58 [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. (30 juillet 1791.] il n’a point prononcé. Le cas particulier de l’acquisition moderne d’une dîme ecclésiastique, celai d’une dîme prise à titre d’engagement, font exception aux règles générales ; pour le premier cas, selon ce qui a été observé dans l’article second (p. 53); pour le second cas, selon ce qui est porté par le décret du 18 janvier 1791. « Le décret du 23 octobre 1790, article 6, autorise les propriétaires de dîmes dont les archives et les titres auraient été brûlés ou pillés à l’occasion des troubles survenus depuis 1789, à faire preuve, soit par actes, soit par témoins, d’une possession de 30 ans, antérieure à l’incendie ou pillage, de l’existence, de la nature et de la quotité de leurs droits de dîmes. On a paru apprêt hender que cette disposition ne contrariât en quelque point les principes sur la nature des preuves qui doivent établir le droit de lever une dîme inféodée. Le décret n’a rien d’opposé aux principes. Quand les archives sont brûlées, on ne peut plus prouver directement, par les titres qui y étaient conservés, le fait ou de l’inféodation d’une dîme, ou des reconnaissances féodales, ou de la possession centenaire; il faut alors avoir recours soit à des titres étrangers, mais énûncia-tifs, soit à des dépositions de témoins. Ces titres énonciatifs ou ces témoins doivent établir différents faits qui sont bien distingués dans le décret. Ils doivent justifier : 1° de l’existence du droit, déposer que telle personne jouissait d’une dîme; 2° de la nature du droit, déposer que la dîme était connue pour dîme inféodée, levée comme telle; 3° de la quotité et de la possession depuis 30 ans. Une pareille enquête ne saurait porter atteinte aux principes, au contraire elle les confirme; car, si des témoins, par exemple, déposaient qu’ils ont connaissance que depuis telle époque, un tel jouissait d’une dîme qui passant pour inféodée, mais qu’avant cette époque la dîme appartenait à un corps ecclésiastique et était réputée ecclésiastique, on jugerait que la possession de la dîme comme inféodée n’est pas légitime, et on refuserait l’indemnité. Si les témoins, en attestant la possession trentenaire, n’indiquent pas l’époque à laquelle elle à commencé, il résulte de leur déposition la preuve d’une possession immémoriale, c’est-à-dire telle qu’on ne connaît aucune possession contraire; et cette possession immémoriale doit suppléer à la possession centenaire, dans le cas où les actes qui auraient établi la possession de cent ans se trouvent détruits par une force majeure. « Quant au surplus des questions qui peuvent se présenter, on doit se conformer aux décrets rendus spécialement pour la liquidation des dîmes inféodées ; aux décrets qui contiennent des règles générales sur les liquidations; aux lois anciennes, que l’Assemblée nationale n’a point abrogées, sur les conditions requises pour que les actes dont on prétend induire des conséquences soient reconnus en forme probante. » (La discussion est ouverte sur ce projet d’instruction.) Un membre pense qu’on ne doit pas employer, au sujet des dîmes du Calaisis, dont il est parlé dans l’article premier du projet, des expressions capables de décider sur-le-champ, et sans discussion, une question sérieuse qui s’agite au sujet de ces dîmes, et qui doit être incessamment rapportée. M. Camus, rapporteur, dit que l’intention du comité n’a pas été de rien préjuger sur les dîmes du Calaisis ; il propose d’exprimer seulement que l’Assemblée n’entend rien préjuger sur ces dîmes ou autres semblables. (Cette motion est adoptée.) Un membre demande qu’on exprime nettement que la charge subsidiaire des dîmes inféodées, ne se réalise qu’après l’épuisement non seulement des dîmes ecclésiastiques, mais aussi des revenus propres de la cure. M. Camus, rapporteur, déclare qu’il adopte la proposition, et qu’il l’exprimera ainsi qu’il est demandé. Un membre observe que, dans quelques endroits, il existe certaines dîmes inféodées qui supportaient directement les charges des dîmes ecclésiastiques, tandis que les autres dîmes inféodées du même canton ne supportaient les mêmes charges que subsidiairement ; que cet ordre établi, soit sur des titres, soit sur l’ancienne possession, ne doit pas être changé, et il demande qu’il soit fait mention spéciale de ce cas particulier dans l’instruction. M. Camus, rapporteur, adopte