SÉANCE DU 2 VENDÉMIAIRE AN III (MARDI 23 SEPTEMBRE 1794) - N08 41-42 381 41 Un membre [Guyton-Morveau] fait le rapport suivant sur l’aérostat. Un regard de la Convention nationale est l’encouragement le plus précieux pour des républicains : vous ne le refuserez pas à des hommes qui servent la cause de la liberté contre les tyrans avec autant d’intelligence que de bravoure, et une activité infatigable. C’est ce qui m’engage à vous faire part de la lettre que je reçois du citoyen Cou-telle, capitaine de la compagnie d’aérostiers, employée à l’armée de Sambre-et-Meuse. Je respecterai le principe du comité de Salut public, qu’il vaut mieux se servir que se vanter de ses inventions; mais il a mis lui-même un terme à sa longue discrétion, en vous rendant compte de l’effet de l’aérostat à la mémorable journée de Fleurus, et l’on conçoit qu’il ne peut y avoir de raison de se taire sur des faits vus par deux cent mille combattans, qui sont répétés dans toutes les gazettes étrangères. Je supprimerai donc tous les détails et les observations sur les procédés, les manœuvres, les perfectionnemens qui, après un long travail, ont prouvé que le jeu de cette machine pouvoit entrer dans le calcul des combinaisons qui décident les batailles, et qui nous maintiendront encore long-temps dans la possession exclusive de ce moyen si puissant de découverte et de reconnoissance. Je me bornerai à vous tracer l’itinéraire de l’aérostat dans les derniers jours, signalés par de nouvelles victoires sur les bords de la Meuse. L’aérostat est porté par le fluide même qui produit les tempêtes auxquelles nos plus gros vaisseaux ne peuvent résister; il en avoit éprouvé une très violente sur les hauteurs de Namur; il fut ramené à Maubeuge pour le remettre en état de tenir l’air, il en est reparti le 22 fructidor; il étoit le 24 à Bruxelles. Un coup de vent lui causa une avarie assez considérable, il fallut l’y arrêter pour le réparer; vous jugez que les curieux affluoient autour de l’atelier : mais le capitaine Coutelle en fit prudemment un second parc de Meudon, et ne laissa voir que les résultats. Quand il ne me l’auroit pas écrit j’en aurois la preuve dans une lettre datée de Bruxelles, du 27, imprimée dans le n° 501 du Postillon des armées, où l’on décrit bien les formes et les apparences extérieures, mais où l’on garde le silence sur les nouveaux moyens employés. Vous apprendrez avec intérêt les divers jugemens que l’on en portoit : des aristocrates l’admiroient avec chagrin ; plusieurs vouloient encore douter que cet appareil si énorme et si frêle pût suivre les mouvemens d’une armée ; d’autres res-toient stupéfaits de l’audace de ceux qui s’y confîoient. Les républicains qui l’a-voient vu à Maubeuge, le 25 prairial, braver le feu d’une batterie de 17 dirigée sur lui ; qui l’a voient vu, le 5 messidor, passer sur les redoutes de Charleroi, et depuis à Cosselies, à Fleurus, à Lambusart, etc. ; qui avoient vu les généraux, les officiers de l’état-major, le général en chef le monter lui-même pour juger de la fidélité des observations, disoient à son départ : Voilà cinquante mille hommes de plus qu’on conduit à l’armée. L’aérostat fut rendu au quartier-général à Tongres, le 27, et le capitaine y attendit les ordres du général. Le 28, il fut élevé dans la citadelle de Liège. Le 29, il fut porté et élevé à Houlain, près de Visé, sur la Meuse. Le 30, il fut élevé aux avant-postes du général Lefevre, près de Maëstricht, protégé par un fort détachement de cavalerie. Ramené le même jour à Liège, il fut monté dans la citadelle par un des aides de camp du général Chapsal. Au moment de fermer sa lettre datée du premier sans-culottide, le capitaine Coutelle écrit qu’il reçoit l’ordre de se porter à trois lieues, vers la division du général Kléber. Je ne vous parle pas du courage avec lequel la compagnie entière supporte les fatigues inséparables de ces marches : quand elles sont suivies de quelques succès, les républicains les envient plutôt que de les plaindre. La Convention nationale ordonne l’insertion de ce récit au bulletin de correspondance (67). 42 GOUJON : Je demande que notre collègue Guyton-Morveau, qui a suivi les opérations de Meudon, nous dise s’il est vrai qu’on lise sur les poteaux placés autour de cet établissement la peine de mort contre ceux qui oseraient en approcher ; je demande que Guyton nous fasse cette déclaration, afin que le peuple français puisse juger quels sont les imposteurs et les coquins (68). (67) P.-V., XLVT, 34-36. C 321, pi. 1327, p. 12 et 11. Bull., 2 vend. ; Moniteur, XXII, 55-56 ; Mention dans Débats, n° 732, 16. J. Paris, n° 3 ; Ann. Patr., n° 631 ; J. Mont., n° 147 et 150; C. Eg., n° 766; J. Fr., n° 728; M.U., XLIV, 25; Rép., n° 3 ; Mess. Soir, n° 767 ; Gazette Fr., n° 996 ; F. de la Républ., n° 3 ; J. Perlet, n° 731 ; Ann. R.F., n° 3. J. Univ., n° 1 764. (68) Moniteur, XXII, 56. Débats, n° 732, 16. J. Fr., n° 728 ; M.U., XLIV, 25 ; Rép., n° 3 ; Ann. R.F., n° 3 ; Gazette Fr., n° 996 ; F. de la Républ., n° 3 ; J. Perlet, n° 731 ; J. Mont., n° 147.