300 [Etats gên. 1789. Cahiors.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Êvreux. semblée, dont le vœu est exprimé formellement dans les cahiers qui vous seront remis. Soyez inébranlables, Messieurs, sur les formes constitutionnelles ; ce sont elles seules qui en assureront solidement les bases. Vous ramènerez à la conviction de ce grand principe, par votre courage, par votre fermeté, par la solidité et la clarté de vos raisons, ceux de nos députés qui s’en seraient écartés. Je dis nos députés, Messieurs, parce que tous les députés aux Etats généraux sont les nôtres. Je le répète, vous êtes tous collectivement les députés delà nation entière. Les trois ordres distinctifs, quoique séparés pour avoir plus de force, ne feront plus qu’un même esprit, qu’une seule voix pour le bien général. Chaque ordre sentira combien il serait dangereux d’attaquer les propriétés; que nécessairement il en résulterait un désordre universel, mais nous sommes tous tranquilles; elles sont de droit sous la sauvegarde de la nation, et par conséquent inattaquables. Je n’entrerai point dans le détail de ces propriétés; il en est d’inhérentes aux rangs, d’inhérentes à la personne, et vous les couvrirez toutes, Messieurs, de votre égide nationale. Je le répète, le serment que vous allez prononcer n’est que pour la forme ; chacun de nous retourne tranquille dans ses foyers, pénétré des mêmes sentiments que l’ordre de la noblesse a déjà exprimés dans ses délibérations. Tousles vœux dictés par le même esprit d’union, de concorde, et fondés sur la loi inviolable de la justice, se confondront et concourront ensemble au bonheur commun et général, qui peut seul faire celui de notre auguste monarque, que nous proclamons tous avec transport le véritable ami de ses sujets. CAHIER Les délibérations de l'ordre du tiers-état, arrêtées à l'assemblée générale du bailliage d'Evreux , le 23 mars 1789, remis à MM. Buschey de Noes, conseiller au bailliage de Bernay , Le Maréchal , négociant à Rugles, bailliage de Breteüil ; Beaupérey, propriétaire à la Chapelle , près Gacé , bailliage d'urbec ; Buzot, avocat à Evreux , bailliage d'Evreux; élus députés, pour être portés aux Etats généraux prochains (1). VOEU DU TIERS-ETAT. Art. 1er Que le tiers-état soit représenté aux Etats généraux par des députés pris dans son ordre. Art. 2. Que le nombre de ses députés soit égal au nombre réuni des deux autres ordres. Art. 3. Que les ordres conservent la liberté de s’assembler et de délibérer séparément ou en commun. Art. 4. Que préalablement à toute délibération, il soit accordé une charte fondamentale qui assure à la France une bonne et solide constitution, et par laquelle il sera reconnu et statué que la Îiuissance législative réside essentiellement dans e concours du consentement de la nation assemblée et de l’autorité du Roi. Art. 5. Que les Etats généraux tiennent, sui-(1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. vant une forme invariablement arrêtée, à des époques fixes et périodiques. Art. 6. Qu’il soit proposé d’établir des Etats S provinciaux dans tout le royaume ; que ceux de : la Normandie, seulement suspendus, reprennent leur activité; que leur organisation soit sanctionnée par les Etats généraux. Art. 7. Qu’il soit établi des commissions intermédiaires pour chacun des Etats provinciaux; que ces commissions soient assemblées pendant toute l’année dans l’intervalle d’une tenue des Etats provinciaux à l’autre ; que l’organisation de ces Etats provinciaux et commissions intermédiaires soient les mêmes que celles des Etats généraux. Art. 8. Qu’il ne soit porté aucune atteinte, sous quelque prétexte que ce soit, à la liberté individuelle des citoyens, soit par lettres de cachet, ordres de gouverneurs et commandants de provinces, soit par tous autres actes du pouvoir arbitraire. Art. 9. Que la liberté de la presse soit accordée, tout manuscrit devant être signé de l’auteur, et l’imprimeur garant de sa signature. Art. 10. Que les ministres et autres dépositaires du pouvoir exécutif soient responsables à jamais de toute malversation et abus d’autorité; qu’ils soient poursuivis à la requête des procureurs