888 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 novembre 1190.) seront renouvelés de deux ans en deux ans. Ces juges seront choisis de la manière suivante et dans les départements divisés en trois grandes parties : la partie septentrionale, la partie méridionale et la partie du centre. Il sera dressé un tableau sur lequel on inscrira d’abord deux tribunaux des départements méridionaux, deux des départements septentrionaux, deux des départements du centre. On suivra la même marche d’inscription jusqu’à ce que tous les tribunaux du royaume soient inscrits sur ce tableau. Les trente premiers tribunaux inscrits députeront chacun un de leurs membres, élu au scrutin. Tous les tribunaux députeront ainsi, à leur tour, de deux ans en deux ans, de trente en trente. Ces trente juges réunis nommeront au scrutin leur président dans la première séance. J’établis ensuite les règles constitutionnelles de la cassation. Il y aura lieu à cassation quand on n’aura pas observé les formes ou qtmnd on aura jugé contre les lois constitutionnelles. Si les formes n’ont pas été observées, la procédure sera cassée; si l’on a jugé contre les lois, le jugement sera cassé et la procédure subsistera. Dans le cas où la procédure sera cassée, elle recommencera à l’acte qui aura été reconnu nul. Si la cassation est faite sur le fond , les parties choisiront un autre tribunal; et, dans le cas où le jugement serait confirmé, la demande en cassation ne pourrait plus être reçue. Si un jugement avait été cassé sans que la demande en cassation eût été formée, le jugement vaudra transaction entre les parties. Si la cassation est prononcée sur un chef, elle n’influera sur aucun autre chef. Les motifs de la cassation seront exprimés dans l’arrêt, qui ne pourra être rendu qu’à la majorité des trois quarts des voix, etc., etc., etc. Je n’ai que deux mots à dire sur la haute cour nationale, dont je trouve les éléments dans la formation du conseil nationalque je propose. On a dit que d’abord il fallait déterminer les délits et les peines. Ils ne peuvent être définis de la manière étroite dont on a paru le désirer. Cependant, il est clair que, dans les détails de la législature, il faut se rapprocher des définitions exactes le plus qu’il est possible. Le mot crime de lèse-nation est trop vague ; mais quand on dira : crime de trahison , de conspiration contre la Constitution , contre l’Etat, contre la personne du roi qui fait partie de l'Etat, ces définitions seront suffisantes, et le danger qu’on redoute s’évanouira. M. Chabroud fait lecture d’un projet de décret divisé en trois titres : 1° sur l’organisation du conseil national pour la conservation des lois; 2° sur les règles constitutionnelles de la cassation ; 3° sur les délits qui formeront la compétence de la haute cour nationale. (L’Assemblée ordonne l’impression du discours de M. Chabroud et du projet du décret qui le termine.) M. Rœderer. Pour mettre de l’ordre dans cette discussion, il faut la diviser en quatre parties* L’objet et la compétence du tribunal de cassation et de la haute cour nationale, l’organisation de l’un et de l’autre. Sans vouloir pressentir l’opinion de l'Assemblée sur les plans qui lui sont proposés, j’observe que la cassation ne doit servir qu’à faire rentrer les juges dans les formes salutaires qui seront prescrites par la loi; mais le mal jugé évident, la contrariété d’arrêts, s’ils pouvaient donner lieu à la cassation, feraient du tribunal de cassation un tribunal d’appel suprême : et l’on met ce tribunal entre les mains du ministre 1 M. de Cazalès. Je demande qu’on adopte la marche que propose le préopinant, avec ce seul changement : que l’on commencera d’abord par l’objet et la compétence du tribunal de cassation, et par sou organisation. M. Ulougins de Roquefort. Je demande qu’on discute d’abord ces trois questions : Dans quel nombre seront les juges qui composeront le tribunal? Par qui seront-ils nommés? Le ministre du roi sera-t-il président ou commissaire du tribunal? M. Prieur. Avant de passer à l’organisation de ce tribunal, il faut déterminer d’abord quelles en seront au juste les fonctions. Quant aux questions subséquentes, qui tendent à savoir par qui seront nommés ces membres, la Constitution a consacré le principe : nul autre que le peuple n’a le droit de les nommer. Le ministre du roi a-t-il droit de le présider? Cette question ne peut pas non plus être agitée; ce serait mettre tout le tribunal à la discrétion du pouvoir