[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juin 1791.] 269 15 millions destinés, par cette même loi, à subvenir aux dépenses des travaux utiles établis en conséquence, sera faite ainsi qu’il suit : « La Somme , 150,000 livres, pour la navigation de la rivière de Somme. « La Seine-Inférieure , 150,000 livres, pour le curement de la retenue de Saint»Valery-en-Gaux. « Le Calvados , 100,000 livres, pour la rivière d’Orne. « La Charente-Inférieure , 50,000 livres, pour le déblaiement du bassin de la Rochelle. « Le Gard, 150,000 livres, pour le canal de Beaucaire à Aigues-Mortes. « Les Bouches-du-Rhône, 50,000 livres pour les travaux à l’embouchure du Rhône. « L’Isère, 50,000 livres, pour la continuation des digues contre les rivières et torrents. « La Côte-d’Or, 50,000 livres, pour la continuation du canal de Bourgogne aux abords de Dijon. « L’Yonne, 600,000 livres, pour les travaux du canal de Bourgogne entre Saint-Florentin et Montbard. « Le Bas-Rhin, 150,000 livres, pour les travaux du Rhin. « Le Nord, 100,000 livres, pour le canal de la Sensée. « Paris, 1,000,000 livres, pour la démolition de la porte Saint-Bernard et de la Géole, réparations des quais, et nouveaux ouvrages de constructions, tant en amont qu’en aval du pont de Louis XVI, ouverture d’un nouveau canal à la Seine, en face de Passy , gare à exécuter au-dessous du pont de Charenton. » M. Vernier. Le décret est très juste en lui-même, mais il ne faut point que les départements rivalisent entre eux. Il reste une somme à distribuer; mais il ne faut pas commencer par prendre une somme très forte sur ces 8 millions, de manière que, si vous apercevez des besoins dans les autres départements , vous ne puissiez pas y satisfaire. Je demande que, sur toutes les dépenses attribuées aux départements, on retranche la moitié des sommes comprises dans cet article. ( Murmures ). M. de La Rochefoucauld - Liancourt, rapporteur. Ce n’est pas ainsi qu’on peut donner de l’argent pour faire des travaux. Les travaux que nous vous proposons ne peuvent être fructueux qu’autant qu’on y emploie un grand nombre de bras à la fois. En réduisant de moitié comme on le propose, l’économie qu’on ferait pendant cette année triplerait peut-être les dépenses de l’année prochaine ; et les dépenses de celle-ci, pour avoir été trop médiocres, seraient faites en pure perte. M. Rcgnaud (de Saint-Jean - d’ Angêly). Il faut surtout se rappeler que les secours actuels, n’étant destinés qu’à des dépenses d’utilité générale, ne sont pas de nature à être répartis en portions égales, puisque les départements n’ont pas tous des travaux également importants à faire. On ne peut pas donner de l’argent à un département de l’intérieur pour construire un port ou une rade. M. La venue. En ce qui concerne Paris, je demande que le million qui lui est accordé ne soit pas appliqué à la démolition de Ja porte Saint-Bernard, à la réparation des quais et autres opérations qui n’intéressent que lui seul, mais qu’on l’emploie à des travaux d’utililé générale, tels que la construction du canal projeté vis-à-vis de Passy et la création d’une gare à Gharen-ton. M. de La Rochefoucauld -Liancourt , rapporteur. En ce qui concerne Paris, nous ne vous dirons pas qu’étant la capitale du royaume, le chef-lieu de la législation, les dépenses mêmes de son embellissement intéressent la nation entière. (Murmures à droite.) M. de Lachèze. Il est impossible d’employer de tels arguments. M. d’André. Vous ne devez pas interrompre. (Bruit.) M. de La Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur . J’ai dit que je ne faisais point valoir ces raisons. M. de Lachèze. Vous les faites valoir. M. de La Rochefoucauld-Liancourt , rapporteur. Non, je dis que Paris est dans une position particulière et que ces travaux-là sont des travaux utiles. Je demande donc la question préalable sur les amendements et qu’on aille aux voix sur l’article. A gauche : La question préalable sur les amendements ! (L’Assemblée, consultée, décrète, après deux épreuves, qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements, et adopte sans changement i’ar-licle premier des comités.) M. Garat. Quel est celui des départements qui n’a pu voir que ses députés sont devenus Parisiens? M. Roissy-d’Anglas. Je demande que les sommes accordées par l’article que vous venez d’adopter ne puissent être remises aux départements que lorsqu’ils auront justifié du payement de leurs impositions de 1789 et 1790. (Applaudissements à droite.) Cette proposition a déjà été faite pour les dépenses des départements et pour leurs hôpitaux et mon amendement me paraît d’autant plus important que je constate que les 12 départements compris dans la distribution sont précisément ceux qui ne payent pas leurs impositions. M. de La Rochefoucauld - Liancourt , rapporteur. Je demande la question préalable sur l’amendement qui vient de vous être proposé, parce qu’il tend à faire souffrir les pauvres de la mauvaise foi des contribuables. Quand le préopinant a fait cette motion, il y a quelques jours, lorsqu’il s’agissait de faire une avance aux villes pour l’entretien de leurs hôpitaux, il avait parfaitement raison, car il s’agissait des dépenses particulières à la charge des villes; mais ici il est question d’ordonner des travaux utiles au royaume, qui doivent être payés par le Trésor public, et ce ne sont pas des faveurs que l’on accorde aux départements. Si l’on adoptait la proposition du préopinant, il en résulterait que, parce que les riches ne payent pas, parce que les ennemis de la chose public ne payent pas, on refuserait du travail aux pauvres, 270 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juin 1791.] {Murmures dans la partie droite). ..et que la classe indigente et laborieuse du peuple serait privée des secours qui lui sont destinés par l’Etat. C’est un fait connu, que les ennemis de la chose publique retardent, autant qu’ils peuvent, le payement de leurs contributions. 