généraux des cours souveraines, ou sur la dénonciation des procureurs-syndics des Etats provinciaux, et même sur celle des parties ou à leur requête. Art. 11. Que les non catholiques jouissent indistinctement de tous les droits de citoyen, et que leur Etat civil soit assuré, garanti et sanctionné par les Etats généraux. Art. 12. Qu’il soit reconnu et statué, comme principe constitutionnel, que tous impôts doivent être et seront supportés par les trois ordres indistinctement ; qu’en conséquence tous les impôts auxquels les trois ordres ne contribuent pas également, tels que vingtièmes, taille, accessoires et autres, soient supprimés, et tous privilèges pécuniaires et inutiles éteints et anéantis. Art. 13. Qu’il soit aussi reconnu et statué comme principe constitutionnel et fondamental, qu’il ne peut être et sera établi aucun impôt, ni fait aucun emprunt, ni anticipation, sans le consentement libre et unanime des trois ordres. Art. 14. Qu’avant l’octroi d’aucun impôt, les députés constatent la dette du gouvernement qui sera déclarée nationale ; qu’ils vérifient aussi les dépenses ordinaires et extraordinaires de chaque département, dans lequel ils établiront l’ordre et l’économie la plus exacte. Art. 15. Que les dons, brevets et pensions soient soumis à l’examen le plus rigoureux pour réduire ceux qui, étant excessifs, ont néanmoins une cause légitime, et supprimer ceux qui n’en ont pas. Art. 16. Que tous les droits et impôts qui se perçoivent actuellement soient supprimés , et qu’il en soit octroyé de nouveaux, suivant les besoins connus de l’Etat. Art. 17. Que les gabelles, droits d’aides, d’inspecteurs aux boucheries, dons gratuits, droits < réservés et autres y réunis, ainsi que les droits ' de marque sur les cuirs, demeurent irrévocable-j ment éteints et anéantis, sans que, sous aucun { prétexte que ce soit, ils puissent être jamais rétablis suivant le régime actuel. Art. 18. Et comme il est nécessaire de remplacer ces impôts par d’autres d’une perception plus facile et moins onéreuse, il soit proposé pour les [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Évreux.] 301 villes, bourgs, lieux et professions sujets auxdits droits, un abonnement proportionné au produit net d’une année commune. Art. 19. Que les droits d’échange et de franc fief demeurent aussi supprimés irrévocablement. Art. 20. Que les actes de justice et expéditions de greffe ne puissent être assujettis qu’à un seul droit, qui sera déterminé par une loi claire et précise. Art. 21 . Que les droits de contrôle ne puissent être rétablis que sur un tarif modéré, dont la clarté et la précision détruisent tout arbitraire. Art. 22. Que les droits d'insinuation et de centième denier ne puissent être rétablis que sur un pareil tarif, et que les baux au-dessous de trente années ne puissent y être assujettis. Art. 23. Que, dans le cas où le centième denier des successions collatérales serait conservé, il ne puisse être fait aucune recherche, sous prétexte de fausse déclaration, deux ans après que les droits auront été acquittés. Art. 24. Que les députés proposent aux Etats énéraux, s’il est plus avantageux d’aliéner que e conserver les domaines de la couronne ; que les forêts ne puissent néanmoins être aliénées dans aucun cas ; que la régie et aménagement en soient confiés aux Etals provinciaux, ainsi que l’administration des autres domaines, dans le cas où l’on jugerait à propos de les cbnserver. Art. 25. Que les Etats généraux s’occupent de la révision des contrats d’échange des biens domaniaux faits depuis 1715, et que la cassation de ceux qui sont onéreux à l’Etat soit irrévocablement prononcée. Art. 26. Que tous les biens-fonds indistinctement, châteaux, maisons, jardins, parcs, lieux de plaisance et toute espèce de dîme, comme tous droits réels et fonciers, soient frappés d’un impôt unique, sous la dénomination de subvention territoriale payable en argent, supportée également et sans distinction par tous les ordres, et que les-dits fonds et droits soient imposés dans le rôle de la paroisse où ils seront situés et perçus ; qu’il soit pourvu en même temps aux moyens d’indemnité réciproque entre le