754 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bail, de Clermont en Beauvoisis.] constances, et les circonstances actuelles semblent devoir lui donner une modification. Les têtes sont exaltées ; les vrais principes de gouvernement sont peu répandus : on doit craindre que dans ce moment d’effervescence, les esprits les plus exagérés ne soient choisis de préférence pour députés ; que lespropositionsles plushardies, les plus dangereuses, ne soient présentées. Il ne semble pas sage d’exposer l’espoir d’une bonne et convenable constitution, dont nous avons droit de nous flatter, à la vraisemblance que la pluralité des suffrages, entraînée ou par la force de l’éloquence, ou par l’amour peu raisonné des novations, adopterait de préférence des propositions qui la rendraient impossible. D’un autre côté, Tordre du tiers ayant un principe d’indisposition contre les deux autres ordres qu’il suppose se refuser à contribuer, à proportion égale, aux charges de l’Etat, et ces deux ordres étant cependant déterminés à renoncer à toutes exemptions pécuniaires, il est important de le convaincre que cette méfiance est sans fondement. Les deux conditions sont remplies par la délibération prise par la noblesse, de prescrire à son député de donner son vœu pour que les opinions se recueillent par ordre en toute matière, avec la simple restriction dû le charger de solliciter l’opinion en matière d’impôt seulement, par tête, dans le seul cas où rùn d,es deux premiers ordres opposerait son veto àjq répartition des charges de l’Etat, proportionnée aux facultés d’un chacun. , On doit espérer qu,’à la tenue suivante des Etats généraux, les esprits seront assez refroidis, les préventions assez dissipées, l’intérêt de l’Etat assez reconnu, l’intérêt des différents ordres assez solidement établis, pour qu’alors la raison puisse rentrer dans tous ses droits, et l’opinion par tête prévaloir. On croit cet avis sage, conciliant, le plus propre à la circonstance; mais peut-être ne prévaudra-t-il pas aux Etats généraux : alors le député doit, ainsi qu'il lui a été prescrit, protester, mais rester ; car il faut absolument les Etats généraux; et si le bien qu’on avait droit d’en attendre est rendu moins grand, par la délibération qu’on aura prise à ce sujet, ils en produiront toujours beaucoup, et le temps, en ramenant le calme et la raison, réalisera dans les tenues prochaines l’espoir que nous avions droit de concevoir pour celle-ci. Presque tous les articles présentés dans ces instructions doivent être traités dans la séance prochaine des Etats généraux. Ils tiennent tous à la Constitution nécessaire à établir, mais peut-être cette assemblée nationale agirait-elle avec sagesse, si, après avoir demandé et obtenu le retour des Etats généraux, après la révolution de deux ou trois années,' après avoir assuré la dette et voté tous les impôts nécessaires jusqu’à cette époc; o, après avoir obtenu l’abolition des lettres de cachet et la liberté de la presse, et avoir établi, par forme d’essai, des Etats provinciaux, elle chargeait, en séparant tous ses membres dispersés, de soumettre à la discussion de leur province les questions importantes de tous les détails relatifs à la constitution, à la réformation des lois, au meilleur mode des impositions à établir, etc., etc., et. de rapporter à la première convocation les divers sentiments que leurs concitoyens les auraient chargés de remettre aux Etats généraux : alors cette assemblée pourrait se flatter de prendre des délibérai ions sages, réfléchies et essentiellement utiles à la nation, Le temps, l’expéripnce de la première assemblée nationale, des connaissances plqs approCQndi� atiraieht hPporté iduq d� calme ï et de raison dans les esprits ; cette fermentation, cette agitation, qui ressemblent aujourd’hui au trouble, et qui ne sont que l’effet naturel et du peu d’habitude que nous avons de nous occuper de grands intérêts, et du peu de réflexion que nous avons pu y donner encore, et de la gêne dans laquelle ont été