ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.) 062 [Assemblée nationale.) conseil représentent le pouvoir à la fin de contracter ; mais en même temps que la ville s’acquitte de sa fonction de procureur, elle s’engage elle-même à certaines obligations, à livrer tels et tels objets, à faire telle et telle chose. C’est donc à défaut d’avoir suivi son propre engagement, que nous ne pouvons la décharger, que nous disons avoir des droits directs sur elle ; Ainsi, si la ville satisfaisait au traité nous pourrions être considérés comme créanciers de l’Etat, mais tant qu’elle n’y obéira pas, nous sommes tout à la fois créanciers de l’Etat et de la ville. Le roi est formellement engagé envers nous; par son arrêt du conseil du 18 avril 1788, il réunit à perpétuité au domaine de la ville, le privilège de la distribution des eaux, accordé à l’ancienne compagnie, et a créé une nouvelle administration sous le titre d’Administration royale des eaux de Paris et environs ; il veut que “son commissaire assiste à toutes les délibérations, qu’il ait la surveillance de toutes les opérations de l’administration. Ainsi, il en fait sa chose; c’est son entreprise; nous sommes donc ses actionnaires, nous sommes donc fondés à demander, ou que les payements et remboursements de nos quittances soient poursuivis dans l’ordre qui y est énoncé, ou qu’on nous fasse les remboursements de nos capitaux et arrérages échus; mais, sous quelque rapport qu’on veuille envisager nos droits, le roi nous ayant mis sous sa protection, sous sa garantie, nous sommes dès lors couverts de la protection et de la garantie de la nation. Non, le bon, le simple public ne sera pas puni de sa confiance; la loyauté, la droiture de notre conduite méritera sans doute la bienveillance de l’Assemblée nationale ; elle s’empressera de rassurer des citoyens qui ne vivent plus que pour la défendre;” elle leur rendra le calme et la tranquillité, cette seconde vie plus précieuse encore que la première, en prononçant incessamment sur nos droits. Dignes représentants d’une nation franche, libre et fière, nous ne venons pas auprès de vous, par des suppliques réitérées, vous demander justice, l’exposition de nos droits suffit, les prières d’ailleurs offensent les âmes justes. La puissance du corps que nous attaquons n’est pas non plus un obstacle. N'a-t-on pas vu l’autorité, elle-même, descendre au pied du tribunal suprême! oui, si nos législateurs étaient capables d’apporter quelques préférences, quelques égards dans leurs jugements, ce serait pour protéger, sans doute, le plus faible contre le plus tort. Ménard. Et ont signé : MM. Fournier, Renard, Raflin, Mon-tet, Sébert, Renaud, Louvrier, Carré, Do lié, Leclers, Legrand, Henry, Redon, Didiot, Barbier, Gérard, Bonnomet, Dubled, Léonard, Du-mouchel, Paiolet le jeune, Duhazé, Mielle, Delmotte, Balediy, Lefèvre, G. Hemar, Yalaix, Guignard, Petit, Azambre, Hottegindre. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 22 NOVEMBRE 1790. Opinion de M. Dosfant, député de Paris, SUR LE CONTRÔLE DES ACTES (1 ). Messieurs, je me propose de combattre le projet de règlement sur le contrôle, qui vous a été présenté par votre comité des impositions, et de vous démontrer que ce projet serait tyrannique, vexatoire, et sans objet, sous ses deux rapports, c’est-à-dire considéré comme formalité, et considéré comme impôt. Considéré comme formalité, il enchaîne la pensée, évente le secret des familles, astreint les citoyens à un esclavage inconnu, même chez les Orientaux, et enfin avilit des professions honorables, en rendant tributaires de la volonté du gré et du caprice d’un préposé à cette inquisition, des hommes estimables, dont l’état exige beaucoup de lumières et autant de probité. Considéré comme impôt, il est toujours subitement, et en masse, à charge au citoyen; et par une fatalité singulière, les mariages, inventaires et partages exceptés, c’est presque toujours sur le pauvre ou le moins aisé qu’il pèse le plus, parce que c’est toujours le vendeur et l’emprunteur qui supportent cet impôt, comme on le verra dans la suite de mon opinion. Enfin, considéré comme impôt, il sera toujours à peu près nul pour le Trésor public, à cause des frais immenses que nécessite sa perception , des réticences que sont forcés de faire, pour alléger le droit, ceux qui sont dans la nécessité de faire des actes devant notaires, et de la facilité que l’on doit avoir de faire des actes sous signature privée. (1) Le comité d’imposition de l’Assemblée nationale avait fait un projet de règlement pour la conservation du contrôle des actes dans les lieux où il existait et son établissement dans les pays abonnés ou affranchis. Le comité ayant eu la bonté de me communiquer ce projet, j’y vis à chaque page le cachet de cette odieuse fiscalité qu’un peuple libre doit proscrire ; j’y vis tout le génie des hommes de l’art que le comité avait cru devoir consulter; j’en fis l’analyse et je m’étais proposé de la lire à la tribune de l’Assemblée aussitôt que le projet de règlement aurait paru. Depuis peu le comité a annoncé à l’Assemblée nationale qu’il avait changé son plan et qu’il en présenterait incessamment un nouveau qui réunirait en un seul impôt le contrôle, l’insinuation, le centième denier, le droit de scel et autres. 11 semblerait d’abord que ce nouveau plan rendrait inutile mon travail sur le premier ; mais comme j’y démontre une grande partie des vices du contrôle et que cet odieux impôt doit exister dans le nouveau projet comme dans l’ancien, avec cette seule différence que, se trouvant masqué en quelque façon dans le nouveau, par sa réunion avec d’autres impôts, l’on pourrait s’y méprendre ; j’ai cru qu’il serait utile au bien public de faire connaître à l’Assemblée nationale l’étendue des maux qu’occasionnerait le contrôle; parce que cet impôt désastreux ne pourrait exister, quelque mode qu’on lui donnât, sans une armée de commis, sans vexation, sans arbitraire et sans tyrannie. Tel est son cortège indispensable. Cette réflexion m’a déterminé à faire imprimer l’analyse du premier plan, afin que l’Assemblée nationale fût en garde contre tout projet qui tendrait à lui faire décréter, soit explicitement, soit implicitement, la continuation du contrôle et son établissement dans les lieux où|il n’existe jias. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.| 663 Le projet dont il s’agit, Messieurs, ne pouvait exister qu’en n’étant point l’ouvrage du comité qui vous l’a présenté. Tous les honorables membres qui le composent, philosophes éclairés, autant que citoyens généreux et distingués, n’auraient jamais pu rabaisser assez les grandes lumières qui ont attiré si souvent notre admiration et les applaudissements universels, pour les faire descendre à l’étude dégoûtante de la théorie, et encore moins de la pratique d’un code vexatoire; ainsi ce ne sera pas et ne pourra jamais être, contre le comité que s’élèveront mes plaintes et que se dirigeront mes réflexions; elles porteront toutes sur les vrais auteurs de ce fatal, désastreux et tyrannique système du contrôle, divisé en articles, dont je vais vous développer successivement l’esprit : Art. 1er. « Il sera établi dans toute l’étendue du royaume, « un contrôleur, pour constater et assurer la date des actes. » G’est en vain que les agents du fisc s'efforcent de présenter le contrôle comme une formaliténé-cessaire pour constater et assurer la date des actes : les citoyens éclairés n’y verront toujours que ce qu’il est : un impôt indirect le plus contraire detous à la liberté, puisqu’il tyrannise même la pensée, et soumet nécessairement à des recherches inquisitoriales les actions de la vie les plus simples, et souvent les plus respectables. L’emploi d’un tel motif, « assurer et constater les dates des actes reçus par des officiers publics », est une insulte faite à la nation. Un étranger, assez heureux pour n’avoir pas connu dans son pays ce terrible impôt, est nécessairement forcé de concevoir une opinion bien défavorable des hommes de loi en France, lorsqu’il voit ou qu’il entend dire que ces hommes qui, par essence, devraient être la vérité même, ne sont cependant vrais et croyables, qu’autant qu’un commis a, par sa signature, attesté qu’ils n’étaient pas des faussaires ; cet étranger dirait : il faut destituer de tels hommes, puisque l’on s’en méfie, et mettre les commis à leurs places. Le génie fiscal répondrait: cela ne suffira pas, si ces commis ne sont eux-mêmes contrôlés. Alors l’étranger est nécessairement forcé de croire que la nation française n’est composée que de faussaires. Tel est cependant l'effet que doit produire le faux et immoral motif avec lequel on appuie la nécessité du contrôle. Art. 2 et 3. Us portent établissement de bureaux dans les chefs-lieux de départements, districts et chefs-lieux de cantons. « Et les commis ne pourront exercer d’autres fonctions. » Je vois dans ces articles une armée de trois à quatre mille commis répandus sur la surface du royaume, occupée à scruter et tyranniser la pensée, la volonté et les actions des citoyens : cette armée, moins formidable à la vérité, existait dans des temps oppresseurs, et sous la tyrannie ministérielle, et non seulement la Révolution qui, eu nous rendant la liberté, nous promet d’heureux jours, ne nous délivre