SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN II (12 JUIN 1794) - Nos 8 ET 9 543 que ni l’or, ni l’imposture ne les aveuglera jamais. C’est pourquoi la société populaire de la commune de la Boche-Blanche, vrais sans-culotte, vous demande quils soient toujours nourris du lait de la Montagne, qui leur fait prendre l’embonpoint et le nerf du fort Républicain. Us félicitent aussi le comité de salut public sur son active surveillance pour la chose publique. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [La Roche-Blanche, 10 prair. II] (2). « Courage, Braves montagnards, alimentez toujours les enfants de la liberté des productions que vous recueillez sur la montagne. Ne cessez d’en écarter des loups ravissants qui voudraient les dépeupler et préservez des gras pâturages de la contagion que voudraient y porter nos voisins par les scélérats coalisés, ne pouvant résister aux bataillons républicains voudront avec leurs ors nous corrompre; qu’ils apprennent qu’il n’y a que la liberté qui affecte les républicains et que ni l’or ni l’imposture ne les aveuglera jamais. C’est pourquoi, Citoyens représentans, la société populaire de la commune de la Roche Blanche, district de Clermont, département du Puy-de-Dôme, vrais sans-culottes, demande qu’ils soient toujours nourris du lait de la montagne qui leur fait prendre l’embonpoint et le nerf du fort républicain. Ils félicitent aussi le comité de Salut public sur son active surveillance pour la chose publique, et font don de 56 livres 8 sols argent et 158 livres 5 sols en assignats; de plus, 50 chemises, 34 livres de charpie, de 10 draps pour faire des bandes et de 20 autres chemises pour faire du linge d’hôpital qui ont été déposés au district pour l’armée d’Italie. » Boubon (présid.), Roche (secrét.), Cohade (secrét.). 8 Un membre [PONS, de Verdun], fait lecture de la pétition de la citoyenne femme Lohys-Vaudry, et la Convention adopte le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu la pétition de la citoyenne femme Lohys-Vaudry, tendante à obtenir un sursis à l’exécution d’un jugement du tribunal criminel du département de Seine-et-Oise, qui a condamné à mort le nommé Lohys-Vaudry, son mari, «Décrète qu’il est sursis à l’exécution dudit jugement, et renvoie la pétition de la citoyenne femme Lohys au comité de législation, qu’elle charge de lui en faire un prompt rapport. «Le présent décret ne sera pas imprimé. Il en sera adressé une expédition manuscrite à l’accusateur public près le tribunal criminel du département de Seine-et-Oise » (3) . (1) P.V., XXXIX, 227 et 408. Bin, 28 prair. (2e suppl*); Mon., XX, 719; Débats, n° 631, p. 377. (2) C 305, pl. 1139, p. 12. (3) P.V., XXXIX, 227. Minute de la main de Pons. Décret n° 9480. Mention dans J. Sablier, n° 1375; C. Univ., 25 prair.; Rép., n° 175; J. Fr., n° 624; J. Lois, n° 623; J. Perlet, n° 629; Audit, nat., n° 627; J. S.-Culottes, n° 484. Voir ci-après, séance du 27 prair., n° 51. 9 Un secrétaire [CARRIER] fait la deuxième lecture du décret du 22 de ce mois concernant le tribunal révolutionnaire (1) . BREARD observe que parmi les jurés qui doivent composer le tribunal, il en est un qui s’appelle Dix-Août ; il demande que, conformément au décret qui défend de changer de nom, celui-ci soit tenu de reprendre le sien. — Il se nomme Leroi dit un autre membre [Carrier] et certes il a eu raison de changer de nom. — Ce n’est pas le nom qui doit faire trembler, reprend Bréard, c’est la chose; mais d’après l’explication donnée, je n’insiste pas davantage, — la chose en est restée là (2) . Un membre demande par amendement à l’art. XVIII, l’adjonction du comité de sûreté générale à celui de salut public; en sorte qu’au lieu de dire : « Aucun prévenu ne pourra être mis hors de