146 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791.] me trompe: eh bien ! on m’assure, dans ce moment-ci que c’est 22 avec l’Angleterre. 11 est malheureusement vrai que le royaume de France est parvenu à une crise de finance qu'il ne peut supporter longtemps et qu’il est de voire devoir et de votre sagesse de combiner des mesures, de préparer des moyens qui puissent la faire cesser dans le terme le plus rapproché. Ce ne sont pas des mesures partielles, des moyens de détail qui pourront arriver à ce but désirable; mais ce n’est que l’ensemble d'un plan général. Je n'ose pas prononcer ma pensée a cet égard; elle m’attirerait peut-être trop de défaveur dans l’Assemblée. Cependant je n’en connais pas d’autre à mon gré qui puisse réussir; et pour tâcher de lui donner le poids qui pourrait la laite recevoir dans l’Assemblée nationale, je demande qu’elle veuille bien nommer un comité de 10 membres chargé d’examiner la situation actuelle destinances et de lui présenter en quatre jours les mesures qu’il croira convenable pour la changer. Car, je vous le répète, vous ne pouvez pas durer comme vous êtes. 11 est physiquement impossible qu’il existe dans le royaume un papier munnaie per.iant 10 et 11 0/0 ; il est physiquement impossible que le gouvernement soit obligé de faire des achats d’argent à l’étranger sur le pied de 19 et 20 0/0; il est physiquement imposable que votre commerce subsiste avec ce prodigieux désavantage qu’il a dans le change avec toutes les nations. Il faut que cette situation change, à quelque prix que ce soit ; car la nécessité, la nature même des choses pourrait causer des malheurs dont la suite serait d'auiant plus funeste qu’on ne peut en imagint-r le cours : voilà, Messieurs, ce que vous devez craindre. Si loute votre surveillance n’est point en activité dans ce moment, si vous vous endotmez dans une luneste sécurité, il est postule que les désordres soient portés à un tenue où l’on ne pourra les arrêter. Je conclus et je demande donc que l’Assemblée nomme un comité de 10 membivs chargé d’examiner la situation actuelle des finances et de lui présenter en quatre jours les -mesures qu’il croira convenable pour la changer. M. Rewbell. Sans doute, le plan général des mesures prises contre les ennemis du bien public, soit dans l’intérieur du royaume, soit à l’extérieur, pourront arrêter les désordres qui nous affligent; mais, Messieurs, le mal est local, et non pas général. C’est à .Paris, c’est dans ce séjour de corruption, je le dis aux Parisiens avec franchise, c’est à Paris que le mouvement dont on se plaint se fait sentir avec le plus de force. Je le répète : ce mal ira en augmentant, il sera sans remède, tant que le peuple de Paris sera sans police, tant qu’il sera d’une impudence assez grande pour violer les lois, car c’est violer les lois que u’attaquer les marchands d’argent ou un citoyen quelconque. ( Applaudissements .) Sans doute, c’est un grand majeur que de voir vendie l’argent; mais je soutiens qu’il n’y a que les eniumis du bien public qui le fassent enchérir, en mettant des obstacles à cette vente. Je soutiens qu’il n’y a que les ennemis du bien public qui puissent ainsi égarer le peuple, ou plutôt qui soldent des brigands pour attaquer ceux qui font le commerce d’argent. Et c’est là la seule cause du mal; car l’argent n’est pas si cher dans I les provinces qu’à Pans. {Murmures.) Ce que je I dis est si vrai, que les marchands d’argent achè-I tent actuellement l’argent en Alsace, et le font venir ici. C’est donc un mal plutôt local que général. Quel est donc le remède? C’est d’abord de faire de la monnaie de cuivre; et si, de bonne foi, on en eût voulu faire, elle serait déjà faite, et-le prix de l’argent diminuerait, bon gré, malgré les marchands d’argent. M. Delavigne. J'insiste sur la motion de M. Prieur et je demande que le comité des finances soit tenu de présenter, dans le délai de huitaine, un moyen fixe d’échanger les assignats pour de l’argent. M. de Cnssy. Lorsqu’il fut question de vous proposer une nouvelle fabrication, nous avions combiné