tenues, jusqu’à ce moment, toutes nos pensées en matière de gouvernement, seraient calmées ; et le même amour du bien, qui, aujourd’hui, sans marche assurée, peut donner l’inquiétude de résultats dangereux, marcherait alors vers son objet sans incertitude, et assurerait inviolablement les droits, la liberté, le bonheur de la nation et de son Roi. Articles obligatoires résultant des cahiers, pouvoirs et instructions de la noblesse du bailliage de Clermont en Beauvoisis : Périodicité des Etats généraux. Responsabilité des ministres. Abolition des lettres de cachet. Inviolabilité de la personne des députés. Durée des impôts bornée à l’intervalle des tenues des Etats généraux, et crime de concussion pour ceux qui en prolongeraient la levée. Opinion par ordre. CAHIER De Rassemblée dy tiers-état dit bailliage de Clermont en Beauvoisis, pour les Etats générciuoç qui seront assemblés à Versailles le. 27 avril 1789(1). L’ordre du tiers-état du bailliage de Clermont, sensiblement pénétré des bontés paternelles de son souverain, a l’honnêur de lui représenter très-respectueusement, et par ses députés aux Etats généraux, qu’il désire qu’avant de procéder à aucunes opérations, H soit rendu une loi par laquelle les membres des Etats généraux soient reconnus et déclarés personnes inviolables et que dans aucun cas ils ne puissent répondre de ce qu’ils auront fait, proposé ou dit dans les Etats généraux, si ce n’est aux Etats généraux eux-mêmes. Que Sa Majesté accorde à l’ordre du tiers-état le droit d’opiner par tête et non par ordre, Les réformes sont si considérables, les abus si multipliés, qu’il est à craindre qu’en proposant à Sa Majesté de nous accorder $es Etats généraux, seulement tous les trois ans, le bien ne s’opère pas assez promptement. Les députés ne pourront consentir aucun impôt avant que nous hayons une constitution flxe et déterminée, et dans le cas où les besoins de l’Etat l’exigeraient impérieusement, ils ne pourront le consentir qqe ppiir un an seulement. Vraiment affligés des malheurs que les lettres de cachet ont occasionnés et qui sont presque toujours surprises à la religion et à la bonté du Roi, nous lqi en demandons l’abolition sans restriction, et que s’il est d’une bonne police de s’assurer de quelque individu, il soit remis dans les vingt-quatre heures à ses juges naturels. ' La liberté de la presse, étant le moyen le plus certain d’augmenter nos connaissances, nous la demandons, en obligeant les auteurs à signer (1) Ce cahier est extrait des Archives de fOise : il nous a été communiqué avec une grande obligeance par ;M. Desjardins, archiviste en chef du département. [États gén. 1789. Cahiers.] leurs productions, ce qui empêchera les abus que cette liberté pourrait occasionner. Le souverain ayant fait connaître le désir qu’il avait de concerter avec les Etats généraux l’établissement d’Etats provinciaux dans tout le royaume, il est de l’intérêt de ce bailliage de participer à cet avantage, non point en s’astreignant à la formation du Dauphiné, mais en obtenant des assemblées subordonnées qui excluent l’arbitraire à craindre de la part d’un seul délégué ; l’éloignement de cette ville de Boissons, capitale de J a généralité, en rend encore l’établissement plus nécessaire. 11 est à désirer que la plus grande liberté soit laissée aux électeurs, et qu’il n’y ait aucun citoyen qui ne soit éligible dans son ordre dès qu'il” acquitterait une certaine quotité d’impositions. Du droit public du royaume, sagement réglé, découleront, comme de source, les lois civiles, criminelles et fiscales qui doivent assujettir nos personnes et nos propriétés ; eu égard au caractère de la nation, à ses richesses territoriales et mobilières, les différences choquantes des coutumes, la multiplicité des tribunaux, l’irrégularité de leurs ressorts, la vénalité des charges de judicature, le trop grand nombre des officiers subalternes, nécessitent une grande réforme. Sans doute, le travail dont s’occupent par ordre du roi des jurisconsultes instruits peut nous