exécutif. Divers membres proposent de mettre aux voix l’ordre de discussion indiqué par M. Rœderer. Cette proposition est adoptée et il est décrété que la discussion sera suivie dans l’ordre de ces quatre questions : « 1° Quelles seront les fonctions du tribunal de cassation ? « 2° Quelle sera la formation de ce tribunal? « 3° Quelles seront les fonctions de la haute cour nationale? « 4° Quelle sera la composition de cette cour? (La suite de la discussion est renvoyée à demain.) (Voir p. 350.) M. le Président. Les comités réunis, diplomatique et des recherches, demandent à être entendus. Une députation des électeurs présumés du département de Paris demande à être admise à la barre et à présenter une pétition pour ne former qu’une assemblée générale de toutes les assemblées partielles. Je viens aussi de recevoir une lettre de M. le maire de Paris, par laquelle il m’annonce que la municipalité vient d’adjuger trois maisons nationales, l’une estimée 29,000 livres et vendue 31,000; l’autre estimée 28,400, et vendue 36,400; l’autre estimée 15,000 livres et vendue 17,000 livres. M. Fréteau, membre du comité diplomatique. Vous avez renvoyé à vos comités réunis, diplomatique et des rapports, plusieurs lettres des départements de la Meurthe et de la Meuse. Il en a été joint d’autres écrites à d’autres députés par le directoire dn département des Ardennes. Leur objet est de recourir à votre comité pour maintenir la paix dans les départements, dans le cas où elle pourrait être troublée. Les départements de la Meurthe et de la Meuse, provoqués par une lettre de M. de Bouille, ont suspendu la sortie hors du royaume des fourrages et avoines. La municipalité rappelle des lois non révoquées, relatives à l’extraction prohibée des pailles sans permission expresse du roi. Plusieurs municipalités des Trois-Evêchés et des Ardennes ont aussi projeté d’arrêter cette exportation. D’autres lettres nous apprennent que, sous prétexte d’exporter de la paille, on transportait des épis pleins ; cela a rendu les municipalités fort attentives au message de M. de Bouillé. Il avait écrit aux départe- 339 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 novembre 1790.) mente une lettre conçue à peu près en ces termes : * Je suis informé qu’il se fait des exportations de fourrages sur les pays voisins. Comme la France peut se trouver forcée d’en rassembler sur ses frontières, cette démarche mérite beaucoup d’attention. J’ai bien ordre d’employer la force pour arrêter celle des blés, mais non pas celle des fourrages. C’est à vous à examiner si vous ne devez pas en référer, à ce sujet, à l’Assemblée nationale. Si le mal vous paraissait pressant, je prendrais, sur votre réquisition, les mesures nécessaires. » Les directoires de département ont en conséquence écrit à l’Assemblée nationale, et en attendant ils ont arrêté d’étendre la prohibition de l’exportation aux fourrages et avoines. Vos comités ont pensé que c’était le cas de confirmer provisoirement leurs mesures. On fait valoir l’intérêt des vendeurs, qui se lie avec celui des départements. On dit que ces ventes procuraient la facilité de payer les impôts et favorisaient l'agriculture. On dit que le Corps législatif doit envisager surtout l’exécution des traités dont l’effet va se trouver annulé. L’attente d’une nation voisine va être trompée, et on va inquiéter sans objet le peuple des frontières. Tels sont les motifs que l’on oppose aux décisions provisoires des départements. Voici ceux par lesquels on les combat. Il est nécessaire de soutenir le zèle des corps administratifs sur les frontières. Vous vous rappelez les sages mesures qu’ils ont prises na-guères pour arrêter l’exportation des blés. Les règlements sont invoqués et ils ne sont pas encore abrogés. On regarde comme partie de la force militaire les denrées nécessaires pour les grands rassemblements de troupes. La démarche des départements a été provoquée par la lettre de M. de Bouillé. Si tel était le devoir du commandant, il était aussi du devoir des départements de correspondre à son zèle. Ils n’auraient as été provoqués qu’ils auraient dû le faire. ous vous rappelez que lorsque M. de Bouillé, obéissant aux ordres du roi, requit les municipalités de laisser passer les troupes autrichiennes, tous les corps tirent entendre un cri d’mdigna-tion : le pays n’était pas en état de défense; les canons n’étaient pus sur les remparts ; les arsenaux pouvaient être surpris. L’Assemblée applaudit à leurs mesures et les confirma. 