[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin 1791.] neur à ne jamais se démentir. » (Applaudissements.) M. le Président lit la formule du serment. Les commissaires des guerres prêtent le serment. M. Gaultier-Biauzat. Les élèves en chirurgie attendent pour prêter leur serment; je demande qu’ils soient introduits dans l’Assemblée. M. le Président. J’ai observé à ces messieurs que l’Assemblée tenait une séance extraordinaire pour lire des adresses, et non pour recevoir les députations. M. Gaultier-Biauzat. Mais, Monsieur le Président, c’est une adresse vivante. (Oui! oui! — Ap p laud issemen ts .) M. le Président. Messieurs, si vous le jugez à propos. . . (Oui ! oui !) (La députation des élèves en chirurgie est introduite à la barre.) M. Martin, chirurgien , orateur de la députation. Des hommes destinés, par état, à combattre la douleur et la mort ont entendu la patrie souffrante. Voler à son secours, des'iner à la défendre, te fer qui, dans leurs mains, est un instrument de bienfaisance et de consolation, tels furent et seront toujours le premier mouvement et le devoir le plus cher à nos cœurs. Les ennemis de la patrie, épouvantés par le courage majestueux d’un peuple libre et digne de l’être, n’ont encore osé sortir des ténèbres dans lesquelles ils ourdissent la trame de leurs criminels complots. Chaque heure, chaque instant peut être pœt à produire une explosion funeste à la cause des peuples. Bientôt peut-être les menaces de leur rage, impuissante jusqu’ici, vont se tourner en réalité. Alors tous les citoyens de l’Empire, tous les hommes doués d’une énergie vertueuse, rassemblés par vos ordres sous les drapeaux de l’égalité, marcheront à la victoire ; ceux qui comme nous, Messieurs, ont vu la mort de près, savent qu’elle ne peut inspirer l’effroi au guerrier qui ne craint que l’esclavage. Ce n’est pas la mort, Messieurs, c’est la douleur qu’on redoute, et c’est à la douleur que notre art doit et sait commander. Metz, assiégée par le chef d’une maison dès longtemps funeste à la France, par Charles-Q ont, voyait ses défenseurs couverts de blessures et livrés au découragement : un seul homme paraît : le calme renaît dans la place avec la conliance. Charles-Quint fuit et laisse ses blessés à la merci de nos braves aïeux. Cet homme, Messieurs, était Ambroise Paré, chirurgien célèbre. Riche de son expérience et de celle de 2 siècles de lumières écoulés entre nous et lui, nous venons jurer d ms le temple augusie de la loi, de ne vivre que pour étancher le sanu qui peut couler pour une aussi belle cause. Doublement libres, ne craignant point de laisser à la patrie, après notre mort, des veuves à consoler et des orphelins à nourrir, nous sollicitons ia faveur de porter les premiers coups à nos ennemis communs. Mais, à quelque destination qu’on nous réserve, nous jurons de consacrer toute notre existence au service des défenseurs de ia patrie, de les conserver à la reconnaissance publique, et de nous ensevelir avec eux sous les ruines de la liberté. (Vifs applaudissements.) 555 M. le Président. L’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l’hommage que vous lui apportez de votre zèle, au sein de vos études où vous vous occupez à chercher le moyen de soulager les maux de l’humanité. Vous y avez entendu les maux de la patrie, et vous y accourez. Vous jurez de soulager nos frères communs, de les conserver à la reconnaissance publique, ou de vous ensevelir avec eux. C’est ne pas changer d’occupation. L’Assemblée nationale vous admet à sa séance. (Les membres de la députation sont introduits dans la salle.) M. Martin, orateur de la députation. On nous fait oublier que nous manquons de remplir le devoir le plus cher à nos cœurs, celui de prêter à la patrie le serment solennel d’obéir à la nation et à la loi et de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution que vous avez faite. J’ose vous supplier, au nom de mes confrères et au mien en particulier, de vouloir bien agréer nos excuses et de regarder cette omission comme uu effet de l’enthousiasme où nous nous trouvons. Messieurs, placés dans le sanctuaire de la loi, il est permis de perdre la mémoire et de ne se souvenir d’autre chose que de vous voir et