SÉANCE DU 21 FRUCTIDOR AN II (7 SEPTEMBRE 1794) - N° 38-39 343 ARTICLE PREMIER. Deux membres de la commission administrative de police municipale, créée par le décret du 14 fructidor, choisis par elle, sont autorisés à apporter leur signature à tous ceux des actes de l’état civil de la commune de Paris, qui se trouvent inscrits sur ses registres, auxquels manque la signature des précédents officiers chargés de les recevoir. IL Ces deux membres sont chargés de parapher les registres où s’inscrivent les actes de l’état civil, pour suppléer à la formalité prescrite par l’article II du titre II de la loi du 20 septembre 1792. III. Ces deux membres sont aussi chargés de visiter ces registres, de constater, de croiser les blancs qui pourront s’y trouver, et de dresser procès verbal de l’état où sont ces mêmes registres (89). 38 Le citoyen Jacquet, admis à la barre, réclame contre le refus qui lui a été fait par le tribunal de district de Melun, de l’installer dans ses fonctions d’accusateur public, et le refus de son traitement que lui a fait l’administration du département de Seine-et-Mame. Citoyens Représentants, Je suis ce patriote opprimé qu’on vient de désigner dans la pétition que vous venez d’entendre; je ne vous ferai pas le récit de toutes les vexations que j’ai éprouvées, le détail en seroit trop long et vos moments sont précieux. Je me contenterai de vous dire qu’après avoir été livré par une inculpation calomnieuse au tribunal criminel du département de Seine-et-Mame et après avoir langui pendant plus de deux mois dans les prisons, je fus acquitté par le jury de jugement. A peine ai-je été libre que je me suis présenté au tribunal du district de Melun pour me faire installer dans la place de juge à laquelle j’avois été nommé avant mon arrestation par le représentant du peuple envoyé dans notre département, je n’avois pas pû me faire recevoir plutôt parcequ’il m’avoit ordonné de continuer les fonctions d’accusateur public, et je les exerçai encore lorsque je fus traduit au tribunal criminel; eh bien le tribunal du district de Melun s’est refusé à mon installation sous prétexte que l’inculpation pour laquelle j’avois été acquitté m’avoit ôté la confiance publique, et quoique j’aye opposé au dit tribunal la loi du huit ventôse qui renvoyé à ses fonctions tout fonctionnaire mis en jugement et acquitté, il a persisté dans son refus. Je me suis ensuite présenté à l’administration du département (89) P.V., XLV, 142-143. C 318, pl. 1 284, p. 22, minute de la main de Oudot. Décret n° 10 785. Moniteur, XXI, 695; J. Fr., n° 713; J. S.-Culottes, n° 571; M. U., XLIII, 359; J. Perlet, n° 716. affîn d’avoir un ordre pour recevoir mon traitement du tems pendant lequel j’avois exercé et celui pendant lequel j’avois été en prison, fondé sur la loi du quatre mai 1793 vieux style. L’administration m’a répondu qu’un membre du tribunal ayant réclamé son droit de présence, elle avoit écrit à la Commission des tribunaux pour avoir sa décision. Vous voyez, Citoyens que c’est encore un nouveau genre de persécution affîn d’éloigner le payement de mon traitement, car l’administration du département peut-elle se dissimuler qu’en écoutant la réclamation de celui qui a rempli mes fonctions pendant mon arrestation, elle porte atteinte mortelle à votre loi du quatre mai qui accorde à tout fonctionnaire public mis en jugement et acquitté son traitement pendant tout le tems de sa détention. Je demande, Citoyens Représentans, que vous ordonniés qu’on me fasse jouir du bénéfice de cette loi. Jacquet, juge du tribunal du district de Melun. La Convention, sur cette réclamation, rend le décret d’ordre du jour, motivé et rédigé ainsi qu’il suit : Le citoyen Jacquet, admis à la barre, se plaint qu’après avoir été livré, par une inculpation calomnieuse, au tribunal criminel du département de Seine-et-Mame, après avoir langui pendant plus de deux mois dans les prisons, il a été acquitté par le jury de jugement; que s’étant présenté au tribunal du district de Melun, pour être installé dans la place de juge, à laquelle il étoit nommé avant son arrestation, et qu’il n’avoit pu occuper plutôt, parce qu’il lui avoit été ordonné de continuer les fonctions d’accusateur public, le tribunal du district de Melun lui a refusé son installation; qu’il s’est pareillement présenté à l’administration du département, afin d’avoir un ordre pour recevoir son traitement d’accusateur public pendant le temps de son exercice et celui de sa détention; que l’administration lui avoit prétexté que le droit de présence avoit été réclamé par un membre du tribunal; en conséquence, le citoyen Jacquet demande l’exécution des lois des 4 mai 1793 et 8 ventôse dernier. La Convention nationale passe à l’ordre du jour, motivé sur les lois (90). 39 Le rapporteur du comité de Législation, chargé du rapport sur la loi des émigrés, reprend cette discussion; elle occupe l’Assemblée, et elle est continuée aux séances suivantes (91). (90) P.V., XLV, 143-144. C 318, pl. 1 284, p. 34. Décret n° 10 789. Rapporteur : Bentabole. (91) Mention : J. Paris, n° 616; Ann. Patr., n° 616; C. Eg., n° 750; F. de la Républ., n# 428; J. Fr., n° 713; J. Perlet, n° 715; J. S.-Culottes, n° 570; J. Univ., n° 1 748; M. U., XLIII, 348; Rép., n° 262; J. Mont., n° 131. 344 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ESCHASSERIAUX au nom du comité et de la commission chargée de la révision des lois contre les émigrés, soumet son travail à la discussion. TITRE PREMIER De l’émigration et de sa complicité ART. I. Sont déclarés émigrés : 1) Tous Français qui, sortis du territoire de la République depuis le 1er juillet 1789, n’y étaient pas rentrés au 9 mai 1792. — Décrété. 