jugement avant que la décision de la chambre n’ait été communiquée au comité de salut public, qui l’examinera », cette partie de l’article soit rédigée en ces termes : « Aucun prévenu ne pourra être mis hors de jugement avant que la décision de la chambre n’ait été communiquée aux comités de salut public et de sûreté générale, qui l’examineront. » L’amendement ainsi rédigé est mis aux voix et adopté. Un membre [DELACROIX] propose de charger les comités de salut public et d’agriculture de proposer, dans le plus bref délai, un décret qui limite et détermine, d’une manière précise, le sens du paragraphe III de l’article VI du même décret du 22 de ce mois, qui comprend au nombre des crimes dont doit connoître le tribunal révolutionnaire ceux qui auront cherché à causer la disette dans la République, et qui empêche qu’on ne puisse y comprendre ceux qui auront cultivé en prairies artificielles une partie de leurs terres à bled (3) . DELACROIX : Il y a quelque temps qu’on vous dénonça un cultivateur qui avoit ensemencé la plus grande partie de ses terres en sainfoin : d’après l’examen de cette dénonciation, il fut reconnu que ce cultivateur n’avoit aucun tort. Ne craignez-vous pas, comme moi, que si, sous de pareils prétextes, on traduisoit des cultivateurs au tribunal révolutionnaire, on ne les dégoûtât de la culture des prairies artificielles, que l’on doit regarder comme un moyen puissant de régénérer l’agriculture et d’éloigner la disette. Je demande que le comité d’agriculture concerte avec celui de salut public, une loi qui excepte des poursuites exercées contre les contre-révolutionnaires, ceux qui cultivent des prairies artificielles (4) . (1) P.V., XXXIX, 228; Audit, nat., n° 627; C. Eg., n° 663; C. Eg., n° 663. (2) Ann. R.F., n° 195; C. Eg., n° 663. (3) P.V., XXXIX, 228; Audit, nat., n° 627; C. Eg., n° 663. (4) Débats, n° 630, p. 360. Mon., XX, 714; Audit. nat., n° 627. SÉANCE DU 24 PRAIRIAL AN II (12 JUIN 1794) - Nos 8 ET 9 543 que ni l’or, ni l’imposture ne les aveuglera jamais. C’est pourquoi la société populaire de la commune de la Boche-Blanche, vrais sans-culotte, vous demande quils soient toujours nourris du lait de la Montagne, qui leur fait prendre l’embonpoint et le nerf du fort Républicain. Us félicitent aussi le comité de salut public sur son active surveillance pour la chose publique. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [La Roche-Blanche, 10 prair. II] (2). « Courage, Braves montagnards, alimentez toujours les enfants de la liberté des productions que vous recueillez sur la montagne. Ne cessez d’en écarter des loups ravissants qui voudraient les dépeupler et préservez des gras pâturages de la contagion que voudraient y porter nos voisins par les scélérats coalisés, ne pouvant résister aux bataillons républicains voudront avec leurs ors nous corrompre; qu’ils apprennent qu’il n’y a que la liberté qui affecte les républicains et que ni l’or ni l’imposture ne les aveuglera jamais. C’est pourquoi, Citoyens représentans, la société populaire de la commune de la Roche Blanche, district de Clermont, département du Puy-de-Dôme, vrais sans-culottes, demande qu’ils soient toujours nourris du lait de la montagne qui leur fait prendre l’embonpoint et le nerf du fort républicain. Ils félicitent aussi le comité de Salut public sur son active surveillance pour la chose publique, et font don de 56 livres 8 sols argent et 158 livres 5 sols en assignats; de plus, 50 chemises, 34 livres de charpie, de 10 draps pour faire des bandes et de 20 autres chemises pour faire du linge d’hôpital qui ont été déposés au district pour l’armée d’Italie. » Boubon (présid.), Roche (secrét.), Cohade (secrét.). 