113 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 février 1791.) gistrement, veulent exiger ce droit sur les quittances de liquidation et remboursement des offices, sous le prétexte que le décret du 28 novembre dernier, sanctionné le 10 décembre, ne porte que la dispense du contrôle; et considérant qu’à l’époque du 28 novembre, le droit d’enregistrement n’était pas encore établi, et qu’il ne l’est qu’en remplacement de celui de contrôle, décrète : « Que l’exemption prononcée du droit de contrôle, par les articles 7, 12 et 13 de son décret du 28 novembre dernier, doit s’entendre également du droit d’enregistrement. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité militaire sur le recrutement , V engagement et le rengagement (1). M. de Bouthillier, rapporteur. Messieurs, vous avez décrété avant-hier l’article 1er du titre II du projet de décret du comité; nous avons dû, en raison des dispositions que vous avez adoptées, modifier le texte des articles suivants : Les articles 3, 4 et 5 du projet ne formeraient plus que deux articles, qui prendraient les numéros 2 et 3, et qui seraient ainsi conçus : « Art. 2 (ancien art. 3 et 4). Tout homme qui prouvera avoir été engagé, avant l’âge de 18 ans, d’une manière contraire aux dispositions de l’article ci-dessus, sera admis, en produisant son extrait de baptême dûment légalisé, et les réclamations de ses père, mère, tuteur ou curateur, à demander son dégagement; mais il sera tenu de le faire dans les trois mois qui suivront la passation de son engagement, soit qu’il ait rejoint ou non son régiment; et il ne pourra lui être refusé, en remettant la somme qu’il pourrait avoir reçue telle qu’elle serait portée par son engagement, les frais de sa route, à raison de trois sous par lieue, en raison de la distance du lieu où il aura été engagé, ainsi que la somme qu’il pourrait devoir pour les avances qui lui auraient été faites pour son équipement, ainsi qu’il pourra être justifié. « Art. 3 (ancien art. 5). Les père, mère, tuteur et curateur seulement des jeunes gens ainsi engagés avant l’âge de 18 ans, auront droit, en justifiant de leurs qualités, de réclamer leur dégagement dans les délais prescrits par l’article précédent, quand bien même l’homme engagé ne le ferait pas lui-même, et en se conformant aux conditions prescrites; il leur sera rendu, quand bien même le jeune homme s’y montrerait opposant. » M. le Président. Je demande à dire quelques mots sur les articles proposés; les dispositions que vous présentez, Monsieur le rapporteur, sont totalement opposées à ce qui a été décrété avant-hier. On est, en effet, convenu que l’engagement des jeunes gens qui serait contracté sans l’aveu de leurs père, mère ou curateur, serait nul. M. d’Estourmel. Je ne le crois pas. Quelle a été, en effet, l’intention de M. le rapporteur? C’est de donner aux père, mère ou curateur la faculté de réclamer leurs enfants qui auraientété engagés avant l’âge de 18 ans; mais l’Assemblée nationale a-t-elle pensé que ce droit qu’elle don-(1) Voyez ci-dessus le projet de décret du comité, séance du 8 février 1791. lre Série. T. XXIII. nait aux parents devait s’étendre à tel point qu’un enfant dégagé à 16 ans et un jour pût être engagé à 18 ans moins un jour? C’est cependant ce qui arriverait, Messieurs, si l’on ne limitait pas un temps, passé lequel les parents, tuteurs et curateurs. . . ( Interruptions .) M. le Président. Le droit est jugé par l’Assemblée nationale; mon devoir est de maintenir ce qu’elle a jugé. Un membre donne lecture de l’article adopté dans la séance d’avant-hier, tel qu’il est inséré au procès-verbal. M. Dlllon. L’article n’a point été décrété; il a été renvoyé à la rédaction. Tout ce que j’ai entendu, c’est que l’Assemblée a paru vouloir qu’on n’engageât personne à l’âge de 16 ans, et qu’à l’âge de 18 ans, un engagement fût irrévocable. (Applaudis s ements.) Un membre demande la question préalable sur les nouveaux articles 2 et 3 proposés par le comité. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur ces articles et consacre la rédaction de l’article 1er adopté dans la séance d’avant-hier.) M. de Bouthillier, rapporteur. Nous vous proposons maintenant, Messieurs, de passer à la discussion des articles 8 et 9 du projet qui deviendraient les articles 2 et 3. En voici la rédaction : Art. 2 (ancien art. 8). « Aucun régiment français, soit d’infanterie, d’infanterie légère, soit de cavalerie, dragons ou chasseurs, ne pourra, sous aucun prétexte, engager des hommes nés hors de la domination française, ni déserteurs d’aucun régiment. » (Ado p té.) « Art. 3 (ancien art. 9). Les régiments allemands, irlandais et liégeois sont seuls autorisés à engager des étrangers et à recevoir les déserteurs des puissances voisines, lorsque des conventions particulières n’en prescrivent pas la restitution, il leur sera libre néanmoins de recruter en France ; mais il leur sera défendu, sous aucun prétexte, de prendre des déserteurs des régiments français, sous peine de punition exemplaire contre celui qui les aurait engagés, et contre le conseil d’administration qui les aurait admis en ayant connaissance de leur désertion. » M. du Châtelet. Entend-on que les régiments allemands, irlandais et liégeois pourront recruter en France comme les régiments français? Si vous décidez l’affirmative, vous n’avez plus besoin de régiments allemands, irlandais et liégeois. M. de Hoailles. Aujourd’hui que tous les régiments sont Français, qu’il n’y a plus de propriétaires de régiments, si l’on ôte aux régiments français, sous les différentes dénominations de trentième, quarantième, cinquantième régiment, la faculté de recruter en France, il n’y aura plus de recrutements ni d’engagements. Si vous ne composez vos régiments que d’étrangers, vous n’aurez ni discipline, ni rien de ce qui fait la solidité d’un régiment. Il faut avoir des corps qui, lorsqu’on fera la guerre, soient susceptibles de se recruter aux dépens de l’armée ennemie et de trouver dans 10 ou 12 régiments 8 \\\ [Assemblée nationalo.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 février 1791.) français des frères, des amis, des cousins. Si l’on n’adoptait pas ce mode-là, il faudrait réformer en totalité ces régiments étrangers, et ce serait entièrement contraire à l’esprit de quelques-uns des départements. Un des départements de la ci-devant province de Bretagne vient de prier le roi de mettre le plus tôt possible le régiment de Walsh au complet de 1,500 hommes, parce qu’il a toujours fait l’éditication et la sûreté d’une partie de ce pays. M. de Clioisenl-Praslin. Quand l’Assemblée a décrété qu’il y aurait des troupes étrangères, elle a décrété qu’il n’y aurait que 26,000 hommes ; mais, constitutionnellement, elle n’a point décrété qu’il y aurait des troupes étrangères au service de France. D’après cela, les régiments qui y sont ne peuvent être regardés comme étrangers et le projet du comité doit être posé tel qu’il est. M. de Crillon le jeune. Je conviens que les régiments étrangers ont toujours servi avec distinction; mais, en même temps, je crois que, dans une nation aussi nombreuse que la nôtre, il n’est nullement nécessaire d’avoir des troupes allemandes. Nous avons des régiments suisses, nous avons des provinces où l’on parle allemand; et par ces provinces nous aurions le même moyen de recruter en temps de guerre des déserteurs étrangers, si jamais, contre mon avis, il était nécessaire d’avoir des étrangers pour défendre le royaume de France. Je conclus, d’après ceâ différentes réflexions, que les régiments étrangers ne doivent se recruter qu’avec des Français et être assimilés à des régiments français. "J’excepte les régiments suisses, que je regarde comme étant d’une nation alliée de tout temps à la nôtre, plutôt que comme des troupes étrangères à notre service. M. le Président. Pour fixer la discussion à ses vrais termes , je dois à l’Assemblée une observation de fait. Il existe un décret constitutionnel, accepté par le roi, qui porte qu’aucune