730 [Assemblée nationale.} « portation de ces bois à l’étranger, quoique la « faculté leur en ait été assurée par leurs ad-« judications, a décrété et décrète que jusqu’à « ce qu’il ait été statué sur la liberté ou la dé-« fense de l’exportation, d’après les demandes et « les renseignements des assemblées administra-« tives delà province, la liberté de l’exportation, « doit continuer d’avoir lieu dans la Lorraine « allemande ; renvoyé en conséquence au pou-« voir exécutif, pour procurer l’exécution des « adjudications subsistantes par les voies de « droit. » M. Alexandre de Lameth. Messieurs, les circonstances présentes sont de nature à engager l’Assemblée à ne pas discontinuer un instant ses travaux. Les rapports du comité militaire réclament surtout votre attention et je supplie l’Assemblée de ne pas tarder plus longtemps à améliorer le sort des individus composant l’armée ; en conséquence, je demande qu’il y ait séance demain dimanche et qu’elle soit consacrée à la chose militaire. M. de Folleville. 11 est un moyen de tout concilier : c’est de commencer nos séances de meilleure heure et d’observer le repos du dimanche. M. l’abbé de Bonneval. Je m’oppose à la motion de M. de Lameth par un autre motif encore, c’est que la santé des députés ne peut tenir à tant de travaux : s’il en fallait une preuve, on la trouverait dans les demandes de congé qui vous sont adressées. M. le baron de Menou. La question est tellement urgente qu’elle ne peut être ajournée; j’appuie donc la motion de M. de Lameth. M. l’abbé Maury. Fort peu de députés assistent aux séances du dimanche. La question qu’on propose de discuter à celle de demain est assez importante pour être traitée dans une séance nombreuse, j’appuie donc la proposition de M. de Folleville. M. Alexandre de Lameth. A l’opposition qu’éprouve la motion que j’ai faite de s’assembler demain, il n’est que trop évident qu’il existe un système formé pour ralentir les opérations de l’Assemblée nationale. ( A ces mots, de violentes protestations s'élèvent et plusieurs députés demandent que l'orateur soit rappelé h l'ordre .) M. Alexandre de Lameth continue. Ne pouvant attaquer les décrets de l’Assemblée, l’on voudrait l’empêcher d’en rendre, mais ces obstacles ne feront qu’exciter notre activité ; en vain on aura cherché à répandre, avec malignité dans l’armée, les expressions d’un de nos collègues, qu’il s’est empressé de désavouer sur-le-champ ; en vain on cherchera à l’éloigner des représentants de la nation; sa confiance nous est acquise, mais prouvons les droits que nous y avons en nous occupant de son sort ; le dimanche est le jour du repos ; mais il n’est pas de repos pour les amis de la liberté et de la constitution, quand les bases du bonheur public ne sont pas encore solidement établies ; je conclus à ce qu’il y ait séance demain. La motion de M. de Lameth est mise aux voix et adoptée. M. le Président. L’ordre du jour appelle la [27 février 1790.] discussion sur le rapport du comité des lettres de cachet. On demande qu'il soit donné lecture du projet de décret. M. le comte de Castellane, rapporteur, fait cotte lecture ainsi qu’il suit : PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. Dans l’espace de six semaines après la publication du présent décret, toutes les personnes détenues dans les châteaux, maisons religieuses, maisons de force, maisons de police ou autres prisons quelconques, par lettre de cachet, ou par ordre des agents du pouvoir exécutif, à moins qu’elles ne soient légalement condamnées, décrétées de prise de corps, ou renfermées pour cause de folie, seront remises en liberté. Art. 2. Les personnes détenues pour cause de démence seront, pendant l’espace de trois mois, aussi à compter du jour de ladite publication, visitées par des médecins, qui, sous la surveillance des directoires de district, constateront le véritable état des malades, afin qu’à l’époque fixée, et après que les, procès-verbaux de cet examen auront été envoyés à l’Assemblée nationale, et au ministre de la province, ils soient élargis ou soignés dans les hôpitaux qui seront indiqués à cet effet. Art. 3. Les prisonniers détenus par ordre illégal, qui auraient été préalablement jugés et légalement condamnés à une peine afflictive, garderont prison pendant le temps fixé par l’ordre de leur détention, à moins qu’ils ne demandent eux-mêmes à subir la peine à laquelle ils avaient été condamnés par le jugement en dernier ressort, sans qu’aucune détention puisse jamais excéder le terme de douze années, y compris le temps qui s’est écoulé depuis l’exéeution de l’ordre illégal. Art. 4. Ceux qui, sans avoir été condamnés en dernier ressort, auraient été jugés en première instance, ou décrétés de prise de corps, seront conduits dans les prisons des tribunaux qui sont désignés par la loi. Art. 5. Lesdits tribunaux seront simplement chargés d’achever l’instruction et de prononcer sur l’innocence ou le crime fies prévenus, afin que, sur le compte qui en sera rendu par eux à l’Assemblée nationale et au garde des sceaux , ils soient jugés dans la forme prescrite par une loi particulière, qui déterminera la peine que les coupables pourraient encore subir , laquelle n’excédera, en aucun cas, une détention de douze années, y compris le temps pendant lequel ils auraient été antérieurement privés de Leur liberté. Art. 6. Ceux qui seront déchargés d’accusation recouvreront sur-le-champ leur liberté, sans qu’il soit besoin d’aucun ordre nouveau, ni permis de les retenir, sous