335 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1791.] le brûlement desdits assignats, de manière que ce qui y sera relatif demeure absolument distinct et séparé de ce qui regarde les précédentes émissions. « Art. 4. Aussitôt que l’émission des assignats de la création du 29 septembre dernier sera achevée et que la distribution desdits assignats sera complète, le trésorier de l’extraordinaire rendra public le compte général de l’emploi des assignats tant de la première création et des coupons qui ont été délivrés avec une partie d’iceux, que des assignats de la création du 29 septembre dernier. Les décrets en exécution desquels chacun des articles de dépenses aura été fait y seront rappelés ; le compte sera visé et certifié par l'administrateur de la caisse de l’extraordinaire, imprimé et envoyé à tous les départements districts. « Art. 5. Les dispositions du présent décret ne changeront rien à ce qui a été décrété par l’Assemblée, le 6 mai dernier, pour la création de 20 millions d’assignats de 5 livres chacun, faisant en somme 100 millions de livres ; lesdits assignats n’étant destinés à être fournis au public qu’en échange d’assignats provenant des différentes créations et ne devant augmenter, en aucune manière, la masse des assignats en circulation, laquelle demeure toujours fixée à la quantité de 1,200 millions de livres. » M. de Folleville. D’après ce que vient de dire M. le rapporteur, il me parait qu’une somme de près de 300 millions sera nécessaire pour les besoins de la lin de ce mois, du mois de juillet et du mois d’août. Il me paraît, en même temps, qu’il nous a avoué que les 1,200 millions d’assignats étaient employés. Il est aussi certain qu’il n’en est rentré que pour 160 millions. D’après cela, je considère que le vœu que vous paraissez avoir formé serait comme celui de Jephté, ou comme celui d’Agamemnon, c’est-à-dire un vœu très indiscret, un vœu que vous ne pourrez pas remplir sans mettre la chose publique en péril ; car la chose publique est éminemment en péril, lorsqu’il y a lieu à suspension de payement. Or, je dis que cela mérite un peu la peine d’être considéré, et je demande que l’impression de ce rapport ait lieu et que la discussion en soit ajournée à mardi prochain. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur l’ajournement. ) M. de Cnstine. Je demande qu’il soit envoyé à tous les départements l’état des assignats brûlés, afin de raffermir la confiance par la proscription des assignats qui se trouvaient en circulation dans ce moment et portant le numéro de ceux qui ont été brûlés, puisqu’ils seraient faux. M. Camus, rapporteur. Une semblable mesure, si elle était adoptée, serait des plus dangereuses : le changement d’un seul chiffre dans l’énoncé des numéros pourrait faire commettre de très graves erreurs. M. de Crillon, jeune. La différence qui existe entre la valeur nominale des assignats et les métaux, tient à différentes causes faciles à expliquer. Mais le mal qui résulte est peut-être plus que compensé par l’activité de nos manufactures nationales, et par l’exportation de nos denrées. Cependant si les assignats essuyaient un discrédit qui leur fût propre et qui tînt à la crainte que la valeur des assignats ne fût pas proportionnée à celle des domaines nationaux, qui leur sert de gage, je dis alors que le mal serait incalculable et que rien absolument ne pourrait prévenir ni calculer le danger qu’il y aurait à décréter une émission d’assignats qui surpasserait cette valeur. J’accorde la vérité des calculs à vos comités, je ne crois pas qu’ils soient exagérés; 2 milliards 500 millions paraissent en effet, d’après les différents calculs, la valeur que nous pouvons obtenir de cette vente. Le comité a même pensé qu’il ne devait compter que sur 2 milliards, et c’est là-dessus que porte l’amendement que j’ai à faire. Si vous décrétez 400 millions de nouveaux assignats, ajoutés à ces 1,200 millions déjà décrétés, il y aura eu 1,600 millions de valeurs représentant des domaines nationaux ; car il est clair qu’il n’y aura jamais plus de 1,200 