[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er mars 1790.] continue et qu’il me soit permis de soumettre à l’Assemblée quelques réflexions sur la traite des noirs. ( Voy . ci-après, page 768, les réflexions de M. Pellerin, annexées à la séance de ce jour.) M. Tronchet. L’affaire des colonies et celle de la traite des noirs sont tellement liées ensemble, qu’il est impossible de discuter l’une sans parler de l’autre. J’appuie donc la proposition de M. Goupilleau, et je propose de reprendre immédiatement la discussion du projet de décret du comité féodal. Cette proposition est mise aux voix et adoptée. En conséquence, la suite de la discussion du décret proposé par le comité de féodalité est reprise. M. Merlin, rapporteur , donne lecture de l’article 5. « Art. 5. Dans les cas où les droits et charges réelles mentionnés dans les deux articles précédents se trouveront excéder le taux qui y est indiqué, ils y seront réduits, l’excédent ne devant être considéré que comme la conséquence ou le prix des servitudes personnelles, lesquelles n’étaient pas susceptibles d’indemnité. Seront entièrement supprimés les droits et charges qui ne sont représentatifs que des servitudes purement personnelles. » M. Thoret, député du Berry. Le premier devoir du législateur est d’être juste, le second d’être clair. Vous avez étendu la conséquence au delà du principe: la loi n’est dès lors ni juste, ni claire. Le mainmortable s’appuiera du principe, le seigneur invoquera la conséquence : de là des haines malheureuses, des procès interminables. — Cet opinant présente des observations sur les caractères qui distinguent la mainmorte réelle de la mainmorte personnelle, et la mainmorte mixte de toutes deux. Il propose l’article suivant : « La mainmorte sera censée purement personnelle, et les redevances qui la représentent seront abolies sans indemnité, dans les coutumes et seigneuries où elle s’établissait ci-devant par l’effet de l’habitation dans le territoire desdites coutumes et seigneuries, à moins qu’il n’apparaisse d’un titre qui prouve qu’elle a eu pour origine la concession d’un fonds. La servitude sera censée réelle ou mixte, et les redevances qui la représentent, seront remboursables dans les coutumes et seigneuries où les mainmqrtables possèdent des héritages qui ne sont pas soumis à la mainmorte; elle sera pareillement censée réelle ou mixte, là où les personnes libres possèdent des héritages mainmortables. » M. Merlin. Le comité se dispose à vous présenter, après que vous aurez décrété les divers articles, une instruction qui contiendra des définitions claires et précises. L’article proposé par M. Thoret est écarté par la question préalable. L’article 5 est ensuite décrété en ces termes : « Art. 5. Dans le cas où les droits et charges réelles mentionnés dans les deux articles précédents, se trouveraient excéder le taux qui y est indiqué, ils y seront réduits, l’excédent nedevant être considéré que comme la conséquence ou le prix de servitudes personnelles qui n’étaient pas susceptibles d’indemnité; et sont entièrement supprimés les droits et charges qüi ne sont représentatif* que de servitudes personnelles. » 763 M. Merlin donne lecture de l’article 6. M. Thoret propose d’ajouter ces mots : a à, l’exception des corps d’héritages cédés pour prix de l’affranchissement, et dont les seigneurs ne se seraient point encore mis en possession, et des sommes de deniers échus et non payés. » On demande la question préalable sur cet amendement. Elle est mise aux voix et adoptée. Les articles 6 et 7 sont ensuite mis aux voix et décrétés en ces termes : « Art. 6. Seront néanmoins les actes d’affranchissement faits avant l’époque fixée par l’article 22 ci-après, moyennant une somme de deniers ou pour l’abandon d’un corps d’héritage certain, soit par les communautés, soit par les particuliers, exécutés suivant leur forme et teneur. » « Art. 7. Toutes les dispositions ci-dessus concernant la mainmorte, auront également lieu dans le Bourbonnais et le Nivernais, pour les te-nures en bordelage ; et en Bretagne, pour les tenures en motte et en quevaise; et à l’égard des tenures en domaine congéable, il y sera statué ci -après. » L’article 8 est lu et soumis à la discussion. M. de Lachèze. L’article 8 prononce l’abolition de la taille à volonté, ce qui ne peut avoir lieu que dans le cas où il serait prouvé qu’elle n’est pas le prix d’une concession. M. Renaud ( d'Agen ) dit que la taille à volonté, ainsi que celle aux quatre cas estréellement personnelle puisqu’elle ne peut se percevoir que lorsque Tampbitéose reste dans la seigneurie. La taille aux quatre cas se perçoit par le seigneur : 1° pour le voyage de Saint-Jacques ; 2° pour la croisade ; 3° quand le seigneur est armé chevalier ; 4° quand il marie sa fille. M.de Rousmard de Chantereine demande la conservation du droit de bourgeoisie, comme ressemblant au droit de terrage et de Ghampart, en ce qu’il se paie par les usagers en raison et suivant la quotité de l’usage des biens communaux ; il propose de s’en rapporter, à cet égard, à ce qui paraîtra apparent ou probable. M. Voîdel remarque que le droit de bourgeoisie se paie, au moins dans plusieurs parties de la Lorraine, à raison du domicile et non à raison de l’usage attaché au domicile; il est donc évident que ce droit est personnel et compris dans la proscription de la servitude ët du droit personnel. L’Assemblée ferme la discussion. L’article est ensuite mis aux voix et adopté en ces termes : « Art. 8. Les droits de meilleur catel ou morte-main , de taille à volonté , de taille ou d’indire aux quatre cas , de cas impérieux et d’aide seigneurial, sont supprimés sans indemnité. » M. Merlin, rapporteur , donne lecture de l’article 9. M. Chabroud propose de donner aux détenteurs d’héritages assujettis véritablement à des droits quelconques , la liberté d’abandonner les fonds pour se dispenser d’en payer les charges. M. Merlin. Il est de droit général que tout 764 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er mars 1790.] détecteur peut abandonner le fonds pour se dispenser d’en payer les charges. S’il existe quelque exception, elle ne peut être fondée que sur une jurisprudence particulière et nouvelle; cette jurisprudence se trouve révoquée par le décret qui autorise le rachat. M. Gaultier de Biauzat. Je ferai remarquer que l’interdiction du déguerpissement remonte à un temps fort ancien et a été fondée sur la convention portant promesse de ne pas déguerpir ou de fournir et faire valoir. J’appuie la motion d’abolir cette gêne évidemment injuste. M. Merlin. Je demande l’ajournement de cette motion afin que le comité féodal puisse s’en occuper et présenter un décret particulier. La motion est ajournée. M. Bouche, député d’Aix, propose d’ajouter feu avant fouage. M. Defermon demande qu’on ajoute fumée. Un membre croit que le droit de fumée se trouve compris dans le droit de feu, ou de fouage. M. Gaultier de Biauzat fait remarquer qu’il se perçoit dans plusieurs justices un droit de feu, qui n’est pas réduit au nombre des foua-ges, mais qui se paie en raison du nombre des cheminées qui peuvent se trouver dans une même maison, quoiqu’elle soit occupée par une seule famille; il demande, en conséquence, qu’il soit nomément fait mention du droit de fumée ou du droit de cheminée, qui lui paraît plus expressif. M. Barrère de Vieuzac propose d’ajouter l’expression feu mort , qui indique un droit qui se perçoit dans le Bigorre. Cet amendement et le précédent sont adoptés. M. Gossuin. II faudrait ajouter le droit de chiénage, ou droit qu’avait le seigneur de faire nourrir ses chiens par ses vassaux. En Hainaut, ce droit a été reconnu rachetable pour une mesure d’avoine. Plusieurs membres demandent l’insertion dans l’article de différents droits existant dans leurs provinces. D'autres membres demandent à aller aux voix. Enfin, l’article 9 est adopté dans la teneur suivante : « Art. 9. Tous droits qui, sous la dénomination de feux, cheminées, feu allumant, feu mort, fouage, monéage, bourgeoisie, congé, chiénage, gîte aux chiens, ou autre quelconque, sont perçus par les seigneurs, sur les personnes, sur les bestiaux, ou à cause de la résidence, sans qu’il soit justifié qu’ils sont dus, soit par les fonds invariablement, soit pour raison de concessions d’usages, ou autres objets, sont abolis sans indemnité. » La discussion s’ouvre sur l’article 10. Plusieurs membres demandent l’abolition de droits qui existent sous la dénomination particulière à leurs provinces. M. Merlin, rapporteur. Je demande , pour abréger cette discussion, que chaque membre soit autorisé à faire connaître au comité de féodalité les droits locaux et particuliers qui sont de nature à être abolis. J’ajoute que le comité se propose de rédiger et de soumettre à l’Assemblée une instruction explicative des décrets rendus ou encore à rendre sur la matière féodale. Cette déclaration est successivement approuvée. L’article 10 est adopté en ces termes : « Art. 10. Sont pareillement abolis sans indem nité les droits de guet et de garde, ensemble les droits qui ont pour objet l’entretien de clôtures et fortifications de bourgs et de châteaux, ainsi que les rentes ou redevances qui en sont représentatives, quoiqu’affectées sur des fonds, s’il n’est pas prouvé que ces fonds ont été concédés pour cause de ces rentes ou redevances ; « Les droits de pulvérage ou autres levés sur troupeaux passant dans les chemins publics des seigneuries ; « Les droits qui, sous les dénominations de banvin, vet du mn, étanche , ou autre quelconque, emportaient pour un seigneur la faculté de vendre seul, et exclusivement aux habitants de sa seigneurie, pendant un certain temps de l’année, les vins ou autres boissons et denrées provenantes de son crû. M. Merlin donne lecture de l’article 11. M. l’abbé cTEymar. Le droit d’avouerie dont il est question dans cet article, ne regarde que les seigneuries possédées en Alsace parles princes allemands ; presque toute l’Assemblée s’est réservée de prononcer, à part, sur ce qui regarde ces princes, il faut que l’exception soit contenue dans l’article. M. I�avie. Prétendez-vous donc éterniser notre esclavage pour conserver les prétendus droits des seigneurs et des abbés allemands ? S’il y a des indemnités à accorder, la nation est juste et elle les accordera; mais les habitants d’Alsace sont Français et doivent jouir de leurs droits comme les autres habitants du royaume. M. le Président invite M. Lavie à la modération et met ensuite l’article 11 aux voix. Il est adopté ainsi qu’il suit : « Art. 11. Les droits connus en Auvergne, et autres provinces, sous le nom de cens en com-mende ; en Flandre, en Artois et en Gambrésis, sous celui de Gave, Gavenne, ou Gaule ; en Hainaut, sous celui de Poursoin ; en Lorraine, sous celui de Sauvement ou Sauve-Garde ; en Alsace, sous celui d’Avenerie ; et généralement tous droits qui se payaient ci-devant en reconnaissance et pour prix de la protection des seigneurs, en quelque lieu du royaume et sous quelque dénomination que ce fût, sont abolis sans indemnité, sans préjudice des droits qui, quoique perçus sous les noms ci-dessus indiqués seraient justifiés avoir pour cause des concessions de fonds. » M. Merlin lit l’article 12 du projet de décret. M. Begnaud (de Saint-Jean-d’Angély). Dans le ressort du parlement de Bordeaux, il existe un droit de lods et vente sur les arbres, futaies,