faire espérer un plan nouveau d’ordre judiciaire et un code civil et criminel, comme il est nécessaire qu’il soit le fruit de longues méditations et de l’expérience, nous ne nous permettrons que d’exprimer nos vœux sur une réforme aussi salutaire, en proposant néanmoins quelques réflexions. Le tiers se flatte aussi que les Etats généraux détermineront son admission dans les cours et dans les grades militaires. Nos lois civiles, débarrassées de toutes les formes minutieuses et inutiles, rendraient les décisions promptes, moins coûteuses et plus conformes à l’esprit de la loi. Il est bien important encore qu’aucun citoyen n’ait le privilège d’être jugé par un tribunal différent de celui des autres justiciabies, car c’est une faveur choquante pour tous que quelques individus partagent le droit de se choisir un juge. 11 n’est pas moins intéressant qu’il ne soit plus accordé de lettres d’Etat, sauvegarde, cession et autres entraves à l’exercice des droits des créanciers légitimes. Il est d'une nécessité indispensable que nos lois civiles, attentives à assurer la subsistance, forcent les propriétaires du droit de chasse à détruire le gibier, partout où il peut nuire à l’abondanee des récoltes. L’abrogation des règlements de 1778 est tellement urgente, que pour s’en convaincre il ne faut que jeter un coup d’œil sur les entraves qu’ils occasionnent; une procédure simple, dont l’instruction soit la plus aisée possible et dégagée des formalités de contrôle, papier timbré, épices et toutes autres impositions, mettrait les cultivateurs à portée de se faire rendre justice sur ce genre de vexation qui influe bien particulièrement sur l’aisaqçe de l’Etat en général. Le sort des cultivateurs en pays de capitaineries est bien déplorable; ces malheureux semblent ne travailler à faire fructifier la terre que pour la nourriture du gibier de toute espèce. Les établissements si coûteux au fisc anéantissent la plus belle portion du sol, en asservissant ceux qui le travaillent à des lois si dures et des vexations si multipliées, que le vœu général de la nation exige leur suppression. Le souverain ne [Bail, de Clermont en Beauvoisis.] 755 refusera point à son peuple la jouissance complète de ses propriétés dans toute l’étendue de son obéissance ; de cette suppression naîtront et la faculté de faire la récolte des prairies naturelles et artificielles dans le temps opportun et la liberté d’enlever le chaume avant qu’il ne soit pourri sur pied ; il servira alors utilement tant aux couvertures des habitations qu’aux engrais des terres. Il faudrait aussi qu’aucun seigneur ecclésiastique ou noble ne pût concéder son droit de chasse à autrui ; encore moins en donner la conservation. Le tiers insiste de la manière la plus forte sur cetteprohibition ainsi que sur la destruction des cerfs, biches et troupeaux de sangliers, qui viennent détruire en une nuit les récoltes et ravager les pommes de terre et généralement toutes les productions; plus particulièrement encore qu’il soit défendu à toutes personnes indistinctement de chasser les bêtes fauves, depuis le 1er mars jusqu’au 1er octobre, à cause des récoltes. Dans le nombre infini des offices que le besoin d’argent a fait créer, ceux de juré-priseur et de receveur des consignations sont les plus à charge , tant par les frais qu’ils occasionnent que parce que les deniers déposés sont retenus et absorbés par des oppositions facilement suscitées et renouvelées à dessein. Si ces sommes consignées l’étaient dans une caisse publique dirigée par une administration collective, le dépôt en serait plus sûr, les obstacles pour se le faire rendre seraient aplanis. Peut-être qu’un plan sagement réglé ne priverait point le débiteur ni le créancier des intérêts que cet argent produirait, sans que pour cela la partie prenante, légalement autorisée, fût retardée dans la palpation. Le tiers demande que les bailliages connaissent eu dernier ressort de toutes matières dont la valeur n’excédera pas 1,500 livres, pourvu que pour le jugement, les