quelque prétexte que ce soit. Art. 7. Dans le délai de trois imois, il sera dressé, par chaque commandant de château-fort ou prison d’Etat, supérieur de maison de force ou maison religieuse, et par tous détenteurs de prisonniers en vertu d’ord res arbitraires, un état de ceux qui auront été élargis, visités par des médecins, renvoyés par-devant les tribunaux, ou qui garderont encore prison en vertu du présent décret. Art. 8. Cet état sera déposé aux archives du district, et il en sera envoyé des doubles, certifiés ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 février 1790.] TM véritables par le président et le secrétaire, à l’Assemblée nationale et au ministre de la province. Art. 9. L’Assemblée nationale rend les commandants des prisons d’Etat, les supérieurs des maisons de force, ou maisons religieuses, et tous les détenteurs des prisonniers par ordre illégal, personnellement responsables de l’exécution du présent décret, et elle charge spécialement les assemblées de département et de district d’y tenir la main. La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet. M. l’abbé Maury. Je demande qu’avant de prononcer, l’Assemblée enjoigne au comité de ju-dicature de présenter un projet de loi sur le jugement des prisonniers d’Etat et que la question soit ajournée à demain. M. Fréteau parle sur la matière avec beaucoup de détails et propose les amendements suivants : Sur l'article premier. L’Assemblée nationale excepte de la disposition du présent article les prisonniers détenus sur les plaintes de leur famille, lesquels resteront en prison jusqu’à ce que l’Assemblée nationale ait statué sur l’établissement d’un tribunal domestique, proposé lors de l’organisation du pouvoir judiciaire, à moins qu’il ne s’agisse de fautes légères, ou de nature à être jugées suffisamment îunies par la détention déjà soufferte, auquel cas es directoires de district pourront ordonner 'élargissement dans le délai de six semaines ci-dessus fixé. Sur l'article 3. L’Assemblée nationale excepte des dispositions du présent article les prisonniers qui auront été légalement condamnés à la peine de mort, lesquels resteront en prison jusqu’à ce que, d’après le compte qui sera rendu de leurs jugements à l’Assemblée nationale, elle ait statué qu’il pouvait y avoir lieu à une révision des procès, ou à solliciter de la clémence du Roi une commutation de peine autre que celle de la prison perpétuelle. Sur l'article 5. Supprimer de l’article tout ce qui est après les mots: ils soient jugés dans la forme prescrite par une loi particulière , qui déterminera la peine que les coupables pourraient encore subir. M. Moreau de Saint-Méry est entendu; il attaque plusieurs articles du décret et demande l’ajournement de la discussion. M. Pellerin propose de remplacer les neuf articles du décret par un article unique, ainsi conçu : « Tous les prisonniers détenus dans des prisons illégales sont autorisés à se pourvoir devant les juges ordinaires, par simple requête, qui sera communiquée aux parents chargés de donner avis dans quinze jours, faute de quoi les prisonniers seront élargis. » On demande la clôture de la discussion sur l’ensemble. La clôture est prononcée. La discussion sur chaque article séparément est ajournée à mardi prochain, à la séance du soir. La séance est levée à onze heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ DE MONTESQUIOU. Séance du dimanche 28 février 1790 (1). M. de Talleyrand, évêque d'Autun, ouvre la séance et annonce que le résultat du scrutin pour l’élection du Président a donné le résultat suivant : Sur 700 votants, M. l’abbé de Montesquiou a obtenu 357 suffrages; M. le baron de Menou 317; 26 voix ont été perdues. En conséquence, M. l’abbé de Montesquiou est proclamé président. M. de Talleyrand, évêque d'Autun , ex-président, dit : « Messieurs, « Vos bontés, toujours encourageantes, ont pu seules me soutenir à la place honorable où elles m’avaient appelé. Dans la crainte naturelle de ne les avoir pas suffisamment justifiées, je ne puis être consolé que par le sentiment des efforts que je n’ai cessé de faire. C’est un bonheur pour moi de voir votre choix se fixer de nouveau sur celui qui s’est présenté à votre souvenir avec tant de titres, et à qui le retour de vos suffrages garantit de nouveaux succès. » Le discours de M. de Talleyrand est vivement applaudi. M. l’abbé de Montesquiou, Président, prend le fauteuil et s’exprime en ces termes : « Messieurs, « Je ne saurais remonter à la place difficile que vous avez bien voulu me confier une seconde fois, sans me rappeler le besoin que j’ai toujours éprouvé de vos bontés ; je viens, Messieurs, les mettre à une seconde épreuve. « Puissé-je retrouver ces sentiments d’indulgence qui m’ont à la fois servi d’encouragement et de récompense! Vous le savez, on s’attache .par ses propres bienfaits comme par les faveurs que l’on reçoit; et si le souvenir de vos bontés peut vous engager à pardonner une partie de mes fautes, le zèle de la reconnaissance me donnera peut-être aussi quelque moyen d’en éviter. » L’Assemblée vote ensuite des remerciements à M. l’évêque d’Autun, pour sa présidence. M. Mompère de Champagny, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin. Le procès-verbal est adopté sans réclamation. M. le Président fait connaître le résultat du scrutin pour la nomination de trois secrétaires en remplacement de MM. Guillotin, le baron de Marguerittes et le marquis de La Goste. (1) Cette séanee est incomplète au Moniteur.