millions d’assignats en circulation. Mais il y a une disposition que l’on ne vous a pas représentée, et qui me paraît devoir l’être : vous avez décrété que plusieurs effets, dont vous avez ordonné la liquidation, seraient reçus en acquisition des domaines nationaux, et par là qu’ils concourent avec les 1,600 millions d’assignats pour effacer la valeur totale : on ne vous a pas présenté, je le sais, ces reconnaissances provisoires. Cette somme n’est nullement effrayante, mais cependant on doit avoir toujours dans l’idée les calculs que peuvent faire les personnes porteurs d’assignats; ils peuvent dire : Si toutes les personnes autorisées par vos décrets à présenter leur liquidation ordonnée se présentaient maintenant, il se trouverait que cela ferait au moins 800 millions. Si les objets dont vous avez ordonné le remboursement, les dîmes inféodées, d’autres objets qui ne sont pas présents à mon esprit, sont accumulés, vous trouverez une valeur approchante de 7 à 800 millions, qui feraient alors, avec les 1,600 millions, 2 milliards 400 millions. Je ne crois pas qu’il soit de la prudence de l’Assemblée, d’approcher autant d’une valeur qui, quoique peu disputée, est cependant hypothétique. Cela, Messieurs, m’engage à vous proposer de limiter la somme des reconnaissances provisoires que le commissaire liquidateur est autorisé à délivrer au titulaire de charges et offices et aux acquéreurs de biens nationaux. Il n’y en a encore que pour 15 millions; je crois que si vous bornez à 200 millions la valeur évidente, en attendant qu’il soit liquidé, vous ne courrez aucun risque, parce qu’alors on verra clairement qu’en supposant les 200 millions employés et les 1,600 millions que l’on vous propose, vous n’aurez que la somme de 1,800 millions qui est évidemment inférieure à la valeur des domaines nationaux. Voilà mon amendement. ( Applaudissements .) M. Pierre Dedelay {ci-devant Delley d’A-gier). Je demande le renvoi de l’amendement aux comités. M. Anson. II est extrêmement essentiel dans une matière d’une si haute importance de ne pas renvoyer aux comités; ce serait altérer le crédit même de vos ventes, car, comme on vous l’a justement observé, il y a beaucoup de personnes qui ont compté là-dessus. Mais il y a une mesure extrêmement simple. Vous voyez qu’il n’y a que 15 millions de reconnaissances actuelles, et en vérité j’ai peine à croire qu’il y en aura jamais le double. Mais en 336 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. supposant que cela soit, vous voyez que de là à 200 millions il y a bien loin; vous faites donc mal en lixant le chiffre de reconnaissance à 200 millions. 11 y a un moyen très simple de lever tout inconvénient, c’est de faire imprimer et de rendre public à la fin de chaque mois l’état des reconnaissances provisoires : par ce moyen, tout le monde saura ce qu’il y en a. (La motion de M. Anson est adoptée.) M. de Montlosier. Pour assurer le plus grand crédit des assignats, il faut que l’Assemblée déclare comme article consliludonnel que les prochaines législatures ne pourront, pour aucune cause, faire une nouvelle émission de papier monnaie. (Murmures et rires.) M. Belzais-Conrinénil. D’après le compte qui nous a été rendu par M. le rapporteur, vous devez avoir l’assurance complète qu’il n’v aura jamais en émission plus que la somme de 1,200 millions que vous avez décrétée. On nous propose, Messieurs, de porter la fabrication, et non pas l’émission, à 400 millions; mais j’observe qu’en une matière aussi importante que celle-ci, il ne faut pas que l’on nous propose souvent une fabrication d’assignats; il faut que vous la fassiez suffisante, surtout lorsqu’il nous est rendu un compte aussi exact que celui qui vient de nous être présenté. Je demande donc que la fabrication soit portée à 600 millions. M. Anson. J’appuie la proposition du préopinant à la charge toutefois que la nouvcdle émission proposée ne sera que de 160 millions et qu’il n’en sera jamais mis en circulation au delà du chiffre de 1,200 millions fixé par décret de l’Assemblée. (L’amendement de