pas de cette milice vexatoire, mais même elle en formerait un corps national, et presque constitutionnel, si vos décrets pouvaient sanctionner la perpétuité de ce fléau. Sous l’ancien régime, les commis au contrôle étaient moins nombreux qu’ils ne le seraient d’après ces deux articles. Le caractère, l’esprit fiscal, et conséquemment tyrannique, de ceux qui existaient, étaient au moins tempérés chez ceux qui réunissaient à leurs emplois d’autres places, dans l’exercice desquelles ils avaient appris à mépriser cet astuce malfaisant qui élevait aux places émimentes. D’après l’article 3, un commis au contrôle sera tout entier contrôleur, rien ne tempérera, rien n’adoucira l’ardeur de ceux qui voudront s’avancer. Attendons-nous alors aux vexations les plus outrageantes. Je vous prie, Messieurs, de remarquer que ce troisième article , exigeant qu’un contrôleur n’exerce pas d’autres fonctions, occasionnera une dépense considérable, en raison de ce qu’il ne peut être que commis ; ainsi, une très grande partie de l’impôt du contrôle serait employée à stipendier l’armée établie pour sa perception. Art. 4. « Les actes soumis au contrôle seront : « 1° Tous les actes passés devant notaires ; « 2° Les actes émanés des juridictions, et qui « seront passés aux greffes ; « 3° Et enfin les actes passés sous seings pri-« vés. » Si tous fis actes passés par-devant notaires sont assujettis au contrôle, les quittances des arrérages des rentes perpétuelles et viagères, des pensions et traitements sur l’Etat, des traitements et salaires des ecclésiastiques tant séculiers, que ci-devant réguliers, et des juges, seront donc as< sujettis à la formalité du contrôle ; et alors, quel travail fastidieux pour la perception de ce droit, et quel assujettissement, soit pour les rentiers, pensionnaires et salariés, soit pour les notaires, ne résultera-t-il pas de cette formalité, si l’ou considère que le nombre de ces quittances pourra s’élever à plus de douze cent mille? J’ose donc vous assurer, Messieurs, que l’exercice de cette formalité deviendra moralement impossible, ou tellement gênante, que si vous en décrétiez l’établissement, votre justice, éclairée par la réclamation de celles des parties prenantes, domiciliées soit à Paris, soit dans les villes et lieux voisins, à trois et quatre lieues de distance, serait forcée de revenir promptement sur un tel décret. En effet, Messieurs, il est notoire que beaucoup de rentiers et de pensionnaires jouissant, d’un très modique revenu de cette nature, ont leur résidence à quelques distances de la capitale, où ils se rendent un jour pour faire faire leur quittance et la fournir au payeur ; un autre jour, pour en recevoir le montant, et s’en retourner ensuite. Si la quittance est assujettie au contrôle, ces rentiers seront inévitablement forcés de coucher à Paris, lors de leur premier voyage; car comment pouvoir supposer, quelque soit le nombre des contrôleurs, qu’ils pourront satisfaire promptement le public, lorsque l’on considère la multitude des seules quittances, indépendamment des autres actes ? Il faudra, pour ces quittances, un enregistrement au moins de noms, sommes et dates. L’embarras, la peine et la fatigue pour le rentier et pour le notaire seront encore bien plus multipliés, si vous savez, Messieurs, que la moindre faute, la moindre erreur glissée dans ces quittances, les fait rebuter parle payeur; alors il faut suppléer à ce qui manque, corriger les fautes, ajouter des renvois, approuver des ratures, et sans doute retourner au contrôle, pour y faire constater les changements. Ainsi, Messieurs, j’ose le dire, il serait cruel 664 JAssenablée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |22 novembre 1790.} d’assujettir ce genre d’actes, ainsi que beaucoup d’autres, à la formalité du contrôle. Jusqu’à présent la juridiction contentieuse et la juridiction volontaire ont été séparées et distinctes� Les juges et magistrats ont prononcé des jugements, sur les contestations portées à leurs tribunaux; mais ils laissaient les actes volontaires aux notaires, ofticiers préposés pour la juridiction volontaire. Cet article 4 préjuge au moins que les juges pourront faire tous les actes qui, jusqu’à présent, ont été reçus par des notaires. En effet, cet article assujettit au contrôle les actes émanés des juridictions, soit qu’ils soient passés au greffe, ou prononcés à l’audience, et n’excepte de cette formalité que les actes judiciaires de formalité tellement obligée, qu’ils ne puissent pas être passés avec la même validité devant notaires. Parmi les actes prononcés à l’audience, ou faits au greffe, qui, d’après cet article, seraient assujettis au contrôle, on voit les partages qui, communément même entre mineurs, étaient renvoyés aux notaires, les ventes, cessions, rétrocessions, baux, marchés, transactions, et généralement tous les actes dans lesquels le concours de la signature et du consentement des parties est nécessaire pour le complètement du jugement. Il résulterait évidemment d’une telle disposition, si, pour le malheur de la société, elle acquérait force de loi, que bientôt la juridiction volontaire, ce tribunal qui est par excellence celui de la liberté, serait bientôt sans fonctions. En effet, le ministre des conventions n’a et ne peut avoir d’autre autorité que celle que lui donnent de leur plein gré les contractants, tandis que le ministre de la justice a et doit avoir nécessairement une autorité qui peut influer sur les actions de ses justiciables, et par là les amener à contracter leurs engagements sous la forme juridique; il ne faudrait pour cela que l’astuce d’un greffier, qui pourrait avoir grand intérêt à convertir toutes les ventes, transports, cessions rétrocessions, baux, marchés et transactions, en sentences ou arrêts : et n’en doutons pas, Messieurs, si les entreprises sur cette matière avaient toutes leur effet, l’on verrait bientôt des jugements ou des actes pris au greffe, qui contiendraient des contrats de mariage. Ainsi cet article est absolument inconstitutionnel; il tendrait à renverser, ou au moins à avilir la juridiction volontaire, si précieuse à la liberté. Art. 5. Cet article fixe le délai dans lequel les actes doivent être contrôlés, et s’explique particulièrement sur les testaments. On voit d’abord que les actes des notaires résidant dans le fieu où le bureau est établi, doivent être présentés au contrôle dans les dix jours de leur date, et que ceux des notaires non résidant dans le lieu où le bureau est établi, doivent les présenter dans les vingt jours aussi de leur date. Ainsi un notaire de ville ou de bourg, s’il est occupé, serait dans la nécessité d’envoyer tous les jours au contrôle, parce que tous les jours il ferait des actes, et tous les jours seraient des échéances, des délais pour le contrôle. Je sais que dans les provinces où le contrôle est établi, cela a existé ; mais je sais aussi que les notaires de bourgs et villages, travaillant peu, n’envoyaient au contrôle qu’une ou deux fois le mois au plus. Quant à ceux des villes, s’ils ont été occupés, ils ont dû faire des actes tousles jours, et conséquemment envoyer au contrôle tous les jours, à peu de chose près, et cela a dû être nécessairement très gênant pour eux. Si le contrôle a dû être excessivement pénible pour les notaires de province, qui, à l’exception de ceux des grandes villes, travaillent peu, et exercent presque tous d’autres professions, combien ne sera-t-il pas fatigant pour ceux de la capitale qui sont beaucoup occupés, et ont besoin de l’être pour subvenir aux dépenses premières et journalières de leurs états ! Ils font nécessairement chaque jour plusieurs actes, soit en minute, soit en brevets : parmi tous ces actes il en est beaucoup qui sont instants, les uns pour être envoyés en province, d’autres pour être mis à exécution : il faudra donc que le notaire occupé aille ou envoie ses clers, cinq, six fois et plus par jour, au contrôle. Il y a cent treize notaires à Paris : s’il y a dix contrôleurs, chacun d’eux contrôlera au moins onze notaires : onze notaires, à huit actes par jour, non compris les quittances des revenus sur l’Etat, ce sera quatre-vingt-huit actes à contrôler par chaque commis, et il y aura tel de ces actes qui aura vingt, trente, cinquante, cent rôles et plus, Si le commis lit l’acte entier, un seul acte occupera sa journée : que deviendront les autres? Laissera-t-on les minutes chez les contrôleurs ? Quel abus ! Quel désordre! Multipliera-t-on les commis? Quelle dépense pour fatiguer les citoyens ! De quelque manière qu’on s’y prenne, les frais de la vaine formalité du contrôle consommeront une grande partie de l’impôt : la vexation sera pour le peuple, et l’utile de l’impôt pour le commis. Ce sera à la fin du dix-huitième siècle, temps où la lumière aura assez éclairé les Français, pour les porter à réclamer et obtenir leur liberté, que ces mêmes Français profiteront des chaînes que Machiavel lui-même n’eût osé conseiller au bâtard de Borgia, parce que tyranniser jusqu’à la pensée, c’est aller plus loin que ne l’ont osé les tyrans. Revenons ànotrearticle 5 : il veut bien que les testaments et les autres dispositions, à cause de mort, passés devant notaires, ne soient contrôlés qu’après le décès du testateur ; mais il exige qu’alors