juges soient au nombre de cinq. L’établissement des haras étant maintenant reconnu contraire au moyen de faire des élèves de poulains, le tiers en demande la suppression avec instance. On demande aussi l’abolition du droit du tjers du parc au profit du seigneur. Les lois civiles, protectrices des propriétés, doivent l’être surtout contre les empiétements sur les biens communaux dont quelques hauts justiciers s’emparent du tiers et planteiit à leur profit une partie du surplus. ' � Pour réformer les différents abus de la féodalité, il est convenable que les censitaires pe soient tenus à aucunes charges personnelles ; mais que toutes celles qui sont utiles et appuyées de titres* soient remboursables. Le souverain, persuadé qu’aucun homme ne peut être le propriétaire d’un au'tni, a affranchi tous les mainmorlables de ses domaines; ce grand exemple n'a pas été généralement suivi. L’exercice de ce droit étant un crime contre l’humanité, qu’aucunepossessionnepeut autoriser, une nation libre ne peut regarder avec indifférence des serfs dans son sein. Quoiqu’il n’y en ait point dans ce bailliage, l'ordre du tiers y forme le vœu le plus ardent, pour que la loi ne reconnaisse plus un seul mainmortable dans le royaume. Notre Gode pénal est d’une dureté qui contraste avec les mœurs douces delà nation, il est convenable de diminuer les peines et que l’accusé ait dans tous les cas les moyens de défense les plus étendus, compatibles avec la sûreté publique, surtout un conseil à son choix, s’il en connaît, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 756 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Baill. de Clermont en Beauvoisis.] et dans le cas contraire, que le juge d’instruction le lui donne. La juridiction prévôtale est inutile. Elle a trop peu de ménagements pour le citoyen absent. C’est déjà beaucoup que la maréchaussée puisse arrêter un simple particulier : qu’à l’avenir elle ne puisse l’emprisonner qu’ après l’autorisation du juge criminel ordinaire. Nos lois criminelles, dures à l’égard du citoyen, sont trop favorables aux agents du fisc. Elles semblent vouloir les soustraire à la punition des délits et des crimes qu’ils commettent. Les impositions foncières et personnelles, les gabelles, traites, tabac, franc-fief, administrées par la régie générale, ferme générale, sont tellement compliquées qu’une personne qui les a étudiées pendant toute sa vie ne peut pas encore assurer de les connaître toutes; qu’il est malheureux que le contribuable ne connaisse pas par des lois simples et claires les droits qu’il a à payer, ce qui rend la suppression de tous ces droits absolument indispensable. Les droits d’aides sont d’autant plus vexatoi-res que les exacteurs de cet impôt sont intéressés d’en élever le produit, puisqu’ils profilent des amendes, saisies et augmentation de produit, et que leur affirmation, à laquelle la loi ajoute foi, n’est souvent que pour favoriser leur fortune et leur avancement ; qu’opposer à la rapacité de gens nommés par des fermiers dont les principes de dureté sont connus, le choix ne pouvant toujours être bien délicat, ces hommes dont on ne fait pas ordinairement d’information de vie et mœurs sont nécessairement dévoués à une trop grande obéissance pour croire qu’ils n’écoutent que la justice ? Le tableau d’autant de vexations ne permet pas de douter que le souverain n’anéantisse un fléau qui frappe davantage sur les habitants de la campagne et les contribuables. Comme ces suppressions doivent être remplacées par une imposition quelconque, nous demandons qu’elle soit unique et désignée sous le nom de subvention générale, qui sera répartie sur les terres, le commerce, l’industrie, et même sur les fortunes occultes, c’est-à-dire celles des portefeuilles qui ne pourront être consolidées, même exigibles, qu’autant que les porteurs auront fait enregistrer leurs effets dans le contrôle, ce qui se fera gratis , et ensuite la répartition d’une manière proportionnée. La suppression de tous les privilèges