cette observation et propose en conséquence l’addition suivante à la fin de l’article 3 : « Une dernière remarque particulière est relative au cas qui se rencontre dans quelques lieux, où por le résultat, soit des titres, soit d’un usage ancien, quelques dîmes, quoiqu’on les regarde comme inféodées, se trouvent chargées de la portion congrue, des réparations, etc., en première ligne, et comme des dîmes ecclésiastiques pourraient l’être, les autres dîmes inféodées du même canton ne supportant les mêmes charges que subsidiairement. Il faut, en ce cas, se conformer aux titres et à l’usage établi ; faire, sur les dîmes inféodées qui sont sujettes aux charges en première ligne, et non subsidiairement, les mêmes déductions qu’on ferait sur les dîmes ecclésiastiques. » (Cette addition est adoptée.) Un membre demande que l’Instruction soit changée relativement aux trois dispositions suivantes : Celle où il est dit que les propriétaires des dîmes ecclésiastiques entrées dans les mains des laïques par l’effet del’optiondela portion congrue, n’auront d’autre indemnité que celle de la cessation de l’obligation de payer la portion congrue ; 2° Gelle où il est dit que les acquéreurs de dîmes ecclésiastiques, moyennant une rente due à l’Eglise, n’obtiendront pareillement d'autre indemnité que celle de la cessation de la rente; 3° Enfin, les dispositions par lesquelles on propose de compter à la charge de la dîme inféodée, des charges subsidiaires et possibles, autres que les charges actuelles. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur ces trois amendements et ferme la discussion.) M. Camus, rapporteur, donne en conséquence lecture des modifications introduites dans la rédaction de l’Instruction qui se trouve ainsi conçue : (Assemblée oitionftle.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [30 juillet 1791.] KO INSTRUCTION adressée aux administrateur s de districts et de départements , pour la liquidation des dîmes dont l’Assemblée nationale a ordonné le remboursement, décrétée le 30 juillet 1791. « L’ Assemblée nationale, après avoir supprimé par les décrets des 14, 20 avril, 4 août et 19 septembre 1790, toutes les dîmes, ainsi que les droits redevances et rentes qui en tenaient lieu, a déclaré par le décret des 14 et 20 avril 1790, qu’il était aû sur le Trésor public une indemnité aux propriétaires de dîmes inféodées. « Les administrateurs des districts dans le territoire desquels les dîmes inféodées se peree-vaieDt, ont été chargés par le décret du 23 oc*- tobre 1790, de la liquidation de l’indemnité due aux propriétaires de ces dîmes. Le8 districts doivent prendre les observations des municipalités sur la valeur de la dîme, donner un avis, l’envoyer au département qui prononce (décret du 23 octobre). « Les départements doivent adresser l’état des indemnités qu’ils ont estimé devoir être accordées pour la suppression des dîmes inféodées, à la direction générale de liquidation (décret du 16 décembre 1790) ; les propriétaires des dîmes inféodées doivent eux-mêmes y remettre les actes nécessaires pour établir leur propriété et sa valeur (ibid.). Aux termes d’un décret du 18 janvier 1791v toute demande en liquidation de dîmes inféodées, doit être communiquée par les corps administratifs à l’administration des domaines, pour avoir son avis, et s’assurer si ces dîmes étaient possédées à titre d’engagement ou à titre de propriété incommutable. « Les bases de l’évaluation des dîmeB inféodées sont les titres de propriété, les baux, et les estimations d’experts. «Dans l’évaluation des dîmes et dans les procès-verbaux des experts pour parvenir à Cette évaluation, il faut faire déduction du capital de la portion congrue, même ce qui en est payable pour les six premiers mois 1791 , sur le pied de 1,200 livres pour les curés, 700 livres pour les vicaires actuels ; plus du capital des autres charges, tant actuelles qu’éventuelles, à raison de l'insuffisance possible des dîmes ecclésiastiques (décret du 23 octobre 1790). « Le capital doit être réglé sur le pied du denier 25 du produit net, lorsque la dîme se percevait en nature ; sur le pied du denier 20, si elle est réduite en argent par des abonnements irrévocables (décret du 23 octobre). Dans le cas où les dîmes auraient été tenues à titre d’engagement, elles ne seront remboursées que sur le pied de la finance de l’engagement (décret du 18 janvier 1791). « Telle