propriétaire et le fermier pendant la durée des baux subsistants, lors de la nouvelle imposition, ainsi qu’entre le créancier et le débiteur des rentes. Art. 27. Que les Etats généraux s’occupent aussi des moyens de faire supporter à tous les états, autres que celui de l’agriculture, les charges publiques dans une égale et juste proportion, et de manière à balancer les intérêts de l’agriculture et du commerce. Que l’on frappe plus particulièrement tous les objets de luxe de la portion d’impôts dont ils paraîtront susceptibles. Art. 28. Que chaque province soit abonnée ; que les Etats provinciaux soient chargés de la ! répartition, recouvrement et régime de tous sub-! aides, et généralement de tout ce qui tient à \ l’administration particulière de chaque province. ; Art. 29. Que chaque province établisse ses trésoriers par district, pour recevoir, des préposés de chaque municipalité, le produit des impositions qu’elle aura répartie sur elle-même. Art. 30. Que les municipalités des villes, bourgs et campagnes soient électives, et tous offices municipaux supprimés. Art. 3i. Que la province acquitte d’abord ses charges des deniers et des caisses, et que le surplus soit versé directement dans la caisse nationale. Art. 32. Que les ministres soient responsables de l’emploi des deniers publics ; qu’il soit donné tous les ans, par la voie de l’impression, un compte détaillé de l’administration générale des finances, par recette et dépense de chaque département, et dont la vérification sera faite à chaque tenue d’Etats. Art. 33. Qu’il ne soit accordé aucuns subsides que pour l’intervalle déterminé d’une tenue d’Etats généraux à l’autre, sans qu’ils puissent être prorogés, sous aucun prétexte que ce soit, au delà du terme de l’octroi, après lequel ils cesseront tous de plein droit. Art. 34. Qu’il ne soit fait, sous quelque prétexte que ce soit, aucune altération dans les monnaies, et qu’il n’y soit fait aucun changement sans le consentement des Etats généraux. Art. 35. Que les corvées pour les chemins demeurent supprimées ; que les Etats provinciaux établissent le régime le plus économique pour la formation, l’entretien et la perfection des routes et des chemins vicinaux. Art. 36. Qu’il soit pris les précautions les plus sages pour prévenir le prix excessif des grains. Que cette partie de la législation soit soumise à l’examen le plus approfondi des Etats généraux et provinciaux. Art. 37. Qu’ils prennent aussi en considération la question de l’uniformité des poids, mesures et aunages, dans tout le royaume. Art. 38. Qu’il soit demandé aux Etats généraux un règlement qui soit le résultat de la balance entre les avantages et les inconvénients de la liberté indéfinie, et les entraves trop multipliées dans l’exercice des arts et métiers, des fabriques, du commerce et de l’industrie. Art. 39. Qu’ils s’occupent efficacement des moyens de remédier aux désavantages qui sont résultés pour la province de Normandie, au traité de commerce fait avec l’Angleterre. Art. 40. Que les Etats généraux prennent en considération si les machines mécaniques pour carder et filer le coton sont nuisibles ou avantageuses à la nation. Art. 41. Que l’abolition des traites intérieures, péages, octrois des villes, droits de coutume, navage, et autres semblables impositions, soit demandée, sauf l’indemnité, et que la liberté de la circulation et du roulage par tout le royaume soit établie. Art. 42. Que l’administration des postes aux lettres, relais et messageries, soit soumise au ré gime qui sera établi par les Etats généraux. Art. 43. Qu’ils s’occupent des moyens nouveaux pour favoriser et encourager les défrichements dans tout le royaume. Art. 44. Que les Etats généraux délibèrent s’il est plus avantageux de conserver les biens communaux en état de communes, que d’en provoquer le partage. Art. 45. Qu’il est indispensable de s’occuper des moyens prompts et efficaces pour la destruction des bêtes fauves, du lapin, d’autre espèce de gibier, qui ravagent les campagnes. Art. 4t>. Que les colombiers soient fermés pendant le temps des semailles et des récoltes, si on ne peut en obtenir la suppression. Art. 47. Qu’il