250 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1790.] ment des ci-devaiit privilégiés, pour les six derniers mois de 1789; elle demande qu’il soit retranché de la somme de 3,877 livres 4 sols 3 deniers, montant du don patriotique, celle de 870 livres 13 sols 7 deniers, à quoi a été évaluée la contribution patriotique des biens communaux, et qu’il soit fourni à cette ville quittance de sa contribution patriotique. M. le Président répond, et l’Assemblée ayant applaudi la municipalité d’Harfleur et accepté son don patriotique, ses députés sont admis à la séance. M. de France, député de Privas, donne lecture d’une adresse imprimée des électeurs du département de l’Ardèche à l’Assemblée nationale. On y lit : « Il nous serait impossible de vous dissimuler l’étonnement et la douleur que nous a causés la protestation de la minorité de votre Assemblée ; nous l’improuvons cette protestation funeste, qui ne tendait à rien moins qu’à vous séparer, et à exposer l’Etat à tous les désordres de l’anarchie. » M. Brocheton demande que la commune de Carlepont, district de Noyon, soit autorisée à recevoir du sieur Formillier la somme de 6. 352 livres 1 s. 4 d. restant de celle de 7,898 livres 12 s. 4 d. revenant à ladite commune. Cette demande est renvoyée au comité des finances. M. Prieur, secrétaire , donne lecture d’un mémoire de la municipalité de Villeneuve-lès-Béziers, ayant pour objet l’administration des dîmes pour la présente année : l’Assemblée nationale applaudit à la sagesse des mesures prises par cette municipalité, et les approuve. L’Assemblée nationale autorise M. de la Roque à témoigner à la ville de Bergerac la satisfaction avec laquelle elle a vu que le patriotisme des citoyens de cette ville les a engagés à établir une banque, où les assignats de toute valeur seront échangés avec du numéraire effectif ; elle l’autorise de plus à assurer cette ville qu’elle prendra en considération la demande qu’elle fait d’un tribunal (1). M. le comte d’Fgmont-PignatellI, député de Soissons, demande un congé pour aller aux eaux. M. Chastenet de Pnységur, archevêque de Bourges, député du Berry, demande la permission de s’absenter également pour aller aux eaux. M. le comte Colonna César! de Bocca demande l’autorisation d’aller en Corse pendant six semaines. Ges congés sont accordés. M. Bailly, maire de Paris, demande à donner lecture d’un mémoire et adresse de la ville de Paris sur l'aliénation et la vente des biens nationaux. (Voyez ce mémoire annexé à la séance de ce jour.) L’Assemblée pressée de passer à son ordre du jour ordonne que le mémoire sera imprimé, distribué à domicile et que le comité d’aliénation en rendra compte au premier jour. (1) Voir la mention de l’adresse de la ville de Bergerac sur ces objets, p. 247, 2e col., 8°. L’Assemblée passe à son ordre du jour qui est l'affaire des catholiques de Nîmes . M. Alexandre de Lameth. Vous savez quelle à été l’indignation universelle contre la délibération des prétendus catholiques de Nîmes; on doit s’étonner surtout qu’ils en aient pris une seconde, et que toutes deux aient pu trouver des défenseurs dans l’Assemblée nationale. Que renferme la première délibération? Des injures contre l’Assemblée nationale et le roi, le dessein de porter atteinte à la Constitution. Que demande-t-on? Le rétablissement plein et entier de l’autorité royale. Que signifie cette demande, si ce n’est le rétablissement de l’ancien régime et le retour des anciens abus? Et quel est le moment que choisissent les soi-disant catholiques de Nîmes ? (Dites les catholiques ! s'écrie la partie droite.) Je dois dire, avec votre comité des recherches, les soi-disant catholiques ; d’abord parce que nous ne devons point reconnaître d’assemblée politique sous le nom d’assemblée de catholiques, nous ne connaissons que des assemblées de citoyens ; et parce qu’ensuite ce serait faire aux catholiques de la ville de Nîmes une injure qu’ils ne méritent pas, que de croire qu’ils sont tous complices d’une démarche aussi