136 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 septembre 1790.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du mercredi 22 septembre 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. GoupHleau, secrétaire, 'donne lecture d’une lettre écrite à M. le Président, par M. Aguillon, maréchal de camp au corps royal du génie. Il offre à l’Assemblée les dessins d’une entreprise tendant au rétablissement d’un acqueduc romain d’une lieu d’étendue, pour ramener des eaux dans la ville d’Antibes. L’Assemblée ordonne que les dessins seront déposés dans ses archives. M. LaRéveiUère-Lépeaux fait lecture d’une adresse dans laquelle les professeurs et étudiants en droit de la ville d’Angers exposent que les principes des lois ne devant plus être puisés que dans les décrets de l’Assemblée nationale, il leur paraît important qu’à la prochaine ouverture des écoles, il leur soit permis d’enseigner en français, pour être moins exposés à altérer le sens des décrets. « Nous avons, disent-ils, formé sous vos aus-« pices, le projet de ne puiser les principes de la « la législation que dans celle qui est émanée de « votre sagesse. Vos décrets sont rendus en lan-* gue française, parce qu’ils sont la loi de tous « les Français ; ceux qui les feront exécuter ; « ceux qui discuteront ou qui jugeront la cause « du pauvre, de la veuve, de l’orphelin, dufaible « opprimé et de l’homme puissant, doivent les « connaître. Il n’existe pas un seul citoyen qui « veuille en ignorer les expressions. Serait-il donc « réservé aux écoles publiques de transmettre en « une langue morte, les lois vivantes qui doivent « régénérer l’empire ? « Gomment justifier l’antique usage d’enseigner « un code de lois étrangères, de l’enseigner dans « un langage peu familier, chez une nation qui, « dans le grand art de la législation, rivalise « avec Athènes et Rome, et qui déjà l’emporte « sur elles; chez une nation dont la langue est « la langue universelle des sciences dans le monde « entier ? Nous vous prions de peser, dans votre « sagesse, s'il ne serait pas plus favorable à « l’étude des lois, de les enseigner en langue t française dès la première année académique, « ce ne sera pas anticiper, mais préparer les ci-« toyens au plan d’éducation nationale, qui doit « couronner le grand ouvrage de la Constitution, « ce serait ajouter à vos bienfaits. « Quelle que soit votre décision, Messieurs, « nous redoublerons d’efforts pour nous montrer « dignes de participer au bonheur que vous pré-« parez à l’humanité, dont vous allez faire jouir « la France entière et auquel aspire toute l’Eu-« rope. » (Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution, chargé de ce qui concerne l’éducation nationale.) M. Vernier, rapporteur du comité des finances, représente que le moment des vendanges est l’époque la plus productive pour la perception des droits d'aides . Comme, dans plusieurs parties du royaume, on cherche à s’y soustraire, il propose un projet de décret qui est adopté sans discussion en ces termes : « L’Assemblée nationale, considérant que l’époque des vendanges donne lieu à des déclarations et à des inventaires qui font la base d’une portion importante des droits d’aides, droits réservés et autres droits perçus sur les boissons et vendanges, et voulant prévenir l’erreur dans laquelle pourraient être entraînés ceux qui refuseraient de se soumettre auxdites déclarations et inventaires, et paiements de droits, en confirmant ses précédents décrets, et notamment ceux des 17 juin 1789 et 28 janvier 1790, par lesquels elle a ordonné que tous les droits continueront d’être perçus dans la même forme et sous le même régime précédemment établi, déclare que cette disposition est surtout applicable aux déclarations et inventaires à l’époque des vendanges et au paiement des droits d’aides, droits réservés, et tous autres droits imposés sur les boissons et vendanges, qui continueront provisoirement d’être levés dans la même forme et de la même manière qu’ils l’ont été précédemment, jusqu’à ce qu’il ait élé définitivement statué sur le mode des contributions publiques, ainsi que sur celles des villes, ce dont l’Assemblée va s’occuper très incessamment. » M. Dauehy. Je puis annoncer à l’Assemblée que le comité de l’imposition