3e demande donc la question préalable sur la proposition. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour. M. de FolleviUe. Il est une autre cause du retard du payement des contributions, c’est que beaucoup de départements n’emploient pas tous les moyens et toute l’activité nécessaires pour leur rentrée. Nous venons de voir, par exemple, le département de Paris, afficher un arrêté qui porte que, pour recevoir des patentes, il suffira de représenter la quittance des impositions de 1788. Je ne sais pas comment, les impositions de 1789 et 1790 étant échues, il a pu faire une pareille annonce. M. Garat. La Révolution est parisienne et pas du tout française. {Murmures.) M. Moreau. Je réponds : 1° que les impositions de 1790 ne seront échues qu’après les six premiers mois de 1791 ; 2° qu’à l’égard des con-contributions de 1789, on les déduit sur les remboursements des maîtrises et autres créances dont sont pourvues les personnes qui demandent des patentes. M. le Président. Sur la motion incidente de M. Boissy-d’Anglas, on a demandé de passer à Vordre du jour. Je vais consulter l’Assemblée. (L’Assemblée décide qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. de Fa Rochefoucauld-Liancourt, rapporter , donne lecture de l’article 2 : Art. 2. « En conséquence de ces nouveaux travaux offerts aux ouvriers qui voudront se procurer de l’ouvrage, le Trésor public cessera, à compter du premier juillet, d’entretenir les ateliers de Paris et autres de même nature qui pourraient avoir été établis dans quelque autre partie du royaume. » M. Malouet. Je demande s’il a été pris des mesures, par la municipalité de Paris, pour empêcher que la destruciton subite des ateliers de charité ne trouble la tranquillité publique. Une voix : Allez le lui demander ! M. Malouet. Je ne m’explique pas ces interruptions qui ne tendent qu’à ôter à l’Assemblée sa dignité. Autant il est indispensable de faire cesser des dépenses dont l’inutilité est démontrée, autant il est essentiel de s’assurer que l’administration prendra des mesures suffisantes pour empêcher que le licenciement des ateliers trouble l’ordre public. M. de Fa Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur. Les mesures que demande M. Malouet sont comprises dans les dispositions du projet de décret; elles ont été concertées avec le ministre, le commandant de la garde nationale, le directoire du département et la municipalité. (L’article 2 est mis aux voix et adopté.) M. de Fa Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur, fait lecture de l’article 3 ainsi conçu : Art. 3. « Il est néanmoins enjoint à la municipalité de Paris de ne plus comprendre dans le rôle des ateliers, et ce dès à présent, les chefs de tous grades gui n’auraient pas le nombre d’ouvriers nécessaires, en préférant, pour le renvoi, les célibataires aux pères de famille, et de continuer de renvoyer les ouvriers reconnus n’avoir pas les qualités exigées par les lois des 13 juin et 10 septembre 1790; il lui est pareillement enjoint de faire dès à présent cesser les travaux reconnus sans utilité. » M. de FolleviUe. L’Assemblée a limité un terme pour l’ouverture des travaux du canal de Paris; ce terme est expiré. Je demande que les comités vous présentent incessamment des mesures pour l’exécution de votre décret. M. de Fa Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur. Je demande que l’Assemblée ne s’écarte pas du projet de décret qui lui est soumis eu se laissant entraîner sur des motions incidentes. (L’article 3 est mis aux voix et adopté.) M. de Fa Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur, donne lecture de l’article 4 du projet de décret ainsi conçu : « Seront seulement exemptés de la disposition de l’article 2 du présent décret, quant à présent, les ateliers de filature établis dans Paris pour les femmes et enfants, en vertu de la loi du 13 juin 1790. » M. de Fachèze. Je demande à M. le rapporteur si, par cette exception, il entend que le Trésor public soit encore chargé de ces dépenses. Je lui prouverai que les provinces éloignées sont fatiguées de ce que l’on fait pour Paris. Il est évident que les trois quarts des femmes et des filles occupées à ces ateliers de charité sont de Paris, ou du moins du voisinage; quenos provinces éloignées sont bien plus malheureuses et plus pauvres que le département de Paris, et ne peuvent plus contribuer à toutes ces dépenses. Je demande en conséquence la question préalable sur l’article. Plusieurs membres à droite appuient la proposition de M. de Lachèze. M. Charles de Fameth. Je m’oppose à la question préalable proposée par le préopinanl. Je pense que la nation sait très bien que la ville de Paris a rendu d’assez grands services à la Révolution ( Murmures prolongés à droite.)... Je ne m’attendais pas que cet hommage rendu à la ville de Paris dût m’attirer ces murmures ; ils ne m’effrayent d’ailleurs pas, car c’est l’intérêt public seul qui m’anime et je crois que personne de bonne foi ne me contrariera, quand je dis que, lors même que la ville de Paris aurait nécessité des dépenses extraordinaires, elle a assez bien mérité de la nation pour qu’on ne regarde pas à quelques sacrifices pécuniaires. (. Nouveaux murmures à droite.) Je dis que, s’il y a des ateliers aussi nombreux dans Paris, ce n’était ni le vœu ni le besoin de