est l’analyse sommaire des décrets prononcés par l’Assemblée nationale et sanctionnés par le roi, sur le remboursement ou l’indemnité due aux propriétaires de dîmes inféodées. Il s’agit actuellement de mettre ces lois à exécution. Les questions qui ont été adressées au comité central de liquidation, soit par les administrations de districts, soit par le commissaire du roi, pour la direction de la liquidation, font connaître la nécessité d’entrer dans quelque détail sur la manière d’exécuter la loi et de remplir complètement le vœu de l’Assemblée nationale. Il est important : 1° de bien connaître les objets pour la suppression desquels la loi accorde indemnité ou remboursement ; 2° de discerner les titres capables d’établir la preuve légitime de l’existence du droit qu’on réclame, de ceux qui seraient insuffispnts pour cette preuve; 3® de n’omettre aucune des charges qui doivent opérer des retranchements sur la valeur de la dîme à estimer ; 4* enfin, de ne prendre pour base de la valeur, les charges déduites, que les titres adoptés par la loi, Art, 1er. Mmes pour la suppression desquelles V Assemblée nationale a accordé une indemnité. <* Les objets à la suppression desquels V Assemblée nationale a attaché une indemnité, sont : « 1° Les dîmes inféodées; « 2° Les rentes en argent ou en denrées, moyennant lesquelles les propriétaires de dîmes inféodées les auraient abandonnées à l’église. « 3° Les dîmes ecclésiastiques acquises par des laïques propriétaires actuels, ou par leurs auteurs, à titre onéreux, et dont le prix a tourné au profit de l’église. « Les objets pour lesquels il n’est pas dû d’indemnité, sont : « 1° Les dîmes qu’un propriétaire avait droit de lever sur lui-même. L’exemption personnelle de la dime n’est pas non plus un sujet d’indemnité ; « 2° Les dîmes insolites à l’égard desquelles on ne serait pas en état d’établir une possession quarantenaire ; « 3® Les dîmes dont il serait prouvé que l’établissement a été une des clauses du bail de l’héritage, fait à perpétuité ou à titre d’emphytéose. L’Assemblée n’entend rien préjuger, par cette disposition, sur les dîmes du Galaisis et autres semblables ; « 4° Les droits casuels qui pourraient être dus aux propriétaires des dîmes inféodées lors des mutations des héritages chargés de la dîme inféodée. «. Ces droits casuels, ainsi que les dîmes stipulées par le bail de l’héritage, sont seulement susceptibles du rachat par les débiteurs, de la même manière que les droits féodaux. « Tels sont les résultats des décrets des 14 et 20 avril, 23 octobre, 7 novembre 1790. « La conséquence de ces décreis rapprochés les uns des autres, est que l’Assemblée nationale ne s’est pas attachée littéralement au mot dîme inféodée : puisque, d’une part, un décret ordonne le remboursement de dîmes ecclésiastiques , lorsqu’elles auront été acquises à titre onéreux ; et que, d’une autre part, l’Assemblée a déclaré les dîmes inféodées non remboursables, quand il serait prouvé qu’elles avaient été établies au moment de la tradition du fonds. Qu’est-ce donc que l’Assemblée a entendu par la dénomination de dîmes inféodées? Elle a entendu les dîmes possédées par les laïques, et que les idées vraies ou fausses, mais généralement répandues, faisaient regarder comme ayant été ecclésiastiques dans leur origine. C’est parce que son décret s’appliquait à des dîmes présumées ecclésiastiques dans leur origine, qu’elle a ordonné, à plus forte raison, le remboursement de dîmes certainement ecclésiastiques qui ont passé dans la main de laïques, non pas à titre de fief, mais seulement à titre onéreux. G’est par le même motif que, ne s’arrêtant pas à la dénomination de dîmes inféodées, l’Assemblée a déclaré non 60 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791.) remboursables les droits qu’on avait appelés dîmes, mais qui, ayant été établis an moment de la tradition du' fonds, par une stipulation entre le bailleur et le preneur, sont réellement des droits de la classe des ci-devant droits sei-neuriaux. C’est encore par la même raison que, ans le décret du 22 juin dernier, sur le cumul de la dîme avec le champart, il est dit (art. 6), que les redevances en qualité de fruits, appartenant à des ci-devant seigneurs de fiefs, encore qu’elles soient qualifiées dîmes , ne seront point réputées dîmes inféodées, s’il existe dans la paroisse ou dans le canton un décimateur ecclésiastique