M. Belzais-Gourménil est mis aux voix et adopté.) M. Camus, rapporteur. Voici, avec l’amendement que vous venez d’adopter, la rédaction que je propose pour l’article 1er : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis des finances, de la caisse de l’extraordinaire et de l’aliénation des biens nationaux, décrète : Art. 1er. « Il sera procédé à la fabrication de 600 millions d’assignats, savoir : 140 millions en assignats de 500 livres; 130 millions en assignats de 100 livres; 130 millions en assignats de 50 livres; 50 millions en assignats de 90 livres; 50 millions en assignats de 80 livres; 50 millions en assignats de 70 livres; 50 millions en assignats de 60 livres. Lesdits assignats seront signés par les mêmes personnes qui ont signé les assignats émis en exécution du décret du 29 septembre dernier ; ils seront de même papier, de même forme et même composition, à la seule différence de l’énonciation de la date du présent décret, qui remplacera celle du décret du 29 septembre 1790. » M. Charles de Lametli. Je demande qu’au lieu des 100 millions qu’on propose de fabriquer en assignats de 500 livres, on fabrique 100 millions ; d’assignats de 5 livres, et qu’on établisse des bureaux où l’on pourra échanger tous les gros assignats contre les petits. Il faut des petits assignats pour faire cesser ce petit papier prétendu patrio-[19 juin 1791.] tique établi par une société prétendue patriotique. ( Murmures dans diverses parties de la salle.) Je regarderais comme un malheur que ce papier se soutînt contre les assignats. A moins de mettre l’intérêt particulier à côté de l’intérêt général, il est impossible de ne pas adopter cette mesure. M. Camus, rapporteur, s’oppose à la motion de M. de Lameth. (L’article 1er du comité est mis aux voix et adopté.) M. Camus, rapporteur , donne lecture de l’article 2, ainsi conçu : Art. 2. “ Les assignais fabriqués conformément au précédent article ne seront mis en circulation, quant à présent, que jusqu’à concurrence de la somme de 160 millions; et il n’en sera sorti ensuite de la caisse à 3 clefs, pour être mis en circulation, que dans la même proportion dans laquelle les assignats des créations décrétées précédemment et ce jourd’hui , rentreront à la caisse de l’extraordinaire et y auront été brûlés ; desquels rentrée et brûlement il sera fait mention expresse dans chacun des procès-verbaux de sortie qui suivront la première émission de 160 millions, décrétée par le présent article. » M. de Follevillc. Je demande la question préalable. (Murmures.) (L’Assemblée décrète qu’il y a lieu à délibérer sur l’article 2 qui est ensuite mis aux voix et adopté.) M. Camus, rapporteur, donne ensuite lecture des articles suivants : Art. 3. « Les assignats de la présente création formeront, dans le compte général de la caisse de l’extraordinaire, une compte particulier qui sera ouvert pour cet objet; il sera fait écriture et procès-verbaux particuliers de tout ce qui regardera la fabrication, l’émission, la rentrée et le brûlement desdits assignats, de manière que ce qui y sera relatif demeure absolument distinct et séparé de ce qui regarde les précédentes émissions. Art. 4. « Aussitôt que l’émission des assignats de la création du 29 septembre dernier sera achevée et que la distribution desdits assignats sera complète, le trésorier de l’extraordinaire rendra public le compte général de l’emploi des assignats, tant de la première création, et des coupons qui ont été délivrés avec une partie d’iceux, que des assignats de la création du 29 septembre dernier. Les décrets en exécution desquels chacun des articles de dépense aura été fait, y seront rappelés; le compte sera visé et certifié par l’administrateur de la caisse de l’extraordinaire, imprimé et envoyé à tous les départements et districts. Art. 5. « Les dispositions du présent décret ne changeront rien à ce qui a été décrété par l’Assemblée, le 6 mai dernier, pour la création de 20 millions d’assignats de 5 livres chacun, faisant en somme 100 millions de livres; lesdits assignats n’étant destinés à être fournis au pu-