[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l0r septembre 1791.] {Qg Constitution, c’est l'ouvrage de la majorité, c’est l’ouvrage de nous tous : nous y avons tous concouru; et plus l’ouvrage est “considérable, plus il est nécessaire qu'on ne fasse aucune distinction entre ceux qui y ont concouru (Applaudissements), plus il est nécessaire que cet ouvrage soit regardé comme le résultat de la volonté générale, plutôt que de motions particulières. M. La Fayette demande que le peuple puisse faire connaître son vœu par la réélection de ceux qui auront proposé ou appuyé l’avis le plus conforme à l’opinion publique. Il veut qu’à cet effet la liste des opinants soit imprimée. C’est alors qu’un ambitieux en demandant des changements spécieux parviendrait à se faire un parti, par l’espérance qu’il donnerait à ses auxiliaires de les faire réélire. Défiez-vous des personnes qui veulent ainsi s’annoncer au public. Il faut voter pour la majorité, ou bien oublier qu’on a été de la minorité. Rien n’est plus dangereux que d’entretenir des divisions en rappelant aux souvenirs des hommes les opinions individuelles; rien n’est plus dangereux que ces listes de réputation ou de proscription... Je demande, en conséquence, la question préa-ble contre la proposition de M. La Fayette. (Applaudissements.) M. Prieur. Je retire ma motion et je consens à la question préalable. (L’Assemblée, consultée, décrète qri’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Prieur.) M. Barnave. Je crois qu’il importe à l’intérêt public et àlapaixdu royaume, que ce rie soit pas au sein de la Révolution même et avant que la Constitution ait été connue, que les changements puissent être proposés. Cë ri’est pas de la chaleur des esprits que vous devez attendre la perfection successive, c’est de l’expériende seule. Je crois donc que l’Assemblée doit statuer un temps avant lequel les législatures ne pourront pas s’occuper de révision, et qu’il né doit pas être permis aux deux premières législatures qui nous suivront de commencer à s’occuper de cette revision-là, attendu qu’alors la Révolution ne sera pas encore terminée, et l’expérience n’aura pas prononcé. M. fLe Chapelier. Ce que l’on a déjà fait éloigne assez toute espèce de Convehtion et même de révision pour s’opposer à ce que l’on y mette de nouvelles entraves. Je deniaride la question préalable sur la proposition de M. Barnave. M. d’André. Les raisons alléguées par le préopinant sont très puissantes; quant à moi, je pense qu’à moins de décréter qu’au mois d’octobre la révision commencera, vous ne pouvez mettre la question préalable aux voix, car, dans le moment d’agitation où nous sommes, il est évident que, si vous ne décrétez un terme avant lequel les législateurs ne pourront pas parler de révision, la première opération des gens qui voudront paraître dans la première législature, la première manœuvre qu’ils trouveront pour se faire un nom et une réputation, sera de flatter les passions de quelques personnes et de proposer des changements dans la Constitution. Or, c’est un inconvénient très sensible que celui de nous exposer, lé mois prochain, à avoir une nouvelle Révolution; j’appuie donc la proposition de M. Barnave. M. Tronchet. Je suis si éloigné dépenser que ce qu’on vous propose soit contraire au décret que je vous ai présenté, que je vais vous proposer de le lier avec le décret que vous ayez déjà rendu. Vous avez reconnu solennellement le droit de la nation, et vous deviez le faire; mais vous lui avez dit : « Nous vous déclarons dans nos âmes et consciences, que nous regardons qu’il est de votre intérêt que vous suspendiez l’exercice de ce droit incontestable. » Eh bien, c’est par une conséquence même de cette déclaration faite à la nation, que vous devez adopter la proposition qui vous est faite, en la liant à l’article qui vous est présenté. Voici comme je propose de rédiger la proposition de M. Barnave : « En conséquence et par les mêmes vues d’intérêt général, et de la nécessité d’attendre, des secours de l’expérience, l’Assemblée nationale décrète qu’il ne pourra être fait aucune motion pour la révision de la Constitution, avant la troisième législature. » (La discussion est fermée.) Après quelques observations, la rédaction suivante est mise aux voix : « La première et la seconde législature ne pourront proposer la réforme d’aucun article constitutionnel. » (Cette proposition est adoptée.) Plusieurs membres demandent que les comités présentent le projet de décret relatif au mode de présentation au roi de Pacte constitutionnel. M. Briois-Beaumetz, au nom des comités de Constitution et de révision. Messieurs, votre serment est accompli, vos travaux sont achevés. Ces travaux* poursuivis pendant 28 mois avec une ardeur dont il n’y a jamais eu d’exemple, ont terminé la Constitution qui va régler les destinées de la France. Dès vos premiers pas, des obstacles se sont présentés ; vous les avez dissipés, d'un seul inot, comme des chimères, parce que cé mot renfermait une profonde vérité. Vaincus, par la raison, vos ennemis recourent à la force; et ce fut au moment où leurs armes menaçaient votre courage, que vous jurâtes de t’achever: La nation, dont les yeux étaient fixés sur vous, indignée de vos dangers et satisfaite de votre conduite, s’est réveillée en /souveraine; elle a étendu son bras et vos ennemis ont disparu. (Applaudissements) Une grande révolution s’est opérée. Au même instant; de l’ûne à l’antre extrémité de l’Empire, des millions de citoyens se sont armés pour la cause de la liberté. Quinze jours à peine s’étaient écoulés dans cette fermentation salutaire, lorsqu’un élan du patriotisme français consomma, dans une seule nuit, plus de sacrifices qu’on aurait pu en espérer, dans 10 siècles, de la marche progressive des lumières et de la perfectibilité tardive de la raison. ’ Depuis cette mémorable époque, tout s’est aplani sous vos pas. Les grandes vérités reconnues, les droits de l’homme consacrés vous orit perinis de ne mettre à vos combinaisons politiques d’autres bornes que celles indiquées par le désir de la perfection. Vous avez encore éprouvé des résistances ; mais, si elles ont pu ralentir votre marche, ou quelquefois trop vivement excité le développemebt de votre énergie, elles n’ont jamais rendu vos succès douteux. * , « ' L’bistoire conservera avec scrupule les ôîbiridres détails de cette crise intéressantei Elle décrira le jeu des passions de toutgenre qui ont exercé leur