ces actes soient contrôlés au frais deshé-riers et légataires, quand même ils prétendraient n’en faire aucun usage : cette disposition est certainement rigoureuse, pour ne rien dire de plus. L’ancien régime était plus doux : un légataire qui renonçait au legs qui lui avait été fait, ne payait pas le droit d’insinuation. A l’égard des testaments olographes, dit l’article, « lorsqu’ils seront déposés par les testateurs « sans être cachetés, soit dans les greffes, soit « dans les études des notaires, ils seront sujets au « contrôle, dans le même délai de trois mois. » Ce paragraphe renferme plusieurs obscurités. Lorsque les testaments olographes seront déposés par les testateurs sans être cachetés, ils seront sujets au contrôle; il en faut conclure : 1° que, s’ils ne sont pas déposés par les testateurs, ils ne seront pas sujets au contrôle ; 2° que s’ils sont cachetés, ils ne sont pas sujets au contrôle; enfin, cet article suppose que les testaments peuvent être déposés au greffe. Le rédacteur retombe ici dans l’erreur que nous avons déjà combattue : il s’efforce à anéantir la juridiction volontaire. Art 6. Cet article oblige les notaires d’inscrire jour par jour, sur leurs répertoires, tous les actes et contrats qu’ils recevront, soit en minute, soit en brevet, même les testaments authentiques et ceux olographes ouverts ou cachetés qui seront 665 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.] confiés à leur garde, sauf à classer tous les actes de dernière volonté dans des cartons particuliers, pour qu’il n’en puisse être donné communication à qui que ce soit, et que le secret soit religieusement observé jusqu’après le décès des testateurs. Que les notaires soient obligés de tenir un répertoire de tous les actes qu’ils reçoivent. C’est ce qu’ont fait ou dû faire tous les notaires des lieux où le contrôle était établi, et encore plus ceux des pays où il n’avait pas lieu. Ce répertoire a le double avantage de faciliter à l’officier la recherche des actes dont il est dépositaire, et d’en assurer l’existence et la date. Il y a plus, ce répertoire, fait double, remplira complètement, d’une manière simple, sans frais comme sans vexation, tout ce que peut opérer le contrôle considéré comme formalité. Mais que les notaires soient obligés d’inscrire sur leurs répertoires les testaments authentiques ou olographes dont ils sont dépositaires, et cela du vivant des testateurs, ce serait violer les droits sacrés de la liberté, dans une des actions les plus graves, les plus sérieuses de la vie ; ce serait éventer le secret qui, pour beaucoup, était le seul qu’ils eussent d’important. En effet, Messieurs, il est de la plus grande importance pour les testateurs, et même pour la société entière, qu’on ignore si tel a fait ou non un testament, le silence et le secret sur ce fait sont essentiellement nécessaires. Est-on assuré que tel n’a point fait de testament? Ceux qui croient avoir droit à sa bienfaisance le solliciteront, souvent l’obséderont et le forceront à tester. Saura-t-on, au contraire, qu’un tel a testé? Ses héritiers seront dans la plus grande anxiété, jusqu’à ce qu’il leur ait fait connaître ses dispositions ; et, soit qu’il s’y prête ou s’y refuse, comme un testament est toujours contraire aux intérêts de l’héritier, il sera tellement circonvenu, sollicité, pressé et quelquefois menacé, qu’il sera forcé de détruire ses dispositions. Voilà les maux qu’opérerait une loi qui forcerait un notaire à porter, par noms et dates, sur son répertoire, les testaments qu’il recevrait ou dont il serait dépositaire. Aussi, jusqu’à présent, les notaires ont-ils eu la précaution de mettre dans un carton particulier les testaments olographes ouverts ou cachetés dont on les a rendus dépositaires, soit pour les remettre à leurs auteurs, lorsqu’ils ont jugé à propos de les retirer pour les changer ou les détruire, soit pour les déposer et les rendre publics après le décès des testateurs. A l’égard des testaments authentiques, les notaires, faisant leurs répertoires jour par jour, n'y inscrivaient ces testaments que par la date et le mot Testament ; le nom du testateur était en blanc, et on ne le remplissait qu’au moment de son décès. De cette manière, toute précaution nécessaire était prise, et le secret était religieusement observé, même dans l’intérieur de la maison des notaires dépositaires de testaments quelconques. Si le nouvel ordre de choses proposé sur cette matière avait lieu, les mots qui en résulteraient seraient inappréciables. Ne croyez pas, Messieurs, que le testament soit le seul acte qui exige le plus profond secret. Dans les grandes villes, et surtout à Paris, il s’y fait d’autres actes dont la publicité, ayant un laps de temps quelconque, occasionnerait le déshonneur de certaines familles, et jetterait le trouble et le désordre dans d’autres. Je ne citerai que les contrats de mariage : beaucoup se passent secrètement, à cause de la disproportion qui se trouve soit dans les fortunes, soit dans les convenances des personnes qui se sont recherchées en mariage ; d’autres doivent être soustraits à la publicité, à cause de la position des personnes qui veulent se marier. En effet, Messieurs, il n’est pas rare de voir des personnes que l’on croit mariées depuis longtemps, ne s’occuper à revêtir leur union de la sanction des lois, qu’au moment où ces prétèndus époux sont dans le cas eux-mêmes de marier leurs enfants. Vous concevez, Messieurs, combien il est important pour les personnes que ces actes intéressent, de ne pas soumettre les minutes à l’œil inquisitorial du contrôle, ni de qui que ce soit : aussi les notaires des lieux où le contrôle n’était pas établi, prenaient-ils, pour ces actes, les mêmes précautions que pour les testaments. Art. 7. Cet article oblige les greffiers à tenir un ré; pertoire de tous les actes qu’ils recevront, et qui seront sujets au contrôle. Ainsi le rédacteur du projet préjuge toujours que les greffiers pourront recevoir des actes ; il ne dit jamais que les actes qui seront faits au greffe se borneront à ceux qui ne pourraient l’être à l’amiable, et parla, il continue à confondre la juridiction volontaire avec la contentieuse ; et par conséquent à anéantir les notaires. Si le contrôle continuait malheureusement à subsister, oui, sans doute, il faudrait y assujettir tous les jugements d’expédients, de baux, licitations, partages, renonciations et autres actes qui auraient pu être faits à l’amiable, si les parties l’avaient voulu; sans cela, à l’aide d’une demande judiciaire qui ne serait que simulée, presque tous les actes seraient exempts du contrôle ; mais, si une telle prévoyance devenait nécessaire, il faudrait qu’elle fût accompagnée d’un règlement pour restreindre les tribunaux à leurs vraies fonctions. Je ne m’appesantirai pas sur cette matière, parce que je ne puis craindre que quand votre sagesse sera éclairée sur tous les abus et sur toutes les vexations du contrôle, vous ne proscriviez cette abominable inquisition destructive de toute liberté. Art. 8. Il contient le règlement des peines qui seront prononcées contre les notaires qui n’auront pas fait contrôler dans les délais prescrits, et ordonne aux notaires de représenter aux préposés du contrôle, leurs répertoires et les actes dont ils demanderont la communication. Cet article prononce que lorsqu’un acte passé devant notaire n’aura pas été contrôlé dans les délais prescrits, il ne vaudra que comme acte privé ; que le notaire sera responsable envers les parties des dommages qu’elles pourraient souffrir à défaut du contrôle, et qu’il payera, de ses deniers, trois fois la somme en quoi le droit consiste. Il résulterait plusieurs injustices criantes de cette disposition, si elle pouvait avoir lieu. En effet, si l’on suppose que le notaire a reçu des parties le montant du droit du contrôle d’un acte, et qu’il ne l’ait pas fait contrôler, pourquoi faire perdre aux parties l’hypothèque résultant de l’acte? ce qui peut leur occasionner un très grand dommage. Mais, dira-t-on, on leur donne le droit, de refuser, contre le notaire, les dommages qu’elles auront soufferts par sa faute ; et si ce notaire est insolvable, ou enfin si la for- 6fî6 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.J tune est au-dessous de la perte qu’auront soufferte, par sa négligence ou sa mauvaise foi, ses clients, à quoi leur servira ce recours ? Si, au contraire, les parties contractantes n’ont pu ou voulu remettre au notaire la somme nécessaire pour acquitter le droit de contrôle, n’est-il pas rigoureux d’astreindre cet officier à faire l’avance de ces droits, qui peuvent souvent excéder ses moyens et ses ressources pécuniaires, et de le forcer enfin, sous peine d’une amende qui peut être exorbitante, de payer des dommages qui excéderaient très souvent tous ses moyens? Le contrôle est donc un impôt bien odieux, puisque, dans toutes ses parties et dans tous ses modes, il ne présente que peines, amendes, dommages, tourments, chagrins et vexations de tout genre. Cet article, Messieurs, est terminé par une décision qui vous paraîtra bien étrange; elle porte que la loi n’autorise aucune visite, ni recherche dans les études des notaires, qui seront seulement tenus de représenter aux préposés leurs répertoires et les actes dont