coupable. Quel moment, dis-je, choisit-on pour demander le rétablissement de l’autorité royale? Celui où on l’a arrachée des mains des ministres pour la remettre entre celles du monarque ; celui où l’Assemblée nationale, renfermant cette autorité dans de justes bornes, lui donne cependant toute sa latitude. On demande la réforme des décrets. Eh! pourquoi cette réforme?Toutn’annonce-t-il pas qu’ils sont la déclaration de la-volonté générale? (Non! s'écrient M. le marquis de Folleville et autres membres de la partie droite .) On demande la révision des décrets. Etquel estle but de cette révision? De faire croire que le roi et l’Assemblée nationale ne sont pas libres à Paris. Jusqu’au tumulte de cette Assemblée, jusqu’aux opinions qu’on y profère, tout annonce la liberté de l’Assemblée nationale. (Légers murmures.) Si on avait pu en douter, les murmures qui s’élèvent sur une proposition si simple, les efforts que l'on fait pour favoriser une délibération absolument contraire à vos décrets, ne prouvent-ils pas assez cette liberté? ( Les murmures recommencent dans la partie droite.) Comment ! à l’approche d’une fédération universelle, au moment où les députés de toutes les provinces du royaume vont former une alliance au nom de tous les Français armés pour la défense de la Constitution ; quand nous voudrions la voir achever, ou du moins pouvoir mettre sous leurs yeux tous les décrets constitutionnels, on emploie deux séances à discuter, à peser, quoi ? la délibération d’une poignée de citoyens qui vient s’élever contre la volonté nationale ! Je vous demande pardon si j’ai dit une poignée de citoyens ; non, ils ne sont pas citoyens. (On applaudit dans une très grande partie de la salle et dans toutes les tribunes.) Non, iis ne méritent pas ce titre glorieux, ceux qui opposent un intérêt particulier à l’intérêt public, qui ne savent pas distinguer l’esclavage d’une juste obéissance à la loi. Eh ! que dit cette délibération? elle tend à semer le trouble et la discorde, à opérer une scission ; et cependant au moment même où l’Assemblée nationale, le roi et tous les bons citoyens ne forment plus qu’un seul corps, il se trouve encore des membres de l’Assemblée nationale qui osent soutenir [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [47 juin 4790.] cette délibération. (Oui I s'écrie-t-on dans la partie droite.) Par intérêt pour la chose publique, pour ceux-même qui sont les auteurs de la délibération, on ne doit pas vous en entretenir plus longtemps. Votre comité s’est borné à demander que tous ceux qui ont signé soient mandés à la barre. S’ils peuvent motiver leurs démarches, vous leur fournissez tous les moyens de défense ; si, comme on a tout lieu de le croire, elle est aussi coupable que ridicule, vous serez toujours à même de les juger. Il s’est commis des assassinats dans la ville de Nîmes ; qu’a fait votre comité ? il a pensé qu’on devait informer sur ces attentats ; qu’il était nécessaire d’en chercher les auteurs, parce que l’Assemblée nationale doit rétablir l’ordre, malgré les efforts des ennemis du bien public. J’appuie donc l’avis du comité, je l’appuie pour l’intérêt général, qui sollicite tous vos moments. Je vous supplie de ne pas vous livrer au talentillusoiredequelquespersonnes qui disent que c’est pour prouver la liberté des opinions que je demande qu’on n’entende aucun orateur. Je ne demande pas qu’on aille aux voix sur l’avis du comité ; mais je supplie qu’on n’emploie pas en verbiage un temps précieux pour la patrie : c’est le jour de l’anniversaire de la Constitution en Assemblée nationale, où l’on devrait rougir d’appuyer des délibérations tendant à détruire la Constitution. Je demande que le projet du comité soit adopté sans désemparer. M. Malonet (1). Messieurs, quatre mille citoyens actifs sont accusés ; permettez qu’il s’en présente un (2) pour les défendre. Je n’entreprendrai point l’apologie des sentiments et des écrits que vous paraissez improuver ; c’est par vos lois et vos principes que je défendrai les citoyens de Nîmes et d’Uzès, que je répondrai au préopinant et au comité des recherches. Des imputations vagues, mais imposantes, leur ont été prodiguées. On vous a annoncé des crimes, des crimes de lèse-nation et le corps de délit qu’on vous présente consiste en deux adresses dont les erreurs mêmes manifesteraient encore L’effroi du crime, l’amour de l’ordre, le respect pour une Constitution libre pour l’Assemblée nationale et la fidélité au roi. Ce sont des écrits qu’on vous dénonce, lorsque la liberté d’écrire et de publier ses pensées se trouve consacrée par vos lois, lorsque la licence la plus effrénée en abuse avec impunité. — Ce sont des assemblées de citoyens qu’on vous dé.- nonce, lorsque la Constitution en établit le droit. (1) « Le discours de M. Malouet est incomplet au Moniteur. (2) M-Alexandre de Lameth, qui a parlé avant moi, a annoncé son étonnement de ce qu’il se trouvât dans l’Assemblée des défenseurs catholiques de Nîmes et d’Uzés ; j’avoue qu’il m’eût paru bien plus étonnant qu’il ne s’en trouvât pas, et que quatre mille citoyens lussent, sans discussion, livrés au comité des recherches; mais quand on ne m’aurait pas communiqué des pièces qui m’ont éclairé sur les calomnies désignées contre les citoyens de Nîmes et d’Uzès, c’est sous un rapport de droit public, du droit de pétition, que j’ai considéré leur affaire : c’est la condition essentielle de la liberté que j’ai voulu défendre. Si par la soumission à la Constitution on entend l’obligation de se taire sur ses dispositions; sien obéissant on ne peut remontrer, réclamer, discuter une loi et ses inconvénients, la nation se diviserait alors en deux parties : les tyrans et les esclaves; et je ne veux être ni l'un ni l’autre. » Note de M. Malouott. 251 Gomment donc parvenir à rendre ces écrits et ces assemblées criminels? Le comité des recherches croit en avoir trouvé les moyens en vous faisant part, non pas des preuves, mais d’on projet d’information sur des faits qu’on veut rendre identiques avec les écrits dénoncés et leurs auteurs ; ainsi cette accusation redoutable se présente dans une forme plus redoutable encore. Voilà des écrits, vous dit-on, qu’il faut juger et punir, et pour vous démontrer qu’ils sont coupables, voici des faits odieux qui appartiennent aux auteurs de ces écrits ; nous n'en avons point la preuve encore, mais elle arrivera. Voici le projet d’information. — Et que signifie ce projet? où est la plainte? quel est le dénonciateur ? où sont les preuves ? Quoi I vous êtes institués pour veiller au maintien de tous les droits, et le plus sacré de tous, l’honneur, la sûreté des citoyens seraient, devant vous, attaqués impunément!... Un honorable membre vint hier au secours de votre comité des recherches, et vous assura qu’il ne pourrait exister, qu’il ne pourrait être utile, s’il était soumis aux formes juridiques et qu’il faut bien qu’il ait la liberté d’admettre pour l'initiative d’une information un avis quelconque, même anonyme. — Mais je réponds à l’honorable membre qu’il ne s’agit point ici de recherches secrètes que peut se permettre le comité sur uu avis quelconque ; que nous avons entendu dans cette tribune une dénonciation publique, une diffamation dirigée sans titre et sans preuve contre des citoyens accusés d’un autre délit : car ils sont cités à votre tribunal pour une adresse ; et avant qu’ils puissent la défendre, avant qu’aucune voix puisse s’élever en leur faveur, on les accable de soupçons odieux, on les présente comme des conspirateurs fanatiques, comme de vils assassins. Etait-ce là le droit ou l’obligation de votre comité des recherches ? Sont-ce là les principes de la Constitution et les prémices delà liberté ? Je ne sais ce qui résultera des informations commencées à Nîmes sur les troubles qui y ont eu lieu, mais je sais que des relations calomnieuses ont été publiées, même aujourd’hui, même à votre porte ; que plusieurs faits qui les démentent sont déjà constatés, que les auteurs des troubles seront très