatifs a l’ouvrage connu sous le nom de Voyage pittoresque de la France , et qui craint d’être inquiété dans ses travaux. Le passe-port a été accordé. On a fait lecture ensuite d’une règle de police relative aux billets de tribune. La ville de Josselin en Bretagne a fait un don patriotique de la somme de 4,125 livres. M. de Volney, l'un des secrétaires, fait lecture d’une lettre écrite par les membres de la commune de Bastia, dans l’île de Corse, par laquelle ils exposent à leurs députés les événements survenus dans l’île et l’adhésion du peuple corse à la constitution française. La voici : « Messieurs, Forage vient enfin d’éclater; voici le récit très-précis du fait tragique arrivé entre les bourgeois de Bastia et le régiment du Maine. « Le 5 du courant, après en avoir amplement prévenu M. le vicomte de Bassin, commandant de Corse, toute la ville s’est assemblée dans l’église paroissiale de Saint-Jean, afin de procéder à l’enregistrement de la garde nationale. Le commandant lui-même a bien voulu venir parmi les (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 336 citoyens dans l’église. Dans le temps que les bourgeois étaient paisiblemententrës dansla salle, on entend battre la générale et aussitôt on vient pour avertir que M. de Rouilles, colonel du régiment du Maine, à la tête de sa compagnie de grenadiers, marchait à droite, et M. de Tissonet, capitaine, à la tête des chasseurs à gauche, pour s’emparer de notre salle, et pour nous en chasser. 25 à 30 de nos braves bourgeois, avec quelques fusils, se sont présentés pour nous défendre; mais à peine les chasseurs commandés par M. de Tissonet les ont-ils aperçus qu’ils ont fait feu sur eux. Nos citoyens, en défendant leur vie, lâchèrent à leur tour des coups sur la troupe et par ce moyen les obligèrent à rétrograder. « 11 y a eu du sang répandu ; savoir : deux soldats tués, deux blessés ; et M. de Tissonet ci-présent est lui-même blessé. Parmi les citoyens, il n’y a eu de tués que deux petits enfants, qui ont été massacré* dans les rues à coups de baïonnette. Cette action barbare de la part des soldats a tellement révolté le peuple, qu’elle l’a porté à s’emparer de la citadelle, des magasins à poudre, des armes et de tous les forts de la ville, sans que cependant (grâce à Dieu) il s’en soit suivi d’autres accidents funestes. « Après quoi la garde nationale fut enregistrée et tout le peuple a prêté un nouveau serment de fidélité à la loi, au Roi et à l’Assemblée nationale, dans les mains de la municipalité. Le procès-verbal contenant tous les faits va vous arriver par le premier courrier. Mais nous avons cru qu’il n’y avait pas un instant à perdre pour vous prévenir que dans toute l’île, il y a une fermentation terrible, dont la cause est l’incertitude dans laquelle nous nous trouvons sur notre sort. L’on nous dit, tantôt que l’on veut nous garder sous le régime militaire actuel; tantôt que l’on va nous céder à la république de Gênes, et notre inquiétude est d’autant plus fondée, que jusqu’à présent, de tous les décrets de l’Assemblée, il n’y a eu d’enregistré et publié que la loi martiale. « Vous êtes, Messieurs, chargés par vos cahiers de demander que l’île de Corse soit déclarée partie intégrante de la monarchie et nous ne pouvons vous cacher que nous sommes très-étonnés de voir que vous ne présentez jamais cette demande à l’Assemblée nationale. « Vous avez beau nous dire que votre admission comme députés nous déclare par le fait province de France, cela ne suffit pas. Le ministère nous a conquis par la force, et d’après un traité passé avec la République de Gênes, qui n’avait nullement le droit de nous céder. Pour notre sûreté et pour que nous soyons Français à jamais, ce qui est notre unique vœu, il nous faut un décret de la nation sur une demande faite par vous, Messieurs, qui êtes nos représentants librement et légalement élus. « Nous attendons votre réponse avec le plus grand empressement et soyez sûrs qu’elle décidera de la tranquillité du pays. « A présent tout va bien, la milice nationale monte la garde à la porte du général, au port, à la citadelle, et partout où il y a besoin de sentinelles. Veuillez bien, en attendant le procès-verbal, représenter à l’auguste Assemblée nationale que nous avons pris les armes pour faire exécuter ses décrets, et que nous ne les quitterons point qu’ils n’aient été exécutés. « Signé: Galearini, Guasco, Morati, membres de la commune de Bastia. » [30 novembre 1789.] La lecture de cette lettre est suivie de celle d’une adresse d’un grand nombre de citoyens de la ville d’Ajaccio, en date du 31 octobre, par laquelle ces citoyens se plaignent que la commission intermédiaire, de concert avec le régime militaire sous lequel l’île gémit, s’est opposée jusqu’à ce jour à toute assemblée patriotique et formation de milice nationale. Us représentent d’une manière très-énergique les droits et le désir qu’ils ont de participer à la régénération de l’empire français. Ils réclament contre les vexations de toute espèce dont ils sont accablés. Ils protestent contre les calomnies dont on noircit les prétentions du peuple corse. Ils assurent que son vœu général, exprimé librement dans ses cahiers, est d’être réuni à la nation française devenue libre, et que toute sa crainte est d’être remis sous le joug des Génois, ou de continuer d’être gouverné militairement, comme il Fa été jusqu’à ce jour. Ils désavouent toute expression des sentiments de la Corse qui émanerait de la commission des douze et s’en réfèrent exclusivement à leurs députés dans l’Assemblée nationale. Enfin ils supplient l’Assemblée d’une manière pathétique de prendre en considération l’état dangereux et déplorable de l’île de Corse. M. Salicetti. Je demande qu’il soit rendu sur-le-champ un décret par lequel il sera déclaré que la Corse fait partie de l’empire français ; que ses habitants doivent être régis par la même constitution que les autres Français, et que dès à présent le Roi sera supplié d’y faire parvenir et exécuter tous les décrets de l’Assemblée nationale. M. d’Estourmel. Je propose de dire que le décret est rendu sur la demande et le libre consentement des habitants de la Corse. M. Target fait remarquer, à propos de l’envoi des décrets de l’Assemblée nationale en Corse, qu’il faut dire que le pouvoir exécutif sera requis et non pas sera chargé d’envoyer les décrets. M. Brunet de Latuque. C’est honorer la nation que de rendre hommage à son chef, et je propose de dire, comme par le passé, que le Roi sera supplié d’envoyer les décrets. M. le Président prend le vœu de l’Assemblée et le décret suivant est rendu : « L’île de Corse est déclarée partie de l’empire français; ses habitants seront régis par la même constitution que les autres Français, et dès ce moment le Roi est supplié d’y faire parvenir et publier tous les décrets de l'Assemblée nationale. » M. le marquis de Sillery. Nous n’avons que trop d’exemples de démembrements de la monarchie, et la Louisiane, un de nos plus beaux établissements, a été cédée aux Espagnols sans le consentement de la nation. Je fais donc la proposition de décréter que, dans aucun cas, le pouvoir exécutif ne pourra céder aucun pays ou partie de pays attaché à l’empire français, ou y appartenant,’ sans avoir consulté la nation. M. le comte de Mirabeau. Messieurs, après avoir rendu le décret qui déclare la Corse partie de l’empire français, il s’en présente un autre qui en est la suite nécessaire et que je propose en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que ceux des [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES.