76 (Assemblée nationale.] l’année 1791 la force de l’armée doit être de 204,619 hommes, dont 153,953 sous les armes, et 50,666 dans les départements (1). Les officiers du génie et de l’artillerie sont si instruits et si distingués que nous avons cru utile de n’en réformer aucun ; il n’est pas un guerrier qui n’ait un respect particulier pour ces deux corps. Le nouveau système que la France veut adopter, portant sur la défensive, rendra tous les jours l’art de la défense plus intéressant et plus nécessaire. Le patriotisme des officiers du génie et de l’artillerie nous a permis de tenter la réunion de ces deux corps, qui avait été préparée par MM. de Gribauval et de Bourset. Ge rapprochement fera disparaître toutes les inimitiés, toutes les rivalités, dont le service à longtemps souffert, et produira, dans l’avenir, une économie considérable. Dépenses. I Nous avons considéré toutes les parties de dépense dans leur application particulière, et après les avoir combinées dans leur rapport entre elles, nous avons repoussé ces idées d’économies parcimonieuses, qui, par des ménagements présents et mal entendus, préparent pour l’avenir des regrets infinis, des dépenses incalculables. Nous avons désiré que tout ce qui sert dans l’armée, fût suffisamment payé ; nous avons établi dans les appointements de tous les grades, une progression sensible entre la jeunesse et l’âge mûr, parce que nous avons senti que les derniers doivent trouver dans une aisance honnête la récompense d’une application longue et continuelle à leurs devoirs. Les dépenses de l’armée doivent être examinées sous différents rapports : La solde du soldat, sa nourriture, son vêtement et son entretien ; Les fournitures qui lui sont nécessaires et qui doivent lui être données ; ! Les soins qu’on doit prendre de lui dans ses maladies ou iutirmités; l’usage de sa solde, lorsqu’il n’est pas présent au corps; Les frais de recrutement, ceux de remonte; Les appointements des officiers de tous les grades; Les dépenses du génie; De l’artillerie; L’entretien des places*, La solde de la partie de l’armée sédentaire; Les vivres et les fourrages ; Les dépenses accessoires. Le comité pense que toutes ces dépenses doivent être séparées ; que les différents objets qu’elles renferment doivent être connus du soldat et publiés tous les ans ; qu’il doit savoir ce qui lui revient ; qu’une partie de cette dépense doit être gérée par un conseil de régiment, le reste par le ministre de la guerre. Il est impossible de fixer chacune de ces dépenses en particulier avec la plus grande précision ; aussi nous ne vous proposerons d’arrêter définitivement que celles qui concernent la solde du soldat, une partie de son entretien et les appointements de tous les grades. Mais, prenant pour base de nos calculs, sur tous les objets, Jes (1) Ainsi, d’après la proportion susdite, sur ces 204,619 hommes de troupes qui vont être constituées pour 1791, il y en aura 24,581 d’étrangères. [13 juillet 1790]. sommes qui nous ont été présentées par le ministre de la guerre, nous espérons ne pas atteindre la somme qu’il vous demande. D’après le projet du comité, l’armée active de 153,953 soldats ou officiers, coûtera pour solde entretien, décompte fait au soldat et appointements, 39,247,391 liv. 6 sols. En n’excédant pas cette somme, nous vous prions de prendre en considération que nous faisons aux soldats un sort heureux, que tous les grades de Farinée reçoivent une augmentation d’appointements, qu’au terme de sa carrière, celui qui a sacrifié sa vie à l’Etat trouve un asile prêt à le recevoir, et ce dont il a besoin pour sa subsistance. Nous nous sommes occupés de composer une armée auxiliaire en détruisant le tirage de la milice , et en ne nous servant d’aucun des moyens qu'on croyait devoir vous offrir pour la ramplacer. Nous comptons singulièrement sur le zèle de M. Ëmmery pour remplir cet objet important. Dans l’excellent mémoire qu’il a imprimé, d’après le vœu du comité, vous trouverez qu’ayant combiné une partie de notre plan sur les observations qu’il a faites, nous avons encore rendu le métier de soldat supportable pour la vie habituelle, et qu’il vous proposera pour la partie morale de l’armée tout ce qui doit élever l’âme de ceux qui seront destinés à y servir. Le comité, en terminant son travail, croit utile d’ajouter que le nombre des troupes à la solde de differentes puissance de l’Europe, les préparatifs immenses de guerre qu’elles ont faits, l’ambition qu’elles manifestent ne permet plus de différer l’organisation de l’armée française. Il pense même que vous verrez avec satisfaction que tandis que les peuples de l’Allemagne viendront jurer sur nos frontières de river leurs chaînes, nos soldats, pleins de vénération pour vos sages décrets, jureront devant vous et devant le roi de maintenir notre liberté. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, d’après le rapport de son comité militaire, sur le nombre d’hommes dont l’armée doit être composée, sur la solde et les appointements de chaque grade, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er L’armée sera composée de 204,619 soldats ou officjers, dont 153,953 en activité, et 50,606 soldats sédentaires, dans les départements. Art. 2. La proportion des troupes étrangères au reste de l’armée ne pourra jamais, sous aucun prétexte, être en temps de paix que 1 à 8 3/5, en comprenant les Suisses. Ainsi, sur les 204,619 soldats ou officiers dont l’armée sera composée, il ne pourra y en avoir que 24,581 d’étrangers. Art. 3. La proportion de l’infanterie, à la force de i’armée, sera comme 3 et 1/3 est à 4; la cavalerie comme 1 est à 5 et 1/5. L’artillerie et le génie comme 1 est à 16 et 7/9. Art. 4. L’armée française, au pied de guerre, par l’augmentation que pourront recevoir les troupes étrangères, sera de 233,730 hommes. La proportion de l’infanterie, à la force de l’armée, sera pour lors comme 5 1/3 est à 7; la cavalerie, comme 1 est à 5 et 1/3. L’artillerie et le génie comme 1 est à 16 et 7/9. Art. 5. La proportion des officiers aux soldats dans l’infanterie sera, en temps de guerre, comme 1 est à 28 1/3 ; dans la cavalerie et les dragons, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [13 juillet 1790.| comme 1 est à 18 ; dans les troupes légères, comme ' 1 est à 20; dans le génie et l’artillerie, comme 1 est à 10 et 1/3. Plusieurs membres demandent l’impression du rapport de M. de Noailles et du -projet de décret, en y ajoutant les articles qui ont déjà été décrétés sur l’armée. M. de Cazalès. Il faut se hâter d’organiser l’armée ; la sûretédu royaume, la paix intérieure, le maintien de la Constitution, les plus grands motifs nous y sollicitent. L’armée présente un spectacle affligeant pour tous les bons citoyens. (11 s’élève des murmures, on observe que la demande de l’opinant est déjà décrétée.) M. le Président. L’Assemblée témoigne le vœu de décréter l’impression avant de discuter. M. de Cazalès. J’ai fait, il y a déjà plusieurs jours, la motion qu’on s’occupât sans délai de l’armée, et je veux la motiver aujourd’hui. (On observe de nouveau qu’il y a un décret, et que c’est d’ailleurs le vœu de toute l’Assemblée.) (L’Assemblée décrète l’impression de l’exposé du travail du comité militaire, fait par M-de Noailles, du projet de décret, et des articles déjà décrétés sur l’armée.) M. de Cazalès. Je dois motiver la motion que j’ai faite ...... (On décide de passer à l’ordre du jour.) M. de Foucault. J’avais demandé l’impression du plan du ministre de la guerre, arrêté au conseil du roi ; je ne sais pourquoi il ne nous a pas encore été distribué ; je renouvelle ma motion. M. le Président. Vous avez décidé que le plan d’organisation de l’armée, arrêté par le roi, serait imprimé, distribué et annexé à votre procès-verbal de la séance du 9 juillet. Ce plan est à l’impression, mais comme il se compose de tableaux qui réclament un grand soin, il n’a pas été possible de vous le distribuer encore. Une députation des gardes nationales de France demande à être admise à la barre (1). La députation est immédiatement introduite. M. de Cafayette, portant la parole, dit : Messieurs, les gardes nationales de France viennent vous offrir l’hommage de leur respect