de manière à ôter aux fondeurs les bénéfices qu’ils se procurent en fondant nos écus. Si l’Assemblée eût voulu accepter le terme qui lui était proposé de faire fabriquer la monnaie aux dépens du Trésor public, elle aurait évité à l’administration le danger d’acheter elle-même des métaux. Les personnes qui veulent bien réfléchir verront que c’est l’obligation où est le gouvernement d’acheter des matières d’argent pour faire fabriquer, matières qui se trouve enlevées aussitôt qu’elles ont été mises en circulation, qui est une des principales causes de la rareté du numéraire. Il aurait donc fallu que vous eussiez adopté ce principe, qui était de donner au public de la monnaie en échange des matières qu’il aurait apportées; que ceux qui auraient manqué d’espèces, retrouvant dans la fabrication de la monnaie la même quantité d’argent apporté, auraient alimenté eux-mêmes les Monnaies. Quant à l’émission d� la monnaie de cuivre, nous convenons qu’elle pourrait apporter un remède à nos maux; mais je crois qu’il faut la faire avec sagesse, avec précaution, afin de ne pas permettre, à qui le voudra, d’en faire pour son compte. Nous avons un rapport tout prêt; sous peu de jours on doit vous en rendre compte (Murmures.).. Dès ce soir si vous voulez. (Oui! oui ! Ce soir!) M. de Virieu. Mes collègues du comité des monnaies m’ont chargé de faire ce rapport. Je déclare que si l’Assemblée le veut, ce soir à huit heures le rapport sera fait. (Oui ! oui ! A ce soir !) (Ce rapport est mis à l’ordre de la séance de ce soir.) L’Assemblée, consultée, ordonne l’impression du discours de M. deMontesquiou, pa«se a l’ordre du jour sur la motion de M. de Gazalès, renvoie au comité des finances la demande de M. de Moniesquiou tendant à l’approbation des établissements particuliers, sous la surveillance des corps administratifs, pour l’émission des fractions d’assignats de cinq livres, en ajourne le rapport à jeudi prochain et rend le décret suivant : « Il sera procédé à la fabrication actuelle du papier destiné à l’im pression des assignats, dans la quantité qui sera déterminée par le comité des finances, sans néanmoins que ledit papier puisse être remis à l’imprimeur et réduit en assignats sans un décret formel de l’Assemblée. » M. Goupilleau. Parmi les moyens qui tendent à faire dominer le prix de l’argeut, il en est un qui vous a été présenté, il y a plusieurs mois, et sur lequel je crois que l’Assemblée n’a pas assez [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791.1 447 fixé son attention ; il consiste à protéger le commerce de l'argent comme celui de toutes les autres denrées. Plusieurs membres n'ont aucun doute sur ce moyen, mais il a répugné à beaucoup d’autres. Je ne demande pas cpi’on l’adopte; mais, comme je crois ce moyen très bon dans les circonstances:présentes, je demande qu’une discussion s’ouvre dans l’Assemblée sur la question desavoir si la vente de l’argent doit être permise, autorisée et même protégée par la loi. (Applaudissements.) Je demande donc que le comité des finances veuille bien nous faire un rapport sur cet objet et qu’il nous soit fait dans trois jours au plus tard. M. de Montesquion. Il me semble que la proposition que j’ai faite relativement à la fabrication des gros sols est absolument indépendante du système monétaire. ( Non pas ! — Si ■ ait!) M. de Cussy. Dès l’instant que vous avez supprimé les Monnaies, toute espèce de surveillance y est aussi supprimée, et, dans ce moment, le pouvoir executif confère avec nous pour vous présenter dans l’instant une nouvelle organisation. Il faut dire que vous établissez dans toutes les Monnaies des commissaiies qui les surveillent. (Murmures.) M. de Montesquion . Vous n’avez pas le temps d’attendre que toutes vos Monnaies soient organisées. M. de "Wlrien. Je demande la parole à M. de Montesquiou qui craint apparemment la surveillance du comité. M. Rabaud-Saint-Etienne. J’ai été témoin du travail du comité monétaire; je sais que la commission nommée par le pouvoir exécutif s’est assemblée pour s’occuper de cet objet; mais je ne crois