a terminé hier son travail sur les aides et qu’il est actuellement à l’impression. M. Vernier. Le décret que vous venez de rendre ne préjuge en rien votre décision sur le travail du comité d’imposition, il a seulement pour objet d’obliger les redevables à s’acquitter en ce moment envers le Trésor. M. Lebrun, rapporteur du comité des finances , propose un projet de décret qui est adopté sans discussion. Il est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale décrète que provisoirement, et pour l’année 1790 seulement, les appointements et soldes des officiers et cavaliers de maréchaussée ne seront assujettis à aucune imposition. » M. le Président. M. Lebrun demande à rendre compte à l’Assemblée du travail du comité des finances, sur la cession du Clermont ais, sur l'acquisition de la principauté d’ Henrichemont et sur d'autres objets qui intéressent la bonne administration des finances. (L’Assemblée décide qu’elle entendra le rapport de M. Lebrun.) M. Lebrun, rapporteur du comité des finances . Je vais vous parler de notre dette. Il faut bien la connaître dans son ensemble et dans ses éléments ; il faut bien en séparer tout ce qui n’en fait véritablement pas partie. Ce n’est guère que du règne de François ]or que datent nos plus anciennes rentes perpétuelles. A sa mort, l’Etat devait 75,000 livres d’in térêf, qui, au denier 20, feraient aujourd’hui un capital de 5,325,000 livres. Le marc d’argent était à 14 livres, mais on empruntait au denier 12, et le capital ne faisait en effet guère que 3,000,000 livres. François Ier laissa le (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 137 [Assemblée nationale. [22 septembre 1790.] trésor royal dans l’abondance et un quart des revenus à recouvrer. Ce fut encore sous lui que commença la vénalité des offices; avant lui, on avait bien vendu quelques charges, mais ces ventes-là se cachaient sous la forme d’un prêt, et la pudeur publique défendait de les avouer. Avant lui, on connaissait les aliénations des domaines et les aliénations des revenus; c’était la ressource des financiers et le patrimoine des courtisans. Sous Henri II, sous ses enfants, les emprunts, les aliénations de domaines et la vénalité s’accrurent; mais une partie, la plus forte partie des rentes fut rejetée sur le clergé, qui, à cette époque, commença d’avoir ses assemblées économiques, ses revenus communs et ses charges. La casualité des offices en faisait une dette mobile qui s’éloignait, qui renaissait au gré de la sagesse ou de l’impéritie des ministres. Les aliénations du domaine et du revenu étaient la plaie la plus profonde de l’Etat. Les anticipations, la confusion des recettes et des dépenses, le désordre dans toutes les parties de l’administration, en étaient une autre que le génie seul pouvait entreprendre de guérir. Ce génie-là ce fut Sully. Il racheta le domaine, il racheta les revenus, il établit un système régulier de recette et de dépense. Sans doute, il abusa trop de cette funeste, de cette trop facile ressource de création de charges et d’offices, la plus mortelle de nos maladies, la vraie maladie française, qui a fait une grande partie de notre servitude et qui longtemps a dévoré, presque dans la racine, nos revenus, notre commerce et notre culture. Après Sully recommencèrent les prodigalités, les besoins, la routine financière. On anticipa encore sur les revenus, on aliéna encore des domaines; on créa des rentes, des taxations ou des gages, toujours au denier 12, au denier 16, au denier 18; on fit de la finance des offices une charge fixe et permanente, en donnant des moyens de la sauver de la casualité. Alors les officiers et les rentiers pesèrent dans la balance politique et firent une manière de puissance dans l’Etat. C’était le payement des rentes, c'étaient les créations d’offices qui agitaient Paris dans celte guerre ridicule de la Fronde. L’ordre rentra dans les finances avec Colbert. Colbert, et par principe d’administration, et peut-être aussi par le souvenir des inconvénients qui avaient compromis l’autorité du prince et la tranquillité de l’Etat, se fit une loi d’éteindre les rentes et une partie des offices; mais il commença par réduire les rentes au denier 20, imputa sur le capital l’excédent d’intérêt qu’avaient