probablement découverts ; que tout est tranquille maintenant ; que les assemblées primaires, les élections, se sont faites paisiblement. En attendant qu’on en sache davantage, je déclare hautement que je regarde comme vraiment criminels ceux qui, sous prétexte de religion, ou sous tout autre prétexte, fomentent des divisions entre les citoyens et préparent des malheurs publics par des passions et des intérêts privés. Mais, certes, je ne reconnais point ce caractère inique dans les adresses des citoyens catholiques cle Nîmes et d’Uzès. — Et en écartant de ces écrits les faits et les présomptions qu’on veut injustement en rapprocher, je les jugerai, Messieurs, par vos propres maximes. La Constitution ayant pour base essentielle la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, c’est dans ces principes que vous devez puiser la règle de vos jugements ; si dans les faits qui vous sont dénoncés, les conditions essentielles de la liberté publique et individuelle sont violées, si la soumission due aux lois est attaquée, vous avez un attentat à venger. — S’il ne s’v rencontre aucun de ces caractères, si la conduite des citoyens qu’on vous dénonce n’a point troublé l’ordre public ; si leurs paroles et leurs écrits ne 252 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. sont que l’expression libre de leur pensée sans actes séditieux, sans excitation qui les provoque; s’ils n’ont fait qu’user du droit de pétition, quel qu’en soit l’objet, ils sont alors, Messieurs, dans les termes de la constitution d’un peuple libre ; et pourvu qu’ils parlent avec respect du Corps législatif, qu’ils obéissent à ses décrets, ils ont sans doute le droit de dire ce qu’ils en pensent, ce qu’ils désiraient d’y avoir ajouté ou retranché ; et tel est, Messieurs, le caractère de l’adresse des citoyens de Nîmes. Qu’est-ce, en effet, que le droit de pétition ? Ne consisterait-il qu’à vous adresser des hommages, ou n’est-ce pas plutôt le droit qu’a tout citoyen de remontrer le tort qu’il souffre ou qu’il croit souffrir d’un acte du gouvernement ; d’un acte du Corps législatif, droit sacré et naturel, dont les despotes n’empêchent pas toujours l’exercice, et dont ils n’oseraient jamais contester le principe? Je le répète encore, je suis loin de penser, Messieurs, que ce soit une chose louable ou légitime que les démonstrations inconsidérées d’un zèle religieux lorsqu’elles appellent la résistance aux lois, lorsqu’elles les présentent comme impies. Loin de nous, ces temps malheureux ou le fanatisme tonnant dans les cités, ne rassemblait les citoyens que pour les armer les uns contre les autres ! Mais qui peut oser, sans frémir des suites de cette calomnie, assurer que ce sont là les coupables intentions des catholiques de Nîmes ? Quoi ! ceux qui exposent leur sentiment dans les formes légales, quand il y aurait erreur ou exagération dans leurs sentiments, ceux qui remontrent, qui supplient, doivent-ils être confondus sous la dénomination flétrissante de mauvais citoyens, d’ennemis de la Constitution? Si vous reconnaissez, Messieurs, à la nation le droit de s’expliquer définitivement sur la Constitution, il faut bien lui en laisser les moyens ; car vous ne pouvez connaître le vœu général que par l’émission des vœux particuliers ; et si les adhésions que vous recevez des différentes parties du royaume vous paraissent une douce récompense de vos travaux, c’est sans doute parce que vous les jugez libres et volontairement exprimées. Car, si elles n’étaient qu’une formule obligée, arrachée par la crainte, commandée par la force, elles seraient indignes de vous. — Mais si les adhésions sont libres, les remontrances doivent l’être ; et puisque la liberté est véritablement l’heureuse condition dans laquelle nous devons Vivre, chaque citoyen peut, sans crainte et sans péril, se présenter devant vous et vous dire : j’obéis à la loi que vous avez faite, mais j’en désire une autre. Telle a été, Messieurs, la conduite et le langage des citoyens catholiques de Nîm