8 Un membre [PONS, de Verdun], fait lecture de la pétition de la citoyenne femme Lohys-Vaudry, et la Convention adopte le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu la pétition de la citoyenne femme Lohys-Vaudry, tendante à obtenir un sursis à l’exécution d’un jugement du tribunal criminel du département de Seine-et-Oise, qui a condamné à mort le nommé Lohys-Vaudry, son mari, «Décrète qu’il est sursis à l’exécution dudit jugement, et renvoie la pétition de la citoyenne femme Lohys au comité de législation, qu’elle charge de lui en faire un prompt rapport. «Le présent décret ne sera pas imprimé. Il en sera adressé une expédition manuscrite à l’accusateur public près le tribunal criminel du département de Seine-et-Oise » (3) . (1) P.V., XXXIX, 227 et 408. Bin, 28 prair. (2e suppl*); Mon., XX, 719; Débats, n° 631, p. 377. (2) C 305, pl. 1139, p. 12. (3) P.V., XXXIX, 227. Minute de la main de Pons. Décret n° 9480. Mention dans J. Sablier, n° 1375; C. Univ., 25 prair.; Rép., n° 175; J. Fr., n° 624; J. Lois, n° 623; J. Perlet, n° 629; Audit, nat., n° 627; J. S.-Culottes, n° 484. Voir ci-après, séance du 27 prair., n° 51. 9 Un secrétaire [CARRIER] fait la deuxième lecture du décret du 22 de ce mois concernant le tribunal révolutionnaire (1) . BREARD observe que parmi les jurés qui doivent composer le tribunal, il en est un qui s’appelle Dix-Août ; il demande que, conformément au décret qui défend de changer de nom, celui-ci soit tenu de reprendre le sien. — Il se nomme Leroi dit un autre membre [Carrier] et certes il a eu raison de changer de nom. — Ce n’est pas le nom qui doit faire trembler, reprend Bréard, c’est la chose; mais d’après l’explication donnée, je n’insiste pas davantage, — la chose en est restée là (2) . Un membre demande par amendement à l’art. XVIII, l’adjonction du comité de sûreté générale à celui de salut public; en sorte qu’au lieu de dire : « Aucun prévenu ne pourra être mis hors de jugement avant que la décision de la chambre n’ait été communiquée au comité de salut public, qui l’examinera », cette partie de l’article soit rédigée en ces termes : « Aucun prévenu ne pourra être mis hors de jugement avant que la décision de la chambre n’ait été communiquée aux comités de salut public et de sûreté générale, qui l’examineront. » L’amendement ainsi rédigé est mis aux voix et adopté. Un membre [DELACROIX] propose de charger les comités de salut public et d’agriculture de proposer, dans le plus bref délai, un décret qui limite et détermine, d’une manière précise, le sens du paragraphe III de l’article VI du même décret du 22 de ce mois, qui comprend au nombre des crimes dont doit connoître le tribunal révolutionnaire ceux qui auront cherché à causer la disette dans la République, et qui empêche qu’on ne puisse y comprendre ceux qui auront cultivé en prairies artificielles une partie de leurs terres à bled (3) . DELACROIX : Il y a quelque temps qu’on vous dénonça un cultivateur qui avoit ensemencé la plus grande partie de ses terres en sainfoin : d’après l’examen de cette dénonciation, il fut reconnu que ce cultivateur n’avoit aucun tort. Ne craignez-vous pas, comme moi, que si, sous de pareils prétextes, on traduisoit des cultivateurs au tribunal révolutionnaire, on ne les dégoûtât de la culture des prairies artificielles, que l’on doit regarder comme un moyen puissant de régénérer l’agriculture et d’éloigner la disette. Je demande que le comité d’agriculture concerte avec celui de salut public, une loi qui excepte des poursuites exercées contre les contre-révolutionnaires, ceux qui cultivent des prairies artificielles (4) . (1) P.V., XXXIX, 228; Audit, nat., n° 627; C. Eg., n° 663; C. Eg., n° 663. (2) Ann. R.F., n° 195; C. Eg., n° 663. (3) P.V., XXXIX, 228; Audit, nat., n° 627; C. Eg., n° 663. (4) Débats, n° 630, p. 360. Mon., XX, 714; Audit. nat., n° 627. 