soit permis à tout agriculteur, pour sa sûreté, d’avoir chez lui des armes à feu, avec les modifications qu’il plaira aux Etats généraux d’y attacher. Art. 48. Que les Etats s’occupent des ravins et des abus résultant de l’établissement des gords, dideaux, pêcheries et portes à bateau des rivières; que la police et l’ouverture provisoire desdites ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Évreux ] 302 [États gén. 1789. Cahiers.] retenues d’eau soient accordées à l’assemblée municipale du lieu, et qu’il soit défendu à tout maître de forges d’extraire les mines de fer, sans être préalablement convenu de l’indemnité de gré à gré ou par experts avec l£ propriétaire. Art. 49. Que les banalités de moulin, four, pressoir, et de toute autre espèce, soient supprimées. Art. 50. Que toutes les corvées seigneuriales soient converties en une prestation en argent, et suivant une appréciation qui sera réglée par les Etats généraux. Art. 51. Que les seigneurs soient invités à consentir au remboursement des rentes et redevances seigneuriales. Art. 52. Qu’aucun ecclésiastique ne puisse se ourvoir en cour de Rome pour y obtenir des ulies et provisions de quelques bénéfices que ce soit, et nommément des bénéfices consistoriaux. Art. 53. Qu’aucune personne ne puisse s’y pourvoir pour obtenir des lettres et dispenses de quelque nature et pour quelque cause que ce soit ; lesquelles dispenses seront accordées sans frais ni rétribution par les évêques et archevêques, et qu’il soit permis, en cas de refus, de se pourvoir par appel comme d’abus aux cours souveraines. Art. 54. Que les évêques et archevêques, abbés et prieurs commendataires soient tenus de résider. Art. 55. Que le Roi soir supplié d’arrêter l’abus de la pluralité des bénéfices sur une même tête, et que les Etats s’occupent des moyens d’améliorer, par la suppression et union des bénéfices simples, le sort des curés à portion congrue et autres bénéficiers ayant charge d’âmes, dont le revenu n’excéderait pas 1,200 livres dans les campagnes et 1,500 livres pour les villes. Art. 56. Que le sort des vicaires soit également amélioré, et que les curés rentrent dans le droit de les choisir eux-mêmes. Art. 57. Que tou tes les maisons religieuses dans lesquelles on ne pourrait pas établir la conven-tualité, soient supprimées; que la suppression en soit poursuivie à la requête du procureur-syndic des Etats provinciaux, et que l’application de leurs biens soit faite aux hôpitaux, collèges et autres établissements publics, conformément à la destination et à l’emploi que lesdits Etats provinciaux en arrêteront. Que, dans le cas où le décret de suppression desdites maisons religieuses ne serait pas prononcé dans les six mois de la réquisition, le procureur-syndic soit autorisé à se pourvoir à la cour souveraine par appel comme d’abus. Art. 58. Que les dettes du clergé soient acquittées par la vente de ses fiefs, et que, dans le cas d’insuffisance, les bénéfices vacants à la nomination du Roi, qui ne seront pas à charge d’âmes, restent en économat jusqu’à l’acquit parfait desdites dettes, lesquelles ne pourront jamais être comprises dans la dette nationale. Que le produit de toutes les ventes soit versé dans la caisse des économats, pour être employé sûrement avec le revenu des bénéfices vacants à l’acquittement et extinction entière desdites dettes, et que les économats soient tenus de rendre compte de leur recette aux Etats généraux et provinciaux sans frais. Art. 59. Que l’usage du déport soit supprimé. Art. 60. Que les dîmes insolites, d’usages domestiques et de charnage soient aussi supprimées, et qu’il soit fait un règlement clair et précis pour déterminer la nature des dîmes et leur quotité. Art. 61. Qu’il soit statué que les nouveaux pourvus de bénéfices seront obligés d’entretenir les baux de leurs prédécesseurs. Art. 62. Que les paroisses soient déchargées de la reconstruction, entretien et réparation des presbytères, de leurs dépendances, des bâtiments de fondation, et que tous ceux qui prennent part aux dîmes contribuent par portion aux grosses réparations; que les curés, chapelains de fondations et leurs héritiers restent