ils pourront exiger la communication, en indiquant par les commis les dates et les noms des contractants. Que pourrait donc faire de plus le commis visiteur, chercher, fouiller lui-même parmi les minutes et autres papiers du notaire? Ce qui sera fait en sa présence équivaudra à l’inquisition la plus rigoureuse; son registre du contrôle, le répertoire qui lui sera représenté, le mettront à portée d’indiquer toutes les dates et tous les noms de la clientèle des notaires : il pourra donc demander à son gré, à sa fantaisie, la visite de toutes les minutes, et même de tous les brevets qui seront dans l’étude où il se transportera. Voilà une belle liberté pour l’officier et pour les parties contractantes ! _ Enfin, je vous supplie d’observer encore, Messieurs, que la présence du notaire sera toujours nécessaire à ces visites inquisitoriales, parce qu’en même temps qu’il sera du devoir du commis de n’avoir pas confiance au notaire, il sera d’une convenance religieuse et ordonnée à cet officier, de n’avoir pas confiance au commis. Or, si le commis arrive au moment ou le notaire sera occupé chez lui, ou en ville, où à la campagne avec ses clients, il ne pourra pas satisfaire a la demande du commis ; non, il ne le pourra pas, souvent, quand même le jour et l’heure lui auraient été indiqués, parce qu’il est des devoirs à qui tout doit céder, et qui sont impératifs pour les notaires, celui, par exemple, d’aller recevoir les dernières volontés d’un malade. Art. 9 et 10. Le premier de ces articles porte des peines contre les greffiers en contravention, et le second oblige les notaires et greffiers à transcrire sur les expéditions qu’ils délivreront les quittances des droits de contrôle. Art. 11. Cet article soumet au droit de contrôle les actes sous seing-privé, lorsqu’ils seront produits en justice, même par forme d’exception. Gela n’existait point dans l’ancien régime, les quittances, lettres missives et autres pièces qui n’étaient produites que par forme d’exception, n’étaient point sujettes au contrôle. Ainsi voilà une rigueur de plus que contient ce projet de loi. 11 eu renferme une autre vers la fin, eu n’exceptant du contrôle que les lettres de change et leurs endossements ; les extraits des livres marchands, lorsqu’ils ne contiendront point d’arrêté de compte ni d’obligation et les extraits de baptêmes, mariages et sépultures. Si là se borne l’énumération des actes exempts du contrôle, il en résulte que les billets de change, les billets à ordre même marchands, les billets au porteur y seront sujets ; et ce sera une très grande charge imposée au commerce. Les certificats de vie donnés par les juges ; passeports donnés par les municipalités, et une multitude d’autres actes insignifiants qui, jusqu’à présent, avaient échappé à l’œil fiscal des habiles, seront donc aussi assujettis au contrôle dans le régime futur. Art. 12. « Les notaires, greffiers et les parties seront tenus de payer les droits, sans pouvoir en différer le payement, sous aucun prétexte, sauf à se pourvoir en restitution, s’il y a lieu. » Cet article prévoit qu’il y aura des contestations sur les quotités, et cela arrivera fréquemment, parce qu’il est hors de la portée des hommes de de prévoir tout dans un tarif de droits imposés sur leurs volontés, en quelque façon sur la pensée; enfin sur des choses tellement métaphysiques, que nulle intelligence humaine ne saurait les prévoir. Cela prouve combien les tarifs, sur cette matière, sont et seront insuffisants ; il faudra donc dans l’ordre futur, comme dans l’ancieu, des décisions particulières sur des cas et des circonstances qui varieront à l’infini, et qui, dans la même espèce, seront souvent en opposition les unes aux autres, parce que tous les hommes ne voient pas de même; ainsi, l’on pourrait assurer que le dédale qui existe dans ce moment sur la matière du contrôle ne tarderait pas à renaître, et que l’arbitraire serait la loi dominante de cet impôt, s’il pouvait exister. Art. 13. « Le contrôleur est autorisé à retenir les actes et exploits jusqu’à ce qu’il soit satisfait du montant des droits. » Telle est la nature de cet impôt que, dans son mode, les choses qui paraissent les plus justes, n’en sont pas moins tellement vexatoires, qu’elles peuvent occasionner de grands maux aux parties ; en effet, un particulier pourra n’avoir point d’argent, et être dans la nécessité de passer un acte quelconque, le notaire auquel il s’adressera se prêtera bien à lui accorder tout le temps qui sera demandé pour le payement du prix de son travail : mais il faudra payer comptant au contrôle, ou y laisser l’acte, et alors ce sera pour ce particulier, comme si l’acte n’existait pas, et par là, il souffrira tout le dommage, qui pourra s’en suivre. Art. 14, 15 et 16. Ces articles divisent, sauf quelques exceptions, tous les actes en trois classes pour la perception du contrôle. La première classe comprend ceux qui transfèrent ou constituent des propriétés ou jouissances, et qui contiennent des engagements dont les objets sont susceptibles d’être évalués. L’on dénomme sous cette classe les adjudications, ventes, cessions, rétrocessions, délégations, subrogations , partages , licitations, les inventaires après décès, les constitutions perpétuelles et viagères; les donations entre-vifs, démissions, échanges, obligations, promesses de [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.) 667 payer reconnaissances de sommes, engagements et contrats pignoratifs, baux emphytéotiques au-dessus de trente années, ceux a rentes perpétuelles, les marchés, traités, sociétés, arrêtés de comptes, actes de dépôts restituables à terme fixe, transactions, sentences arbitrales, déclarations sur des acquisitions ou adjudications, lorsqu’elles opèrent une nouvelle mutation. Tous ces actes doivent être sujets à un droit de contrôle progressif en proportion du capital des valeurs qui y seront exprimées; et ce doit être de dix sols par cent inclusivement, c’est-à-dire de demi pourcent, sans fractions. Ici, Messieurs, je réclame votre attention, et je vous prie de considérer combien serait énorme l’augmentation du droit de contrôle, d’après le tarif que contient cet article si vous le comparez à celui de 1722. En effet, l’ancien tarif fixait le droit de contrôle des actes translatifs de propriété ; Savoir : Ceux au-dessous de cinquante livres, à cinq sols ; par le nouveau tarif, cinquante livres payeront également cinq sols. Ceux de cinquante livres à cent livres, à dix sols; cent livres payeront de même dix sols. Ceux de cent livres à deux cents livres, à vingt sols ; deux cents livres payeront également vingt sols. Ceux de deux cents livres et au-dessus jusqu’à dix mille livres, à raison de dix sols par chaque cent livres ; ce serait à l’avenir à raison de cent sols par mille; ce qui opère le même droit. Et ceux de dix miile livres et au-dessus, à raison de vingt sols d’augmentation par chaque mille ; et dorénavant ce serait à raison de cent sols par chaque mille. Ainsi, il est clair que le nouveau tarif quintuplerait le droit actuel dans les sommes un peu élevées. Ce n’est pas tout, Messieurs; ce tarif appliquerait souvent de doubles droits à un même acte. L’article, dont j’ai l’honneur de vous exposer le contenu, dit explicitement que Je droit sera dû pour les adjudications, pour les ventes et pour les déclarations sur des adjudications ou acquisitions; or, c’est bien établir ce droit, bis in idem, parce que vous savez, Messieurs, que, dans les licitations faites en jiutice ou à l’amiable, l’adjudication est toujours suivie d’une vente, et qu’il en est de même dans Jes directions. Dans tous ces cas, l’on enchérit sur un procès-verbal sommaire, et l’on adjuge enfin: mais ce procès-verbal, quoique souvent étendu par la multiplicité des enchères, ne contient ni désignation suffisante de l’objet adjugé, ni l’établissement de sa propriété ; c’est le contrat de vente qui est fait en exécution de cette adjudication, qui renferme tout ce qui est nécessaire pour opérer un titre de propriété suffisant et régulier; ainsi l’adjudication et la vente ne forment certainement qu’un seul et même titre d’acquisition, et cependant il sera exigé deux droits de contrôle. Il en est de même des déclarations. Vous savez aussi, Messieurs, que les enchères sont mises par les procureurs auxquels les personnes qui veulent se rendre adjudicataires ont donné des pouvoirs à cet effet ; qu’il est souvent de l’intérêt d’un acquéreur de rester inconnu pendant quelque temps, et qu’il est, par là, obligé d’acquérir sous uu nom interposé. Dans tous ces cas, il devient nécessaire que soit le procureur adjudicataire, soit l’ami interposé dans l’acquisition, passe déclaration au véritable acquéreur ; et, dans ces deux cas comme dans le précédent, il sera donc dû deux droits de contrôle. Enfin, Messieurs, cet article établit un droit de contrôle, et toujours dans la proportion de 1/2 0/0 pour les subrogations : or, vous savez que subrogation est bien un terme de droit, non pas un acte ; c’est seulement l’accessoire d’un acte, et cet accessoire s’adapte, si je puis m’exprimer ainsi, à plusieurs actes, tels que les transports et cessions dans lesquels il est de style, comme il est de droit. Cet accessoire entre aussi non de droit, mais de fait dans d’autres