668 [Convention nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \ rî fl1maii;e a“ “ î 5 décembre 1793 raissait indispensable d’en ménager quelques-uns pour combattre avantageusement les autres; et pouvoir successivement y substi¬ tuer les vérités dont l’ensemble ne devait pas manquer de les étouffer tous. « On blesserait grièvement des yeux faibles, longtemps retenus dans une obscurité pro¬ fonde en les exposant tout à coup à la face resplendissante du soleil; tandis qu’une douce lumière, peu à peu introduite, sait les accou¬ tumer à supporter sans danger la brillante clarté d’un beau jour. « J’ai dû ménager également les organes affai¬ blis d’un peuple enveloppé depuis tant de siè¬ cles des plus épaisses ténèbres; le préparer de loin à soutenir l’éclat du rayon étincelant que, pour illuminer à jamais, frères, votre société renommée a fait jaillir sur lui du sommet de la Sainte Montagne. « Qu’à la lueur bienfaisante de cet inextin¬ guible flambeau, il puisse toujours discerner la vérité du mensonge, écarter tous les noirs prestiges dont l’imposture et l’ignorance ten¬ teraient encore de l’entourer et marcher d’un pas ferme dans la route du bonheur que vous lui avez ouverte, appuyé sur les vertus solides que vous saurez lui faire connaître. « Nantes, le 27 brumaire, l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible, « Minée. » Discours 'prononcé par Minée, président du département, à la fête civique célébrée en V hon¬ neur des martyrs de la liberté, le jour de la-3e décade de brumaire Van II de la Répu¬ blique française, une et indivisible (1). Républicains, Lorsqu’en 1789 nous jurâmes, pour la pre¬ mière fois, d’être libres, peu d’entre nous se doutaient où devait les conduire un tel engage¬ ment. On se sentait de toutes parts dans une position insupportable, on se retournait pour être mieux. Un mouvement général d’impa¬ tience commença la Révolution, et non cet élan magnanime d’âmes fières que le noble senti¬ ment de leur dignité soulève irrévocablement contre toute honteuse dépendance. Peu impor¬ tait à la presque totalité des Français le véri¬ table affranchissement de la patrie, et chacun ne tendait qu’à obtenir gratuitement, dans le nouvel ordre des choses, une situation plus commode. La Constitution de 1791 l’offrait très avan-geuse en effet aux riches, aux intrigants, à cette multitude d’êtres nuis, avides d’une domina¬ tion quelconque qui puisse les ériger en petits personnages. Us s’en saisirent avec empresse¬ ment, la vantèrent comme un chef-d’œuvre de sagesse, au peuple novice encore dans l’exer¬ cice de ses facultés intellectuelles, et se l’asser¬ virent légalement, en lui faisant embrasser le fantôme de liberté qu’elle lui présentait. Il ne devait pas tarder cependant à rompre ses nou¬ velles chaînes. Ses droits avaient été solennel¬ lement proclamés; do courageux amis s’appli¬ quaient infatigablement à lui en faire connaître (1) Archives nationales, carton G 284, dossier 822, l’étendue; ils n’avaient pas de peine à lui démontrer que la plupart des lois pour lesquelles on venait exciter son enthousiasme en étaient une violation manifeste; qu’un despotisme mitigé, mais consenti, qu’une aristocratie légale étaient infiniment plus dangereux que toutes les tyrannies anciennes appuyées uniquement sur de vieux préjugés, déjà très ébranlés par les puissants efforts de la philosophie. Le plus ardent, le plus intrépide de ces amis du peuple est celui que la Convention nationale, dérogeant à la loi sévère qu’elle s’était imposée, vient de proclamer grand homme, en lui décer¬ nant les honneurs de l’apothéose. Marat avait mérité cette distinction insigne, par l’iné¬ branlable constance, le courage indomptable avec lesquels il consuma sa vie à défendre la belle cause qu’il avait embrassée. Je ne vous retracerai point, frères, tous les travaux entrepris, les dangers affrontés pour les faire triompher de tant d’obstacles qu’oppo¬ saient à son zèle une multitude immense d’en¬ nemis cachés ou découverts : je dois m’occuper de la fête dont