584 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. sombre 1793* pouvait effacer; nous avons reconnu des hommes, et nos ennemis sont devenus nos frères (1). » Suit l'adresse des corps civils et militaires de la Société populaire et de tous les représen¬ tants de la ville d'Avesnes, d'après le document des Archives nationales (2). Les corps civils et militaires, la Société populaire et tous les républicains de la ville d'Avesnes réunis, à la Convention nationale. « Le 10e jour de brumaire de l’an II de la République française, une et indivi¬ sible. « Vous sauverez la République, nous le voyons à la vigueur des moyens que vous avez adoptés, à la consternation des méchants et à l’attachement invariable aux principes que vous avez constamment professés. Nos armées, partout victorieuses, justifient les mesures sages et promptes que vous avez partout dé¬ ployées. Les traîtres qui siégeaient parmi vous et qui, sous les dehors de la vertu indignement outragée, secouaient parmi nous les brandons de la discorde et de la guerre civile, sont dévoilés par vos soins et votre constance; ils subiront la peine due à leurs forfaits et à la plus astucieuse des perfidies. Le même sort attend leurs com¬ plices; déjà Lyon n’est plus, et peut-être, en ce moment, Toulon a-t-il existé. Mais quoi ! le caractère de cette nation douce et généreuse serait-il changé? Se pourrait-il que pour se rapprocher plus près de la nature il fallut résister à ses plus douces impulsions? Non, les moyens de clémence sont épuisés, les traîtres ont eux-mêmes provoqué et bravé la foudre qui éclate sur leurs têtes. « Prenez garde de remettre en d’autres mains le fil de leur perfide conjuration ; restez au poste où vous retiennent et l’intérêt de la patrie et la confiance des vrais républicains, jusqu’au mo¬ ment où nos ennemis seront terrassés, et vous aurez rempli et notre vœu et nos intentions. « C’est aujourd’hui, qu’aux cris répétés de Vive la Bépublique! vive la Montagne! nous avons livré aux flammes, au milieu de la place publique, du concours de nos concitoyens et des braves défenseurs qui composent notre gar¬ nison, le fatras poudreux de ces antiques et superstitieux monuments de l’ignorance, de la servitude et des malheurs de l’humanité. Les expressions de joie et de satisfaction étaient générales; ceux-ci alimentaient le feu, d’autres l’attisaient; ceux-là chantaient les hymnes sacrés de la liberté, le reste répétait en chœur et dansait au son d’une musique guerrière, quand une troupe d’hommes vêtus de diffé¬ rentes manières, agitant encore les débris des chaînes qu’ils venaient de rompre, portant encore sur leur front les viles impressions que l’habitude de l’esclavage y avait gravées, trem¬ blants, indécis et s’avançant d’un pas mal assuré vers le lieu qui nous réunissait, attira pour un moment toute l’attention, c’était des (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 67. (2) Archives nationales, carton G 280, dossier 766 ; Bulletin de la Convention du 8e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II (vendredi 8 novembre 1793). déserteurs autrichiens et prussiens qui arri¬ vaient. Les Français républicains n’ont pas be¬ soin de réflexions pour développer des senti¬ ments d’humanité et de bienfaisance : la nature parlait. Au même instant un mouvement spontané et général leur ouvre le cercle de la danse en divers endroits, et ils partagent avec nous le plaisir de danser la Carmagnole. Le nouvel air qu’ils respirent pour la première fois, développe en eux les sentiments que le despotisme pouvait comprimer, mais qu’il ne pouvait effacer : nous avons reconnu des hommes, et nos ennemis sont devenus nos frères. (Suivent 165 signatures.) Compte rendu du Moniteur universel (1). Un secrétaire lit une adresse des corps admi¬ nistratifs de la garnison et de la Société popu¬ laire d’Avesnes, respirant le patriotisme le plus brûlant, la Convention y est applaudie de ses glorieux travaux, et invitée à rester à son poste jusqu’à ce que les dangers de la patrie aient cessé. Gossuin. Cette adresse vous est envoyée par des citoyens qui habitent les frontières du Nord. La Convention doit