544 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Cette proposition est adoptée. Le même membre propose aussi de charger le comité de salut public de présenter à la Convention nationale, dans le plus bref délai, un projet de décret qui limite et détermine d’une manière précise le sens de ces mots, dépraver les mœurs, compris dans le paragraphe VIII de l’article VI du même décret du 22 de ce mois (1) . DELACROIX : J’ai encore une autre observation à faire. L’un des articles met au rang des crimes de contre-révolution la dépravation des mœurs. La manière dont cela est exprimé dans l’article, laisse un vague qui prête beaucoup à l’arbitraire. Je demande que ces mots soient interprétés par un décret précis, afin qu’on ne traduise pas au tribunal révolutionnaire des citoyens qui, en société ou même sur un théâtre, auroient dit ou fait dire quelques plaisanterie (2) . Cette proposition est également adoptée. Un autre membre [MALLARMÉ] observe qu’il faut que les lois révolutionnaires soient claires, et qu’elles ne puissent donner lieu à aucune équivoque. L’article XVI ne lui paroît pas réunir cette clarté et cette précision. Il demande ce qu’on entend par ces mots, la loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes. Un autre membre demande qu’on supprime, comme inutile, le mot de patriote ajouté à celui de juré. On demande l’ordre du jour sur ces deux proposition. On observe qu’à force de demander des explications, on atténue les lois les plus salutaires; qu’il est bien clair qu’un patriote calomnié qui sera traduit au tribunal révolutionnaire, n’aura besoin pour sa défense que de sa conscience et de celle des jurés » (3) . MALLARMÉ : J’ai aussi une remarque à faire sur l’article XVI qui accorde pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes, et n’en accorde point aux conspirateurs. Je demande ce qu’on a voulu dire par ces expressions. Il faut que les lois soient claires, et surtout les lois révolutionnaires; il faut, dans un gouvernement républicain, qu’elles puissent être entendues même des enfans. Je demande que le comité de salut public nous dise ce qu’il entend par les mots conspirateurs, défenseurs et jurés patriotes. CHARLIER : L’article s’explique clairement de lui-même : la loi a voulu supprimer le bavardage des hommes de loi qui ne défendoient que les conspirateurs, et étoient presque tous aristocrates, qui ne pouvoient opposer que des moyens de forme, puisque les faits étoient certains. L’article dit que l’individu qui sera traduit au tribunal révolutionnaire aura, sur le fait, pour défenseur, la conscience des jurés patriotes, et en formant la liste des jurés la (1) P.V., XXXIX, 229; Audit, nat., n° 627; C. Eg., n° 663; J. S.-Culottes, n° 484. (2) Débats, n° 630, p. 360; M.U., XL, 379; Audit. nat., n° 627; C. Eg., n° 663. (3) P.V., XXXIX, 229; C. Eg., n° 663. Convention a dressé celle des défenseurs officieux des patriotes (1) . Les mots inutiles doivent être rayés des lois. Comme les jurés du tribunal révolutionnaire ne peuvent être que des patriotes, je demande qu’on supprime ce mot de patriote ajouté à celui de juré. LEGENDRE : Sans doute tous les jurés du tribunal révolutionnaire sont des patriotes, mais je ne vois pas pourquoi ce mot ne resterait pas dans l’article. A coup sûr le patriote calomnié qui sera traduit au tribunal révolutionnaire n’aura besoin que de sa conscience et de celle des jurés. Je demande donc d’ordre du jour (2). DUHEM : Je demande la conservation de l’article tel qu’il est rédigé. Si l’on se rappelle l’intention du comité qui a proposé la loi, et celle de la Convention qui l’a décrétée, on sera convaincu que le tribunal révolutionnaire est spécialement institué pour punir les