chargés des réparations usufruitières dont les autres décimateurs demeurent responsables dans le cas d’insolvabilité de la succession des curés. Art. 63. Qu’il soit pris les précautions les plus sûres pour prévenir les abus qui se commettent dans l’administration des bois de réserve des gens de mainmorte. Art. 64. Que, pour détruire la mendicité, il soit établi, dans chaque paroisse des villes et des campagnes, des bureaux de charité sous l’administration des municipalités. Art. 65. Que le régime des maisons des enfants trouvés et des hôpitaux soit perfectionné, et que l’administration en soit confiée aux municipalités, sous l’inspection des Etats provinciaux. Art. 66. Qu’il soit établi au plus tôt dans les villes des écoles en tout genre, ou des collèges de plein exercice, et de petites écoles gratuites dans les bourgs et campagnes. Art. 67. Que la procédure civile soit réformée et simplifiée, et que les décrets d’immeubles et distribution de deniers reçoivent surtout une plus prompte réforme. Art. 68. Que les justiciables soient rapprochés de leurs juges, qui seront sujets à résidence; qu’il soit formé de nouveaux arrondissements, et qu’il n’y ait que deux degrés de juridiction. Art. 69. Que les justices seigneuriales et tous tribunaux d’exception soient supprimés, et que la connaissance de toute matière soit attribuée aux juges ordinaires, sans distinction de personnes ni d’état. Art. 70. Que les juges de première instance, au nombre de trois, connaissent en dernier ressort de toutes choses qui n’excèderont pas la valeur de 100 livres. Art. 71. Que les municipalités des villes et campagnes connaissent aussi dans un comité de paix entre les habitants des villes et des paroisses, des contestations pour entreprises, plantations de bornes, délits de bestiaux et autres de celte nature, sauf le pourvoi devant le juge ordinaire, auquel l’avis du comité de paix serait représenté par l’une ou l’autre des parties. Art. 72. Que les lettres de committimus, de garde-gardienne , le privilège d’attribution du sceau du Châtelet de Paris, toutes évocations pour quelque cause et personne que ce soit, et toutes commissions, tant en matière civile que criminelle, soient supprimés, et la charte aux Normands confirmée. Art. 73. Que les effets de commerce soient exigibles dès leur échéance, et que les délais de grâce, rendus uniformes par tout le royaume, ne soient conservés que pour le porteur; et que les prêts à intérêts soient autorisés dans tout le royaume au taux fixé par la loi, sans aliénation des capitaux. Art. 74. Que les arrêts de surséance, lettres de répit et sauf-conduit soient abolis. Art. 75. Que les banqueroutiers puissent être arrêtés en tous lieux, nonobstant tout privilège d’asile. Art. 76. Qu’il soit promulgué un nouveau code pénal, dans lequel les délits seront classés, et la [États g«n. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Évreux.] 303 nature des peines déterminée selon les délits et sans distinction de personnes. Art. 77. Qu’aucun décret ne puisse être prononcé que par trois juges. Art. 78. Qu’il soit donné un défenseur aux accusés après le premier interrogatoire, et que la procédure soit communiquée au défenseur sans déplacer. Art. 79. Que les procès criminels soient jugés dans l’année, savoir : pour première instance dans dix mois, et dans deux autres sur l’appel. Art. 80. Que les juges d’instruction ne puissent assister au jugement définitif, et que la question préalable soit supprimée. Art. 81. Que les juridictions prévôtales et présidiales en matière criminelle soient supprimées. Art. 82. Qu’il soit reconnu que tout délit est anéanti, lorsque le coupable a satisfait à la loi; que la confiscation n’ait jamais lieu, et que les-proches parents du condamné soient admis, sans aucune difficulté, à posséder tous offices, places, emplois et bénéfices. Art. 83. Que la vénalité des charges et de tous offices de judicature soit abolie, et la justice rendue gratuitement par des juges élus inamovibles, pris indistinctement dans les trois ordres. Art. 84. Qu’aucun juge et gradué ne puisse exercer la justice civile et criminelle qu’il n’ait atteint l’âge de