ou laïque, en possession de percevoir la dîme des gros fruits. Dans ce cas donc, l'indemnité du droit dénommé dîme n’est pas due par la nation; c’est aux redevables à le racheter, s’ils le jugent à propos. « Lorsque les décimateurs ont contribué à l’acquit des charges affectées sur les dîmes, réparations, portions congrues, il n’y a pas à hésiter sur la nature de la redevance qui a supporté des charges de cette nature ; c’est une dîme proprement dite. A défaut de cette circonstance décisive et caractéristique, on rassemblera les divers attributs qui accompagnent la redevance dont on aura à déterminer la nature. Les dîmes sont ordinairement quérables et non portables, hors le cas de transactions ou d’usages particuliers dont il est ordinairement possible de découvrir i’ori-ine. Elles se payent par la seule conséquence ’un droit commun, sans reconnaissance écrite des débiteurs, comme sans quittance du créancier. Les dîmes qui sont un droit purement féodal établi lors du bail d’héritage, ne suivent d’autres limites que celles de l’ancien fief; les dîmes proprement dites s’étendent indistinctement dans le fief ou hors du fief. Les premières ne se partagent jamais avec des ecclésiastiques; les secondes étaient souvent communes avec eux. Voilà les principaux attributs sur lesquels on doit fixer son attention, non pas pour décider d’après l’existence d’un seul attribut, que tel droit est ou n’est pas supprimé avec indemnité, mais pour conclure de la réunion de ceux qui peuvent concourir dans chaque espèce particulière, que le droit de percevoir la redevance est anéanti ou qu’il ne l’est pas; qu’il est ou qu’il n’est pas susceptible d’indemnité. Art. 2. Titres et preuves par lesquelles on doit établir la propriété d'une dîme inféodée . « Le droit qui est supprimé et pour lequel une indemnité est promise, n’étant pas un droit quelconque de percevoir une portion des fruits que la terre nourrit, mai6 un droit particulier, qualifié, soit dîme inféodée , soit dtme ecclésiastique acquise à titre onéreux , et dont le prix a tourné au profit de l'Eglise , il s’ensuit que ce n’est pas assez au propriétaire qui réclame une indemnité ne la nation, de justifier qu’il percevait sur les héritages de tel canton, une redevance en nature ou une redevance abonnée, s’il ne prouve en même temps qu’à cette redevance appartient le nom de dîme, soit inféodée, soit ecclesiastique ; et que, dans ce dernier cas, elle a été acquise, aux termes de la loi, à titre onéreux po’ur l’acquéreur et avec profit pour l’église. Cette dernière hypothèse, lorsqu’onla présente, doit être la plus facile à établir : car dès que la loi demande qu’il soit justifié d’une acquisition à titre onéreux, dont le profit ait été pour l’église ; et comme, d’un autre côté, un pareil fait ne peut s’établir que par la production de l’acte d’acquisition où la nature de l’objet acquis doit être exprimée, il s’ensuit: 1° que, dans ce cas, il faut ou produire i’acte d’acquisition, ou renoncer à toute demande ; 2° que l’acte d’acquisition une fois produit, tout est dit, soit en faveur du propriétaire, si l’acte établit une acquisition qualifiée telle qu’elle est désirée par la loi ; soit contre le propriétaire, si l’acte n’établit pas une acquisition qualifiée telle que la loi l’exige. « Le cas où il s’agit d’une dîme inféodée, n’est pas aussi facile à décider, parce qu’il n’est pas également facile de montrer qu’une dîme est inféodée. La différence des temps a introduit une diversité dans les conditions qui ont été requises pour qu’une dîme fût regardée comme inféodée ; la diversité des usages des lieux nécessite pareillement des différences relativement aux condi-lions que l’on doit exiger pour mettre une dîme dans la classe des dîmes inféodées. « Lorsqu’après Je troisième concile de Latran, célébré en 1179, on eut posé pour règle générale que les laïquesne pourraient posséder de dîmes qu’à titre d’nféodation, on exigea de ceux qui revendiquaient l’exécution de cette règle, qu’ils justifiassent du titre par lequel la dîme leur avait été inféodée. Le temps auquel la règle venait d’être établie, n’étant pas extrêmement éloigné de celui où les inféodations avaient été consenties, il y avait possibilité de rapporter les actes d’inféodation; et dès que la possibilité de les produire existait, on devait en demander la production effective: rien n’étant plus naturel et plus