votre juste gratitude l’a fait le principal objet. Vous lui deviez cette réparation éclatante de tout ce que, spécialement en cette cité égarée, il reçut de sanglants outrages ; vous deviez venger son nom que la perfidie ou l’erreur vouèrent longtemps à l’opprobre, en le consa¬ crant solennellement à l’immortalité. Eh ! combien vous vous honorez, ô généreux sans -culottes, en vous ralliant à ce nom à jamais célèbre, comme à celui d’un fondateur, d’un chef, d’un patron vénérable. Vous lui en allierez cependant un autre, qui vous doit être bien précieux encore, puisqu’il vous retrace en grands caractères la sentence immuable prononcée contre les tyrans. Destructeur hardi des trônes, et l’un des principaux auteurs d’une constitution vrai¬ ment conforme aux droits de l’homme, Lepele-tier a mérité de partager avec Marat l’amour et le respect des républicains de tous les siècles, tous deux victimes de leur dévouement aux intérêts du peuple, leur mémoire lui doit être religieusement transmise d’âge en âge : il trouvera ainsi du moins, dans ces glorieux martyrs de la sainte liberté, des objets dignes enfin de ses profonds hommages. Trop longtemps il les prostitua à des vision¬ naires enthousiastes, à d’inutiles contempla¬ tifs, à des électeurs fanatiques; trop long¬ temps il divinisa la persécution, la fainéantise et l’ignorance. Le temps est arrivé où il ne saura plus honorer que les talents rehaussés par des vertus. La vérité, dévoilée par la philosophie, va rem¬ placer à ses yeux tant de pompeuses chimères, de rêveries mystiques, d’illusions vaines ou dan¬ gereuses qui les avaient fascinés. D’agréables solennités, juste délassement de ses travaux habituels, vont succéder à des fêtes lugubres et monotones. Des hymnes à la Patrie, à la gloire, à l’auguste liberté ranimeront, par leur vive et pénétrante mélodie, son cœur, qu’en¬ gourdissait le ton soporitif de ses cantiques langoureux ou ampoulés, et toujours bizarre¬ ment énigmatiques. Le doux langage .de la nature succédera dans sa bouche à ce jargon rebutant, que la rouille de l’ignorance monacale, a rendu rude et sauvage, et qu’un despote ultramontain le forçait de parler, sans l’enten¬ dre. L’intéressant éloge des libérateurs, des [Convention nationale.] soutiens de la République, des bienfaiteurs de Phumanité élèvera son âme, rabaissée jus¬ qu’ici près d’une foule de minutieux objets, rapetissés encore par les déclamations ridicules de leurs prôneurs emphatiques. Le spectacle enfin des arts utiles, honorés, des belles actions de tout genre couronnées, excitera en lui une noble émulation de perfectionner les uns et de mériter la glorieuse récompense des autres. C’est à vous, sages législateurs, que le peuple français est redevable de tant d’avantages, après avoir aplani toutes les inégalités qui lui fermaient la route du bonheur; vos mains hardies ont élevé, des débris entassés des sceptres, des écussons, des crosses, des diplômes, des cordons, des titres, de tous les fastueux entourages du despotisme et des aristocrates quelconques, cette montagne célèbre du sommet de laquelle vous avez fait pleuvoir sur lui une rosée vivifiante qui, le purgeant de toutes ses idées superstitieuses, de ses habitudes gothiques, de ses absurdes préjugés, qui, le régénérant en un mot, l’a rendu capable d’atteindre au comble de la gloire et de la prospérité. En mémoire d’un si grand service, jamais nos regards ne manqueront de se tourner respec¬ tueusement vers cette âme sacrée, et nos cœurs d’exprimer pour vous un sentiment tendre de reconnaissance, toutes les fois que, rassemblés dans ces fêtes patriotiques, dont l’institution n’est pas un de vos moindres bienfaits, nous célébrerons le culte immortel de la raison et de la liberté. Minée, président de V Administration du département. Le citoyen Bollet, représentant du peuple dans la 2e division militaire, écrit de Soissons le 10 fri¬ maire que tous les chevaux qu’il a levés sont bons et propres au service auquel ils sont des¬ tinés; que tous sont dans le meilleur état et