remarquer qu’il ne craignent pas plus les ennemis du dehors que ceux du dedans. Je demande la mention hono¬ rable de leurs sentiments, et l’insertion de l’adresse au Bulletin. (Décrété.) Les représentants du peuple près l’armée des Ardennes écrivent de Sedan, le 16 brumaire : « Après avoir épuré révolutionnairement, di¬ sent-ils, l’administration du département des Ardennes et les fonctionnaires civils et militaires qui gangrenaient la ville de Mézières, nous nous sommes hâtés de nous rendre à Givet, où les sans-culottes étaient près de succomber sous la masse des fédéralistes. Sans notre présence, la Société populaire devenait un club de la Vendée; 40 mus¬ cadins, presque tous signataires d’une pétition contre-révolutionnaire, fabriquée après le 2 juin, ont été arrêtés et conduits en beau cortège à Reims : deux vont figurer au tribunal révolu¬ tionnaire. Le célèbre rédacteur de la pétition est absent, mais le lieu de sa résidence est désigné à votre comité de sûreté générale. Nous avons provisoirement mis ses biens sous la main de la nation. Givet est aujourd’hui épuré, et le peuple émet librement ses opinions vraiment républi¬ caines. « Pendant notre séjour dans cette ville, nous avons fait une expédition à Chimai, dépendant de l’Empire, et une visite domiciliaire aux forges du district de Couvins; nous les avons mises en réquisition, après en avoir retiré 120 milliers de fer, et nous être assurés que les travaux conti¬ nueront., r « La petite ville de Chimai nous fournit envi¬ ron 1,200 voitures de provisions en grains non dépiqués, en orge, avoine, foin, matelas, couver¬ tures pour nos soldats. Nous allions visiter le ma-(1) Moniteur universel [n° 50 du 20 brumaire an II (dimanche 10 novembre 1793), p. 203, col. 1], [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 585 gasin à poudre qui est à son voisinage, mais nous avions été devancés par deux aides de camp de Jourdan, vrais muscadins, qui avaient enlevé 1,600 livres de poudre et brisé les usines dont on aurait pu tirer parti; ils avaient aüssi pris d’avance l’argenterie des églises et les cloches, et exigé une contribution pécuniaire de 16,000 li¬ vres, dans une ville riche et ennemie de notre Révolution. Nous espérons, par les mesures que nous avons prises, mieux analyser les aristo¬ crates; mais pour ne pas comprendre le peuple dans ces contributions, tout s’est concerté avec la municipalité. Les habitants ont fourni ou four¬ niront le contingent que nous fixerons sur la liste qui nous sera fournie, et qui sera indicative des fortunes de chaque particulier. « En organisant ainsi ces visites fraternelles, nous consacrerons le principe de ne faire la guerre qu’aux tyrans et aux aristocrates. Telle est notre position actuelle dans nos frontières que des bons généraux peuvent, par des sorties fréquentes, alléger singulièrement nos magasins; vous pensez bien qu’ils sont invités à ces prome¬ nades rafraîchissantes. « Nous venons de prendre des mesures vigou¬ reuses pour ne laisser en place aucune autorité constituée entachée du moindre soupçon d’inci¬ visme. Instruits que presque toutes les munici¬ palités de campagne sont formées de toutes sortes de gens à écritoire, qu’elles ont fait des déclara¬ tions infidèles dans le recensement des grains, nous allons les faire renouveler, et nous en excluons les nobles, les parents des émigrés, les hommes de loi et autres scribes. H était temps de délivrer le peuple de l’influence des ci-devant chapeaux noirs. Lorsqu’il sera dirigé par ses vrais amis, nul sacrifice ne lui coûtera pour dé¬ fendre sa liberté; mais il demande qu’on enlève à ses ennemis une arme d’autant plus dange¬ reuse qu’il ne peut y opposer aucune force phy¬ sique : c’est l’or et l’argent qu’ils emploient pour égarer et corrompre l’esprit public, et retarder ainsi raffermissement de la République. H faut absolument nationaliser ces superfluités liberti-cides ; la richesse nuit à la santé, et conduit rarement à la vertu (1). « Signé : Bo; ITentz. » Suit la lettre des représentants du peuple, envoyés près l'armée des Ardennes, d'après le document des Archives nationales (2). Les représentants