juste d’exiger de celui qui articule un fait, qu’il l’établisse par les preuves directes qui sont en #a puissance. « Telle fut donc la première jurisprudence ; on n’était reconnu pour propriétaire d’une dîme inféodée, qu’autant qu’on justifiait de l’acte par lequel on en avait reçu l’inféodation. « A mesure que l’on s’éloignait du temps des inféodations, les guerres, les ravages, cette consomption générale de tous les monuments humains que le temps traîne à sa suite, anéantissaient les actes primi’ifs d’inféodation. Il aurait été injuste d’exiger, après un laps de deux, trois ou quatre siècles, les mêmes actes qu’il avait été précédemment facile de produite. « L’impossibilité de rapporter lesactes'primitifs d’inféodation, était plus certaine encore, si le fait que l’on a raconté est vrai, que tous les titres relatifs à l’établissement des dîmes inféodées ayant été rassemblés par ordre d’un de nos rois, le lieu où ils étaient réunis fut incendié, et que les titres devinrent la proie des flammes. « Les règles subirent donc un changement par la force même des choses. On cessa d’exiger les actes constitutifs de l’inféodation, mais on voulut des actes énonciatifs ; on demanda Ja production d’actes de féodalité, c’est-à-dire des aveux et dénombrements, des actes! de foi et hommage où la dîme fut énoncée comme possédée en fief. On tenait toujours fortement au principe que les dîmes ne pouvaientêtre possédées légitimement par les laïques qu’à titre de fief : on ne se contentait donc pas de la seule possession; elle devait être qualifiée féodale, et prouvée telle par des actes féodaux relatifs à la dîme qu’on réclamait. « Cette jurisprudence fut celle du second âge; elle existait avant le temps où le célèbre Dumoulin écrivait, c’est-à-dire avant le milieu du [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 juillet 1791.] fil xvi* siècle; et elle subsistait encore dans le siècle où nous sommes, vers 1720. « Néanmoins, au commencement de ce même siècle, il avait été promulgué une loi qui attaquait la règle de la nécessité des actes féodaux pour obtenir d’être maintenu en possession d’une dîme sous la qualité de dîme inféodée. L’édit du mois de juillet 1708 avait établi que les possesseurs de dîmes inféodées seraient maintenues sur la seule preuve d’une possession centenaire, quand même ils n’auraient autre titre que les preuves de leur possession. Cette loi ne lit pas, au moment où elle fut promulguée, toute l’impression qu’elle pouvait causer relativement aux titres à produire pour conserver une dîme en qualité d’inféodée, parce que la condition écrite dans la loi, que les poss' sseurs payeraient une somme pour conserver leurs dîmes, donnait à l’édit une apparence de loi bursale; et que les lois bursales ont généralement peu d’influence sur la décision des questions de droit. Cependant on était arrivé à une époque où l’on devait considérer aussi, que les actes de féodalité commençaient à être rares à l’égard de certains domaines. Ces deux causes, la disposition de l’édit de 1708, et la diminution du nombre des actes féodaux, se combinèrent de manière qu’il s’établit, il y a plus de 60 ans, une jurisprudence nouvelle qui n’exiga d’autre preuve, pour maintenir un laïque dans la possession de la dîme, que celle d’une possession centenaire. On jugea depuis lors, qu’il suffisait qu’une dîme fût prouve avoir été librement dans le commerce entre les laïques pendant 100 ans, pour qu’elle dût être réputée et déclarée dîme inféodée. « Ces premières observations sont relatives aux variations de la jurisprudence à raison de la succession des temps; voici d’autres observations relatives à la variété des lieux. « Les reconnaissances féodales, dans le temps que le système féodal régnait, ne s’exigeaient pas avec la même exactitude dans toutes les parties du royaume. La France coutumière tenait beaucoup plus à la féodalité, que le pays de droit écrit, parce que, dans la France coutumière, presque toutes les dispositions de la loi se rapportaient à la féodalité; au lieu que dans le pays de droit écrit, la loi romaine était au moins étrangère au système féodal. Les actes de féodalité sont beaucoup moins fréquents dans la partie méridionale de la France, qu’ils ne le sont dans la partie septentrionale. « Ces actes n’existent point du tout dans certains cantons. Les pays de franc-aleu n’admettaient ni foi et hommage, ni aveux et