SÉANCE DU 26 BRUMAIRE AN III (16 NOVEMBRE 1794) - N° 21 301 SAINT-MARTIN, rapporteur, GUIMBER-TEAU, secrétaire. SAINT-MARTIN : Citoyens, c’est un jour heureux pour votre comité des Secours publics, que celui où il peut vous mettre à portée de réaliser, en faveur des familles indigentes de nos braves défenseurs, les secours annuels que vos décrets leur assurent. Déjà vous avez abondamment pourvu au besoin d’un grand nombre de ces respectables familles; aujourd’hui soixante-dix-neuf autres vont recevoir de vous les mêmes bienfaits. Citoyens, en parcourant les honorables listes de guerriers morts au champ de l’honneur et de la victoire, votre comité s’est senti pénétré d’une vénération profonde ; il s’est dit : où sont les trésors qui pourroient payer un dévouement si héroïque. Sans doute qu’il n’est qu’une récompense digne du citoyen-soldat, du citoyen qui expose sa vie pour la liberté de son pays : c’est le laurier dont la patrie orne sa tête ou couvre son tombeau. Mais si le généreux sentiment qui l’anime, le rend insensible pour lui-même à tout autre intérêt que celui de sa gloire, ne croyons pas qu’il puisse jamais devenir indifférent sur le sort de sa famille. Comment pourroit-il braver la mort avec intrépidité, s’il étoit troublé par l’idée qu’en cessant de vivre, la misère va dévorer les objets de ses plus tendres affections, sa femme, ses enfans, son père, sa mère, qui tous tiroient de lui seul leurs moyens de subsistance. Législateurs, vous avez délivré le soldat français de cette crainte, la seule qui pût entrer dans son coeur. C’est par la bienfaisance de vos lois; c’est en lui faisant chérir, idolâtrer une patrie qui embrasse tous ses enfans dans une égale bienfaisance, que vous l’avez embrasé de cet enthousiasme sublime, de ce courage indomptable qui le rend la terreur des despotes coalisés, et fixe la victoire sur nos drapeaux. Législateurs, la gloire du nom français est votre ouvrage ; vous avez créé des armées de héros; et je ne crains pas de dire que ces héros doivent aujourd’hui vous servir de modèles. Oui, la France est sauvée; oui, la liberté publique est assise sur des bases inébranlables, si la Convention déploie contre les ennemis du dedans, de quelques couleurs qu’ils se parent, le grand caractère que ses guerriers ont déployé contre les ennemis de l’extérieur : si, comme eux, nous sommes fermes, intrépides, inaccessibles à toute crainte ; si comme eux, réunis et serrés autour de la bannière où sont écrits ces mots sacrés, liberté, égalité, justice, nous suivons invariablement la ligne qu’ils nous indiquent, sans jamais porter nos regards en arrière, si ce n’est pour contempler les obstacles que nous aurons surmontés par le courage, et les écueils que nous aurons évités par la prudence; si, comme eux, nous ne voyons aucun obstacle au dessus de nos forces : si, comme eux enfin, nous n’avons tous qu’une passion et qu’un but, l’affermissement de la République et le bonheur du peuple. (83) Le rapporteur présente le projet de décret suivant (84) : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [SAINT-MARTIN au nom de] son comité des Secours, décrète ce qui suit : Article premier. - Les veuves des citoyens morts en défendant la patrie ou faisant un service requis ou commandé au nom de la République, dénommées en l’état annexé à la minute du présent décret, recevront, à titre de pension alimentaire, la somme de 62 239 L 15 s. 9 d., conformément aux dispositions de la loi du 4 juin 1793 (vieux style), et de celle du 13 prairial dernier, laquelle somme sera répartie entr’elles d’après les proportions indiquées audit état. Art. II. - Les pensions accordées aux-dites veuves leur seront payées aux termes de l’article premier du titre II de la loi du 13 prairial, par les commissaires distributeurs de leurs communes ou sections respectives, à partir de la date de la mort de leurs maris, sauf à imputer sur le montant desdites pensions les sommes susceptibles de retenue qu’elles auront pu recevoir à compte. Art. III. - L’état annexé à la minute du présent décret ne sera point imprimé (85). c La Convention nationale, après avoir entendu [JARD-PANVILLIER au nom de] son comité des Secours publics, décrète que la Trésorerie nationale paiera à chacun des défenseurs de la patrie dénommés ci-après (86), la somme de 486 L 13 s. 4 d. de pension à laquelle ils ont droit, en vertu des articles VIII de la loi du 6 juin 1793 (vieux style), et art. III de la loi du 5 nivôse de l’an II, et à compter du jour où ils ont cessé de toucher leur subsistance et à la charge par eux de remplir les formalités prescrites aux pensionnaires de la République (87). (83) Moniteur , XXII, 520. J. Mont., n° 32, résumé de l’éloge de Saint-Martin. Rép., n° 58; Bull., 26 brum., reprise du texte et des décrets. (84) Débats, n° 784, 799-800. Moniteur, XXII, 520. Décrets mentionnés dans J. Mont., n° 32; J. Paris, n° 57 et Rép., n° 58. (85) P.-V., XL IX, 232. Débats, n° 784, 800; Bull., 26 brum. ; J. Mont., n° 32; Rép., n° 58; J. Fr., n° 782; Gazette Fr., n° 1049 ; J. U., n° 1817. Rapporteur Saint-Martin selon C* II, 21. (86) En note dans le P.-V. : les noms sont dans la minute du décret. (87) P.-V., XLIX, 233. Rapporteur Jard-Panvillier selon C* II, 21.