exclusifs. L’impôt représentatif de la corvée est l’une des charges qui pèsent, actuellement, presque en totalité, sur les biens-fonds. Le tiers-état du bailliage désire qu’en établissant des barrières sur les grandes routes, la dépense nécessaire à leur en-tretien.soit acquittée par ceux qui en occasionnent les dégradations et en retirent des avantages. En suivant le principe qu’il n’y ait plus aucun privilège il est nécessaire qu’aux entrées des villes l’on ne distingue plus les denrées de cru avec celles d’achat, et que le tarif soit uniforme. La résidence des bénéficiers dans leurs bénéfices. La prohibition de la pluralité des bénéfices. L’extinction des bénéfices simples dont les titres constitutifs ne seront point rapportés, et l’aliénation au profit de l’Etat des biens desdits bénéfices, vacances arrivantes. La suppression des bénéfices insuffisants pour la subsistance d’un ecclésiastique, des dîmes ecclésiastiques, de tous les droits en cour de Rome, des abbés commendataires, pour subvenir à l’établissement et entretien des églises, chœurs, cancels, clochers et presbytères des paroisses, établissement de bureaux de charité, nourriture, entretien, éducation des enfants abandonnés à la charité publique, et à l’instruction de la jeunesse. Le remboursement des dîmes inféodées d’après un taux modéré et que les Etats généraux agréeront. Seront suppliés de déterminer d’après le consentement du souverain : Que les baux des biens ecclésiastiques soient faits par adjudication et pour douze ans, sans qu’ils puissent être résolus par le décès ou la démission des bénéficiers. La portion congrue des curés étant un objet important d’administration, nous supplions Sa Majesté de fixer à 3,000 livres ces portions congrues pour les curés des villes composées de deux mille habitants ; de 2,000 livres pour les curés des bourgs et villages composés de mille habitants, et 1,500 livres pour les curés des villages au-dessous de mille habitants. Que les portions congrues des vicaires, dans quelque endroit qu’ils exercent leurs fonctions, soient fixées à 1,000 livres ; et que tout ce qui est du ministère des curés et vicaires se fasse gratuitement. L’arrondissement des bailliages pour, cependant, les parties être jugées d’après leurs lois municipales. La suppression de la vénalité des charges de judicature ; que les officiers municipaux soient désormais au choix de la commune, et que l’exercice de la police leur soit attribué. La supression des péages, pontonages et des banalités, moutures sèches, à moins que ceux qui jouissent de ces derniers droits si révoltants pour les peuples ne justifient qu’ils leur appartiennent par les titres constitutifs et qu’ils s’acquittent encore actuellement des charges que leurs auteurs se sont imposées pour obtenir cet asservissement. La milice est un tribut forcé désigné par le sort, qui prive souvent une famille du sujet qui en est le soutien. Nous demandons qu’eïie soit supprimée, à moins qu’on ne préfère, [en la laissant subsister, si les besoins de l’Etat l’exigent, de laisser le soin aux paroisses indistinctement, puisque toutes doivent y contribuer, d’en faire le tirage chez elles et de permettre la substitution d’un sujet à un autre s’il est ainsi jugé nécessaire. La multiplicité des monastères est contraire au bien et à la population de l’Etat ; l’inutilité des communautés religieuses est actuellement assez généralement reconnue et leur suppression désirée par la majeure partie de ceux qui sont engagés dans ces ordres. L’un des moyens de libérer l’Etat des dettes qui l’accablent serait de séculariser tous les ordres réguliers en assurant à chaque individu qui les composent une subsistance honnête; la vente de leurs biens produirait des sommes capables d’éteindre une grande partie du capital des dettes que la nation a contractées depuis longtemps. Ce serait le moyen d’empêcher la levée de nouveaux impôts dont la situation actuelle des différentes provinces ne pourrait permettre le recouvrement. Des grêles, des sécheresses, des inondations, le défaut de commerce ayant tellement épuisé les ressources de presque toute la France, que de grand ménagements et des modérations d’impositions sont indispensables ! Les droits de champart causent les entraves les plus gênantes aux ]3rogrès de l’agriculture. Il est nécessaire de supplier les propriétaires des champarts de consentir qu’ils soient non portables, mais quérables comme la dime, sans avertisse- [États géri. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bail, de Clermont en Beauvoisis.] 757 ment, et que la perception s’en fasse sur le bon et sur le mauvais, ainsi que la récolte le comportera. Il faut aussi demander la suppression des droits d’échange qui sont encore dans la main du Roi. Demander la modification des formalités dans le retrait lignager. Les plantations si multipliées sur les grandes routes étant toutes composées d’arbres nuisibles à la production des terres, demander que les propriétaires des terrains adjacents soient autorisés à les acquérir de ceux à qui ils appartiennent, même de l’Etat, en arrêtant le prix de gré à gré et la faculté d’y substituer des arbres fruitiers autres que des noyers qui ne causeraient pas moins de dommages. La distance des plantations d’arbres dans les rues de village et leur trop prochain voisinage des bâtiments causent un préjudice énorme aux chemins de communication , aux productions des terres de culture domestique et aux bâtiments des habitations. Demander que les distances soient déterminées d’une manière certaine, et que les élagages soient fixés à une hauteur raisonnable. Demander aussi que les distances des plantations d’arbres dans les propriétés particulières soient fixées par une assemblée des hahitants, qui fera en sorte que, sans nuire, au libre usage que chaque individu aoit avoir de sa propriété, il ne puisse préjudicier â celle de son voisin, laquelle assemblée fera acte de sa délibération qui, sanctionnée par le juge royal du lieu, passera en forme de loi pour chaque canton. L’irrigation des prés étant dans certains cantons de première nécessité, et le seigneur le sentant si bien que quelques-uns lqs consentent moyennant une rétribution, il est nécessaire de demander que cet arrosement puisse se faire sans rétribution, puisque ce n’est que l’usage d’un élément qui appartient à tous les hommes, en se soumettant cependant, par ceux qui auront besoin de ce secours, de ne point causer gêne ni retard dans le travail des moulins et en ne prenant que le superflu des eaux. L’un des principaux vœux que le tiers-état de bailliage aurait eu à former était que l’universalité de contributions nécessaires au maintien de la force publique fût supportée par chaque citoyen en proportion de sa fortune. Mais les ordres dix clergé et de la noblesse de ce bailliage, à peine réunis chacun dans leur chambre, persuadés qu’ils devaient contribuer aux charges de la société avec leurs concitoyens, eu égard aux avantages qu’ils en retirent et daus une égalité parfaitement proportionnelle à leur fortune, s’étant empressés de faire, par leur députation du 9 de ce mois à l’ordre du tiers-état, la déclaration généreuse et formelle qu’ils n’entendaient à l’avenir jouir d’aucuns privilèges pécuniaires, mais bien supporter indivisément avec le tiers-état toutes les impositions et perceptions qui seront consenties ar les Etats généraux prochains, le tiers-état du ailliage, sensible à ce loyal dévouement avec lequel les ordres du clergé et de la noblesse ont résolu, en unanimité , de venir au secours de l’ordre jusqu’alors si maltraité dans la répartition des impôts, le tiers-état, disons-nous, ne peut qu’être sensible à une pareille résolution, et il regarde comme certain que les ordres entiers du clergé et de la noblesse du royaume donneront aux Etats généraux des marques complètes d’un juste désintéressement. Le seul mandat que l’ordre du tiers-état de ce bailliage donne à ses députés est de s’occuper des moyens d’opérer cette répartition vraiment proportionnelle. Le souverain, porté par amour pour son peuple à améliorer leur situation, a ordonné de se réformer; mais l’épuisement des finances paraît tel qu’il faut les plus sévères économies pour y rétablir l’ordre. Nous avons lieu de craindre, peut-être encore, de nouveaux impôts pour mettre le produit des contributions au pair de la dépense réduite. Ce sera, sans doute, l’une des tâches pénibles des Etats généraux; mais il est indispensable de fixer les fonds pour chaque département et que chaque ordonnateur soit tenu d’en rendre compte public au Roi et à la nation. 