actes, tels surtout, que les obligations et constitutions. Là, Ja subrogation, quoique chose accessoire, joue cependant un rôle important en assurant la somme prêtée par privilège sur une maison, une terre ou sur tout autre îmmeubl réel appartenant à l’emprunteur, parce que la subrogation, qu’il est nécessaire d’opérer dans ce cas formellement, met le prêteur aux droits de celui qui a vendu à l’emprunteur, soit la terre, soit la maison ou autre immeuble : mais toujours est-il vrai que l’obligation ou la constitution avec la subrogation qu’elles renferment ne font qu’un seul acte. Eh bien, Messieurs, ce seul acte produira deux droits de contrôle. Remarquez, Messieurs, que le contrôle est toujours à la charge du nécessiteux ; c’est le vendeur qui le supporte, parce que L’acquéreur fixe le prix de la chose qu’il acquiert après avoir considéré les frais et déboursés auxquels l’acquisition qu’il a intention défaire donnera ouverture; et c’est toujours l’emprunteur qui paye les frais de contrôle. Il y a longtemps, Messieurs, que des hommes expérimentés dans l’art de vexer les humains ont dit qu’en fait d’impôt, et surtout d’impôt indirect, deux et deux ne font jamais quatre, et souvent ne font qu’un et demi; en effet, il est une mesure où tout impôt doit s’arrêter, si l’on veut qu’il rapporte, et puisse être perçu utilement; et quand on la dépasse, l’on force les contribuables à s’ingénier dans la recherche des moyens de s’y soustraire. Dans les pays où le contrôle est établi, il est notoire qu’il ne s’y fait devant notaires que les actes qu’il est impossible de faire sous seings privés. C’est dans la proportion de deux sur huit, qu’il faut calculer les actes qui sont notariés, et conséquemment contrôlés dans les provinces ; cela m’a été attesté par plusieurs honorables membres de cette Assemblée, qui, par état, comme moi, connaissent la vexation du contrôle. Or, Messieurs, que serait-ce, si le droit de contrôle était augmenté dans Jes pays où il a lieu, et s’il était établi dans ceux où il ne l’est pas maintenant? J’ose vous assurer, et vous le sentez comme moi, que la science du notaire ne consisterait plus à savoir rédiger les conventions di s parties, et à connaître les lois qui doivent diriger ces conventions ; elle se porterait tout entière à savoir soustraire leurs clients à l’exorbi-tance des droits decontrôle, pour le petit nombre d’actes qu’ils passeraient. N’espérons donc pas, Messieurs, que le contrôle, ni d’après le mode dans lequel il subsiste, ni d’après celui que l’on voudrait lui donner, puisse être d’uo grand rapport. On ne fera que les actes absolument indispensables, et le mouvement que l’on pourrait attendre dans les mutations de propriété, surtout après avoir mis les biens nationaux dans le commerce, est absolument illusoire, 668 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (22 novembre 1790.) parce que ces mutations, pendant un temps, ne payeront presque pas de contrôle d’après vos décrets ; et les retraits lignager, féodal et censuel étant abolis, rien n’empêchera un acquéreur de se soustraire à une partie des droits de contrôle, en affaiblissant le prix de son acquisition, de manière, toutefois, qu’il n’y ait pas lieu à lésion, et encore pourrait-il employer beaucoup de moyens pour ne pas craindre ce vice : voilà ce qu’opèrent les impôts tyranniques. L’homme qui eût été honnête dans un tel ordre de choses, est forcé d’employer des ruses, et de devenir faux pour n’être pas dupe ou vexé quand les lois sont trop rigoureuses. La seconde classe que l’on a faite dans le projet qui est soumis à votre discussion est composée des actes contenant des conventions, dont les objets ne sont pas susceptibles d’être évalués ; elle comprend les dispositions éventuelles, les contrats de mariage dans lesquels les biens des futurs ne sont pas désignés, les dons mutuels, testaments et toutes les dispositions à cause de mort; enfin les donations de biens à venir stipulées par des contracts entre-vifs, ou par des actes de dernière volonté, et ces actes doivent acquitter un droit proportionnel à la contribution des parties contractantes, suivant une instruction qui doit accompagner le tarif. D’après la disposition de cet article, un voyageur prévoyant sera donc dans la nécessité de porter toujours avec lui une preuve légale de la quotité de sa cotisation, parce que, dans quelque partie de la France qu’il puisse se trouver, il peut se faire qu’il soit dans le cas d’y passer des actes. Enfin, la troisième classe est composée des actes simples, tels que les décharges, procès-verbaux, certificats, attestations, procurations, renonciations et acceptations ; les quittances de rachat de droits féodaux, et toutes autres quittances, les titres nouvels, prises de possessions et autres actes qui, d’après le règlement, ne pourront être rangés dans les deux autres classes, et tous ces actes sont assujettis à un droit de contrôle de vingt sols. Remarquez, Messieurs, que, dans l’ordre ancien, plusieurs de ces actes de la troisième classe ne devaient que cinq sols de contrôle ; l’impôt en est donc quadruplé. Cette augmentation, toute considérable qu’elle est, si l’on considère combien la très grande partie de ces actes est de peu d’importance, serait encore tolérable, si tout se bornait à l’impôt: mais indépendamment du droit de contrôle, il en coûterait à la partie des frais d’allées et de venues, pour soumettre au contrôle l’acte chétif qu’elle aura passé; et ces frais seront d’autant plus forts, que, d’après des dispositions subtiles et renfermées dans l’article 1ü, où se trouve la classification de cette troisième espèce d’actes, il naîtrait de grandes contestations entre le commis et l’officier ou la partie. Art. 17. Il fixe les droits de contrôle des baux à loyer ou à ferme, baux à vie ou à longues années, et tous ces actes forment une première classe et des baux à cheptel ; ceux-ci forment la seconde. Cet article semble annoncer une grâce, en établissant que le droit de contrôle de la première classe ne sera pas réglé sur le capitaldela valeur des objets affermés, mais seulement sur tout ce qui composera le prix de la location annuelle, comme s’il eût été possible de faire autrement cette fixation. Ensuite il soumet les baux d’une seule année à un contrôle égal à celui que payerait une obligation pure et simple du montant de la location, c’est-à-dire à raison de 1/2 0/0; ainsi le prix d’une location, qui est toujours un revenu brut réduit à environ deux tiers quand il a subi le retranchement des impôts directs, payera un droit de contrôle égal à celui que payerait une obligation de pareille somme; ainsi parce qu’une obligation de mille livres qui ne supporte aucun impôt payera cent sols de contrôle, il s’ensuivra qu’un fermage de mille livres, qui, dégagé de l'impôt direct, ne donnera net au propriétaire qu’environ six cent soixante-six livres, doit payer aussi cent sols de contrôle. Messieurs, c'est en vain que je cherche la justice et des’ proportions dans cette disposition, je n’y vois qu’une volonté dénuée de principes. Les baux jusqu’à douze années payeront à raison de quinze sols pour cinquante livres et au-dessous, mais pour ceux qui seront au-dessus de cette somme, le droit sera de trente sols par cent livres, c’est-à-dire 1/2 0/0. Les baux à vie et autres, au-dessus de douze années jusqu’à trente, payeront le double de ces droits, c’est-à-dire trente sols pour cinquante livres et au-dessous, et trois livres par cent livres. Les baux au-dessus de trente années et ceux à rente perpétuelle paieront dix sols par cent du capital au denier vingt de la redevance, à quoi seront joints les deniers d’entrée et pots-de-vin. A l’égard des baux à cheptel, ils ne payeront que cinq sols par cent de la valeur des bestiaux. Vous voyez, Messieurs, combien serait énorme le droit de contrôle, et il faudrait qu’il le fût pour solder la légion de commis qui serait nécessaire à sa perception ; ainsi le Trésor public ne profiterait pas de cette vexation; une très grande partie des actes seraient faits sous seings-privés, une autre contiendrait des réticences, et tous les désordres auxquels le contrôle a donné lieu jusqu’à présent, non seulement se perpétueraient, mais augmenteraient en raison de l’augmentation du tarif. Art. 18. Cet article règle uniquement le droit de contrôle des contrats de mariage. Examinons-Ie. Il ne doitêtre payé qu’un seul droit de contrôle pour ces actes, quelques dispositions qu’ils puissent contenir entre les futurs et à leur profit. Ce droit sera fixé au choix du receveur, ou sur la valeur des objets désignés, que l’on sera toujours tenu d’apprécier, ou dans la proportion de la contribution personnelle. Ce droit ne pourra être moindre de trois livres. Ce droit, lorsqu’il sera perçu sur les valeurs, sera de cinq sols par cent livres, et cette forme, dit-on, n’aura lieu que pour les contrats de mariage passés devant notaires: ceux qui seront sous signatures privées, ainsi qü’il est d’usage dans quelques provinces, et surtout en Normandie, payeront dix sols par cent livres. Messieurs, jusqu’à présent tous les législateurs éclairés, tous les législateurs qui ont connu les grands avantages de l’ordre et des mœurs, ont dégagé le mariage de toutes entraves superflues; aussi toutes nos lois civiles et même bursales sont elles favorables à cet actes le plus important comme le plus respectable de la vie ; ce qui serait nul dans tout autre acte, est valable dans un contrat de mariage; il est susceptible de toute (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (22 novembre 1790.] 