[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 septembre 1790.] 13<> remboursent toujours sans jamais s’éteindre; dans tes emprunts viagers, pris en masse, les capitaux s’éteignent graduellement, et ia chance la plus fâcheuse est de rembourser deux fois le capital. Cette chance nous menace sur la dernière partie de ces emprunts, les emprunts sur trente, quarante, cinquante et jusqu’à soixante têtes choisies. Cette manière de placer est un perfectionnement récent de l’art du prêteur. Sous le dernier règne, ou avait essayé de placer sur la tête des rois, sur des têtes connues; l’almanach dispensait de la formalité des certificats de vie. Les rentes viagères ainsi constituées se négociaient plus aisément, et on supposait encore que ces têtes avaient quelques chances de plus de longévité. Louis XV, Frédéric-le-Grand ont emporté avec eux une partie assez considérable de notre dette viagère. Les trente, les quarante, les cinquante et les soixante têtes ne datent que du règne actuel. 11 en reste en ce moment 25 millions de rente ainsi placés à 10 0/0: les propriétaires de ees rentes en font encore assurer la durée, soit en Hollande, soit en Angleterre. Deux cent cinquante millions éteindraient cette partie de votre dette; ce ne sont pas tous des étrangers qui ont spéculé sur cette créance, et de ces 250 millions une grande partie appartient à des Français. Je laisse les rentes de l’hôtel-de-ville, sur lesquelles il n’y a rien à rabattre, pour passer à d’autres qui nous fourniront plus d’observations, et des observations plus utiles. Voici le projet de décret que votre comité des finances m’a chargé de vous proposer aujourd’hui : « L’Assemblée nationale statuera sur la rente de 600,000 livres payée pour la cession des droits du Glermontais; sur celle de 15,000 livres payée pour l’acquisition de la principauté d’Henric'he-mont;sur les 20,0ü0 livres de rente perpétuelle, et les 996,500 livres de rente viagère, payées pour l’acquisition de Lorient et des terres de Chatel et deCarman; sur les 12,000 livres payées pour la rétrocession de domaines faite par M. de Goürcy; sur les 2,000 livres de rente perpétuelle, payées our les terrains et maisons qu’occupe l’école étérinaire; sur les 7,200 livres de rentes viagères, payées sous prétexte de l’acquisition de la ferme de Maisonvilie, après le rapport qui lui sera fait incessamment par son comité des domaines, sur les diverses acquisitions et cessions. « Elle prononcera sur les 15,000 livres de rente, payées à l’Ecole militaire, pour acquisition de l’hôtel de la Force, et sur les 606,000 livres de rente constituée à l’ordre du Saint-Esprit, quand elle aura statué sur l’éducation et sur les ordres dé Chevalerie. » (Après avoir entendu ce rapport, l’Assemblée se dispose à passer à son ordre du jour.) M. Chabroud. Votre comité des rapports est prêt à vous rendre compte de la procedure qui Vous a été remise par le Châtelet, relativement àux événements des b et Q octobre. Cette affaire paraît de nature à être rapportée dans une séance du soir; mais comme elles sont ordinairement plus tumultueuses que celles du matin, et que cette affaire pourra donner lieu à des débats, je demande qu’elle soit renvoyée aune séance du matin. Le rapport occupera environ deux heures et demie, et il serait très fatigant pour moi de le faire à la lumière. (L’Assemblée décide que le rapport de cette affaire sera fait à la première séance du matin qui suivra le décret sur les assignats.) M-le Président. L’ordre du jour est la discussion du projet de décret sur la compétence des tribunaux militaires , leur organisation et la manière de procéder par-devant eux. M. E miner y, rapporteur , donne lecture des articles. Le préambule ainsi que les articles 1 et 2 sont1 décrétés sans observation en ces termes : « L’Assemblée nationale, empressée defairejouir l’armée d-s lois qui vont établir dans tout le royaume la procédure criminelle par jurés, et voulant assurer de plus en plus, par ce moyen, l’exacte et scrupuleuse observation des règles protectrices de la subordination eide la discipline, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Aucun homme de guerre ne pourra être condamné à une peine afflictive ou infamante, que par jugement d’un tribunal civil ou militaire, suivant la nature du délit dont il se sera rendu coupable. « Art. 2. Les délits civils sont ceux commis en contravention aux lois générales du royaume, qui obligent indirectement tous les habitants de l’Empire. Ces délits sont du ressort de la justice ordinaire, quand même ils auraient été commis par un officier ou par un soldat ». M. Emmery lit l’article 3. M. de Marinais dit que l’armée a besoin d’une discipline sévère et prompte; il importe donc que les délits commis en temps de guerre soient immédiatement punis; c'est par ce motif qu'il propose de retrancher dans l’article 3,. ces mots : l'armée étant hors du royaume. » En. temps de guerre, il ne doit plus y avoir pour les troupes d’autres tribunaux que ceux de la justice. militaire. Divers membres demandent la question préalable sur l’amendement. La question préalable est prononcée. Les articles 3 à 22 sont ensuite décrétés sans opposition ainsi qu’il suit : « Art. 3. Cependant, en temps de guerre, l’armée étant hors du royaume, les personnes qui la composent, celles qui sont attachées à son service ou qui la suivent, et qui seront prévenues de semblables délits, pourront être jugées par la justice militaire et condamnées par elle aux peines prononcées par les lois civiles. « Art. 4. Les délits militaires sont ceux commis en contravention à la loi militaire, par laquelle ils sont définis : ceux-ci sont du ressort de la justice militaire. « Art. 5. Toute contravention à la loi militaire est une faute punissable; mais toute faute de ce genre n’est pas un délit : elle ne le devient que lorsqu’elle est accompagnée des circonstances graves énoncées dans la loi. Les fautes sont punies par des peines de discipline; les délits seuls peuvent l’être par des peines afflictives ou infamantes. « Art. 6. II sera établi des cours martiales char-géesde prononcer sur les crimes et délits militaires, en appliquant la loi pénale, après qu’un juré militaire aura prononcé sur le fait. « Art. 7. Il y aura dans le royaume et à l’armée autant de cours martiales que de grands arron- 140 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. dissements militaires, confiés à la surveillance d’un commissaire-ordonnateur. Chacun d’eux prendra désormais le titre de grand juge militaire, commissaire ordonnateur des guerres. « Art. 8. Les commissaires ordinaires des guerres prendront le titre de commissaires auditeurs des guerres. Chacun d’eux sera chargé spécialement de la poursuite des délits militaires commis dans l’étendue de son arrondissement particulier. Indépendamment de cette fonction locale, tous seront les assesseurs du grand juge dans l’arrondissement duquel ils seront employés. Deux d’entre eux l'assisteront lorsqu’il tiendra la cour martiale; ce seront ceux dont la résidence sera la plus voisine du lieu où elle siégera. « Art. 9. Dans le cas où le grand juge militaire serait empêché de remplir ses fonctions, il sera remplacé par le plus ancien commissaire auditeur de son arrondissement, autre que celui chargé, par l’article précédent, de la poursuite du délit. « Art. 10. Afin de rendre leservice plus prompt et plus sûr, notamment dans l’intérieur du royaume, où les troupes sont à de grandes distances les unes des autres, il sera nommé par le roi un nombre suffisant et déterminé de « juges militaires suppléants », parmi les officiers retirés du service, ayant au moins dix ans de commission de capitaine, et domiciliés dans l’étendue du département ou du district, pour lequel ils seront établis, fies suppléants seront inamovibles, et rempliront les fonctions d’assesseurs à la cour martiale, lorsqu’ils seront plus près que les commissaires auditeurs du lieu où elle devra siéger : ils n’auront point de traitement, mais leurs frais de voyage et de séjour leur seront remboursés. « Art. 11. L’écrivain de la place, dans les villes où il y en a d’établis, fera les fonctions de greffier de la cour martiale ; dans les autres villes et lieux, ce sera le greffier de la commune. Ni les uns ni les autres n’auront pour cet objet de traitement fixe; mais ils seront payés de leurs vacations, à proportion des affaires et du travail. Lorsque l’armée sortira du royaume, le roi nommera le nombre d’écrivains nécessaires pour y remplir les fonctions de greffiers des cours