11 est également nécessaire de diminuer ou laisser éteindre toutes les places inutiles ou les pensions qui ne sont que la marque de la faveur. La responsabilité des ministres, la publicité de leur compte sera un obstacle bien fort aux déprédations du fisc. Néanmoins, que les économies ne diminuent point trop les forces de terre et de mer que celles de nos voisins rendent nécessaires à la sûreté du royaume. L’invention des emprunts publics a été un moyen de puissance qui dévore actuellement près de la moitié des contributions de notre monarchie; les dettes de l’Etat ont aliéné le produit des impôts que doivent payer les générations futures ; mais le moment où fies communes, aidées par leur souverain chéri, s’approchent à pas lents du degré de liberté nécessaire à la prospérité du royaume, à l’époque où elles peuvent espérer d’effacer jusqu’à l’empreinte des fers dont la féodalité les a plus ou moins chargées depuis tant de siècles, cet heureux changement, nécessité par les malheurs de la nation, ne doit point être souillé par l’idée même de manquer de foi aux engagements des souverains ; il serait injuste de méconnaître les intérêts de la partie confiante de la nation qui a prêté sa fortune pour le maintien de la force publique et sous la garantie de la seule autorité qui pouvait la donner de fait. Il est plus conforme à la justice que les créanciers de l'Etat, dont la dette serait vérifiée et reconnue et dont les payements seraient assurés à leurs échéances, aient à se réjouir du bonheur qu’elle peut espérer d’un nouvel ordre dans toutes les parties de l’administration, ce qui empêchera d’avoir recours à l’avenir à aucuns emprunts dont l’augmentation épuisant toutes les ressources de la nation l’obligerait, à la première guerre un peu longue, à manquer à la foi due aux créanciers de l’État dont la défense est d’obligation supérieure à toutes les autres. Puisse le véritable amour des hommes et de la patrie éloigner de l’esprit de tous les Français ces préjugés, ces intérêts particuliers, les vrais ennemis du bien public ! Que chaque citoyen soit persuadé que c’est de l’union des ordres avec le souverain et entre eux, appuyé sur la justice et l’avantage commun, que doit naître son bonheur particulier et la prospérité du royaume ! Fait et arrêté en l’assemblée générale du tiers-état du baillliage de Clermont en Beauvoisis, le 13 mars 1789. S igné. Chevallier; Chevallier; Thirial; Meurinne ; Le Roux , Budin ; Dauchy ; Fauchon ; Antin ; Bailly ; Rodriguez, contra rnentem quoad proprie-tates violandas , minutia , ordinem , attamen non veto ; Beauvais ; Prévost , sans accorder aux demandes contre les propriétés ; Thorel ; Maupin J. -H. de Rivière et Bulté. 758 {États séü. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Bail, de Clermont en Beauvoisis.] 4 L’ordre de la noblesse ayant pris communication des cahiers de l’ordre du tiers-état, ne peut que donner des éloges et son adhésion aux vues pleines de sagesse et de patriotisme dont ces cahiers sont remplis, à la réserve seulement de l’article concernant la manière de voter. 11 recommande à son député, de se réunir à ceux du tiers-état pour soutenir les intérêts du bailliage, de l’Etat et du Roi; il est charmé de pouvoir donner au tiers-état cette preuve de plus d’union et de concorde. Signé Deqùillebon. de Warigny ; le duc de Fitz-James ; le comte de Bernetz ; de Braé du Saint-Rimault ; le marquis de Labillardrie ; le bàfon de Pont-l’Abbé.