reçu les créanciers. Opération mauvaise, même en finances, où la foi gardée est toujours la première ressource et la plus féconde. Des temps vinrent où Colbert fut réduit à son tour à emprunter au denier 18, et ne trouva pas de prêteurs. De ce jour, des successeurs moins habiles, des opérations ruineuses, des traitements onéreux, des taxes, des oppressions, des refontes de monnaie, des billets d’Etat, après les billets-monnaie, la plus funeste des inventions, enfin toutes les erreurs de l’ignorance et tous les malheurs de l’impuissance et du désordre désolèrent l’empire sous la minorité de Louis XY. La dette publique fondue dans le creuset d’une sévère liquidation en ressortit infiniment atténuée. Mais la France tout entière était languissante et abattue, tous les canaux des revenus étaient taris ; les rentiers furent ruinés et l’Etat n’était pas plus riche. Sous l’administration parcimonieuse de Fleury, toutes les parties du royaume respirèrent; une longue paix ranima l’industrie et la culture; le commerce mal protégé se releva par ses propres efforts; les finances se rétablirent par le seul pouvoir de l’ordre et de l’économie. La guerre de 1741 ramena les besoins et les ressources vulgaires des créations de renies, des créations d’offices, de charges ridicules. La guerre de sept ans, pleine de honte et de revers, le fut aussi de désordre et d’infidélités financières. L’Amérique et les Indes virent nos défaites et les malversations de nos administrateurs. En 1763, des résistances parlementaires forcèrent à diminuer les revenus, lorsqu’il fallait liquider et rembourser la dette. La dette, bien ou mal liquidée, devint une masse énorme, dont on ne put ni éteindre le capital, ni payer les intérêts. Un simulacre d’amortissement fut présenté à l’opinion, et nourrit un crédit trompeur. Des réformes militaires, une nouvelle constitution d'armée surchargèrent la liste des pensions et exagérèrent les dépenses. Pendant cinq ans, une administration incertaine, turbulente plutôt qu’active, sans principe et sans méthode, se traîna entre les anticipations et les emprunts, jusqu’aux bords de la banqueroute. Là un ministre honnête et faible la tint un moment suspendue entre l’opinion de nos ressources et l’espérance du remède. Enfin un homme viot, qui avait quelque chose du sens de Sully et de la précision de Colbert, qui crut, comme Colbert et Sully, que la base de toute finance était l’ordre dans la recette et la dépense, que le grand secret de la finance était d’établir le niveau entre la dépense et la recette. Ses lumières allèrent jusque-là, son caractère alla plus loin. Dans notre siècle, dans un siècle où le destin du royaume roule sur le pivot du crédit et de l’opinion, il osa frapper sur la dette, et prononcer une dure banqueroute. Il osa rejeter les anticipations sur le passé et marquer une ligne entre son ministère et les ministres qui l’avait précédé. Il était fort des circonstances, fort de nos alarmes, il le fut de la soudaineté de ses opérations. Bientôt les effets n’en furent plus sentis, et il n’en resta que le souvenir. La perception se fit, les dépenses furent fidèlement acquittées, les capitaux accumulés se lassèrent de rester inutiles et le crédit se remontra plus fort et plus vigoureux. En 1774, il y avait sans doute un déficit, mais quel déficit ? un déficit momentané qu’avaient produit des dépenses passagères, un déficit que mille ressources pouvaient combler, qu’une économie sévère pouvait faire disparaître, qui enfin était compensé par une somme presque égale de remboursement. Je ne suivrai pas plus loin l’histoire de nos finances et de nos malheurs. Vous avez vu nos revenus s’accroître, et notre dette avec eux; les emprunts appeler les emprunts, l’ostentation du crédit employée pour couvrir l’abîme qui se creusait sous nos pas; la timidité de quelques ministres égaler leurs dissipations, les découragements enfin et leur nullité devenir le salut de la finance et l’avertissement de notre régénération. Notre dette se divise en dette constituée, dette remboursable, dette exigible. La dette constituée comprend les dettes perpétuelles et les rentes viagères ; les rentes perpétuelles, presque toutes réduites, s’élèvent à 61 millions. 