BAILLIAGE DE SÉZ ANNE. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances du clergé des bailliages de Sémnne et Châtillon (1). Empressés de seconder les vues bienfaisantes de Sa Majesté, qui appelle autour de son trône ses fidèles sujets, pour être éclairée sur leurs véritables intérêts, redresser les griefs de la nation entière, assurer la prospérité du royaume au dedans et au dehors, rendre à chaque citoyen sa liberté civile, établir l’égalité nécessaire pour le bonheur de ses sujets ; Désirant concourir au bien général dans l'assemblée indiquée des Etats, où la nation va montrer sa force et son énergie, pour remédier à d’anciens abus, et abolir toute forme d’administration préjudiciable à la félicité publique, présentons a l’assemblée des Etats les plaintes et doléances suivantes. CHAPITRE PREMIER. L’ordre du clergé demande que la religion catholique, apostolique et romaine continue toujours à être la seule dominante dans tout le royaume, et que l’exercice public de toute autre soit sévèrement proscrit et défendu. Que la sanctification des dimanches et fêtes soit mieux observée ; que la décence et la modestie soient mieux gardées dans les temples ; qu’in-jonction soit faite aux officiers de police de faire observer plus exactement les ordonnances rendues à cet égard. Que Sa Majesté sera suppliée très-humblement d’accorder aux évêques la permission de s’assembler en conciles nationaux, provinciaux, et synodes, trop longtemps négligés, comme seuls capables de procurer la restauration de la discipline ecclésiastique, tant dans le clergé séculier que dans le clergé régulier; et de supprimer les assemblées du clergé comme inutiles et trop dispendieuses. Qu’il y ait, dans tout le royaume, une uniformité dans les prières publiques, par conséquent même catéchisme, même missel, même bréviaire, même rituel, même chant, même pour les chapitres et les ordres religieux ; que toutes les fêtes patronales soient célébrées le même jour par tout le royaume. Réclament fimmunité des personnes ecclésiastiques, soit dans l’ordre civil, soit dans l’ordre ecclésiastique, de sorte qu’aucune ne puisse jamais être arrêtée par les juges d’église ou civils, sans avoir été entendue. Que l’ordre de Malte soit assujetti aux mêmes charges et payement de la portion congrue comme tout le clergé du royaume ; que ses privi-viléges et immunités ne soient pas plus étendus que ceux de l’Église. Que les religieux privilégiés soient assujettis au payement de la dîme, comme tous les proprié-tairesfonciers. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Que les dîmes inféodées soient également assujetties aux mêmes charges que les dîmes ecclésiastiques, conjointement et proportionnellement avec elles, et par conséquent, suppression de tous les privilèges des dîmes inféodées à cet égard. Que les églises succursales et annexes soient érigées en titre de cure, chaque peuple ayant droit d’avoir son pasteur, puisqu’il fournit, pour sa subsistance, une partie de ses revenus et de ses travaux. Que les portions congrues soient élevées à la somme de 1,500 livres pour les cures de campagne au-dessous dedeux cents feux, de 2,000 livrespour les paroisses au-dessus, et de 2,400 livres pour les cures des villes : lesquelles sommes, à prendre sur les dîmes de chaque paroisse, seront représentatives d’une rente de 93 septiers de froment, mesure de Paris, pour les 1,500 livres, et 124 septiers pour les 2,000 livres, et 148 septiers pour les 2,4001ivres, en appréciant ieseptier de blé 16 livres, lesquelles rentes ne pourront jamais, sous aucun prétexte, être érigées en nature, et pour lesquelles on ne pourra demander aucune augmentation pendant l’espace de dix années. Après la neuvième année expirée, il sera fait une nouvelle estimation du prix des grains sur celui des trois années précédentes, laquelle estimation durera encore dix ans, et ainsi de suite, de neuf années en neuf années. Les portions congrues des vicaires augmentées en proportion de celles de leurs curés respectifs, c’est-à-dire que la portion congrue de chaque vicaire sera la moitié de celle de son curé. En conséquence, le casuel supprimé, comme avilissant un ministère spirituel qui doit être exercé gratuitement conformément aux canons de l’Eglise, aux lois du royaume, notamment à l’article 15 de l’ordonnance des États d’Orléans. Que le seigneur Roi soit supplié de supprimer quelques bénéfices en commende, pour