738 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 septembre 1790.] vérités générales ne peuvent s’entendre que des gouvernements despotiques, où toute administration est arbitraire, où tout administrateur est plus puissant que les lois, où des représentants du peuple ne mettent pas toute leur gloire à la prospérité de la chose publique, et où enfin l’existence de tous les subalternes ne dépend pas de leur zèle à y concourir. Voici le projet de décret que nous vous proposons de mettre en délibération. Au comité de l’imposition, le 12 septembre 1790. Signé : Roederer, Là Rochefoucauld, d’Allarde, Dauchy, Defermon, Jarry, l’Ev. d’Autun. PROJET DE DÉCRET proposé par le comité de l'imposition , et concerté avec le comité d'agriculture et de commerce. Art. 1er. A l’avenir, il sera libre à toute personne de cultiver le tabac dans le royaume. Art. 2. A compter du 1er janvier prochain, il sera permis d’y fabriquer et débiter, tant en gros qu’en détail, le tabac qui y aura été recueilli. Art. 3. Jusqu’au 1er janvier prochain, les départements, qui composaient ci-devant les provinces privilégiées, pourront seuls fabriquer et débiter leur tabac. Art. 4. L’importation du tabac étranger fabriqué sera absolument prohibée dans toute l’étendue du royaume. Art. 5. L’importation du tabac étranger en feuilles, sa fabrication, son débit, seront interdits aux particuliers et auront lieu au profit du Trésor public exclusivement, sous la direction d’une régie. Art. 6. L’introduction du tabac étranger en feuilles continuera néanmoins à avoir lieu dans les ports ouverts au commerce des colonies françaises; il y sera mis en entrepôt sous la clef de la régie; et, dans le cas où il ne pourrait lui être vendu, il sera réexporté à l’étranger. Art. 7 La législature déterminera, suivant les circonstances, les différentes espèces de tabac que la régie nationale fabriquera et débitera, et elle en fixera le prix. M. le Président. L’Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour procéder à la nomination du comité des monnaies. (La séance est levée à deux heures.) PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 13 SEPTEMBRE 1790. Opinion de M. Schwendt, député de Strasbourg, sur la question de l'impôt du tabac. Le but d’une législation sage et éclairée doit être d’enrichir le sol de toutes les productions dont il est susceptible, de faire fleurir les fabriques et manufactures nationales, de favoriser l’industrie, non seulement pour ne pas recourir à celle de nos voisins, mais encore pour étendre les effets de la nôtre jusque chez eux. La Constitution nouvelle de cet empire a pour base la liberté des personnes et des propriétés ; et c’est par suite de ces principes que votre comité et tout le commerce de France vous ont proposé de déclarer libre la culture et la fabrication du tabac. S’il pouvait rester des doutes sur la sagesse et l’utilité de cette mesure, je dirais qu’a-près la gabelle il n’y a pas d’impôt plus immoral et plus vexatoire que le régime prohibitif qui a eu lieu jusqu’à présent. Il entraîne à sa suite des inquisitions fiscales, prive le cultivateur de la liberté de son industrie, le sol d’un objet important de fertilité, et transporte annuellement chez l’étranger un numéraire que tous les motifs d’intérêt, de politique et de prudence devraient concentrer dans le royaume. Le reculement des barrières doit amener la liberté delà culture du tabac. En effet, cette mesure doit dégager l’intérieur de cette armée de gardes et d’employés, pour la porter aux frontières; dès lors, quel moyen restera-t-il pour la surveiller et l’empêcher? Une fois rétablie ou envahie, il sera impossible de la détruire, et l’on aura perdu gratuitement le produit de cet impôt, faute de l’avoir remplacé. Vainement dira-t-on que n’étant établi que sur la consommation, il n’est pas juste d'en répartir la contribution sur ceux qui ne consomment point. Ce ne sont point les besoins qui doivent être imposés; la suppression de la gabelle l’a ainsi décidé ; tout comme elle a jugé que les charges publiques doivent être supportées par tous les citoyens en proportion de leurs facultés et industrie. Ce principe, le seul juste, le seül raisonnable en matière d’impôt, est celui que vous avez suivi jusqu’à présent. Il serait contradictoire, avec l’esprit de la Constitution, de vouloir aujourd’hui maintenir le régime prohibitif du tabac, parce qu’il serait contradictoire, avec la liberté, assurée aux personnes et aux propriétés, d’empêcher le cultivateur de tirer de son sol tout le parti qu’il peut s’en promettre. Cette liberté est assurée par le principe de toutes vos lois, qu’on retrouve encore dans la nature, la justice et la raison. Il faut donc, Messieurs, briser les derniers fers dont est chargé la nation, et faire participer l’intérieur de cet empire à la liberté que les ci-devant provinces-frontières ont su se conserver. La culture et la fabrication du tabac dans les départements du Rhin sont pour eux d’un intérêt tellement majeur, que rien ne peut y suppléer ; il n’est pas moindre pour la chose publique, parce qu’il transporterait chez nos voisins un commerce dont le produit annuel est au moins de deux millions cinq cent mille livres. En effet, la récolte peut être évaluée, année commune, à plus de douze cent mille livres, et la revente, après la fabrication, assure au moins un pareil bénéfice que paye en entier l’étranger, chez qui seul ce commerce a eu, jusqu’à présent, un débouché, puisqu’il était prohibé avec l’intérieur. Si, par une mesure fausse et injuste, cette culture devait être prohibée dans ces deux départements, leurs voisins étrangers s’en empareraient aussitôt, et le Palatinat s’enrichirait non seulement de ce bénéfice, mais des établissements de nos fabricants. Des méprises de ce genre sont funestes et irréparables. Quand nous réclamons, Messieurs, pour être maintenus dans notre liberté, et non, comme on le dit, dans un privilège, car il ne nous a jamais été concédé, nous avons quelques droits à le demander ; nous ne comptons pas les sacrifices que nous faisons à la chose publique, quoiqu’ils