669 les conventions possibles : celle contre les bonnes mœurs seraient les seules qui y fussent réprouvables, et les droits fiscaux sont presque sans puissance sur les contrats de mariage. Tel est l’ordre actuel sur cette matière; et c’est au moment où le peuple usant du droit qu’il a de se donner lui-même des lois, que le contrat de mariage cessera de jouir de la laveur et des impunités que la société lui deyait pour son propre bonheur. Ainsi le contrat de mariage de l’homme le moins fortuné coûtera au moins trois livres de contrôle. Il y a peu d’années que les contrats de mariage des ouvriers de la campagne ne se payaient en tout que trois livres à l’officier qui les recevait, et à qui il ne restait pour son honoraire qu’environ vingt sols, contrôle et papier déduit. On sera toujours forcé d’évaluer les objets désignés au contrat. Vous sentez, Messieurs, combien de tracasseries et de vexations il résultera d’une telle disposition. Un homme peu fortuné, se mariant hors de son pays, énoncera que sa fortune consiste dans le toutou partie des successions de ses père et mère, ouvertes dans des départementséloignés du lieu où il a son établissement, et où il se marie; il donnera une évaluation quelconque de l’objet de ces successions, qui souvent sera très peu de chose; mais le commis ne croira pas à l’évaluation. Fera-t-on une estimation juridique ou à dire de prud’hommes? Je laisse, Messieurs, à la sagesse de vos réflexions le soin de méditer sur les tracasseries qu’éprouveront les personnes qui, se mariant, auront été dans la nécessité de régler les conventions civiles de leur mariage par un contrat. Le droit de contrôle, lorsqu’il sera perçu sur les valeurs, sera de cinq sols par cent livres, c’est-à-dire d’un quart pour cent : ainsi, par exemple, le propriétaire d’une manufacture achetée par lui cent mille livres qu’il peut devoir entièrement, payera deux cent cinquante livres pour le contrôle de son contrat de mariage. Les banquiers ou autres gens d’affaires, revêtus toujours d’une apparence de grande fortune, mais qui n’est que fictive pour une grande partie, à cause du passif qui existe indispensablement dans leur bilan au vrai, paieront, ainsi que les manufactures, un droit de contrôle considérable, non seulement, sur ce qu’ils possèdent, mais encore sur ce qu’ils doivent. Appréciez, Messieurs, je vous en supplie, la justice d’une telle disposition. 11 est vrai que les contractants pourront taire la vérité sur ce qui composera leur avoir versatile ; mais quel danger n’en résultera-t-il pas, et surtout pour les épouses, qui se trouveraient par là exposées à perdre entièrement ou partiellement leurs dots, faute d’en avoir fait une déclaration exacte ? Enfin, Messieurs, les contrats de mariage sous seings privés, usités surtout dans la ci-devant province de Normandie payeront, non pas cinq sols, mais bien dix sols par cent, c’est-à-dire un droit double. Art. 19. Cet article contient des modérations pareilles à celles portées dans le précédent. Il dit qu’il ne sera pareillement perçu que cinq sols pour cent livres pour les partages, cessions, licitations, les premiers arrangements de famille, en ligne directe seulement, pourvu que tous ces actes soient par-devant notaires. « Le même droit de cinq sols par cent livres « sera perçu pour les inventaires après absence « ou faillite. » Pour les attermoiements ; mais ici vous admirerez la commisération de l’auteur du règlement ; « Il sera, dit-il, fait déduction sur la masse des-« dits attermoiements, du montant des créances « établies par des actes contrôlés. » Ces actes, Messieurs, étant des titres actifs, ont déjà payé 1/2 0/0 s’ils ont été contrôlés; et, dans ce cas seulement, oa les dispense de payer de plus 1/4 0/0. Le même droit de 1/4 0/0 doit être payé, suivant cet article, pour Jes obligations à la grosse et pour les retour de voyage ; Pour les contrats d’assurances; Pour les cautionnements et indemnités, autres que ceux qui contiennent l’engagement du principal obligé. A l’égard des cautionnements en faveur des commis, trésoriers et receveurs publics, il n’aurait pas été juste, Messieurs, de les soumettre au droit entier de 1/4 0/0; ils méritaient des égards et de la faveur qui n’étaient pas dus au reste des hommes; aussi ne seront-ils pas taxés à 1/4 0/0 mais seulement à un huitième pour cent. Vous voyez, Messieurs, dans quel esprit est rédigé ce règlement; et il serait difficile d’en faire un meilleur, parce que tout ce qui est injuste, tout ce qui est vexatoire, tout ce qui est arbitraire, tout ce qui est contre les mœurs, le repos et la tranquillité, ainsi que l’est le contrôle, ne peut être soumis à de bonnes lois, ni à de bons règlements : la chose est hors de toute précision comme hors de toute raison. Qu’il me soit permis, Messieurs, de démontrer ces assertions par la seule discussion de cet article bénin. Il assujettit au droit de 1/4 0/0 les partages, licitations, les premiers actes de famille et les inventaires des faillis ou absents ; mais il ne dit pas que lesmasses des successions ne seront considérées que déduction faite des dettes. Ainsi, le contrôle sera perçu sur le passif comme sur l’actif des successions; ainsi, le contrôle sera payé non seulement à raison des faibles débris de la fortune d’un failli ou d’un banqueroutier, mais encore à raison de ce qu’il devra, quelque énorme que puisse être sa dette. Je laisse à votre prudence, Messieurs, à considérer si l’encouragement que nous devons donner au commerce maritime peut permettre d’y laisser les entraves du contrôle. Je connais peu les usages en cette matière; cependant je suis instruit que, dans plusieurs de nos villes maritimes, on fait ce genre d’actes toujours sous seing privé : ainsi, il n’y a lieu au contrôle que dans le cas de contestation. Quant aux cautionnements et indemnités/considérez, je vous prie, que le titre principal a déjà subi un droit de contrôle de 1|2 0,0, un cautionnement postérieur payera encore 1|4 0|0. Quel sera donc le débiteur qui pourra supporter tous ces droits, sans être accablé de leur fardeau ? Art. 20. Cet article inflige la peine d’un double droit de contrôle pour les contre-lettres pour lesquelles on ajoutera des sommes ou valeurs à celles des conventions antérieures, auxquelles ces contre-lettres auraient rapport. Si le règlement en cette partie avait pour objet d’épurer les fonctions du ministre des conventions, je ne le critiquerais que pour dire que la 670 [Assemblée nationale.) ARCHIVÉS PARLËMËNTAIRÈS. [22 novembre 1790.' peine qu’il contient est encore douce. La contre-lettre est un acte qui doit être proscrit, parce que souvent il est l’asile de la mauvaise foi. L*on faisait cependant autrefois des contre-lettres innocentes, et c'était uniquement pour démontrer la fiction du titre actif que l’on créait pour parvenir à l’obtention des décrets volontaires : mais longtemps même avant l’abolition de l’usage de ces décrets, les notaires de Paris s’étaient interdits cette espèce de contre-lettres : ainsi l’article est sans effet. Art. 21. « Tous les actes et contrats doivent contenir la déclaration et l’estimation exacte de la valeur ou du prix de chaque objet des conventions ou engagements qui y seront stipulés; et lorsque ces objets seront susceptibles de désignation et d’évaluation, à défaut de ces déclarations, le contrôleur sera autorisé à réputer l’estimation faite par la loi, jusqu’à concurrence d’une somme de quarante mille livres et à percevoir conséquemment un droit de contrôle de deux cents livres. » Il est, Messieurs, et vous n’en doutez pas, une infinité de choses qui peuvent entrer dans les conventions entre les hommes, et qui cependant ne peuvent recevoir que difficilement une appréciation ; tels sont les actes que la loi appelle innommés :Do ut des; do ut fadas; facio ut des; fado ut fadas. Dans cette dernière espèce, par exemple : Je me charge de faire vos affaires à Paris, et vous de faire les miennes à Rouen. Mes affaires et les vôtres sont de la plus grande ou de la plus mince importance; faudra-t-i! que nous payions indistinctement deux cents livres de contrôle? Et qui pourrait apprécier la valeur de nos services mutuels? Sera-ce notre déclaration? Sera-ce le caprice du contrôleur? Dans tous les cas, il y aurait fraude ou arbitraire, parce que la loi serait injuste et même tortionnaire. Art. 22 et 23. Le premier de ces articles astreint à un contrôle de dix sols les procès-verbaux de délits et de contraventions aux règlements de police ou d’impôt, les connaissements, les collations et extraits d’une seule pièce. Et si la collation ou extrait renferme plusieurs pièces, dont la première aura payé dix sols, alors le contrôle d’une série d’extraits ou collations, sans doute à la suite les uns des autres, serait de quinze sols. Vous croiriez, Messieurs, que la modicité de ce droit ne le rendra pas à charge aux parties ; mais ce serait une erreur. Ce droit, qui paraît modique, deviendrait exorbitant : je vais