[Assemblée nationale.] ARCHIVES PA1 teau. J’observe que, quoique la remarque de M. Muguet n’ait pas obtenu une grande faveur, elle est infiniment sage. Puisque vous avez, par votre décret, défendu l'introduction des troupes étrangères en France, sans le consentement du pouvoir législatif, il fallait présenter à l’Assemblée le traité ; lui demander si elle voulait qu’il fût exécuté; il fallait vous rapporter la pétition, vous indiquer comment le passage pourrait se faire. Vous ne devez rien négliger quand vous êtes menacés de toutes parts. L’Angleterre arme toujours, les provinces belges sont armées, le roi de Sardaigne a fait passer à Nice quatre régiments d’infanterie, un de cavalerie et un train d’artillerie ; il serait à pre-pos d’envoyer des troupes à Antibes et à Entrevaux, les deux clefs des provinces méridionales. Il y a Antibes 200 hommes, et à Entrevaux 40 invalides. On nous a ôté les troupes que nous avions l’année dernière en Provence. Je demande qu’il soit nommé un comité de huit personnes pour prendre connaissance des traités faits avec les puissances étrangères. Si vous ne créez pas ce comité pour vous préparer des connaissances sur ces objets, à la première affaire vous ne saurez quel parti prendre. On appellerait ce comité le comité des affaires étrangères. ( Une grande partie de V Assemblée applaudit.) M. Chabroud. On retire les troupes des frontières partout où il y en a, et partout où les puissances étrangères en rassemblent. 11 s’est formé auprès de Chambéry un camp de 13,000 hommes, on y attend incessamment 6,000 Piémontais, et le ministre retire le régiment qui est en garnison à Grenoble. Ce régiment serait parti si le peuple ne l’avait retenu. Il n’y a qu’une chose à faire, c’est de mander sur-le-champ le ministre de la guerre et celui des affaires étrangères. Il faut qu’ils disent les raisons pour lesquelles on dégarnit nos frontières. On adoptera ensuite la motion de M. Fré-teau. M. Martineau. Si l’on mande les ministres, on ne saura rien ; le moyen de tout savoir c’est de nommer sur-le-champ des commissaires. La motion de M. Fréteau est mise aux voix et décrétée en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que six commissaires, nommés sur-le-champ, se retireront, à l’heure même, au secrétariat de la guerre, à l’effet de prendre communication des ordres qui ont été adressés aux commandants pour le roi, de livrer passage aux troupes étrangères par les départements, terres et villes de la domination française ; même aux commandants des corps de troupes de ligne, d’évacuer les places frontières du royaume, notamment du côté de la Champagne et des pays belges, à l’effet d’être rendu compte desdits ordres à l’Assemblée le plus tôt possible, ensemble des mesures qui peuvent avoir été prises pour la défense et sûreté de la nation au dehors. « Décrète, en outre, que lesdits commissaires se rendront de suite au secrétariat des affaires étrangères, à l’effet de demander au ministre la communication des nouvelles et dépêches qu’il a reçues relativement à la situation politique des puissances voisines du royaume. » M. le Président nomme les commissaires, qui sont MM. Fréteau, Dubois, de Menou, d’Elbhecq, d’André et Emmery. M. Martineau. Je demande que, toutes affaires cessant, on s’occupe de l’organisation de l’ar--JüJJlENTAIRES. [27 juillet 1790.] 331 mée. La révolution qui s’est opérée en France est la cause de toutes les têtes couronnées. L’Angleterre, sur laquelle on voudrait nous endormir, est peut-être de toutes les puissances de l’Europe celle que nous avons le plus à craindre. (Il s’élève beaucoup de murmures.) Je soupçonne une intelligence entre la cour de Londre*s et celle d’Espagne. L’Angleterre a une escadre de 60 vaisseaux de ligne : je ne sais quelle est sa destination ; mais je la crains. Je fais la motion qu’à compter de demain, nous nous occupions, sans interruption, de l’armée et de la marine. Cette motion n’a pas de suite. U Assemblée passe à son ordre du jour gui est la suite de la discussion sur l’ordre judiciaire. Titre III des juges de districts. M. Thourel, rapporteur. L’article 1er du titre III du nouveau plan que vous a proposé le comité de Constitution (1), portait : « Art. 1er II sera établi, en chaque district, un tribunal composé de trois juges, auprès duquel il y aura un officier chargé des fonctions du ministère public. Les suppléants y seront au nombre de quatre, dont deux au moins seront pris dans la ville de l’établissement. » Mais comme dans votre séance du 23 de ce mois vous avez adopté la motion incidente de M. Chabroud, qui attribue aux tribunaux de district la connaissance mutuelle des appels de leurs jugements; la question qui se présente aujourd’hui à la discussion consiste à savoir de combien déjugés chaque tribunal sera composé. Le chiffre de trois juges ne convient point d’après le décret que vous avez rendu. Je me suis concerté avez M. Chabroud et, d’accord avec lui, je propose à l’Assemblée de composer, de cinq juges, les tribunaux de districts, parce que, sans rien déterminer sur le nombre des juges qui prononceront sur l’appel, il faut au moins qu'il en reste un pour recevoir les auditions et donner suite à toutes les instructions des procédures criminelles. M. Martineau. Il n’est pas nécessaire de porter jusqu’à cinq le nombre des juges ; celui de trois est suffisant, en y ajoutant quatre suppléants, dont deux seront pris dans le lieu même du tribunal. Les appels seront très rares ; lorsque le tribunal de district aura à prononcer sur un appel, il ne pourra le faire qu’en appelant un suppléant; je dis un, parce que la combinaison de quatre juges est plus favorable pour assurer l’équité des jugements; quand il y aura partage, on appellera un autre suppléant; ainsi vous aurez une machine simple et économique. M. Mougins. Il est de l’intérêt des justiciables et de la justice de donner aux tribunaux de district le nombre de juges déterminé par le comité. Il est probable que dans cinq juges on trouvera plus de lumières et de probité que dans trois. Peu sont corrompus par peu, dit Machiavel; c’est aussi le sentiment de Beccaria et de Montesquieu. Il serait dérisoire, en attribuant tant de fonctions aux tribunaux de district, de ne leur donner que trois juges. M. Chabroud. Je ne suis pas partisan du grand nombre des juges; je crois qu’il doit être restreint à la stricte nécessité, et assurément le (1) Voyez Archives parlementaires, lre série, tome X, p. 735 et suiv.