conspirateurs, les ennemis de la chose publique; dès lors, le comité a eu raison de faire ressortir la différence qu’il y entre les conspirateurs et les patriotes, en disant dans l’article que les jurés sont les défenseurs naturels et chauds des patriotes, et que la loi en refusoit aux autres : et je répéterai ici ce qu’on dit dans la célèbre discussion qui eut lieu lors de l’établissement du tribunal révolutionnaire : c’est Brutus sur sa chaise -curule qui condamne à mort ses enfans pour avoir trahi la chose publique (3) . Après plusieurs observations sur le même objet, l’ordre du jour est mis aux voix et décrété. La rédaction du décret du 22 de ce mois concernant le tribunal révolutionnaire est définitivement adoptée (4). 10 Un secrétaire fait aussi la seconde lecture du décret du jour d’hier, portant qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition d’un membre, tendante à ce qu’il soit décrété que, par le décret concernant le tribunal révolutionnaire, la Convention n’a pas entendu déroger aux lois qui défendent de traduire au tribunal révolutionnaire aucun représentant du peuple, sans qu’au préalable il ait été rendu contre lui un décret d’accusation. Un membre [COUTHON], au nom du comité de salut public, observe que toutes les réflexions qu’on vient de faire aujourd’hui et celles qui furent faites hier sur la loi relative au tribunal révolutionnaire, ne permettent pas au comité de salut public de garder le silence en cette occasion. Il observe que la disposition qui déroge à toutes celles des lois précédentes qui ne concorderaient point avec le présent (1) Débats, n° 630, p. 360. (2) Mon., XX, 714. (3) Débats, n° 630, p. 360; C. Eg., n° 663. (4) P.V., XXXIX, 230. Mess, soir, n“ 663; J. Fr., n° 626; Rép., n° 175; J. Mont., n° 47; J. Sablier, n° 1374; J. Perlet, n° 628; C. Eg., n° 663. Voir ci-dessus, séance du 22 prair., n° 71, et du 23 prair., n° 23. 544 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Cette proposition est adoptée. Le même membre propose aussi de charger le comité de salut public de présenter à la Convention nationale, dans le plus bref délai, un projet de décret qui limite et détermine d’une manière précise le sens de ces mots, dépraver les mœurs, compris dans le paragraphe VIII de l’article VI du même décret du 22 de ce mois (1) . DELACROIX : J’ai encore une autre observation à faire. L’un des articles met au rang des crimes de contre-révolution la dépravation des mœurs. La manière dont cela est exprimé dans l’article, laisse un vague qui prête beaucoup à l’arbitraire. Je demande que ces mots soient interprétés par un décret précis, afin qu’on ne traduise pas au tribunal révolutionnaire des citoyens qui, en société ou même sur un théâtre, auroient dit ou fait dire quelques plaisanterie (2) . Cette proposition est également adoptée. Un autre membre [MALLARMÉ] observe qu’il faut que les lois révolutionnaires soient claires, et qu’elles ne puissent donner lieu à aucune équivoque. L’article XVI ne lui paroît pas réunir cette clarté et cette précision. Il demande ce qu’on entend par ces mots, la loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes. Un autre membre demande qu’on supprime, comme inutile, le mot de patriote ajouté à celui de juré. On demande l’ordre du jour sur ces deux proposition. On observe qu’à force de demander des explications, on atténue les lois les plus salutaires; qu’il est bien clair qu’un patriote calomnié qui sera traduit au tribunal révolutionnaire, n’aura besoin pour sa défense que de sa conscience et de celle des jurés » (3) . MALLARMÉ : J’ai aussi une remarque à faire sur l’article XVI qui accorde pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes, et n’en accorde point aux conspirateurs. Je demande ce qu’on a