dénombrements, surtout pour les grandes terres qui n’auraient pu être reportées à la couronne, à titre de. fief, qu’en anéantissant le franc-aleu que ces provinces étaient, et avec raison, jalouse de conserver. Néanmoins, dans ces provinces, les seigneurs laïques possédaient un grand nombre de dîmes. Il est peu de cantons dans le royaume où les dîmes fussent eu plus grande quantité entre les mains des laïques, que dans ce qu’on appelait la Soûle, laNavarre, et toute cette lisière de France qui borae l’Espagne. Jamais toute la possession des dîmes n’y a été contestée aux laïques ; ils ne lès possèdent cependant pas à titre d’inféodation ; et cependant encore tout annonce que ces dîmes appartinrent originairement à l’Eglise. Le nom d 'abbés ou abbats-laïcs qu’on donne à ceux qui les perçoivent (1); les possessions qui sont (1) Voyez Y Histoire de Béarn, par de Marca, livre I, page 28, numéros H et suivants. ordinairement annexées à celle de la dîme, attestent qu’elles furent primitivement perçues, soit par les curés, soit par des religieux. Voilà donc des dîmes qui sont certainement de la nature de celles que nous connaissons en général sous le nom de dîmes inféodées, et à l’égard desquelles ou ne pourrait justifier ni d’actes constitutifs, ni d’actes énonciatifs de féodalité. « La conséquence de ces observations est que l’on aurait tort de vouloir rappeler la reconnaissance de toutes les dîmes inféodées à une seule et unique règle; et de n’accorder l’indemnité prononcée par la loi, qu’au décimateur qui serait en état de justiüt r que sa possession relevait d’un seigneur suzerain. En général, la possession de cent années avant l’époque du 14 avril 1790, date de la suppression des dîmes inféodées, doit suffire pour avoir droit aux indemnités accordées par la nation. Il faut ensuite, dans chaque département du royaume, avoir égard aux lois particulières qui le régissaient, aux usages qui y avaient interprété la loi; et dans le centre où toutes les liquidations doivent être rapportées, il faut connaître ces lois particulières et ces usages, pour y déférer lorsqu’ils seront suffisamment établis. « Lors donc que l’on présentera aux administrateurs d’un district les titres d’une dîme inféodée, ils ne doivent pas rejeter tout ce qui n’est point acte de féodalité; ils doivent au contraire avoir égard aux titres d’une autre nature; mais quelques titres qu’ils admettent, ils doivent expliquer nettement les motifs de leur détermination, afin que le directeur général de la liquidation puisse reconnaître le principe qui a fait recevoir ces titres, et s’assurer de la solidité des bases sur lesquelles le principe est fondé. « Passons au troisième objet, la considération des charges dont il doit être fait déduction dans l’estimation de l’indemnité des dîmes. Art, 3. Déductions à faire sur la valeur des dîmes supprimées avec indemnité , pour raison des charges dont elles sont tenues. « Les déductions à faire sur la valeur des dîmes pour la suppression desquelles il est accordé une indemnité, sont la représentation des charges auxquelles elles sont sujettes, et que les objets par lesquels elles seront remplacées ne supporteront pas. Les charges propres des dîmes sont la portion congrue des curés et vicaires; les réparations du chœur et cancel : quel-uefois celles de toute l’église, comme dans la landre maritime; quelquefois celles d’une partie du presbytère, comme en Provence; plus, dans certains lieux, en Dauphiné, par exemple, la vingt-quatrième des pauvres; dans la même ci-devant province et dans les ressorts des anciens parlements de Toulouse et d’Aix, une somme fixée pour ce qu’on appelait clerc et matière. « Les impositions que les dîmes supportaient, ne sont pas à déduire, parce que les acquisitions auxquelles le prix de l’indemnité des dîmes sera employé, supporteront également les impositions. La dîme doit être estimée à raison de sa valeur, sans aucun égard à ce dont cette valeur était diminuée par les impositions ; que ces impositions fussent payables par le propriétaire ou par le fermier; qu’elles fussent plus considérables, moins considérables, ou même nulles, eu égard à la qualité du propriétaire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. juillet 1791.1 Qg [Assemblé nationale.] « Il est plusieurs eus clans lesquels, d’après la nature même de l’espèce d’indemnité qui est due, il n’y a lieu à aucune