de vous exprimer l’hommage de notre sentiment et de notre patriotisme. (Applaudissements.) M. le Président. L’Assemblée est prête à recevoir le serment que vous offrez à la patrie. (Les membres de la députation prêtent le serment.) M. le Président. Une députation de 20,000ou-vriers demande à prêter le serment. Voix diverses : Il faut les faire entrer ! (Non ! non ! demain !) (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Merle, secrétaire , fait lecture des adresses suivantes : Adresses des administrateurs composant le directoire du département de la Loire-Inférieure , ceux du département de la Gironde , du département de la Côte-d’Or, du département de Rhône-et-Loire , du département du Bas-Rhin , du département de l’Eure . du département de la Seine-Inférieure, du département de la Manche, du département de l’Yonne, du département de la Mayenne, du département de la Sartke, du département de la Haute-Marne , du département d'Eure-et-Loir, du département du Pas-de-Calais, du département d'Ille-et-Vilaine, du département du Calvados , du département de la Haute-Vienne, du département de L’Orne , du département du Nord, des administrateurs formant le conseil général du département de la Somme, et celui du département de l’Aisne, qui annoncent à l’Assemblée qu’anssitôt qu’ils ont appris l’enlèvement du roi, ils ont pris toutes les mesures pour maintenir l’ordre public et mettre la patrie en état de défense. L js autres corps administratifs, les tribunaux, les officiers municipaux, les gardes nationales, tous ont agi de concert pour donner des marques éclatantes de patriotisme. Us ont renouvelé le serment solennel de verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour le maintien de la Constitution. Le directoire du département de la Loire-Inférieure, après avoir mis eu sûreté les caisses publiques., et mis embargo à Paiuibœuf, pour em* 556 lAsaemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin 1791.) pêcher la nouvelle d’arriver aux colonies avant les précautions qui pourraient être dans les desseins de l’Assemblée nationale, a reçu des officiers de ligne le serment porté dans la loi du 15 du présent mois. Le directoire du département de la Gironde envoie une adresse imprimée du conseil général de la commune de Bordeaux à ses concitoyens, où on lit ces paroles : « Les scélérats qui ont commis l’attentat qui vous est dénoncé, sont sans doute bien loin d’être tranquilles sur les suites que ne peut manquer d’avoir cette folle et criminelle entreprise. Combien n’en seront-ils pas épouvantés, lorsqu’ils sauront que nous l’avons apprise avec douleur, mais avec calme ; lorsqu’ils .�auront que nous n’avons rien perdu de cetie fermeté qui sied si bien à des hommes qui ont juré de vivre libres ou mourir ! » Les directoires des départements du Bas-Rhin et du district de Strasbourg , ceux du département de l Eure et du district d'Evreux, et ceux du département de l’Yonne et du district d’Auxerre, réunis aux officiers municipaux, aux gardes nationales et aux juges des tribunaux , s’attachent priuc paiement a exprimer à l’administration nationale les sentiments d’admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elle les a pénétrés par sa conduite héroïque dans une circonstance aussi critique. Les corps administratifs, judiciaires et militaires de la ville d’Auxerre envoient une adresse dans laquelle on lit ces paroles : * Fermes au poste que la patrie nous a confié, toujours rassemblés, nous veillerons nuit et jour pour entretenir au milieu de nos concitoye is l’ordre et la paix, tempérer leur ardeur et diriger leur zèle. » Ils ajoutent : « Le malheur des rois est d’être trompés ; mais un roi qui s’est montré tant de fois citoyen ne résistera pas sans doute à la voix d’un peuple libre, lorsqu'eu son nom vous lui redemanderez et sa présence et son amour. » Le directoire du département du Jura a pris des mesures extraordinaires nour mettre les frontières en état de défense; il a faitenrôlerla majeure partie des citoyens capables de porter les arm' s. Les administrateurs du département de l’ Ille-et-Vilaine et du district de Rennes instruisent l’Assemblée que les troupes de ligne en garnison dans cette ville se