de la meilleure tenue; il regrette que ceux de ces chevaux qui sont destinés aux charrois militaires soient confiés à l’Administration des charrois, qui les laisse tous périr de la morve ou d’inani¬ tion, qui ne les fait point panser ni traiter. H annonce qu’en exécution du décret du 27 bru¬ maire il va se rendre à l’armée du Nord, pour surveiller l’encadrement des hommes et des che¬ vaux dans les différents corps de cette armée. Il envoie la décoration militaire du citoyen Mer-lier, officier vétéran, colonel de la garde natio¬ nale de Cateau-Cambrésis, réfugié à Soissons, depuis que l’ennemi s’est emparé de son habita¬ tion, il recommande ce vieil officier, pour qu’il soit employé. Renvoyé au ministre de la guerre (1). Les représentants du peuple Laignelot et Le-quinio écrivent de Rochefort, le 8 frimaire, que le tribunal révolutionnaire établi dans cette com¬ mune, vient de livrer au glaive de la loi 10 offi¬ ciers du vaisseau V Apollon, venus à Rochefort pour préparer aux Anglais l’entrée de ce port. 2 autres officiers sont condamnés à la déporta-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 385. 660 tion, et 8 à six mois de détention; il est prouvé par la procédure, qu’à Toulon les équipages brû¬ laient de se battre et que les états-majors et les officiers ont employé tous le3 genres de séduction et de perfidie pour rendre inutiles le courage et le civisme de nos braves matelots. Un instant avant l’exécution, la plupart des coupables s’exaspéraient contré le tribunal. « Vous avez tort, leur dit Crassous, frère d’un député et commandant en second du vaisseau V Apollon, nous méritons ce jugement, et vous devez vous rappeler que je vous ai prédit à Tou¬ lon que noire conduite ne pouvait nous mener qu’à l’échafaud. » Insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre des représentants du peuple dans le département de la Charente-Inférieure (2), Lequinio et Laignelot, représentants, à la Convention nationale. « Rochefort, le 8 frimaire de l’an II. « Citoyens nos collègues, « Enfin la-justice du peuple vient de frap¬ per les scélérats qui s’étaient rendus ici sur le vaisseau Y Apollon pour préparer l’entrée du port aux Anglais et le leur livrer comme ils avaient contribué à leur livrer Toulon. Le tri¬ bunal révolutionnaire vient de condammer à mort dix officiers de ce vaisseau, et le Vengeur du peuple en a délivré la République; tous les marins, tous les ouvriers du port et quelques officiers sont allés les prendre et les ont escortés d’une double haie jusqu’au lieu de l’expiation; l’air a retenti des cris de Vive la République! à la chute de chaque tête, et des chants patrio¬ tiques et des Vive le tribunal ont rendu un juste hommage aux membres qui le composent ; nous saisissons cette occasion pour en rendre un très authentique à Hugues, l’accusateur public, excellent jacobin dont le civisme, les talents et l’activité se trouvent au degré le plus désirable; nous la saisissons encore pour rendre justice à l’un de nos collègues qui se trouve en ce moment au milieu de vous, c’est Crassous, député de... Nous l’avons beaucoup vu à La Rochelle où. il présidait la Société populaire, et où il réunit le suffrage de tous les patriotes, nous nous croyons assez certains de son civisme pour ne pas douter qu’il eût lui-même, s’il avait été juge, voté la mort de son frère, comman¬ dant en second du vaisseau V Apollon, et qui vient de tomber sous la hache de la loi. « Il est prouvé, par la procédure, qu’à Toulon tous les équipages brûlaient de se battre, et que (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 385. (2) Bulletin de la Convention du 5e jour de la 2e décade du 3e mois de l’an II (jeudi 5 décembre 1793). Archives nationales, carton G 283, dossier 799. Moniteur universel [n° 76 du 16 frimaire an II (vendredi 6 décembre 1793), p. 309, col. 2]. Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 32. Mercure universel [16 frimaire an II (vendredi 6 décembre 1793), p. 250, col. 2]. ARCHIVES PARLEMENTAIRES, f � j�maire ( 5 décembre 1/93