du peuple envoyés près l'armée des Ardennes, à la Convention nationale. « Sedan, 16e du 2e mois de l’an II de la République une et indivisible. ? « Citoyens nos collègues, « Après avoir épuré révolutionnairement l’administration du département des Ardennes et les fonctionnaires civils et militaires qui gan-(I) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 68 à 70. (2) Archives nationales, carton AFii 151, pla¬ quette 1222, pièce 19; Supplément au Bulletin de la Convention du 8e jour de la 2e décade du 2e mois de 1’ an II (vendredi 8 novembre 1793); Moniteur grenaient la ville de Mézières, nous nous sommes hâtés de nous rendre à Givet où les sans-culottes étaient près de succomber sous la masse des fé¬ déralistes. Sans notre présence la Société popu¬ laire devenait un club de la Vendée. Quarante muscadins, presque tous signataires d’une pétition contre-révolutionnaire fabriquée après le 2 juin, ont été arrêtés et conduits en beau cortège à Reims, deux vont figurer au tri¬ bunal révolutionnaire. Le célèbre rédacteur de la pétition est absent, mais le lieu de sa rési¬ dence est désigné à votre comité de sûreté générale. Nous avons provisoirement mis ses biens sous la main de la nation. Givet est au¬ jourd’hui épuré, et le peuple émet librement ses opinions vraiment républicaines. « Pendant notre séjour dans cette ville nous avons fait une expédition à Chimay, dépendance de, l’Empire, et une visite domiciliaire aux forges du district de Cou vins. Nous les avons mises en réquisition après en avoir retiré cent vingt milliers de fer, et nous être assurés que les travaux se continueront. La petite ville de Chimay nous fournit environ douze cents voi¬ tures de provisions en grains non dépiqués, en orge, avoine, foin, matelas, couvertures pour nos soldats. Nous allions visiter le magasin à pôudre qui est à son voisinage, mais nous avions été devancés par deux aides de camp de Jour¬ dan, vrais muscadins, qui avaient enlevé seize cents livres de poudre et brisé les usines dont on aurait pu tirer parti. Ils avaient aussi pria d’avance l’argenterie des éghses et les cloches et exigé une contribution pécuniaire de seize mille livres dans une ville riche et ennemie de notre Révolution. Nous espérons, par les me¬ sures que nous avons prises, mieux analyser ces aristocrates; mais pour ne pas comprendre le peuple dans ces contributions, l’on s’est con¬ certé avec la municipalité, et les seuls habitants aisés ont fourni ou fourniront le contingent que nous fixerons sur la liste qui nous sera fournie et qui sera indicative des fortunes de chaque particulier. En organisant ainsi ces visites fraternelles, nous consacrons le principe de ne faire la guerre qu’aux tyrans et aux aristocrates. Telle est notre position actuelle dans nos frontières, que des bons généraux peuvent par des sorties fréquentes alléger singulièrement nos magasins. Vous pensez bien qu’ils sont invités à ces pro¬ menades rafraîchissantes. Nous venons de prendre des mesures vigou¬ reuses pour ne laisser en place aucune autorité constituée entachée du moindre soupçon d’inci¬ visme. Instruits que presque toutes les muni¬ cipalités des campagnes sont formées de toutes sortes de gens à écritoire, qu’elles ont fait des déclarations infidèles dans le recensement des grains; nous allons les faire renouveler et nous en excluons les nobles, les parents des émigrés, les hommes de loi et autres scribes. Il était temps de délivrer le peuple de l’influence des ci-devant chapeaux noirs. Lorsqu’il sera dirigé par ses vrais amis, nul sacrifice ne lui coûtera pour défendre sa liberté ; mais il demande qu’on enlève à ses ennemis une arme d’autant plus dangereuse qu’il ne peut y opposer auoune force physique. C’est l’or et l’argent qu’ils em-universel [n° 50 du 20 brumaire an II (dimanche 10 novembre 1793), p. 201, col. 3]; Journal des Débals et des Décrets (brumaire an II, n° 416, p. 254). 