avoir l’honneur de vous le démontrer. Dans des circonstances très fréquentes, les mutations, qui surviennent dans la propriété des rentes sur l’Etat, nécessitent quelquefois le fournissement au payeur d’une multitude d’extraits de pièces pour faire l’immatricule d’une seule partie de rente qui peut être faible comme considérable. Ces pièces ne sont pas jugées d’abord toutes nécessaires : on en fournit une ou deux qui payent un contrôle de quinze sols : le payeur les trouve insuffisantes ; il en demande d’autres à une ou plusieurs reprises, et chaque fournissement coûte quinze sols : ainsi, pour faire immatriculer un contrat de dix livres de rente, souvent il faudrait débourser en contrôle d’extraits, trois livres et quelquefois davantage : ainsi une succession dans laquelle il y aurait cent parties de rentes, pourrait être forcée de dépenser cent écus, et peut-être plus, en droits de contrôle d’extraits d’actes qui déjà auraient été contrôlés à raison de 1/2 0/0, Que de gène, que de surcharges ferait éprouver ce règlement! Et nous dira-t-on encore que c’est pour assurer les dates, que cette formalité est établie? Quelle importance peut-il y avoir à constater la date de la délivrance d’un extrait de pièces, surtout lorsque l’original a été contrôlé ? Art. 24. « Le droit de contrôle des quittances de rentes de toute espèce de créance sur l’Etat, sera payé à raison de deux sols par cent, c’est-à-dire à raison d’un millième de la somme portée dans la quittance. » Ce droit est un impôt sur toutes les rentes perpétuelles, viagères, pensions et autres intérêts que doit l’Etat; et aussi sur les pensions des religieux, et le traitement annuel du clergé séculier, des juges et autres personnes qui seront salariés. Dans l’état actuel des choses, on compte qu’il est fourni chaque année aux payeurs des rentes huit cent mille quittances; en y ajoutant celles que va occasionner le nouvel ordre, on peut croire qu’à Paris seul, il serait fait chaque année à peu près douze cent mille quittances; ce serait environ douze mille pour chaque notaire : en ne comptant l’année que pour trois cents jours ouvrables, ce serait pour chaque jour environ quarante quittances qu’il faudrait que chaque notaire fît contrôler : il faudrait que, pour ce seul objet, il se transportât ou envoyât dix, vingt fois, et peut-être plus souvent encore au contrôle, chaque jour. J’ai déjà eu l’honneur de vous dire que Paris seul, en supposant que, malgré l’établissement du contrôle, il s’y fît encore la même quantité d’actes, nécessiterait une armée de commis; et vous voyez, Messieurs, qu’il faudrait aussi une armée de clercs qui ne seraient occupés qu’à faire contrôler des quittances. Art. 25, 26, 27, 28, 29 et 30. Ces articles annoncent des consolations, des adoucissements sur le droit. Vous allez voir en quoi consiste cet allégement présenté. Par exemple, le droit decontrôle des partages, fixé à raison des masses, ne doit avoir lieu de cette manière, qu’autant qu’il y aura division de l’objet commun entre les copropriétaires. Or, je vous demande, Messieurs, si l’on pourrait concevoir un acte comme partage, s’il ne contenait pas de division, s’il ne renfermait, par exemple, comme l’indique l’article 25, qu’une cession de droit? En second lieu, lorsqu’un partage sera précédé d’un inventaire contrôlé, il sera fait déduction des droits payés sur l’inventaire jusqu’à concurrence d’une valeur égale à celle pour laquelle les objets inventoriés entreront dans la masse mobilière du partage: ainsi, vous voyez que le double droit de contrôle des inventaires et partages subsisterait toujours pour les immeubles réels et fictifs, si vous rapprochez les dispositions des articles 14 et 25. Le droit de contrôle des échanges ne doit être perçu que sur la valeur des objets échangés ou donnés par l’une des parties; c’était ainsi réglé par le tarif de 1722. De même le droit de contrôle des donations mutuelles ne doit être perçu que sur la valeur des objets donnés par l’une des parties. Or, je vous prie de considérer, Messieurs, que dans les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLËMENTAIRES. [22 novembre 1790.] 071 donations mutuelles que se font deux personnes, il n’y a que celle qui meurt la première qui ait donné, celle qui a survécu n’a jamais été libérale, etl’événemenl fait qu’elle n’a contracté que pour recevoir. Aurait-on pu asseoir un droit de contrôle sur un acte de libéralité sans effet? Non, sans doute; ainsi l’exemption ne porte sur rien. Le droit de contrôle des sentences arbitrales ne se perçoit que sur les valeurs des objets adjugés par les arbitres, et celui des transactions est limité aux mêmes bases ; pouvait-on faire autrement? Des prétentions, des demandes peuvent être tellement erronées, qu’elles sont exorbitantes. Aurait-il donc fallu rendre le droit de contrôle sur des prétentions exagérées également exorbitant? Un particulier insolvable prétend que ma maison lui appartient : il est déchu de son injuste prétention par un jugement arbitral ou par une transaction. Fallait-il que je payasse le droit de contrôle de la valeur de ma maison? Non, Messieurs ; ainsi il n’existe pas plus de modération ici que dans les cas précédents. Il ne sera payé, dit l’article 27, qu’un seul droit de contrôle sur un même acte, quelques dispositions qu’il contienne, et quoique différentes parties y interviennent. L’article s’entend jusqu’ici. Continuons, et nous verrons qu’il n’en sera plus de même par la suite; « mais ce droit « sera réglé sur l’estimation de tous les objets « qui feront la matière de l’acte; et dans le cas « où ses dispositions se rapporteraient à plu-« sieurs articles du présent décret dont les pro-« portions ne seraient pas les mêmes pour la « perception des droits, la somme du droit exi-« gible sera composée de la réunion de ces dif-« férentes proportions, suivant l’application qui « en sera faite à chacune de ces dispositions. « Je ne sais, Messieurs, où l’on pourrait trouver le savant en état de donner une définition claire et lumineuse de cet article inextricable. Quanta moi, j’avoue que je n’y conçois et que je n’y entends rien. J’en crois la logique au dessus de la portée humaine, et l’auteur Jui-même serait très certainement bien embarrassé s’il était forcé de donner une explication satisfaisante, de son entortillage de mots et de ses fractions de pensées. N’en soyons pas étonnés, Messieurs; tous les règlements et tous les tarifs imaginables, en fait de contrôle, seront toujours un dédale dans lequel la raison s’égarera, parce que la pensée et la volonté ne peuvent avoir de mesures physiques. L’article 28 contient aussi des exemptions indispensables en faveur des municipalités et autres corps administratifs, en ce qui regarde seulement l’exercice de l’administration intérieure. Tous autres actes faits par ces corps ne seront pas exempts de ce droit. Le contrôle de tous les actes qui ne se trouveront point désignés dans le projet de règlement, doit être payé comme il est établi, pour ceux avec lesquels ils auront le plus d’analogie ; ainsi par là rien n’est oublié. Enfin, l’article 30 et dernier, veut que l’Assemblée nationale promette d’expliquer ce premier projet, après qu’il aura été converti en loi par les lois subséquentes ; et l’article a raison, parce qu’il n’y aurait pas de législateur qui ne fût dans l'obligation de faire et défaire successivement, et sans discontinuation, des lois sur la matière du contrôle, si elle voulait le faire sortir de l’arbitraire ; et ce code fût-il devenu immense, comme il l’est actuellement pour l’ancien régime, ne contiendrait toujours qn’une portion d’un tout, qui est incommensurable. J’en conclus, Messieurs, que non seulement il ne faut ni donner de l’extension au contrôle, ni en élever les droits; il faut l’abolir, il faut anéantir cette hydre de la fiscalité : la majorité des cahiers le demande, et le bonheur public l’exige. Le laisser subsister, ce ne serait faire autre chose que de transmettre à la législature qui nous suivra, l’honneur et l’avantage d’en délivrer l’Empire français; parce qu’il n’en faut pas douter, Messieurs, une nation libre et éclairée supportera bien avec patience un impôt utile au Trésor public, mais ne supportera jamais celui qui ne tournera, pour la majeure partie, qu’au seul profit du percepteur. Ne croyez pas cependant, Messieurs, que, si je m’élève contre le contrôle, tel qu’il subsiste, et tel qu’on veut l’étendre, je veuille ni détruire le moyen d’assurer les dates, ni anéantir l’impôt qui peut se percevoir sur les conventions des citoyens; mais je veux remplacer le contrôle comme formalité et comme impôt par des moyens aussi certains que doux et simples. Ces moyens sont déjà indiqués dans des mémoires qui vous ont été distribués, ou qui ne tarderont pas à l’être. Vous y verrez que le double répertoire, dont un serait déposé périodiquement et renfermé sous double clef au greffe, soit de la municipalité du district ou du département, opérerait sans frais, comme sans vexation, tout ce que peut opérer le contrôle, considéré comme formalité, et qu’un droit sur le timbre des actes des notaires, gradué convenablement à cause du peu d’importance d’une partie des actes qui sont faits daus tes campagnes, remplacerait tout l’utile de l’impôt du contrôle