martiales. « Art. 12. Tout commandant en chef, dans une garnison ou dans un quartier, sera tenu de former un tableau de jurés pour sa garnison ou pour son quartier. « Art. 13. Ce tableau sera divisé en sept colonnes; savoir : 1° celle des officiers généraux et des officiers supérieurs; 2° celle des capitaines ; 3° celle des lieutenants ; 4° celle des sous-lieutenants et des adjudants; 5° celle des sergents ou maréchaux des logis; 6" celle des caporaux ou brigadiers; 7° enfin, celle des simples soldats de quelque arme qu’ils soient. Les officiers et sous-ofliciers employés sans troupe, tels que ceux du génie et de l’artillerie, seront placés à leur rang dans la colonne de leur grade. « Art. 14. Les officiers généraux et supérieurs en activité, ayant autorité et commandement sur plusieurs garnisons ou quartiers, seront compris dans la première colonne du tableau de toutes ces garnisons ou quartiers, avec les officiers supérieurs employés dans chacune d’elles. « Art. 15. Dans la seconde colonne seront compris tous les capitaines de la garnison ou du quartier quel que soit leur nombre; il en sera de même dans la troisième colonne, par rapport aux lieutenants; et dans la quatrième, par rapport aux sous-lieutenants et adjudants. « Art. 16. Il ne sera pas nécessaire de comprendre dans la cinquième colonne tous les ser-]22 septembre 1790.] gents ou maréchaux des logis; il suffira d’en prendre jusqu’à concurrence du nombre le plus approchant de cent, soit en plus, soit en moins, en observant de les tirer également de toutes les compagnies. « Art. 17. On observera la même règle à l’égard des caporaux ou brigadiers, et encore par rapport aux simples soldats de toute arme, à cela près qu’autant qu’il sera possible, le nombre de ces derniers devra être porté au moins jusqu’à deux cents. « Art-. 18. Ce sera le commandant de chaque compagnie qui remettra au commandant en chef la liste des sous-officiers et soldats de chaque compagnie, qu’il jugera les plus dignes d’être sur le tableau des jurés. « Art. 19. Néanmoins, aucun militaire, de quelque grade ou état qu’il soit, ne pourra être porté sur fe tableau des jurés, s’il n’est âgé de 25 ans accomplis, s’il ne sait lire et écrire, et s’il n’a pas plus de deux ans de service. « Art. 20. Tous les ans au mois de novembre, et dans le cours de l’année, toutes les fois qu’il y aura lieu de changer la moitié du tableau des jurés, il sera renouvelé en entier par les soins du commandant en chef, qui en remettra une copie certifiée et signée de lui, au greffier de la cour martiale, pour être conservée dans son dépôt. « Art. 21. On prendra sur le tableau des jurés les personnes nécessaires pour former le juré de l’accusation, et le juré du jugement, suivant les règles qui vont être prescrites. « Art. 22. Le juré de l’accusation est celui qui doit déterminer s’il y a lieu à accusation : il sera composé d’une personne prise sur chacune des colonnes du tableau, et de deux personnes de plus prises sur la colonne du grade ou de l’état de l’accusé, ce qui fera en tout neuf personnes.» M. Emmery, rapporteur , donne lecture de l’article 23. M. d’Ambly demande que le comité soit tenu de présenter une nouvelle rédaction de l’article, attendu que ses dispositions sont trop compliquées. M. Prieur appuie l’observation du préopinant et déclare qu’il va rédiger l’article en le simplifiant. M. Goupil de Préfeln fait remarquer que le droit de récusation qui est accordé à l'accusé est peut-être trop étendu ; qu’il y aurait lieu de le limiter en lui accordant de faire connaître ses motifs. Divers membres demandent la question préalable sur tous les amendements. Elle est pronon-C66* Les articles 23 à 28 sont ensuite décrétés ainsi qu’il suit : « Art. 23. Le juré du jugement est celui qui doit déterminer la condamnation ou la décharge de l’accusé; il sera formé de quatre personnes prises sur chacune des sept colonnes, et de huit de plus prises sur la colonne du grade, ou de l’état de l’accusé, ce qui fera en tout trente-six personnes, qui seront ensuite réduites à neuf au moyen des récusations que l’accusé sera tenu de faire sans pouvoir alléguer aucun motif, et qui s’opéreront par la voie du sort, si l’accusé refuse de les proposer. « Art. 24. Chaque colonne doit être réduite au