opération particulière pour. évaluer les déductions. Ainsi, lorsque la dîme a été donnée à titre d’engagement, l’Assemblée nationale ayant décrété que l’indemnité consisterait dans la restitution de la finance de l’engagement, tout autre calcul serait superflu. Il en est de même d’une dtme qui aurait été acquise de l’église, moyeuuant uue reute payable à l’église ; toute l’indemnité consiste, dans l'extinction et la décharge de la rente. « Une troisième observation générale est que, pour estimer la déduction des charges, il faut prendre les choses en l’état où elles étaient au 1er janvier 1790 : la portion congrue des curés, évaluée à 1,200 livres; celle des vicaires, à 700 livres; les paroisses, le nombre des curés, et celui des vicaires, tels qu’ils existaient alors, sans égard aux suppressions qui ont eu, lieu postérieurement. « Après ces observations générales, entrons dans les détails. «aLes dîmes pour lesquelles la nation a accordé une indemnité aux propriétaires qui les perdent en ce moment, sont les dîmes ecclésiastiques acquises à titre onéreux pour l’acquéreur, profitables pour l’église; et les dîmes inféodées Les dîmes ecclésiastiques qui, dans des temps modernes, sont entrées dans les mains de laïcs, y sont arrivées ou par l’effet dé l’option congrue, que le curé n’a pu faire abandonner les dîmes dont il jouissait, ou par l’effet d’acquisitions. « Si la dîme est entrée dans !% main d’un laïc par l’effet de l’option de la portion congrue, le propriétaire actuel n’a aucune indemnité à réclamer. La dîme ne lui avait été abandonnée que sous la condition, de payer la portion congrue. Cette charge n’existe plu&„ et par conséquent il n’y a rien à, prétendre pour en être indemnisé. « Au cas dncquisition de la dîme, il faut se faire représenter les actes de l’acquisition pour vérifier les deux conditions que le décret de l’Assemblée exige : savoir, que l’acquisition a été à titre onéreux, et que les engagements pris par l’acquéreur ont tourné au profit de fégjfise. Cette seconde condition portera à feire, dans oe cas particulier, une grande attention au prix dol’ac-quisition : parce que, quelle que soit aujourd’hui la valeur de la dîme, les sommes, stipulées payables lors de l’acquisition, ou de toute autre convention faite à cette époque, peuvent seules donner la mesure de l’utilité que l’église a retirée de l’aliénation de la dîme. « Riais ce n’est pas. encore le moment de déterminer les actes qui doivent servir au règlement de l'indemnité ; il s’agit des, charges, qui peuvent influer sur l'estimation, de la dîme, et d’abord des chargea générales; savoir : la portion congrue,, tant du curé que, du vicaire ; les réparations du chœur et du cancel ; la fourniture des ornements, linges, livres,, vases sacrés; cette dernière charge seulement à défaut de revenus suffisants de la fabrique. L assujettissement à ces charges n’est pas ici subsidiaire,, comme il: t’est„ en général, à l’égard des dîmes inféodées; c’est un assujettissement direct, propre à toutes les dîmes ecclésiastiques. Des dîmes de cette nature, aliénées récemment par Féglise, et que les laïcs ne possèdent pas à titre de fief, conservant toujours leur qualité de dîmes ecclésiastiques, demeurent assujetties à toutes les charges des dîmes sur la même ligne que les dîmes ecclésiastiques. « Il faut néanmoins distinguer le cas où la dîme ecclésiastique, dont on estime la valeur, se trouve actuellement même affectée à des charges� du cas où, A raison des circonstances, la contribution aux chargea légales n’est pas actuelle, mais possible. Il arrivait, par exemple, souvent, que la cure était tellement dotée, soit en fonds, soit eu dîmes, soit eu rentes, que le curé ne pouvait pas être dans le cas de solliciter la portion congrue. A l’égard des réparations mêmes, il n’était pas sans exemple que l’église, étant à la charge d’un chapitre qui y était établi, ou ayant une fabrique riche, les décimateurs fussent à l’abri de demande» A cet égard ; à plus forte raison, qu’ils fussent à l’abri de tout© demande pour les ornements, livres et vases sacrés. On doit examiner ces différentes circonstances. On ne saurait perdre de vue que les dîmes ecclésiastiques sont essentiellement assujetties aux réparations, proportions congrues, etc., mais, en même temps, la justice exige que, dans Dévaluation d'une charge, on distingue’celle.qui estactuelle de celle qui n’est