sont empressées de prêter, entre leurs mains, le serment décrété le 15 du présent mois. Le conseil général du département de l'Aisne fait une pétition d’armes et ne munitions, qui est renvoyée au comité militaire. Il sollicite une punition exemplaire des auteurs et complices de l’enlèvement du roi, une récompense honorable en faveur du maître de poste de Sainte-Menehould, et des nommé-Leblanc et Goulaud, citoyens de Yarennes; enfin il demande qu’il soit nommé, par l’Assemblée, un gouverneur à l’héritier présomptif de la couronne. Le département du Calvados supplie l’Assemblée de commuer et prolonger la durée de sa session au delà du terme qu’elle avait pu se proposer, et jusqu’à ce que le salut de la chose publique soit assuré. Adresse des sous-officiers et soldais composant le 12e régiment, ci-devant d’Artois , ainsi conçue : « Justement alarmés des dangers que court la patrie; convaincus que la fuite honteuse du roi des Français n’a pu être protégée par des généraux qui commandent l’armée de cet Empire, sans que ces mêmes généraux aient é'é bien sûrs que dans les différents corps qui la composent il existait des traîtres animés des mêmes internions de scélératesse qui ont dirigé les Bouillé et Hei-mann ; Considérant que tous les officiers, ci-devant de naissance, qui sont actuellement dans les régiments, ont toujours affiché leur amour pour le roi, et la haine pour la nation et la Constitution qu’elle s’est donnée par ses représentants ; Que l’arrestation du roi n’a pas changé les sentiments anti civiques de ces officiers, mais qu’elle a seulement changé leur projet et le but qu’ils s’étaient proposé en faisant passer le chef de l’armée chez nos ennemis; Les sous-offieiers et dragons du 12e régiment, mus par ces considérations, n’ayant et ne pouvant avoir aucune confiance dans une partie des officiers qui les commandent, ont arrêté de vous demander que la caisse et le guidon du régiment soient transportés chez l’un des ci-devant officiers de fortune. Ils ont arrêté, en outre, que la demande qu’ils vous font serait communiquée aux divers membres des corps administratifs, afin d’obtenir, des membres qui les composent, leur assentiment à la présente délibération. Fait à Metz, le 24 juin 1791. Procès-verbal des faits et circonstances qui ont amené la délibération ci-dessus. (Communiqué à MM. les administrateurs du directoire du département et de la ville de Metz par une députation du 12° régiment, ci-devant d’Artois) : « M. Bataille, ci-devant de Mondelet, capitaine commandant le régiment, après avoir eu connaissance de la délibération ci-dessus par la voie du sieur Lefèvre, adjudant de semaine, qui y avait été autorisé par les sous-ofticiers et les dragons, donna l’ordre au régiment de s’assembler sans armes au manège attenant au quartier. Là, les 6 compagnies formant un cercle, MM. les officiers et sous-officiers en dedans, M. Bataille prenant la parole a dit : a Dragons, j’ai appris que votre envie était « que la caisse et le guidon du régiment fus-« sent re'irés de mes main-pour être transférés « en d’autres mains. Il est de mon devoir de con-« sulter toutes les voix pour savoir si ce vouloir « existe dans tous les esprits. » <. Alors, recueillant toutes les voix et voyant que la volonté générale était l’émission du vœu qui avait déterminé la délibération, M. Bataille à donné à l’instant sa démission, et refusé décommander dorénavant, vu la défiance qui lui était manifestée et qu’il ne croyait pas, dit-il, avoir méritée. Alors MM. Ghambon, Bouix, Gombault et de Chenevière, tous quatre capitaine-, et M. Maieville, lieutenant, ont suivi l’exemple de M. Bataille, en se démettant du pouvoir de commander, par une renonciation à leurs emplois. « Le sieur Geotîroi, maréchal des logis en chef, prenant la parole au nom de tous les dragons, a dit qu’il devait à la vérité avouer la défiance qui avait déterminé la délibération prise par les suus-officiers et dragons ; que c’était la connais-naissance d’un propos que l’on avait dit avoir été tenu par M. Bataille, lors de l’arrestation du roi : lequel sieur Bataille avait dit, eu présence du sœur Bradurier, adjudant, et de plusieurs officiers du régiment, qu’il aurait favorisé l’évasion