troupe étrangère ne sera admise au service de France, autrement que par un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi. Je ne connais aucun décret qui ait admis au service de France d’autres troupes étrangères que les régiments suisses. M. de Foucault de Lardimalie. Il est sûr que l’Assemblée a rendu un décret; mais je vous demande s’il est vrai qu’elle a cru réformer un seul régiment étranger ? Plusieurs membres ; Non ! non l M. SMllon. D’abord, Monsieur le Président, je crois que vous devez quitter le fauteuil; je vous invite à engager un autre président à le prendre, car, avant que vous le prissiez, vous avez déclaré vous-même que vous étiez fort fâché d’être président actuellement, parce que vous comptiez parler précisément dans la question des régiments étrangers. Je vous prie donc de céder le fauteuil à quelque autre ex-président ; aiors vous aurez la bonté de donner votre opinion, afin que je puisse vous répondre. M. Voidel. Les difficultés qui viennent de s’élever prouvent que cette question n’est pas suffisamment éclaircie; en conséquence, j’en demande l’ajournement et le renvoi au comité militaire. M. de Croy. Vous avez paru former des doutes pour savoir si l’Assemblée connaissait au service de France les régiments allemands. Un fait me paraît le prouver d’une manière invincible, puisqu’en décrétant les principes d’avancement, vous avez dit que la cavalerie ferait une arme, que les dragons feraient une arme, que les régiments français feraient une arme, que les régiments suisses feraient une arme, que les régiments allemands feraient une arme. M. de Bouthillier, rapporteur. Monsieur le Président , je demande que cet article soit ajourné jusqu’à ce que vous puissiez porter la parole, parce que dans ce moment. Monsieur le Président, vous êtes gêné. M. Etmuery, président, quitte le fauteuil. M. Merlin, ex-président, le remplace. M. de Croy. Je demande l’ajournement, attendu le petit nombre de membres qui se trouvent à présent dans l’Assemblée. M. Treilhard. J’appuie l’ajournement. M. Emmery, à la tribune. Messieurs, je ne m’oppose pas à l’ajournement ; je demande au contraire qu’une question de l’importance de celle-ci ne soit pas décidée ou plutôt enlevée dans une séance du soir. Je ne dissimule point que mon opinion est que, dans les circonstances actuelles, nous ne devons avoir à notre service d’autres troupes étrangères que les Suisses. On ne répondra pas à cette question; un décret constitutionnel porte qu’aucune troupe étrangère ne pourra être admise au service de France sans un décret du Corps législatif. Vous avez décrété qu’en attendant le renouvellement de la capitulation avec les Suisses, les régiments suisses jouiraient des mêmes avantages qu’autrefois, et même de plusieurs autres, Il n’y a pas de décret pour l’admission des troupes allemandes. Vous avez seulement décrété ià proportion étrangère avec le reste de l’armée. Avec une armée de 100,000 hommes, vous ne pouvez avoir que 26,000 hommes de troupes étrangères. Vous avez déjà 11,000 Suisses, et la Suisse est dans le cas de vous fournir au premier moment, et en cas de besoin, encore 6,000 hommes, conformément aux traités : 17,000 hommes sont bien près de 26,000. Si vous admettiez les régiments actuellement dits Allemands, comme troupes étrangères, vous excéderiez le non bre que vous avez fixé. Comment serait-il d’ailleurs possible d'appeler ces régiments troupes étrangères? Quelle est la puissance qui les avoue, quel est le traité, quelle est la capitulation eu vèrtu desquels ils vous sont soumis? Quand vous avez ôté la propriété de ces régiments à ceux qui l’avaient, au prince des Deux-Ponts, par exemple, au prince de Salm, au prince d’Armstadt; je vous demande si vous n’avez pas été déterminés par la considération qu’aucune puissance ne vous donnait ces régiments, qu’aucune puissance ne les avouait, et qu’ils ne pouvaient pas plus être la propriété de quelques individus, que tous les autres régiments français? Vous avez sagement rompu ce