affecter le tiers franc à l’augmentation des portions congrues dans les paroisses où la dîme ne serait pas suffisante, pour doter celles des villes où il n’existe point de dîmes, pour aussi indemniser leschapitres et autres établissements publics dont les revenus seraient notablement diminués par l’accroissement desdites portions congrues; que les revenus desdites commendes soient administrés par un bureau établi dans chaque diocèse où les curés seront appelés. Qu’il ne soit point effectué de réunion de bénéfices consistoriaux qu’avec connaissance de I causes et le concours de la commission intermé-I diaire des Etats généraux. j Qi’"' soit ordonné une révision des ordres sup-, primbL de l’emploi des revenus et biens provenant ü3 ladite suppression, et que les sommes I restantes soient appliquées à l’usage qui sera jugé 1 le plus utile au bien général. Que la moitié des canonicats de cathédrale et . collégiale, soit affectée à tout prêtre qui aura exercé pendant quinze ans les fonctions du ministère. Les bénéfices titrés devant être la récompense 763 [États gén. 1789. Cahiers, 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sézanne.] du travail et du mérite, demande que les curés aient le droit d’y prétendre, et l’assurance d’y parvenir. Qu’il soit assuré à tout ecclésiastique occupé dans le ministère, qui, par maladie ou infirmité, ne pourrait plus remplir aucune fonction, une pension alimentaire qui puisse le faire subsister où il jugera à propos de se retirer. Demande que tout bénéficier, dont le revenu équivaudra à la portion congrue, soit à la résidence, pour empêcher la pluralité des bénéfices, et procurer le bien des lieux de leur résidence. La suppression des notaires apostoliques, les actes publics ecclésiastiques permis aux notaires royaux ; les mises en possession accordées aux doyens ruraux et aux archiprêtres, comme il se pratique en plusieurs diocèses. Qu’il soit pourvu à l’éducation gratuite des pauvres de la campagne, en affectant une somme prise sur les fabriques dans les paroisses où elle est suffisamment dotée, et établir des bourses dans les collèges et séminaires des villes épiscopales pour des enfants pauvres, en qui on reconnaîtrait des talents. CHAPITRE II. Administration. - Le clergé des bailliages de Sézanne et Ghâtillon demande le retour périodique des Etats généraux, comme seuls capables de consentir les lois, d’accorder les impôts, de remédier aux désordres des finances et de les prévenir, regardant comme la source du bonheur public une constitution sage qui autorise une nation à discuter elle-même ses plus chers intérêts. Les Etats généraux ne pouvant réformer tous les abus, redresser tous les griefs dans une seule tenue, quelque longue qu’on la suppose, observe qu’il serait à propos, qu’avant de se séparer, on déterminât les questions qui seraient traitées dans les Etats suivants, afin que toutes les vues particulières, tournées vers les mêmes objets, puissent donner à la nation le résultat de l’opinion publique. Une commission intermédiaire des Etats généraux, toujours subsistants, composée des députés des provinces, chargée du dépôt des lois communes à la nation, et de tous ses rapports avec son souverain, dont la formation et la régénération sera déterminée par les Etats généraux. Que le tiers-état aura toujours, dans les Etats généraux, un nombre de députés égal aux deux autres ordres. Que les ordres travailleront ensemble, et que les voix seront comptées par tête. Que toutes les provinces seront mises en pays d’Etats, et le nombre des membres qui les composeront, fixé, pour les trois ordres, dans la même proportion que celle qui vient d’être réglée pour les Etats actuellement convoqués. Constater les revenus de l’Etat, ses charges, ses dettes, avant de consentir aucun impôt. Affecter une somme déterminée pour les pensions; examiner les titres de celles qui existent, afin que l’Etat ne soit pas surchargé de dépenses inutiles; supprimer les acquits de comptant,’ parce qu’ils n’énoncent pas les raisons qui justifient l’emploi* ; ; Consentir une égale répartition des impôts pour tous les ordres, et en proportion chacun de sa fortune. Le clergé se fait une gloire de voter cette égalité, et de renoncer à ses privilèges à cet égard, persuadé que l’ordre de la noblesse ne témoignera pas moins d’empressement à faire ce sacrifice. Mais l’ordre du clergé réclame pour l’ordre de la noblesse, comme