voulu dire par ces expressions. Il faut que les lois soient claires, et surtout les lois révolutionnaires; il faut, dans un gouvernement républicain, qu’elles puissent être entendues même des enfans. Je demande que le comité de salut public nous dise ce qu’il entend par les mots conspirateurs, défenseurs et jurés patriotes. CHARLIER : L’article s’explique clairement de lui-même : la loi a voulu supprimer le bavardage des hommes de loi qui ne défendoient que les conspirateurs, et étoient presque tous aristocrates, qui ne pouvoient opposer que des moyens de forme, puisque les faits étoient certains. L’article dit que l’individu qui sera traduit au tribunal révolutionnaire aura, sur le fait, pour défenseur, la conscience des jurés patriotes, et en formant la liste des jurés la (1) P.V., XXXIX, 229; Audit, nat., n° 627; C. Eg., n° 663; J. S.-Culottes, n° 484. (2) Débats, n° 630, p. 360; M.U., XL, 379; Audit. nat., n° 627; C. Eg., n° 663. (3) P.V., XXXIX, 229; C. Eg., n° 663. Convention a dressé celle des défenseurs officieux des patriotes (1) . Les mots inutiles doivent être rayés des lois. Comme les jurés du tribunal révolutionnaire ne peuvent être que des patriotes, je demande qu’on supprime ce mot de patriote ajouté à celui de juré. LEGENDRE : Sans doute tous les jurés du tribunal révolutionnaire sont des patriotes, mais je ne vois pas pourquoi ce mot ne resterait pas dans l’article. A coup sûr le patriote calomnié qui sera traduit au tribunal révolutionnaire n’aura besoin que de sa conscience et de celle des jurés. Je demande donc d’ordre du jour (2). DUHEM : Je demande la conservation de l’article tel qu’il est rédigé. Si l’on se rappelle l’intention du comité qui a proposé la loi, et celle de la Convention qui l’a décrétée, on sera convaincu que le tribunal révolutionnaire est spécialement institué pour punir les conspirateurs, les ennemis de la chose publique; dès lors, le comité a eu raison de faire ressortir la différence qu’il y entre les conspirateurs et les patriotes, en disant dans l’article que les jurés sont les défenseurs naturels et chauds des patriotes, et que la loi en refusoit aux autres : et je répéterai ici ce qu’on dit dans la célèbre discussion qui eut lieu lors de l’établissement du tribunal révolutionnaire : c’est Brutus sur sa chaise -curule qui condamne à mort ses enfans pour avoir trahi la chose publique (3) . Après plusieurs observations sur le même objet, l’ordre du jour est mis aux voix et décrété. La rédaction du décret du 22 de ce mois concernant le tribunal révolutionnaire est définitivement adoptée (4). 10 Un secrétaire fait aussi la seconde lecture du décret du jour d’hier, portant qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition d’un membre, tendante à ce qu’il soit décrété que, par le décret concernant le tribunal révolutionnaire, la Convention n’a pas entendu déroger aux lois qui défendent de traduire au tribunal révolutionnaire aucun représentant du peuple, sans qu’au préalable il ait été rendu contre lui un décret d’accusation. Un membre [COUTHON], au nom du comité de salut public, observe que toutes les réflexions qu’on vient de faire aujourd’hui et celles qui furent faites hier sur la loi relative au tribunal révolutionnaire, ne permettent pas au comité de salut public de garder le silence en cette occasion. Il observe que la disposition qui déroge à toutes celles des lois précédentes qui ne concorderaient point avec le présent (1) Débats, n° 630, p. 360. (2) Mon., XX, 714. (3) Débats, n° 630, p. 360; C. Eg., n° 663. (4) P.V., XXXIX, 230. Mess, soir, n“ 663; J. Fr., n° 626; Rép., n° 175; J. Mont., n° 47; J. Sablier, n° 1374; J. Perlet, n° 628; C. Eg., n° 663. Voir ci-dessus, séance du 22 prair., n° 71, et du 23 prair., n° 23.