11 y en a au denier 50, au denier 40, au denier 25, quelques-unes au denier 20, quelques-unes encore au denier 10, même au denier 6, et même à 1 denier plus bas; il n’y a d’exempt de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 septembre 1790.] 138 retenue que 159,000 livres. Je fais cette observation pour vous avertir qu’il ne reste aucun doute sur la position des rentes perpétuelles. Dans ces 61 millions, je comprends la dette du clergé; je comprends 1,200,000 livres de rente due sous le nom de secrétaires du roi, et qu’on a confondue jusque dans leurs finances; j’y comprends un million prêté sous le nom d’indemnité. J’ai dit 61 millions, et non pas 66 comme nous l’avaient annoncé presque tous nos calculs, parce que vous avez déjà effacé de l’état de rente de l’Ilôt d-de-ville environ deux millions qui appartenaient à des évêchés, des chapitres, des abbayes, des bénéfices, parce que vous effacerez de la dette du clergé plus de deux millions qui leur appartenaient encore; enfin parce qu'il y a, sous le nom de rentes, près d’un million qui cessera d’exister, si vous suivez vos principes. Vos rentes viagères ne s’élèvent pas aujourd’hui à plus de 10,000,000 livres ; vos dettes remboursables à diverses époquessont: 1° les finances des offices de magistrature, celles des chancelleries, des secrétaires du roi etduconseil ; cette partie s’élève, d’après nos recherches, à 426 millions, déduction faite de 24 millions compris jusqu’ici sous le nom de secrétaires du roi, et qui sont en effet des capitaux empruntés par l’Etat et constitués. Ce sont f s capitaux des charges de finance, que j’évalue à 77 millions, au lieu de 118, parce que j’en retranche : 1° Jes finances des payeurs des rentes, qui doivent nécessairement rester là pour garantie de leur comptabilité; 2° 10 millions de débets, et certainement je fais une supposition très modérée, l’événement portera ces débets peut-être à 20 millions; 3° ce sont les brevets de retenue de la maison du roi, des gouvernements et lieutenances générales, des emplois militaires. Nous les avons évalués jusqu’à 90,800,000 livres ; notre calcul est forcé, et il y aura des réductions sur cette partie. Ce sont encore les cautionnements des compagnies de finance et autres, que je porte, non pas a 203,401,000 livres, comme nous vous l’avons indiqué dans l’état de la dette annexé au rapport deM. de Montesquiou, mais seulement à 150 millions, et voici la raison de mon évaluation : 1° sous le nom de cautionnement et fonds d’avance, sont compris les fonds d’exploitation de la ferme générale, ce qu’elle est obligée d’avoir en sel, en tabac, en ustensiles pour exercer la vente du sel, la vente du tabac. Les capitaux de ces fonds existent dans les magasins; c’est sur les magasins qu’elle en trouvera le remboursement. Si l'on ne vend plus ni sel, ni tabac pour la nation, les approvisionnements seront épuisés, elles avances resteront : si l'on continue d’en vendre, une autre compagnie sera obligée de faire les mêmes avances, et cet article forme une somme de 48,400,000 livres; 2° tous les cautionnements n’ont pas été réalisés en entier; 3° il y a dans la partie des fermes, des régimes, des débets qui atténueront ces cautionnements, et je les évalue à 2 ou 3 millions. Ainsi mon calcul est très modéré, quand je réduis les cautionnements et fonds d avances remboursables à 150 millions. Votre dette remboursable, mais à des époques éloignées, sont; l°les emprunts faits directement par le Trésor royal, les actions de l’ancienne compagnie des Indes, ensemb'e379 millions; 2° les emprunts faits sous le nom de pays d’Etat, 127 millions. Récapitulation de la dette remboursable successivement à diverses époques : Offices et charges. . . ...... 426.000,000 liv. Brevets de retenue ...... 90,800,000 Cautions et fonds d’avance. 150,000,000 Emprunts directs et compagnie des Indes .............. 377,000,000 Emprunts des payements de l’Etat.. .................... 127,000,000 Dette exigible ....... 1,170,800,000 liv. Les remboursements échus. , 108,000,000 liv. La partie de l’arriéré des dépenses, qui est liquidée et qu’on peut évaluer au plus à ........ Le reste de l’arriéré, celui qui n’est pas liquidé peut se remplir par les fonds destinés à des parties qui s’éieignent tous les ans. Jamais la dépense effective de l’année ne peut être soldée dans l’année; il vades mémoires qui traînent, des fournitures qui ne se consomment que dans l’année. Ce sont d’anciennes charges liquidées ...................... Les dîmes inféodées quand elles sont liquidées .......... . 100,000,000 Total des dettes exigibles tout à l’heure ..................... 288,000,000 liv. Ce sont enfin les 400 millions d’assignats. Voilà l’aperçu de votre dette dans son ensemble et dans ses divisions; je n’ai point porté les annuités qui s’élèvent à 6,020,000 livres dues à la caisse d’escompte et aux notaires; je n’ai point porié le remboursement de Gênes et d’Amsterdam, ni le remboursement de l’emprunt de septembre 1789 : tous ces articles doivent entrer dans les dépenses annuelles, et font ensemble 14 ou 15 millions par année, et cette dépense annuelle, qui a son terme fixe, devrait être balancée par la rentrée de la créance sur les Américains, et de plusieurs autres créances actives du Trésor public. Je passe maintenant au détail particulier de la dette. Les rentes perpétuelles se décomposent, se recomposent tous les jours. Il existait une loi sur les reconstitutions, qui en prescrivait la forme, qui atténuait successivement ces capitaux énormes, réduits à uu intérêt de 60 0/0. On avait établi que dans les reconstitutions, les capitaux ne seraient réduits qu’à raison du denier vingt; ainsi ces 2,400,000,000 dont on fait tant de bruit aujourd’hui, qu’on vous représente comme un capital remboursable, se fondraient p u à peu, san3 contrainte, sans violence, et ne laisseraient plus qu’un capital réel d’environ 1,200,000,000. De ces rentes, environ 8 millions appartiennent à des établissements publics, à des hôpitaux, à des séminaires, à des collèges, aux pauvres des paroisses, à des fabriques. •Quant aux rentes viagères, un tableau que j’ai mis sous vos yeux vous démontrera que, depuis 1733, les capitaux versés au Trésor royal, pour rentes viagères, excédent les arrérages payés de 40 millions; ainsi il y a eu jusque dans les emprunts un bénéfice pour l’Etat, et il y en aura toujours un, si vous comparez ces emprunts. Dans les emprunts perpétuels, les capitaux sa 50,000,000 30,000,000 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 septembre 1790.] 13<> remboursent toujours sans jamais s’éteindre; dans tes emprunts viagers, pris en masse, les capitaux s’éteignent graduellement, et ia chance la plus fâcheuse est de rembourser deux fois le capital. Cette chance nous menace sur la dernière partie de ces emprunts, les emprunts sur trente, quarante, cinquante et jusqu’à soixante têtes choisies. Cette manière de placer est un perfectionnement récent de l’art du prêteur. Sous le dernier règne, ou avait essayé de placer sur la tête des rois, sur des têtes connues; l’almanach dispensait de la formalité des certificats de vie. Les rentes viagères ainsi constituées se négociaient plus aisément, et on supposait encore que ces têtes avaient quelques chances de plus de longévité. Louis XV, Frédéric-le-Grand ont emporté avec eux une partie assez considérable de notre dette viagère. Les trente, les quarante, les cinquante et les soixante têtes ne datent que du règne actuel. 11 en reste en ce moment 25 millions de rente ainsi placés à 10 0/0: les propriétaires de ees rentes en font encore assurer la durée, soit en Hollande, soit en Angleterre. Deux cent cinquante millions éteindraient cette partie de votre dette; ce ne sont pas tous des étrangers qui ont spéculé sur cette créance, et de ces 250 millions une grande partie appartient à des Français. Je laisse les rentes de l’hôtel-de-ville, sur lesquelles il n’y a rien à rabattre, pour passer à d’autres qui nous fourniront plus d’observations, et des observations plus utiles. Voici le projet de décret que votre comité des finances m’a chargé de vous proposer aujourd’hui : « L’Assemblée nationale statuera sur la rente de 600,000 livres payée pour la cession des droits du Glermontais; sur celle de 15,000 livres payée pour l’acquisition de la principauté d’Henric'he-mont;sur les 20,0ü0 livres de rente perpétuelle, et les 996,500 livres de rente viagère, payées pour l’acquisition de Lorient et des terres de Chatel et deCarman; sur les 12,000 livres payées pour la