gg [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 octobre 1790.J pus; enfin, nous osons attendre de sa généreuse équité que, par un témoignage d’estime envers l’assemblée représentative du comtal Venaissin, elle fera tomber les rumeurs infâmes, si indécemment, si opiniâtrement répandues sur les dispositions de nos compatriotes. « Telles sont les demandes C[ue nous prenons la liberté de soumettre aux lumières et à la justice de l’Assemblée nationale de France. Nous lui rappellerons encore celles qui sont l’objet de l’adresse qui lui a été envoyée le 11 juin par l’assemblée représentative du comtal Venaissin. Notre cause a été déjà instruite par des écrits qui peut-être auront fixé l’attention de quelques-uns de ses membres. En comparant la mesure, la véracité, les allégations incontestables, avec les libelles qu’on ncus a opposés, votre candeur y reconnaîtra le sceau de la vérité et le langage de citoyens dignes d’intéresser les restaurateurs de la liberté. « Les pétitions du comité Venaissin se réduisent à demander à l’Assemblée nationale : « 1° Qu’il ne soit envoyé dans le comté Venaissin aucunes troupes soit nationales, soit de ligne et qu’au contraire toute violation de territoire soit défendue; « 2° Qu’à titre de réciprocité, il soit libre aux gardes citoyennes du comté Venaissin, séparées par le territoire de France, de l’emprunter pour se secourir mutuellement; « 3° Que les transports commerciaux, l’exportation des grains et des armes nécessaires à une légitime défense dans le comté Venaissin continuent d’être libres comme par le passé. « Chaque courrier apporte aux soussignés de nouvelles preuves de la commotion que les calomnies semées par la faction avignonnaise et son agression à Gavaillon, ont excitée dans les départements voisins. Cette alarme préjudiciable aux deux peuples dans le temps le plus précieux pour l’agriculture, pourrait avoir les suites les plus funestes, si la sagesse de l’Assemblée nationale ne s’empressait de les prévenir. C’est déjà un grand désordre que le déplacement d’une foule de membres des corps administratifs français, qui se succèdent dans le comtat; et c’est une indignité qu’un peuple paisible et irréprochable soit réduit à de telles épreuves. » Signé : Tramier, OLIVIER, DüCROS, députés du comté Venaissin. M. le Président répond : « L’Assemblée nationale, invariablement attachée à ses principes de justice, se fera toujours un devoir de les manifester aux peuples avec lesquels elle traite, comme à celui pour qui elle traite. Jalouse de donner à tous ceux qui recourent à s . s bons offices des témoignages d’affection et de loyauté, elle examinera attentivement votre affaire, pour connaître ce que lui prescrivent ses principes, ses sentiments et l’intérêt de la nation qu’elle représente. » (La séance est levée à dix heures et demie du soir.) PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 28 OCTOBRE 1790. Motifs de l'opinion et de V amendement proposé par M . Scliwendt sur le projet de décret concernant les droits féodaux en Alsace (1) Le comité féodal n’ayant proposé d’indemnités que pour les princes étrangers, possessionnés en Alsace, M. de BroglieetM. du Châtelet opinèrent pour les étendre à la noblesse de Cette province. J’appuyai leurs motions ; et dans le cas où elles ne seraient pas accueillies, je proposai un amendement, dont l’objet était de procurer aux possesseurs de fiefs un dédommagement qui ne fût pas onéreux à l’Etat. Je demandai que leurs possessions fussent déclarées propriétés libres et disponibles, à l’instar de tous les ci-devant fiefs du royaume. M. de Mirabeau ayant observé que cette demande (que déjà précédemment j’avais soumise au comité féodal) était ajournée, je n’insistai pas pour qu’il y fût statué sur-le-champ, mais je demandai que le décret ne préjugeât rien à cet égard. Je dois maintenant au comité qui a à s’en occuper, et à l’Assemblée nationale qui a à prononcer, de développer les motifs de mon amendement. Les fiefs dans la ci-devant province d’Alsace sont régis par les principes du droit féodal germanique, et sont d’une nature absolument différente de celle des fiefs de l’intérieur du royaume : ceux-ci sont des propriétés aliénables, les autres ne sont que des usufruits dont la propriété foncière appartient aux seigneurs directs qui ont droit de les conférer, et qui peuvent même les réunir à leurs domaines quand aucune loi ne le proscrit. Ce sont des espèces de substitutions de mâle en mâle, à l’extinction desquels les fiefs retournent aux propriétaires fonciers ; quelques-uns passent aux tilles à défaut de mâles, mais cette espèce est rare. Leurs possesseurs sont tenus, d'une part, à