2) Tous Français qui, absents de leur domicile, ou s’en étant absentés depuis le 9 mai 1792, ne justifieraient pas dans les formes ci-après indiquées qu’ils ont résidé sans interruption sur le territoire de la République depuis cette époque. Un membre : L’objet de cette loi est de faire punir de mort les émigrés saisis par la justice. D’après cela, le paragraphe que l’on vient de lire ne me paraît pas rédigé d’une manière assez claire. Sans doute l’intention de la Convention n’est pas de vouloir faire condamner à mort la personne qui aurait négligé de remplir cette formalité. Je demande que l’article soit ainsi rédigé : « Ceux qui, postérieurement au 9 mai 1792, sont sortis de la République »; car autrement tout homme qui ne résideraient pas dans son district, les députés par exemple, seraient obligés de justifier qu’ils n’ont point émigré; et faute d’avoir rempli les formalités prescrites, ils seraient donc compris dans la loi; c’est ce qu’on ne peut pas concevoir. GARNIER (de Saintes) : il n’est pas de ruses que n’emploient les émigrés pour se faire réintégrer dans leurs biens, pour faire constater faussement leur résidence dans la République. Il ne faut point fournir de nouveaux moyens à ces infâmes abus. Tout homme qui est absent de son domicile l’est pour affaires ou pour quelque autre motif qu’on ne peut juger, et il doit lui être facile de prouver sa résidence dans un domicile nouveau; mais tant qu’il n’a pas de domicile connu, il est présumé émigré; c’est à lui à justifier qu’il ne l’est pas. On a parlé des députés; ils sont sans cesse sous les yeux de la Convention qui les surveille; ils ne pourraient pas faire une longue absence sans qu’elle s’en aperçût, et alors elle les dénoncerait elle-même : c’est ce qu’elle a fait pour Julien (de Toulouse). Je demande l’adoption du second paragraphe. Cette proposition est adoptée. 3) Toute personne qui, ayant exercé les droits de citoyen en France, quoique née en pays étranger, ou ayant un double domicile, l’un en France et l’autre dans les pays étrangers, ne constatera pas également sa résidence depuis le 9 mai 1792. — Décrété. 4) Tous Français sortis du territoire de la République, dont l’absence a pour objet le commerce, l’éducation et le dessein d’acquérir de nouvelles connaissances dans les sciences, arts et métiers, aux termes des exceptions portées à la section IV de la loi du 28 mars 1793, s’ils ne sont rentrés en France dans le délai de deux décades après la promulgation de la présente loi, et ne justifient en outre des motifs de leur absence, tant aux comités de suveillance qu’au directoire du district du lieu de leur domicile, d’après les formes prescrites par ladite loi du 28 mars. PELET : Il me semble que cet article renferme des combinaisons si vastes qu’il embrasse toutes les relations commerciales et politiques de la France. Il porte non seulement sur ceux qui ont des missions ostensibles, mais encore il comprend les négociants établis à Constantinople, dans les échelles du Levant; ceux qui vous ont envoyé de Gênes des dons patriotiques, et qui vous font passer chaque jour des étoffes pour l’habillement de vos troupes; enfin ceux qui vous ont envoyé des grains des Etats-Unis. Comment voulez-vous qu’ils soient rentrés dans le délai de deux décades ? Six mois me paraîtraient même trop peu pour ceux qui sont aux Indes. Je demande que cet article soit renvoyé aux comités de Salut public, des Finances et de Commerce, pour vous en présenter demain une nouvelle rédaction. CARRIER : Si vous ne prenez point de mesures nouvelles, vous favoriserez la rentrée des émigrés sur le territoire de la République. Déjà plusieurs, à la faveur des lettres de commerce qu’ils se sont fait donner chez l’étranger, sont revenus par ce moyen; pour empêcher ces travestissements, je demande que ceux qui prétendront ne s’être absentés que pour des raisons de commerce, ou pour acquérir des connoissances nouvelles, soient tenus de justifier auprès de leur municipalité, et de faire attester par elle que c’était réellement là le motif de leur absence. FORESTIER : La loi du 28 mars prévoit ce cas. CARRIER : On m’objecte la loi du 28 mars; mais comme c’est ici un code nouveau que vous offrez à la France, il faut répéter positivement cet article pour empêcher toute fraude. Un membre : Ce dernier paragraphe ne me paraît pas assez clair; ces mots : « quitté le territoire de la République » me paraissent superflus : on peut s’être réuni aux ennemis après son invasion sans avoir quitté le territoire de la République. Le rapporteur : Il suffirait de mettre : « quitté le territoire non envahi de la République ». GENISSIEU : La rédaction telle qu’on vous l’a proposée serait propre à faire échapper des coupables. La loi des émigrés ne porte en général que sur ceux qui sont sortis du territoire de la République; mais dans ce cas-ci on peut être coupable sans être sorti de France. Quand l’ennemi était à Valenciennes, tous ceux qui se sont réunis à lui n’ont pas quitté Valenciennes, et cependant ils sont regardés comme émigrés. Je propose cette rédaction : « Tout Français convaincu de s’être retiré sur le territoire étranger ou français occupé par l’ennemi,». RÜHL : Quand les Prussiens occupaient une partie du département du Bas-Rhin, un grand nombre des habitants de Haguenau et de Wissembourg furent les joindre. Ce ne fut que quand les armes de la République furent victorieuses, que ces même habitants voulurent