rétrocession de domaines faite par M. de Goürcy; sur les 2,000 livres de rente perpétuelle, payées our les terrains et maisons qu’occupe l’école étérinaire; sur les 7,200 livres de rentes viagères, payées sous prétexte de l’acquisition de la ferme de Maisonvilie, après le rapport qui lui sera fait incessamment par son comité des domaines, sur les diverses acquisitions et cessions. « Elle prononcera sur les 15,000 livres de rente, payées à l’Ecole militaire, pour acquisition de l’hôtel de la Force, et sur les 606,000 livres de rente constituée à l’ordre du Saint-Esprit, quand elle aura statué sur l’éducation et sur les ordres dé Chevalerie. » (Après avoir entendu ce rapport, l’Assemblée se dispose à passer à son ordre du jour.) M. Chabroud. Votre comité des rapports est prêt à vous rendre compte de la procedure qui Vous a été remise par le Châtelet, relativement àux événements des b et Q octobre. Cette affaire paraît de nature à être rapportée dans une séance du soir; mais comme elles sont ordinairement plus tumultueuses que celles du matin, et que cette affaire pourra donner lieu à des débats, je demande qu’elle soit renvoyée aune séance du matin. Le rapport occupera environ deux heures et demie, et il serait très fatigant pour moi de le faire à la lumière. (L’Assemblée décide que le rapport de cette affaire sera fait à la première séance du matin qui suivra le décret sur les assignats.) M-le Président. L’ordre du jour est la discussion du projet de décret sur la compétence des tribunaux militaires , leur organisation et la manière de procéder par-devant eux. M. E miner y, rapporteur , donne lecture des articles. Le préambule ainsi que les articles 1 et 2 sont1 décrétés sans observation en ces termes : « L’Assemblée nationale, empressée defairejouir l’armée d-s lois qui vont établir dans tout le royaume la procédure criminelle par jurés, et voulant assurer de plus en plus, par ce moyen, l’exacte et scrupuleuse observation des règles protectrices de la subordination eide la discipline, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Aucun homme de guerre ne pourra être condamné à une peine afflictive ou infamante, que par jugement d’un tribunal civil ou militaire, suivant la nature du délit dont il se sera rendu coupable. « Art. 2. Les délits civils sont ceux commis en contravention aux lois générales du royaume, qui obligent indirectement tous les habitants de l’Empire. Ces délits sont du ressort de la justice ordinaire, quand même ils auraient été commis par un officier ou par un soldat ». M. Emmery lit l’article 3. M. de Marinais dit que l’armée a besoin d’une discipline sévère et prompte; il importe donc que les délits commis en temps de guerre soient immédiatement punis; c'est par ce motif qu'il propose de retrancher dans l’article 3,. ces mots : l'armée étant hors du royaume. » En. temps de guerre, il ne doit plus y avoir pour les troupes d’autres tribunaux que ceux de la justice. militaire. Divers membres demandent la question préalable sur l’amendement. La question préalable est prononcée. Les articles 3 à 22 sont ensuite décrétés sans opposition ainsi qu’il suit : « Art. 3. Cependant, en temps de guerre, l’armée étant hors du royaume, les personnes qui la composent, celles qui sont attachées à son service ou qui la suivent, et qui seront prévenues de semblables délits, pourront être jugées par la justice militaire et condamnées par elle aux peines prononcées par les lois civiles. « Art. 4. Les délits militaires sont ceux commis en contravention à la loi militaire, par laquelle ils sont définis : ceux-ci sont du ressort de la justice militaire. « Art. 5. Toute contravention à la loi militaire est une faute punissable; mais toute faute de ce genre n’est pas un délit : elle ne le devient que lorsqu’elle est accompagnée des circonstances graves énoncées dans la loi. Les fautes sont punies par des peines de discipline; les délits seuls peuvent l’être par des peines afflictives ou infamantes. « Art. 6. II sera établi des cours martiales char-géesde prononcer sur les crimes et délits militaires, en appliquant la loi pénale, après qu’un juré militaire aura prononcé sur le fait. « Art. 7. Il y aura dans le royaume et à l’armée autant de cours martiales que de grands arron-