et de leur reconnaissance. La nation, voulant enfin être libre, vous a chargés de lui donner une Constitution; mais en vain elle l’aurait attendue, si lavolontée éclairée, dont vous êtes les organes, n’avait suscité cette force obéissante qui repose en nos mains, et si cet heureux concert, remplaçant tout à coup l’ordre ancien que les premiers mouvements de la liberté faisaient disparaître, n’avait été la première des lois qui succédaient à celles qui n’étaient plus. C’était, nous osons le dire, un prix dû à notre zèle que cette fête qui va rassembler tant de frères épars; mais qui, régis à la fois par votre influence et par le besoin impérieux, si cher aux bons Français, de s’assurer de l’unité de l’Etat, (1) La même députation s’était rendue auprès du roi et lui avait adressé un discours que nous annexons à la géajace d© ce jour. n’ont cessé de diriger vers un pointeommun leurs communs efforts; c était aussi sans doute un prix dû à vos travaux que cet accord unanime avec lequel ils portent aujourd’hui à l’Assemblée constituante de France leur adhésion à des principes que demain ils vont jurer de maintenir et de défendre. Oui, Messieurs, vous avez connu, et les besoins de la France, et les vœux des Français, lorsque vous avez détruit le gothique édifice de notre gouvernement et de nos lois, et n’avez respecté que le principe monarchique, lorsque l’Europe attentive a appris qu’un bon roi pouvait être l’appui d’un peuple libre, comme il avait été la consolation d’un peuple opprimé. Achevez votre ouvrage, Messieurs, et déterminant dans le nombre de vos décrets, ceux qui doivent former essentiellement la Constitution française, hâtez-vous d’offrir à notre juste impatience ce code dont la première législature doit bientôt recevoir le dépôt sacré, et dont votre prévoyance assurera d’autant plus la stabilité, que les moyens constitutionnels de le revoir, nous seront plus exactement désignés. Les droits de l’homme sont déclarés ; la souveraineté du peuple est reconnue; les pouvoirs sont délégués; les bases de l’ordre public sont établies. Hâtez-vous de rendre à la force de l’Etat son énergie. Le peuple vous doit la gloire d’une constitution libre; mais il vous demande, il attend enfin ce repos qui ne peut exister sans une organisation ferme et complète du gouvernement. Pour nous, voués à la Révolution, réunis au nom de la liberté, garants des propriétés individuelles comme des propriétés communes, de la sûreté de tous et de la sûreté de chacun, nous qui brûlons de trouver notre place dans vos décrets constitutionnels, d’y lire, d’y méditer nos devoirs, et de connaître comment les citoyens sont armés pour les remplir ; nous, appelés de toutes les parties de la France par le plus pressant de tous, mesurant notre confiance à votre sagesse, et nos espérances à vos bienfaits, nous portons, sans hésiter, à l’autel de la patrie le serment que vous dictez à ses soldats. Oui , Messieurs , nos mains vont s’élever ensemble à la même heure; au même instant nos frères de toutes les parties du royaume proféreront le serment qui va les unir : avec quels transports nous déploierons à leurs yeux les bannières, gages de cette union et de l’inviolabilité de nos serments 1 avec quels transports ils les recevront ! Puisse la solennité de ce grand jour être le signal de la conciliation des partis, de l’oubli des ressentiments, de la paix et de la félicité publique ! Et ne craignez point que ce saint enthousiasme nous entraîne au-delà des bornes que prescrit l’ordre public. Sous les auspices de la loi, l’étendard de la liberté ne deviendra jamais celui de la licence. Nous vous le jurons, Messieurs, ce respect pour la loi dont nous sommes les défenseurs; nous vous le jurons sur l’honneur; et des hommes libres, des Français, ne promettent pas en vain. (L’Assemblée et les spectateurs applaudissent avec transports). M. le Président répond : Messieurs, le jour où le pouvoir absolu a cessé d’être, le jour où les anciens ressorts qui comprimaient les volontés ont cessé de les tenir enchaînées, le jour enfin ou 25 millions d’hommes qui s’étaient endormis