des foi et hommage, à faire reprise des fiefs à chaque mutation de seigneur ou de vassaux, et de constater l’état de leurs revenus et droits par des aveux et dénombrements, pour justifier que le fief conféré n’a rien perdu de son ancienne consistance, qui doit être conservée en son entier pour retourner dans le même état entre les mains du propriétaire foncier ou seigneur direct, à l’extinction de tous les investis. La plupart des fiefs d’Alsace sont oblats par leur origine, et cette nature tient à l’ancien état de cette ci-devant province, qui était divisée en un très grand nombre de petites seigneuries isolées, indépendantes et, pour ainsi dire, souveraines. Les possesseurs de ces seigneuries, inquiétés par leurs voisins, offraient leurs terres à d’autres seigneurs plus puissants qu’eux, pour les tenir d’eux en fiefs, à la charge d’en être protégés et défendus contre ceux qui les attaquaient. Quelques-uns de ces fiefs n’étaient ordinairement que des engagements ; mais tous sont soumis au même régime. Ces considérations préliminaires étaient néces-(1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 octobre 1790.] saires à établir pour leur faire l'application du décret sur les droits féodaux, et faire connaître la nécessité de déterminer un nouvel ordre de choses à leur égard dans les deux départements du Rhin. Le décret sur les droits féodaux n’a rien prononcé sur les conséquences résultant de la différence qui existeentre ledroitféodalgermanique et le droit féodal français, et il est très nécessaire que l’Assemblée nationale s’explique et prononce, toute loi qui laisse subsister de l’incertitude et des difficultés étant incomplète. Ce décret supprime le régime féodal; il résulte de cette décision une demande importante: les fiefs d’Alsace en sonl-ils frappés comme ceux de France ? L’affirmative donne lieu aux questions suivantes : Si le régime féodal est supprimé en Alsace, les fiefs sont-ils devenus entre les mains des investis des propriétés aliénables sans être sujettes à réversion; ou conservent-ils leur ancienne nature? En ce dernier cas, comment les investis auraient-ils à se conduire vis-à-vis de leurs seigneurs directs, tels que la maison de Deux-Ponts, Virtemberg, Hesse-Darmstadt, Baden, l’évêché de Strasbourg, l’abbaye d’Andlau, etc., vis-à-vis desquels leurs vassaux sont tenus de tous les engagements contractés par les investitures, et de conserver et rendre ces fiefs dans l’état dans lequel ils les ont reçus ? Dans l’ordre actuel des choses, ils ne peuvent représenter leurs fiefs tels qu’ils les ont reçus, puisque la plupart des droits qui en dépendaient ont été supprimés; et l’Assemblée n’a rien déterminé sur le remplacement des droits rachetables, en cas de rachat, remplacement dont il est essentiel de déterminer le mode, si ces fiefs devaient conserver leur première nature. Enfin, si la nature de ces fiefs reste la même, comment concilier la prestation des devoirs féodaux auxquels sont assujettis les vassaux envers les princes étrangers de qui en a été ordonnée pour les fiefs français, et avec les principes de la Constitution, d’après lesquels il paraît difficile de laisser subsister cette espèce de dépendance et de servitude qui affecte les vassaux et les biens? D’un autre côté, il faut observer que l’ordonnance du 16 mars 1681 établit très positivement que les fiefs d’Alsace ne pourront être conférés qu’à des gentilshommes de cette ci-devant province, et que les seigneurs directs ne pourront, en cas d’extinctioa des familles investies, les réunir à leurs domaines. Cette loi ne laisse donc réellement à ces seigneurs directs qu’un droit purememt honorifique, celui de les conférer et de recevoir un serment vassalitique qui, dans la réalité, n’a pas d’autre objet que d’obliger les vassaux à conserver les fiefs en leur entier. Une autre considération générale est le mal politique qui résulte de cette nature de propriétés. Ces biens ne sont jamais en circulation ; ils ne peuvent jamais entrer dans le commerce, parce qu’ils ne peuvent pas être aliénés. Us restent concentrés dans les mêmes mains, et ne peuvent même être affectés d’hypothèques. Dans l’ordre des successions, les filles n’y participent pas; et tel porteur de fiefs valant trente mille livres de rentes qui passent de droit à ses fils, ne laisse pas même une légitime à ses filles, ni de recours à ses créanciers. Sous ce point de vue même, de quel effet l’article 11 du décret du 15 mars dernier sera-t-il en Alsace relativement aux droits d’aînesse, de masculinité, et partages inégaux ? disposition incompatible avec les principes du droit féodal germanique. On propose à l’Assemblée de faire