596 [Convention nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j |8n5vembrl 1793 1 ploient pour égarer et corrompre l’esprit public, et retarder ainsi raffermissement de la Répu¬ blique. Il faut absolument nationaliser ces su¬ perfluités ïiberticides ; la richesse nuit à la santé, et conduit rarement à la vertu. Salut et fraternité. Bo; Hentz. Arrêté (1). Les représentants du peuple près F armée des Ardennes, Considérant que les déclarations des riches propriétaires relativement aux subsistances, n’ont pas été fidèles, que les réquisitions pèsent presque entièrement sur les pauvres seuls; Que la quantité de nos véritables ressources n’est pas connue et que la République éprouve une disette factice ; Que cette violation de la loi n’eût pas eu heu si les fonctionnaires publics et particulièrement nombre de municipalités eussent fait leur devoir ; Qu’elles ne l’ont pas fait, parce que la plupart ont pour maire ou officiers municipaux des pro¬ priétaires riches, égoïstes et avaricieux, ou des suppôts de L’ancienne chicane qui, payés par Cobourg, manœuvrent la contre-révolution. Voulant rendre efficaces les lois révolu¬ tionnaires et faciliter les moyens d’exécution qui vont être employés par les nouveaux admi¬ nistrateurs du départements des Ardennes. Arrêtent ce qui suit ; 1®. Il n’y a plus de maire dans chaque municipa¬ lité du département des Ardennes, tout fonc¬ tionnaire public revêtu de cette qualité devient officier municipal. 2°. Le premier jour de chaque mois, le conseil général de chaque commune choisit, à la plura-Été absolue des suffrages, un président pour la tenue des séances et délibérations. 3°. Sont exclus de toutes fonctions municipales les ci-devant procureurs, huissiers, records, avo¬ cats, praticiens de campagne et nobles. 4°. Les Sociétés jmpulaires de Sedan, Givet, Phi-lippeville, Mouzon, nommeront des commissaires qui se transporteront sur-le-champ dans chaque chef -heu de district, d’où ils se distribueront dans les diverses municipalités. 5° Ils prendrons des renseignements sur le civisme et la capacité de tous les fonctionnaires fl) Archives nationales, carton AFn 151, pla¬ quette 1222, pièce 20. publics et formeront une liste des citoyens les plus patriotes et les plus propres surtout, par leur probité, leur moralité, à remplir des fonctions publiques. 6». Ces commissaires porteront de suite aux représentants du peuple ces renseignements et listes d’après lesquels tous les fonctionnaires publics autres que ceux du département, seront renouvelés ou confirmés, 7°. La Société populaire de Sedan enverra sept commissaires, chacune des autres en enverra cinq. 8°. Tous se rendront à Mézières d’où ils se distri¬ bueront dans les 7 districts, à raison de trois pour chacun. 9° Les administrateurs de département et de district donneront aux commissaires tous les renseignements locaux et facilités nécessaires à la plus prompte exécution de leur mission. Fait à Sedan, le 15e du 2e mois, 2e année de la Répubhque une et indivisible. B o; Hentz. Le citoyen Lalande, représentant du peuple et évêque du département de la Meurthe, a prononcé le discours suivant, dont la Convention a ordonné l’insertion au « Bulletin » (1) : « Sans l’opinion et la confiance publique, les ministres des cultes ne sont plus que des êtres inutiles ou dangereux, et comme il paraît qu’ils ne sont plus investis ni honorés de cette confiance, il est de leur devoir de quitter leurs places. « Voilà pourquoi je m’empresse d’annoncer à la Convention que, dans ce moment, je renonce pour toujours aux fonctions de l’épiscopat. « La démarche que je fais aujourd’hui, je l’ai déjà faite il y a plus d’un an, en donnant ma dé¬ mission de l’évêché du département de la Meurthe; mais les autorités constituées me pres¬ sèrent et me firent les plus vives instances pour m’engager à continuer mes fonctions, parce qu’on s’imaginait que ma présence était encore utile pour combattre l’aristocratie et les prétentions extravagantes de la cour de Rome. « Ce motif ne subsiste plus aujourd’hui, l’aris¬ tocratie est anéantie, détruite; l’autorité du pape est réduite à sa juste valeur, et le peuple, éclairé par le génie de la liberté, n’est plus esclave de la superstition et des préjugés. Je déclare donc (I) Supplément au Bulletin de la Convention du 8® jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II (ven¬ dredi 8 novembre 1793).