pour le sien, la conservation et la confirmation des prérogatives personnelles, et des propriétés attachées aux deux premiers ordres de l’Etat. Exempter de toutes impositions les seuls biens appartenant aux hôpitaux, qui, par leur fondation, tournent à l’avantage des pauvres citoyens, et dont l’exemption vient en accroissement pour leur soulagement. La liquidation des dettes du clergé, en les confondant avec celles de l’Etat ; le clergé, contribuant à l’acquit de celles de l’Etat, doit être libéré de celles qu’il a contractées pour venir à son secours. Le clergé, faisant le sacrifice de tous ses privilèges pécuniaires en faveur de l’Etat, demande à rentrer dans la classe commune des autres citoyens propriétaires, pour la confection de ses baux, et à n’être plus sujet au droit d’amortissement. Qu’il ne soit permis aucun abonnement particulier pour les impôts aux corps, provinces, ou communautés et particuliers, de quelque condition qu’ils soient. L’aliénation des domaines pour un temps limité, attendu qu’étant mal cultivés pour la plupart, ils ne produisent pas les revenus qu’on pourrait en attendre, et que, d’ailleurs, les frais de régie en absorbent la plus forte partie. La subvention territoriale représentative detous les impôts sur les biens, comme l’imposition la plus certaine et la plus égale. Assujettir à un impôt quelconque et proportionnel les fortunes cachées, consistant en billets, lettres de change et autres effets commerça-bles. Suppression totale des aides et gabelles. > Renvoi des douanes et barrières aux confins du royaume, gardés en tout temps par les soldats invalides. La suppression de tous les couriers employés à la perception de tous les différents droits, procurera, par la cessation de leurs gages, un bénéfice considérable à l’Etat et au commerce : nombre de bras, par là, deviendront utiles. Pour prévenir les années de disette, établir des greniers publics dans les lieux de marchés, qui se rempliront dans les années d’abondance, et qui ne se videront que pour les besoins du peuple, ou pour le renouvellement des grains. Encourager et récompenser l’agriculture ; faire une loi sage qui obvie aux dégâts que cause la trop grande quantité de gibier. Abolir la mendicité dans tout le royaume; que chaque paroisse occupe et nourrisse ses pauvres, en formant un fonds de charité pour venir à leur secours. Qu’il y ait, dans les saisons mortes, des ateliers de chari'té dans chaque paroisse pour occuper les pauvres munouvriers. Que le pauvre, qui n’a que sa chaumière pour tout bien, soit exempt d’imposition. L’abolition des lettres de cachet. Rendre la liberté aux nègres dans les îles. CHAPITRE III. De la justice. Que les parlements ne soient plus que des cours souveraines de justice ; que toutes leurs fonctions soient réduites à juger, en dernier ressort, les causes civiles et criminelles; qu’il soit établi des cours souveraines dans chaque province, Que les présidiaux jugent, en dernier ressort, 764 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sézanne.' dans toute matière civile, jusqu’à 4,000 livres, sans aucune évocation à un autre tribunal. Suppression des tribunaux d’exception, comme bureaux des finances, traites foraines, greniers à sel, eaux et forêts, et élection, comme préjudiciables au Roi et à ses sujets. Un arrondissement du ressort des différents tribunaux, qui rapproche la justice des justiciables. Un nouveau code civil et criminel, où les formes des procédures soient simplifiées. Supprimer cette jurisprudence connue dans toutes les cours sous le nom de jurisprudence du palais, qui rend les véritables lois muettes, et qui préjudicie autant aux parties qu’elle est contraire à la justice. Fixer un temps limité aux juges pour terminer les affaires, motiVer les sentences et arrêts, tant au civil qu’au criminel. Accorder aux criminels des avocats, pendant toute l’instruction du procès. Oter la vénalité des charges de judicature, et commettre, pour rendre la justice, des jurisconsultes qui s’en seront rendus dignes par leurs talents et leur intégrité. Supprimer les lettres de committimus , même pour les personnes attachées au service de la cour. Lecture faite de tous et un chacun des articles ci-dessus, examen et discussion faits, et délibération prise, ils ont été généralement approuvés et admis. Ce fait, l’assemblée a été indiquée au vendredi 20 du présent, neuf heures du matin. Signé Melet, président, et