une loi sur l’ordre des successions, les substitutions, donations et testaments. N’est-ce pas le moment de s’occuper également de cet objet, et d’assimiler toutes les natures de biens aux mêmes principes? Dans les deux départements du Rhin, les terres féodales étaient affectées de bien plus de droits que dans l’intérieur du royaume, parce que ces terres étant, pour ainsi dire, souveraines, les habitants n’étaient tenus qu’à des droits envers leurs seigneurs, et n’étaient assujettis à aucune contribution publique et commune. C’est ainsi qu’ils se sont multipliés. Mais il résulte de laque, dans une partie du royaume, les propriétaires de fiefs n’ont pas fait autant de pertes que ceux d’Alsace, parce que nulle part les droits féodaux n’étaient aussi multipliés, tandis que la plus grande partie de ces droits ne consistant qu’en prestations, ils ne participent pas dans la même proportion au bénéfice résultant de la suppression de la dîme, parce qu’ils sont moins possesseurs de fonds que de droits ; dès lors il y a de la justice à leur faire partager un avantage qui doit par lui-même influer sur l'intérêt public. Il y a une différence naturelle entre les fiefs dépendant des princes étrangers et ceux du domaine de la couronne. Les premiers ont été acquis ou à titre onéreux, ou par uu dévestissement de la propriété foncière pour n’en conserver que l’usufruit, ou par des concessions qui, par l’effet de l'ordonnance du 16 mars 1681, ne présentent plus aux seigneurs directs la faculté de rentrer dans une jouissance utile ; tandis que les fiefs dépendant du domaine de la couronne sont la plupart de pure grâce, ou de simples engagements, et ne sont point affectés de l’effet de cette même ordonnance; de manière que ceux-ci, en cas d’extinction des familles investies, redeviendront domainesnationaux, tandis que les premiers ne peuvent ni le devenir, ni rentrer dans les mains du seigneur direct. Cette différence tendait à empêcher les étrangers à entrer en possession de biens auxquels les regnicoles devaient avoir naturellement un droit de préférence; .avantage qu’il n’était pas nécessaire de déterminer et d’étendre sur les fiefs dépendant du domaine, parce que les gentilshommes d’Alsace participaient d’ailleurs à tous les droits des Français. Ces considérations fondées sur un titre positif public, reconnu et exécuté, font penser qu’il y a lieu de déclarer les terres féodales dans les deux départements du Rhin, autres que celles dépendant du domaine de la couronne, de telles personnes qu’elles relèvent, des propriétés libres, aliénables et disponibles, et prier le roi de comprendre dans la négociation avec les princes étrangers, seigneurs directs de ces terres, les indemnités qui pourraient leur être dues à raison du droit qui leur a appartenu de les conférer, à l’extinction des investis. Dans le cas où ces réflexions, quoique conséquentes, ne paraîtraient pas assez puissantes pour opérer une décision conforme, il est d’une nécessité indispensable que le comité féodal s’occupe, et présente à l’Assemblée les moyens de mettre les porteurs actuels de fiefs en Alsace à même de se conformer au décret sur les droits féodaux, en l’interprétant suivant l’exigence de la localité et la nature du droit, comparées à l’ordre actuel des choses, et si l’Assemblée nationale, en déclarant les fiefs libres et disponibles, exceptait ceux relevant des domaines de la couronne, il faudrait encore déterminer pour ceux-ci 00 lAMMBbtë# nalionaJ®,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (28 octobre t790,l la poH�ibil/té de l’application de l'article 11 du décret dii 15 mars dernier, partie de ces fiefs étant masculins. ORPONNANCfi DU ROI Du 16 mars 1681. Sur la prestation des foi et hommage due au® princes étrangers , de fiefs relevant d'eux en Al* sace , et gui défend que d'autres en soient investis que des sujets de Sa Majesté. DE PAR LE ROI. Sa Majesté ayant été informée de la difficulté où se trouve présentement la noblesse de la passe Alsace, de savoir la manière selon laquelle elle doit se conduire au sujet du relief de leurs fiefs situés dans la souveraineté de Sa Majesté, et mouvant de divers princes étrangers; et désirant leur expliquer sur cela ses intentions, Sa Majesté a ordonné et ordonne, veut et entend que ladite noblesse de la basse Alsace se pourvoie au con-seil souverain d’Alsace, séant à Brisaeh, pour obtenir dudit conseil la permission d’aller prêter foi et hommage qu’ils doivent de leurs dits fiefs aux dits princes étrangers ; laquelle permission ils ne pourront néanmoins obtenir qu’en justifiant par bpns et valables titres l’obligation qu’ils ont d’aller rendre lesdits foi et hommage auxdits princes étrangers, et à la charge, audit cas, d’insérer daps les actes desdijs foi et hommage au’ils rendront auxdits princes étrangers, celte clause essentielle, sauf la fidélité qu’ils doivent à Sa Majesté, leur souverain prince et seigneur; sans que pour ladite permission il soit payé par ceux de ladite noblesse que la taxe ordinaire d’Allemagne. Et voulant pareillement faire connaître à ladite noblesse de la basse Alsace quelles sont ses intentions à l’égard desdits fiefs dudit pays, non mouvant de Sa Majesté, qui viendront ci-. après à vaquer, Sa Majesté a déclaré et déclare qu’elle ne souffrira pas que d’autres que ses sujets en soient investis par lesdits prinees, ni qu’ils les réunissent à leur domaine, ou les changent de nature, en les rendant aliénables ou partageables, pour quelque eause et sous quelque motif que ce soit. Mande et ordonne Sa Majesté audit conseil souverain d’Alsace, séant à Brisaeh, comme aussi à la noblesse de ladite basse Alsaee, de se conformer à la présente sans difficulté. Fait à Sàint-Germain-en-Laye, le 16* jour de mars 1681. Signé s LOUIS. Et plus bas : Le TellIER. Registrée le 80 avril 1683. DEUXIÈME ANNEXE A LÀ séance de l’Assemblée NATIONALE DU 28 OCTOBRE 1790. Nota. Nous croyons devoir insérer dans les Archives parlementaires la pièce ci-dessous qui se rattache à la démission de M. de La Luzerne, ministre de la marine. Elle a été distribuée à tous les députés et fait partie des documents parlementaires de rassemblée nationale, Opinion de M. litét’éttti flé Saliki-llër� sur les dangers de la division du ministère de là marine et des colonies . On assure que le projet est fprpaé de diviser le département de la marine et des colonies, pour conserver le ministère de la marine, et distribuer aux autres départements toutes les parties relatives aux colonies ; de manière que nos troupes dépendront du ministre de la guerre; nos forces "navales, de celui de la marine ; nos tribunaux et nos discussions contentieuses* dumi" riistre de la justice ; notre commerce et nos finances, du contrôleur générai, et notre administration intérieure, du ministre chargé de l’administration intérieure, du royaume, J’ai commencé par douter de ce projet; et par attaquer son improbabilité, mais n’étant pas parvenu à rassurer, par ce moyen, une foule de colons qu’il alarmé, je crois de mon deyoir, comme député d’une colonie, èl comme livré, depuis de longues années, à l’étude de la législation et de l’histoire de toutes, de motiver mon opinion, et de la rendre publique. Lors de rétablissement des colonies, il était agsez difficile qu’on portât un jugement sain sur leur nature, aussi les plaça-t-on bans le département des affaires étrangères : elles y sont demeurées jusqu’en 1669, que Colbert, qui soupçonna leur importance, las tira de cet. exil pour les unir au département delà marine. Il crut que fies établissements dont la véritable protection était dans les forces navales, devaient dépendre de celui qui disposait immédiatement de cette protection, et il parut indispensable que le même ministre fût chargé de connaître les besoins et de leur appliquer les ressources. U fut convaincu que l’unité était, dans cette administration, le salut des colonies, et il ne voulut pas laisser dépendre ce salut de quelques querelles sur. les compétences, de quelques animosités individuelles ; en un mot, il vit la chose en homme de génie. Get ordre de choses subsiste depuis cent vingt un ans ; et par quels étranges motifs se déciderait-on tout à coup à le détruire? , Je sais que les colons se sont plaints, et avec justice, de ce que l’étude des colonies n'occupait pas assez le gouvernement. On s’est récrié mille fois sur l’usage dangereux et quelquefois cruel, de prendre toujours dans le royaume et souyent au hasard, les divers agents de l’administration coloniale ; on a longtemps gémi du despotisme d’un ministre, dont la seule volonté pouvait bouleverser à chaque instant l’organisation intérieure de ces possessions éloignées : enfin, ou n’a cessé de répéter que les colonies étaient mal connues par ceux qui les dirigeaient en France, et qui semblaient fuir la lumière, précisément parce qu’on annonçait qu’elle éclairerait leurs fautes. Et serait-ce pour mettre fin à de pareils désordres qu’on imaginerait d’anéaptir le seul point de réunion qui subsiste dans la métropole, pour les objets coloniaux ? Est-ee ün nouvel Eson qu’on prétend rajeunir, en divisant ses membres ? Est-ce parce que nous étions déjà condamnés à être dirigés par des hommes qui nous connaissaient mal, quoiqu’il fût de leur devoir de nous étudier, qu’on va nous offrir d’une manière incpm*