11 est de notre devoir de le dire, M. de Bouillé prévoit la possibilité d’un armement nécessaire et d’un rassemblement de troupes sur les frontières. Il y a trois mois, le ministre de la guerre a écrit à l’Assemblée pour la prier d’engager les municipalités à ne pas s’opposer au passage des troupes de ligne sur les frontières ; et, pendant deux mois, nous n’avons pu savoir que le nom d’un seul régiment qui avait quitté la ci-devant province de Normandie pour se rendre dans la ci-devant province d’Alsace. Le ministre qui, il y a trois mois, nous demandait un rassemblement de troupes, vient de nous faire part qu’il n’y a dans le royaume que cent vingt-trois mille hommes effectifs. Nous sommes bien loin de regretter ces temps trop célèbres où nous avons payé si cher la gloire des lauriers cueillis pendant quelques campagnes; où l’orgueil et la flatterie qui environnaient le trône de Louis XIV lui avaient fait mettre sur pied trois ceut quatre-vingt mille hommes de terre et quatre-vingt-dix-sept mille hommes de mer : mais aujourd’hui, au lieu de places fortes, vous n’avez plus que des brèches et des murs qui s’écroulent en mille endroits. Songez que depuis la paix de 1783 il en a coûté 15 millions par an pour le département de la guerre, et qu’aujourd’hui ce n’est pas le ministre de la guerre, mais un homme qui achève sa première tournée, qui vous avertit du désordre qu’il aperçoit. Vos grains nourriront les chevaux étrangers, et vous achèterez vos fourrages le double de ce que vous les aurez vendus. Eu 1787, sous le prétexte d’un rassemblement de troupes destinées à donuer à la France un maintien respectable, on fit une dépense de 35 millions, les uns disent 40 et même 50, uniquement pour nourrir des cavaliers qui n’étaient pas daDS le lieu du rassemblement, et qui ne s’v sont jamais rendus. Si les craintes de M. de Bouillé se réalisaient, après avoir vendu votre fourrage 8 sous, vous ie rachèteriez 18 et 20. Voilà ce que vos comités vous dénoncent ; et voyez si c’est avec quelque justice qu’ils ont manifesté le désir de voir le gouvernement confié à des mains plus expertes et plus sûres ! (On applaudit.) Nous nous étions flattés que les colonnes autrichiennes avaient reçu ordre de s’arrêter ; mais un billet de M. de Montmorin vient de faire évanouir cet espoir : il est ainsi conçu : « Je n’ai aucune notion que les colonnes des troupes autrichiennes aient reçu ordre de s’arrêter. Tout ce que je sais, c’est que l’empereur vient de faire publier un manifeste par lequel il n’accorde que trois semaines aux provinces belges pour rentrer sous sa domination. Ce manifeste a été fait d’accord avec l’Allemagne, la Hollande et la Prusse. Les Belges ont demandé la médiation de la France ; cette proposition a été fortement repoussée par les trois puissances. La soumission des Belges devient indubitable. Les circonstances n’exigent-elles pas que vous ayez sur les frontières un corps de troupes respectable, ne fût-ce que pour en imposer? » Il a été impossible de détacher ces considérations du rapport que j’ai été chargé de vous faire. Je vous prie de les peser avecgrande attention. Les comités réunis des rapports et diplomatique vous proposent de décréter: 1° que l’Assemblée nationale approuve les mesures prises par les départements de la Meurthe et de la Meuse ; 2° qu’elle fait défense d’exporter à l’étranger aucun fourrage ou avoine, ou autres denrees de même nature; 3° que le roi sera supplié de donner des ordres nécessaires à cet effet, etquele président se retirera dans le jour parde-vers le roi pour le prier de donner sa sanction au présent décret. Il est impossible de rien ajouter au dédain avec lequel les Français sont traités dans les cours étrangères. Nos ennemis font tous leurs efforts pour dépriser ie succès et les motifs de notre Révolution. Leux qui ont quelque correspondance, soit à Naples, soit à Madrid, doivent être parfaitement instruits de ces intrigues. M. Volfius. Il faut rappeler les ambassadeurs. M. de Mirabeau. Je n’ai pas demandé la parole pour inlirmer le décret qui vous est présenté. Il nous a paru qu’il était sage de déférer aux inquiétudes et aux demandes des départements; mais je n’entends pas comment ces inquiétudes ont pu nous conduire au tableau de la situation politique de l’Europe. Ce que j’ai voulu dire, c’est que le comité diplomatique, en adoptant le décret, était loin d’adopter le rapport. Nous n’avons aucune inquiétude, bieu qu’il ne soit pas inutile de prendre