d’une manière insensible à celui qui le supporterait. Ce droit perçu sans frais opérerait la suppression d’un grand nombre de commis; il n’en resterait que pour la perception des autres droits, tels que l’insinuation et le centième denier que vous laisserez encore sans doute subsister, et ces autres droits paraîtraient bien moins onéreux au particulier qui sera tenu de les acquitter, lorsqu’ils seront dégagés en apparence du droit de contrôle qui s’impose toujours en masses fatigantes pour les contribuables. Mais, dira-t-on, le timbre ne pourra jamais remplacer le produit du contrôle; je répondrai que le timbre remplacera aisément le produit net du contrôle, quand on voudra se persuader de toutes les vérités qui existent sur cette matière, parce qu’il est certain que, sur la totalité des actes qui sont faits en province, un quart au plus est passé devant notaires; ainsi, les trois quarts et plus dans l’état actuel, ne payent ni timbre, ni contrôle, et, à l’avenir, ils payeront le timbre. Mais le riche payera peu, et le pauvre sera foulé, si le droit de contrôle est perçu sur le timbre. Le riche fait beaucoup plus d’actes que le pauvre; ainsi considéré à raison de sa fortune, il payera plus que le pauvre, parce qu’il passera plus d’actes que lui. Le droit de contrôle a toujours été et sera toujours à la charge du pauvre dans beaucoup de circonstances, comme je l’ai déjà démontré; ainsi, le pauvre sera soulagé d’autant si le contrôle est remplacé par un impôt plus doux : il y a plus, la graduation peu étendue, mise sur le droit de timbre, apportera un soulagement réel à l’homme peu aisé qui, conséquemment, fera des actes de peu d’importance; ainsi, le timbre tendra au soulagement de l’infortuné. §72 lAssemblée national©»] ARCHIVES PARLEMEISTAÎfŒS, [28 novembre 1790.] Il serait aisé de répondre à toutes les objections que l’on pourrait faire pour conserver le contrôle, la raison et la vérité les détruiront toutes aisément, lorsque des hommes éclairés sur cette matière, en les traitant, n’auront d’autre intérêt que le bonheur public. Ainsi, je me borne à vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, considérant que le contrôle est l’impôt le plus tyrannique, le plus arbitraire et le plus à charge de tous , charge ses comités de Constitution, d’impôt, d’agriculture et de commerce, de choisir, chacun dans son sein, quatre commissaires, ce qui fera douze commissaires en tout, qui se réuniront pour examiner tous les mémoires et projets qui ont été présentés et le seront sur cette matière, soit à l’Assemblé nationale, soit à ses comités et commissaires, et qui, après avoir approfondi cette matière, présenteront à l’Assemblée, avec le résultat de leurs réflexions, un projet de décret qui puisse statuer d’une manière satisfaisante pour le bonheur des citoyens, sur l’abolition du contrôle, et son remplacement comme formalité et comme impôt. » TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 22 NOVEMBRE 1790. Première opinion de M. Bévière, député delà ville de Paris (1), sur la nécessité de la suppression du contrôle des actes des notariés (2). Messieurs, la réclamation contre le contrôle des actes des notaires est unanime et générale dans (1) Je supplie que l'on ait la complaisance de me lire, la faiblesse de ma voix m'interdisant absolument l’accès de la tribune. (2) Quoique le comité de l’imposition ait récemment annoncé qu’il avait fondu ensemble, et compris, dans un même projet de décret le contrôle, les droits d’insinuation, de centième denier et peut-être quelques autres, j’ai cru devoir présenter les réflexions suivantes, sur le contrôle particulièrement, parce que ce mélange me paraît infiniment dangereux. Ces autres impôts étant moins infectés que le contrôle, des principaux vices qui lui sont justement reprochés, tels que l’inquisition, la révélation du secret, l’arbitraire, l’espionnage, les visites domiciliaires, etc., la loi de la nécessité pourrait les faire admettre au moins provisoirement, puisqu’on ne trouve pas de moyens de remplacer leur produit, et ce motif impérieux pourrait, par suite, entraîner l’admission du contrôle aux étranges abus et défauts desquels cette confusion fournirait un déguisement capable de les faire perdre de vue. Je sais que ce projet et autres sur la même matière ne sont point, à proprement parler, l’ouvrage du comité. Je sais qu'ils sont sortis des bureaux de l’administration des domaines, soit de ceux des administrateurs eux-mêmes, soit de ceux de leurs préposés. Ceci n’est point un reproche, car il ne pouvait guère en être autrement à l’égard de ces sortes de droits qui forment un labyrinthe ténébreux connu seulement des percepteurs et de leurs victimes, ou plutôt de ceux qui tâchent de les préserver des pièges et des dangers qui s’y rencontrent, dans lequel encore les uns et les autres sont-ils souvent sujets à s’y égarer. Mais en me présentant au comité, avec quelques collègues, pour lui exposer le sort auquel le contrôle réduit les contribuables et les officiers qui sont l’objet de ses persécutions, en proposer la suppression et le remplacement du produit, je croyais pouvoir espérer que nous toutes les parties du royaume. Le désir etla volonté de sa suppression sont aussi fortement et aussi expressément prononcés par les cahiers des différents bailliages, qu’ils pouvaient l’être dans un temps où l’on ne pouvait supposer l’existence future d’une Assemblée nationale, où l’on n’avait pas la première idée desa puissance ni desgrandes ressources dont elle serait capable en pareille matière, lorsque les remplacements seraient faciles, et dans un temps où l’on connaissait cependant l’étendue du déficit et où l’on avait déjà, sur l’énormité de la dette, les notions les plus affligeantes, qui faisaient craindre que les besoins du produit de cet impôt ne fût un obstacle à sa suppression. Tous ces cahiers se plaignent hautement de l’impôt et de ses vexations. Les uns en demandent expressément la suppression, d’autres lui reprochent de n’êlre point consenti par la nation, d’être amplifié par des arrêts et des décisions du | balancerions les idées que lui avaient dès lors inspirées ceux qui nous avaient devancés, et qu’ils n’auraient point déjà pris un ascendant capable de lui insinuer peut-être que nous ne faisions que par intétêt personnel et particulier une proposition que nous rendions commune à tout le royaume. Au surplus, comme le comité lui-même n’a pu disconvenir de l’énormité des vices du contrôle des actes des notaires, qu’il a même témoigné le désir de pouvoir donner les mains à sa suppression, s’il pouvait être remplacé, il est évident qne sa persévérance pour sa conservation ne lui est suggérée que par les préposés à sa perception, qu’il a consultés. Je ne leur en fais pas un crime. Il est assez simple qu’ils ne voient le plus grand bien de la nation que dans le produit; mais outre qu’il me semble que les traitants ou leurs agents ne doivent pas être exclusivement écoutés pour la proposition des lois fiscales, et moins encore en avoir seuls une espèce d’initiative, latet anguis in herbâ , je crois devoir avertir l’Assemblée de se tenir en garde contre cet amalgame et cette trituration du contrôle, avec ces autres droits auxquels il ne peut ni ne doit être assimilé ; la prévenir qu’il doit eu être isolé, jugé seul après mûr examen de son mode particulier et de tous ses détails; que tout décret général ou de principes tendant cumulativement à la conservation de ces impôts, qui lui serait proposé, doit être divisé pour en séparer le contrôle des actes des notaires et ne point risquer de décider, sans grande connaissance de cause, la conservation d’un tribut oriental dont elle se verrait ensuite forcée de consacrer en détail tous les vices qui en sont inséparables, parce qu’ils sont de son essence et dont l’odieux rejaillirait sur elle; tribut, dont après un examen sévère, elle jugera certainement la suppression nécessaire, puisqu’il peut être remplacé, et même, quand on voudrait s’obstiner à soutenir l’insuffisance du remplacement; car, en vérité, un million, ou même deux ou trois de moins pour une première année seulement, et dont on pourrait reprendre tout ou partie sur la suivante, ne sont pas d’une assez grande importance pour faire hésiter de briser le dernier chaînon du genre de servitude le plus odieux et le plus intolérable, et pour déterminer l’Assemblée à retenir la France entière, peut-être pour un long temps encore, sous le jong d’un esclavage dont l’espèce est inconnue chez les nations qui rampent sous le despotisme le plus barbare et le plus absolu. J’ajoute que la faiblesse de ma voix me privant nécessairement de l’honneur de présnter à l’Assemblée ces observations à sa tribune, je la supplie de permettre que je les dépose sur le bureau, pour y avoir la force d’une motion conforme à mes conclusions. Je suis tellement convaincu delà justice de l’Assemblée, de la justesse et de la finesse de tact de son patriotisme, que je ne redoute nullement que ce désavantage influe, en aucune manière, sur le succès d’une cause dont je n’ai entrepris la défense que d'après des connaissances certaines acquises par une longue expérience dans l’exercice de mes fonctions, sur l’extrême importance dont elle est pour l’universalité du royaume.