pas que cela puisse nuire. C’est la proposition de M. de Montesquiou que j’appuie; car, quel que soit ce plan, il nous faut des sols. Plusieurs membres : L’ajournement à ce soir. (Oui ! oui !) M. de Lachèze. L’Assemblée nationale doit prendre toutes les mesures qui sont en elle, • pour protéger efficacement le commerce de l’argent. Il en est de ce commerce comme de tous les autres commerces. La liberté est sa vie et son âme. Si un homme sait qu’il court un danger en vendant de l’argent, il le vendra plus cher. (Murmures.) D’après cela, je m’oppose à l’ajournement fixe qu’a propose M. Goupilleau, et je demande que l’Assemblée nationale décrète que ce commerce est parfaitement libre, et que les tribunaux, les administrations emploieront tous les moyens qui sont en leur pouvoir pour le protéger. M. Long. Je demande que, si la vente de l’argent est autorisée, les assignats ne soient plus forcés. M. Rcgnaud (de Saint-Jean-d' Angêly). Les lois protègent et doivent continuer de protéger toutes les espèces de négoce et de commerce possible, et le commerce de l’argent n’est qu’un négoce comme les autres. Il ne faut donc pas un décret qui autorise ce négoce, comme s’il ne l’avait pas été. Il faut que l’Assemblée nationale se borne à renvoyer au pouvoir exécutif, pour qu’il donne les ordres les plus précis à tous ses agents, à toutes les administrations, pour qu’ils protègent, suivant les lois, toutes les espèces de commerce, notamment celui des espèces d’or et d’argent. [La motion de M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ An-gély) est adoptée.] En conséquence le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que le pouvoir exécutif donnera les ordres les plus précis et les plus prompts pour que tous ses agents, les corps admimslratifs et municipaux, protègent, d’une manière efficace et par tous les moyens que la loi a mis en leur pouvoir, toutes les espèces de commerces échanges et circulation, et notamment la vente ou échange d< s as ignats contre le numéraire d’or ou d’argent, dont la libre circulation est essentielle à la prospérité de l’Empire. » M. le Président. Il y a une autre proposition, elle est de M. Malouet, c’est que le comité de révision se rassemble pour faire un rapport des différents décrets rendus pour le rétablissement de l'ordre, en présentant les moyens les plus efficaces qui pourraient ajouter à ceux déjà décrétés. MM. Malouet et de Cazalès insistent pour que le comité de révision soit chargé de faire ce rapport. M. Buzot. Cet objet ne regarde pas le comité de révision. Il ne s’agit que de faire exécuter les lois existantes en renvoyant cette demande au pouvoir exécutif. M. Le Chapelier. Quoique le sentiment qui a inspiré à M. Malouet la demande des lois de police qu’il vient de vous faire soit très louable, il est inutile de prendre des mesures sur ce point, car le comité de Constitution doit vous faire au premier jour un rapport sur la force publique, qui remplira toutes ses vues. Je demande donc qu’on passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Malouet et je demande en même temps que le comité de révision s’assemble fréquemment pour accélérer le travail dont il est chargé. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour sur la motion de M. Malouet.) M. le Président. J’ai reçu de M. Duportail, ministre de la guerre, la lettre suivante : « Monsieur le Président, « L’Assemblée nationale a supprimé la retenue des quatre deniers pour livre sur les dépenses du département de ia guerre, dont trois étaient affectés à la subsistance de l’Hôtel des invalides; elle a de plus décrété la conservation de cet établissement utile et honorable ; mais, dans les circonstances, elle n’a point appliqué les fonds nécessaires à la subsistance et à l’entretien de l’Hôtel ; il est sur le point d’en manquer, il est doDC très pressant que l'Assemblée nationale, en attendant qu’elle ait statué définitivement sur la nouve’le organisation de cet établissement, sur la dispensation des fonds à accorder à l’Hôtel des invalides, veuille décréter qu’il sera remis, par