Seraine, secrétaire. CAHIER De la noblesse des bailliages de Sézanne et de Châlillon-sur-Marne réunis , remis à M. le marquis DE PleüRRE, maréchal de camp , bailli d'épée , député ; en cas d’empêchement , M. Devil-LlERS DE LA BERGE, conseiller au parlement , député subrogé (1). AVERTISSEMENT. La noblesse a fait tout ce qui a dépendu d’elle pour engager l’ordre du tiers-état à se réunir avec le clergé et avec elle, pour travailler en commun et ne former qu’un seul cahier ; il lui a été impossible d’amener le tiers-état à cette heureuse réunion; il a voulu travailler seul et séparément, ce qui a forcé les deux autres ordres à faire de même. Le tiers-état , pressé par les ouvrages de la campagne, a marqué l’empressement le plus vif de retourner à ses travaux ; en sorte que pour toutes les opérations, procès-verbaux , rédaction des cahiers des trois ordres et élections des députés, il n’v a eu que six jours, l’assemblée générale des' trois ordres ayant été ouverte le 1G mars et terminée le 21 du même mois. L’assemblée de l’ordre de la noblesse était composée de trente-sept membres, dont un s’est retiré durant les séances, et n’a pas assité à la clôture. Noms des commissaires : MM. de Pleurre ; de Mezières ; Duval ; de Mari court, secrétaire; Devilliers de la Berge; Le (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé delà Bibliothèque du Sénat. Dieu de Ville ; L’Espagnol, chevalier de Saint-Quentin; de Lantage; Le Cordelier des Fourneaux. CAHIER De la noblesse des bailliages de Sézanne et de Châtillon-sur-Marne. CHAPITRE PREMIER. Articles généraux. Art. 1er. Exprimer au Roi la reconnaissance respectueuse de sa noblesse des bailliages de Sézanne et de Châtillon-sur-Marne, pour le bienfait signalé que Sa Majesté a accordé à la nation, en la rappelant à ses droits et à sa constitution légitime. Art. 2. Assurer sa propre existence, en telle sorte qu’il soit hors du pouvoir des ministres de dissoudre l’assemblée des Etats généraux avant qu’elle ait fini le grand ouvrage auquel elle doit travailler. Art. 3. Qu’il soit passé en loi constitutive et fondamentale, que les Etats s’assembleront périodiquement au plus tard, pour la première fois, dans trois ans, sans qu’il soit besoin de nouvelle convocation ; et prescrire, à cet effet, aux baillis le temps où ils seront tenus de faire procéder à la formation des cahiers et aux élections. Art. 4.. Assurer la liberté individuelle de tous les membres composant l’assemblée. Art. 5. Ces préliminaires remplis, s’occuper des grands objets généraux ;en conséquence : 1° statuer que la liberté individuelle de tous soit inviolable, et que nul n’en puisse être privé par lettres de cachet, ordres supérieurs ou autrement, que par ordonnance du juge compétent ; et que, dans tous les cas, il sera interrogé dans les vingt-quatre heures, et incontinent renvoyé par-devant son juge naturel ; 2° que le|secrétaire d’Etat qui aura contre-signé de pareils ordres en réponde en son propre et privé nom, qu’il puisse être, pour raison de ce, actionné dans les cours, soit par celui contre qui il les aura décernés, soit par les veuves; enfants et héritiers, et en icelles, être poursuivi, soit par la voie civile, soit par la voie criminelle, jusqu’à jugement de condamnation ou absolution ; 3° l’exécution stricte des lois concernant les évocations ; 4° l’abolition absolue et entière des commissions en matière criminelle, et la restriction des commissions en matière civile au seul cas où toutes parties intéressées se réuniraient pour en demander une ; 5° la réformation de la justice, l’abréviation des procédures civiles, la diminution des frais occasionnés surtout par l’excès des impôts auxquels elles sont assujetties, et la restriction des ressorts ; 6° la réformation du code pénal. Art. 6. Examiner et constater le montant net des revenus du Roi, les besoins réels de chaque département, les causes et l’étendue du déficit annoncé. Art. 7. Examiner les titres des créanciers de l’Etat, consolider la dette légitime, proscrire tout ce qui est usuraire, peut-être meme en cas d’excès à cet égard, faire rapporter ce qui a été indûment payé. Art. 8. Supprimer tous les impôts généraux, et principalement ceux qui pèsent uniquement sur le tiers-état; les remplacer par un seul ou plusieurs autres qui seront consentis généralement et également répartis par l’assemblée des Etats généraux ; entendant la noblesse que les offres