398 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 octobre 1789.) Un membre propose de décréter sur-le-champ la j loi de la librairie. la motion suivante sur les biens ecclésiastiques : M. le comte de Mirabeau (1). Je demande que l’Assemblée reçoive la dénonciation formelle que je fais dans ce moment. Il est de notoriété publique qu’un ministre , et ce ministre est M. de Saint-Priest, a dit à la phalange des femmes qui demandaient du pain : «Quand vous n’aviez qu’un Roi, vous ne manquiez pas de pain ; à présent que vous en avez douze cents, allez vous adresser à eux. » Je demande que le comité des rapports soit chargé d’informer sur ce fait (2). M. de Custine. L’Assemblée nationale doit veiller à la sûreté de tous les citoyens ; c’est par les attroupements qu’elle est le plus compromise. Je propose de rendre une loi martiale , pour les éviter. Je demande l’ajournement de ma motion à lundi, parce que je reconnais la nécessité de suivre l’ordre du jour. Je m’étonne qu’on attache aux libelles la plus légère importance ; la calomnie retombe sur celui qui la fait, l’honnête homme ne la craint jamais. M. Malouet. Je demande si l’Assemblée veut ou ne veut pas délibérer ? Si elle est indifférente à la sûreté de ses membres, chacun prendra le parti qu’il jugera convenable. M. de Montlosier. Nous sommes appelés librement à faire une Constitution libre pour assurer notre liberté. La liberté paraît un bien si précieux, qu’il y a un certain ordre de personnes qui, loin de vouloir conserver leur liberté, veulent encore jouir de celle d'autrui. Il y parmi nous des membres dont la liberté est en danger, et je demande pourquoi l’on craindrait de les mettre sous la sauvegarde d’un décret de l’Assemblée nationale; pourquoi l’on ne voudrait pas pourvoir à la sûreté de leurs personnes. Je demande enfin si l’on ne veut pas prévoir tous les accidents funestes. M. Pétion de 'Villeneuve. L’ajournement est indispensable : des lois sur les libelles et sur les attroupements exigent un examen très-sérieux. Je ne sais pas comment on demande à délibérer sur-le-champ. La délibération sur les faits dénoncés est ajournée à ce soir. M. le Président désigne pour former la députation chargée de présenter à la sanction du Roi les articles de jurisprudence criminelle : MM. Le marquis d’Estourmel. Le duc de la Rochefoucauld. Couppé. Deere tôt. L’abbé d’Eymar. Laurendeau. M . de Talleyrand MM. Bertrand de Monlfort. Le comte de Lambertye. De Talleyrand, évêque a Au-tun. Bailleul. Poulain de Gorbion. évêque d’Autun , fait (1) La version que nous donnons diffère de celle du Moniteur : nous l’empruntons aux œuvres de Mirabeau, publiées par Barthe en 1820. (2) Voy. la réponse de M. de Saint-Priest annexée à la séance de ce jour. Messieurs (1), l’Etat depuis longtemps est aux prises avec les plus grands besoins : nui d’entre nous ne l’ignore ; il faut donc de grands moyens pour y subvenir. Les moyens ordinaires sont épuisés ; le peuple est pressuré de toutes parts ; la plus légère charge lui serait, à juste titre, insupportable. Il ne faut pas même y songer. Des ressources extraordinaires viennent d’étre tentées, mais elles sont principalement destinées aux besoins extraordinaires de cette année, et il en faut pour l’avenir , il en faut pour l’entier rétablissement de l’ordre. 11 en est une immense et décisive, et qui, dans mon opinion (car autrement je la repousserais) peut s’allier avec un respect sévère pour les propriétés : cette ressource me paraît être tout entière dans les biens ecclésiastiques. Le clergé a donné, dans plusieurs occasions, et dans cette Assemblée, des preuves trop mémorables de son dévouement au bien public, pour ne pas penser qu’il accordera, avec courage , son assentiment aux sacrifices que les besoins extrêmes de l’Etat sollicitent de son patriotisme. Déjà une grande opération sur les biens du clergé semble inévitable pour rétablir convenablement le sort de ceux que l’abandon des dîmes a entièrement dépouillés. Déjà , par cette seule raison , les membres du clergé qui jouissent du revenu de ses biens-fonds, ont prévu sans doute la nécessité prochaine d’un mouvement considérable dans ces biens; et tandis que ceux qui jouissent des dîmes ne sont peut-être pas sans inquiétude sur le remplacement dont ils ont besoin, l’on ne peut douter que ce sera pour tous une puissante considération de voir que cette même révolution puisse satisfaire à leurs droits communs , et opérer directement encore le salut public. Il ne s’agit pas ici d’une contribution aux charges de l’Etat , proportionnelle à celle des autres biens : cela n'a jamais pu paraître un sacrifice. Il est question d’une opéraiion d’une tout autre importance pour la nation. J’entre en matière. Je ne crois nullement nécessaire de discuter longuement là question des propriétés ecclésiastiques. Ce qui me parait sûr, c'est que le clergé n’est pas propriétaire à l’instar des autres propriétaires , puisque les biens dont il jouit et dont il ne peut disposer ont été donnés , non pour l’intérêt des personnes, mais pour le service des fonctions. Ce qu’il y a de sûr, c’est que la nation, jouissant d’un empire très-étendu sur tous les corps qui existent dans son sein, si elle n’est point en droit de détruire le corps entier du clergé, parce que ce corps est essentiellement nécessaire au culte de la religion, elle peut certainement détruire des agrégations particulières de Ce corps, si elle les juge nuisibles, ou simplement inutiles, et que ce droit sur leur existence entraîne nécessairement un droit très-étendu sur la disposition de leurs biens. Ce qui est non moins sûr , c’est que la nation, par cela même qu’elle est protectrice des volontés des fondateurs, peut, et même doit suppri-(1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire de la motion de M. de Talleyrand.