trente ans, et donné, par dix ans de travail, des preuves de capacité. Art. 85. Que les offices de jurés-priseurs-ven-deurs, de comissaires aux saisies réelles, de procureurs en tous tribunaux, soient supprimés. Art. 86. Que les offices de receveurs des consignations soient supprimés, ou que leurs droits soient diminués. Art. 87. Que la cumulation d’ofüces soit défendue. Art. 88. Que la liberté et sûreté individuelle de chaque citoyen soit sanctionnée et garantie par les Etats généraux; que le tirage de la milice soit supprimé, ainsi que tous enrôlements forcés. Art. 89. Qu’il soit établi des brigades de maréchaussée dans les villes et lieux où cet établissement peut être nécessaire. Art. 90. Que le tiers-état ne soit exclu d’aucun grade militaire, et que le commerce soit permis à la noblesse sans déroger. Art. 91. Que les députés aux Etats généraux se refusent à tous actes humiliants pour le tiers-état. Art. 92. Qu’il soit sollicité une loi qui défende à tous gens de mainmorte de donner leurs biens à ferme générale. Art. 93. Donnons, au surplus, tous pouvoirs à nos députés de proposer, remontrer, aviser, consentir tout ce qui leur paraîtra le plus propre à réformer les abus, à établir un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et chacun ; n’entendant, par les articles du présent cahier, leur faire une loi de se conformer absolument à ce qu’ils contiennent, à l’exception de ceux qui doivent établir la constitution de la monarchie, qui réclament la suppression de tous impôts et droits qui ne sont pas supportés par tous les ordres, et qui prescrivent de n’en consentir que pour l’intervalle d’une tenue d’Etats à l’autre, desquels ils ne pourront s’écarter. j Fait et arrêté par les commissaires de l’assemblée •générale du bailliage principal d’Evreux, le sa-|medi 21 mars 1789. Commissaires-rédacteurs de l’ordre du tiers-état aù grand bailliage d’Evreux. BAILLIAGE D’EVREUX. MM. de Girardin, président; Régnault; Buzot; Bel-lenger; Boquin ; Châtel. CONCHES. MM. Nouvel; Roussel; Moulin; Bucaille; Mouchard. BRETEUIL. MM. de Girancourt; Cosnaed; Le Maréchal; Renard; Levacher. BEAUMONT-LE-ROGER. MM. Duval; Chambellan; Chevalier; de La Rue; de Sacquenville. BAILLIAGE DE BERNA Y. MM. Le Danois de la Soisière; Lindel; Buschcy des Noes; Marescal; Duval. ORBEC. MM. Rivière; Signol; Quesney Duvert; Jamot; Ozière. NONANCOüRT ET EZI. MM. D’Hautterre; le chevalier de La Haye; L’Hôpital; Malvault ; Laval . Compliment de l’ordre du tiers-état à Messieurs de la noblesse. Messieurs, l’ordre du tiers -état n’a jamais douté que la raison et la justice ne président aux délibérations de l’ordre de la noblesse, et celle que vous avez prise le 17 de ce mois par acclamation et avec cet empressement qui peint si bien la loyauté et la franchise de véritables Français , en excitant nos applaudissements, n’a cependant été pour nous qu’une nouvelle preuve de l’esprit patriotique qui vous caractérise. Nous brûlons comme vous, Messieurs, de l’amour le plus pur pour un Roi chéri, qui mérite le surnom glorieux de VAmi du peuple , et toutes nos idées se portent à assurer à jamais sa gloire et la tranquillité de la nation. C’est en réunissant nos efforts, c’est en échauffant encore, s’il se peut, notre zèle commun, c’est par notre assentiment aux moyens les plus propres à former une bonne et solide constitution, à réformer les abus, et à établir un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, que nous pouvons d’autant plus espérer parvenir au grand œuvre du bonheur public. Dans ces vues, Messieurs, l’ordre du tiers-état vous propose une communication respective, et puissions-nous donner à la France entière cet exemple d’une union et d'une fraternité, d’où dépendent si essentiellement la force et la félicité de tous et de chacun ! CAHIER Du duc de Bouillon (1). Messieurs, l’assemblée des Etats généraux ayant pour objet de régler, sous l’autorité du Roi, tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et de chacun des citoyens, il est indispensable que les députés aux Etats déterminent avant tout la manière dont les délibérations (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat.