[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [-27 août 1789.] 489 « La liberté publique, exige que la séparation ' des pouvoirs soit déterminée, et que les agents du pouvoir exécutif soient responsables de leur administration. » M. d’André insiste pour que l’on s’occupe au plus tôt de la Constitution. M. de Clermont-Lodève observe que tout homme a le droit de ne pas faire partie d’une société où des agents publics ne seraient pas responsables, et où les pouvoirs ne seraient pas divisés. M. Moiinfer appuie la rédaction de M. de Lameth, et fait sentir que la déclaration des droits doit contenir tous les principes propres à diriger à l’avenir la législation ; enfin, après plusieurs débats sur les diverses rédactions qui ont été proposées, on revient à l’article 23, qui est adopté unanimement. Il est conçu en ces termes : « Art. 15. La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » M. de Lameth observe qu’il pourrait se faire que, sous le mot d’agent, l’on comprît la personne du roi, et que l’on prétendît exercer la responsabilité contre lui. Cette réflexion n’arrête pas la discussion de l’article 24. M. de Lally-Tollendal. La séparation est un principe trop salutaire pour ne pas le consigner; mais après bien des débats, qui n’aboutiront à rien, on en viendra à l’article du sixième bureau. Je le pense donc, pour terminer, on devrait se hâter de l’adopter. Cet article ne laisse aucune exagération; il ne laisse, d’un autre côté, aucune méfiance; il me semble qu’il remplit toutes nos vues. M. Chapelier trouve qu’il est moins rédigé en principes qu’en style d’instruction; en conséquence, il présente le projet suivant : « La liberté des citoyens exige que les différents pouvoirs soient déterminés. » M. Robespierre soutient que ce principe est étranger à la déclaration des droits, et il demande la question préalable. M. Colbert de Seignela y, évêque de Rhodez, offre aussi un arrêté : « Les droits des citoyens ne peuvent être garantis que par une sage distribution des pouvoirs. » On revient à l’article 24 du sixième bureau, et il est admis. Le voici : « Art. 16. Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a pas de constitution. » M. le comte de Montmorency veut ajouter un article. Le voici : « Gomme l’introduction des abus et l’intérêt des générations qui se succèdent nécessitent la révision de tout établissement humain, un peuple a toujours le droit de revoir et de réformer sa Constitution. Il est bon d’indiquer des moyens paisibles et constitutionnels pour l’exercice de ce droit. » Cette motion est appuyée de M. Desmeuniers, mais sans succès. L’Assemblée décide qu’il n’y a lieu à délibérer quant à présent. Cette décision amène des protestations. M. le Président lit l’article 6 du règlement, qui porte que, sur toute motion, on peut poser la question, s’il y a lieu ou non à délibérer. Le plus grand nombre des membres veut passer enfin à la Constitution; d’autres veulent que l’on ne termine pas la déclaration des droits sans y insérer un article concernant la propriété. M. Duport en propose un qui réunit sur-le-champ beaucoup de suffrages, non qu’il n’y ait eu beaucoup d’amendements, qu’il n’ait été suivi d’une foule d’autres projets; mais il a passé tel que le voici : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. » M. de Montmorency propose la motion suivante : « Comme l’introduction des abus et l’intérêt des générations qui se succèdent nécessitent la révision de tout établissement humain, un peuple a toujours le droit de revoir et de réformer sa Constitution. Il est bon d’indiqner des moyens paisibles et constitutionnels pour l’exercice de ce droit. » La question préalable, y a-t-il ou n’y a-t-il pas lieu à délibérer quant à présent? ayant été invoquée, la négative est admise. On attendait à l’Assemblée M. le directeur-général des finances ; sa santé ne lui ayant pas permis de remplir sa promesse, il envoie la lettre suivante ; M. le Président en fait lecture : « M. le Président, j’ai trop présumé de mes forces et de ma santé en annonçant que j’irais aujourd’hui à l’Assemblée nationale : je suis obligé de vous adresser ce que j’avais dessein de dire; et malgré tous mes efforts je ne puis vous l’adresser que demain à l’ouverture de l’Assemblée. Je vous prie, M. le président, de faire agréer à l’Assemblée nationale mes très-humbles excuses et de vouloir bien être l’interprète de mes regrets. « Je suis avec respect, M. le président, votre très-humble et très-obéissant serviteur. « Signé NECKER. » M. le Président lève la séance, en annonçant que l’Assemblée se divisera en bureaux l’après-dinée, pour s’occuper du rapport du comité des subsistances sur la libre circulation des grains dans l’intérieur du royaume, et la prohibition momentanée de l’exportation chez l’étranger, ainsi que de la question de savoir quel terme on fixerait à la discussion des motions, avant de proposer la question préalable. ASSEMBLÉE NATIONALE, PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE. Séance du jeudi 27 août n89, au matin (1). MM. les secrétaires ont fait mention des adresses de félicitation et d’adhésion, et des délibérations de la ville de Lectoure; de la ville de Pierrefort (1) Celte séance est incomplète au Moniteur. 490 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1789.J en haute Auvergne ; de la ville de Montélimart ; de la ville de Troyes; de la ville de Peurs en Forez; de rassemblée des citoyens de la ville de Grasse; des officiers municipaux etcitoyensdetous les ordresdela ville de Pau ; delavilledela Ferté-sous-Jouarre; du Bourg-Argen tal en Forez; de la ville d’Hennebond en Bretagne; de tous les ordres de la ville de Privas en Vivarais; de la ville d’Uzerche en Limousin ; de la ville d’Alençon; de la ville et comté de Lannion; de la Viguerie de Forealquier en Provence; de la ville deSeurre en Bourgogne; des 'trois ordres de la sénéchaussée d’Amiens; du comité de la ville de Nantes ; du comité de Bergerac; des ordres réunis de la ville de Neufchâ-teau en Lorraine ; de la ville de Longwy ; des municipalités et communes de Rbus en Bretagne; de la ville de Preuilly en Lorraine; de la ville de Provins ; des officiers du bailliage royal de Chaumont en Yexin ; du comité de la ville d’Evreux ; des officiers de la sénéchaussée et présidial de Poitiers, et de la ville de Montpezat ; des officiers municipaux de Douai, de la ville de Mirecourt; des électeurs d’Hontschote, de la ville de Rieupey-roux, et du corps politique de la ville de Tarbes. M. le Président a rendu compte d’une lettre de M. Deulneau, député du bailliage de Verdun, qui prévient l’Assemblée que sa santé l’oblige à cesser ses fonctions, du moment qu’il lui aura été nommé un suppléant. MM. les députés du bas Vivarais déposent sur le bureau la déclaration suivante (1) ; « La volonté de nos commettants, manifestée dans nos cahiers respectifs, est d’accorder à la dette publique la garantie de la nation, et de se conformer aux sentiments d’honneur et de justice qui placent les créanciers de l’Etal sous la sauvegarde de la loyauté française. « Mais leur volonté, très-clairement expliquée dans nos mandats, n’est pas d’affranchir les créanciers de l’Etat de toutes les charges publiques. « Nous devons à nos commettants de déclarer que nous adhérons pour eux, à ce qu’il ne soit jamais attenté au capital ni aux intérêts légitimes dus aux créanciers de l’Etat; mais nous déclarons qu’ils ne nous ont pas accordé le pouvoir de les affranchir des charges publiques r ils nous ont expressément enjoint de requérir qu’ils y fussent soumis, ne regardant pas l’impôt auquel est soumis un citoyen comme une violation de la propriété. Nous déclarons aussi qu’il ne nous est permis lie consentir à un emprunt que lorsque la Constitution sera faite. « Tels sont nos pouvoirs dont nous faisons la déclaration expresse, afin de remplir, autant qu’il est en nous, la mission dont nous sommes honorés. « A Versailles, le 27 août 1789. « Signé : D’ÂNTRAIGUES, ESPIC, CHOUVET, curé, Dubois-Maurin, de France, Rampe-lonne, Vogué, Madier de Monjau. » M. le baron de Menou présente la motion suivante : « L’Assemblée nationale, occupée sans relâche du bonheur des peuples, voyant avec peine la difficulté et l’impossibilité d’établir un impôt proportionnel et l’égalité dans la répartition ; que cependant il est important de relever le crédit national ; qu’il importe de venir au secours de la chose publique ; qu’il est dans l’ordre que chaque citoyen y contribue même volontairement, et ait l’honneur de s’imposer librement ; en conséquence, l’Assemblée, en supprimant tous les impôts, engage tous les citoyens, pour les remplacer provisoirement, à offrir un tribut volontaire et équivalent au moins au tribut ancien et forcé ; en conséquence, chaque ville, bourg et village, est autorisé à se rassembler pour commencer les rôles de cette nouvelle imposition, qui se payera de mois en mois; laquelle sera versée, sans frais, dans la caisse de l’hôtel de ville, et de là dans le trésor royal; qu’il est encore nécessaire de faire une avance de deux mois sur cet impôt volontaire, etc. » A la suite de cette motion, MM. les députés de Touraine donnent lecture d’une adresse de leur province, ainsi conçue : Adresse de la province de Touraine , à l'Assemblée nationale, pour venir au secours de l'Etat (1). « Messieurs, la province de Touraine n’a pas cessé un instant d’avoir les yeux fixés sur vos sublimes travaux. Elleestdans laclassedecellesqui supportent la plus forte taxe des impôts de toutes espèces qui se perçoivent dans le royaume. Elle aurait été accablée du fardeau, si, dans tous les temps, son patriotisme ne l’avait soutenue. « Elle n’a pas eu la gloire que ses députés aient souscrit au généreux abandon qui vient d’être fait par toutes les villes, cantons et provinces, de leurs privilèges et exemptions ; la raison, vous la savez, Messieurs, c’est qu’étant l’ancien patrimoine de ses rois, auxquelselle est toujours restée fidèle, leur ayant assuré une retraite dans les moments critiques, toujours prête à leur sacrifier sa substance, jamais elle ne leur a demandé des privilèges d’exemption de contribution, dont la surcharge aurait retombé sur les autres provinces. « Elle attend donc, avec confiance, de votre travail pour le nivellement des impôts et la juste répartition des contributions, un soulagement qui lui est bien dû. « Mais, soutenue par son courage contre les malheurs -communs, et ceux particuliers qu’elle éprouve cette année, par la perte entière du produit de ses vignobles, les ravages de ses rivières, la chute de ses ponts, la cessation de son commerce, de ses manufactures, et les secours qu’elle a été forcée de donner à la classe indigente de ses citoyens, elle ne borne pas ses efforts à souffrir, elle veut faire plus, elle ose aspirer à l’honneur de témoigner, d’une manière toute particulière, sa reconnaissance de la liberté que le roi vient de rendre à la nation. «Dans cette disposition, connaissant combien il vous est impossible, Messieurs, d’arrêter vos sages plans de répartition d’impôts pour l’année prochaine, elle vient, dans rassemblée des membres du comité permanent de l’hôtel de ville de Tours, qui invite les autres citoyens de la province à se réunira eux, de former le projet de se cotiser volontairement pour la contribution à tous les impôts réelset personnels qu’ils consentiront de supporter pendant ladite année, avec approximation des taxes de l’année courante, et même d’augmenter ces taxes s’il leur est possible, ne voulant mettre d’autres limites à leurs efforts que celles de leurs facultés, à quelques excès que le patriotisme de chaque citoyen les engage à en porter le sacrifice. * Ce projet, Messieurs, dont nous espérons un succès avantageux, ne suffit pas encore à notre (1) Cette déclaration n’a pas été insérée au Moniteur. (1) Cette adresse n’a pas été insérée au Moniteur.