que possible : et lorsqu’on est contraint d’entrer dans l’évaluation du possible, il devient indispensable de calculer les degrés plus ou menus nombreux de possibilité. On proposera quelques règles A cet égard, eu parlant de Dévaluation des charges des dîmes inféodées. Le résultat de ce qui sera dit alors, appliqué à l’espèce présente, est qu’il faut réduire au vingtième de Dévaluation de» charges, l’estimation de celles que tes dîmes ecclésiastiques, possédées par des laïcs, ue supportaient pas actuellement, mais qu’elles; pouvaient supporter uu jour. « U est un autre cas relatif aux dîmes ecclésiastiques que des laïcs out acquises aux conduit®» portées paF la loi pouF obtenir une indemnité. L’acquéreur peut être convenu, soit au moyen d’une augmentation de prix, soit au moyen de tout autre avantage qa'il a fait à D église, que sa dîme serait exempte des charges ordinaire»'. Dette stipakabon privé© n’anéantit pas Vobügatkwa aux charges, parce que ées conventions particulières me détruisent pas le droit public; et il est certain que, nonobstant une telle stipulation, la charge de» réparations et autres semblables aurait été réalisée dur le» dîmes si , les circonstances en eussent amené la nécessité. La stipulation n’a doue d’autre effet que de reculer le moment où la charge g© réalisera. D’est dans Dordre des degrés «Se possibilité de l'assujettissement qu’il faut placer le résultat de ces conventions ; l’assujettissementétaitto «jours réel, mais le moment où if devait s'effectuer était éloigné par tes conventions qui autorisaient le détenteur de la dîme A exiger que telles ou telles valeurs fussent discutées et-épuisées avant de l’assujettir A une dette personnelle. On pourrait réduire alors �estimation des charges, du vingtième de leur valeur au quarantième-. « Passons aux charges dent Dappréciation doit diminuer la valeur des dîmes inféodées, en considérant ces charge» dans le droit qu’on appelle commun parce qu’il régit î» plus grande partie de l’Empire. « Le droit commun assujettit te» dîmes inféo�- dées aux charge» que te» dîme» ecclésiastiques | supportent, mate subsidiairement seutefûeRt?, c’est-à-dire après que les Feveaus eeeiésiasîiques, qui peuvent former 1» dotation propre de la cure, et le produit de* te dîme ecclésiastique sont épuisés. L’incertitude' que 1e» recherches dé» historiens et les systèmes opposés dés jurisconsultes ont laissée sur la nature et l’origine des dîmes inféodées, a porté A ttn, parti mitoyen entre [Assemblée nationale.] AftCHIVEp PAHEEMEI�X Al ÙES. [3Q jvùfiet 1791, J 63 l’exemption des charges de la dîme ecclésiastique et l’assujettissement à ces charges. On n’en a pas affranchi les dîmes inféodées, mais on a voulu qu’elles n’y fussent sujettes qu’après l’épuisement des dîmes ecclésiastiques : elles sont en seconde ligne seulement pour subvenir aux réparations, portions congrues, etc. « Il n’est pas rare de trouver des paroisses où l’insuffisance des dîmes ecclésiastiques avait forcé les décimateurs inféodés à contribuer actuellement aux portions congrues, etc. Cette charge n’aurait pas tardé à se réaliser sur un grand nombre de décimateurs inféodés, si la portion congrue des curés ayant été fixée à 1,200 livres, et celle des vicaires à 700 livres, l’une et l’autre fussent demeurées à la charge des, décimateurs. « Mais il reste d’autres paroisses aussi, dans lesquelles la charge des portions congrues, etc., ne devait être considérée comme susceptible de tomber sur les décimateurs inféodés que dans un avenir plus ou moins éloigné. « Séparons d’abord de tous les autres cas, celui où le décimateur inféodé supportait dès à présent la charge de la portion congrue et autres du même genre. Ce cas est susceptible de peu de difficulté : il est facile d’estimer des charges qui existent actuellement et de fait. On remarquera seulement, que d’après le décret du 23 octobre 1790 (titre Y, art. 10), la portion congruedo.it être calculée, non pas sur l’ancien pied, mais sur celui de 1,200 livres, pour les curés; de 700 livres, pour les vicaires : de manière qu’il serait fort possible qu'un décimateur inféodé, qui n’aurait rien payé sur la portion congrue en 1789, lût regardé néanmoins comme y étant assujetti aujourd’hui de fait, parce que les revenus de la cure et les dîmes ecclésiastiques n’auraient pas pu fournir 1,200 livres au curé, et 700 livres à chacun des vicaires. Le cas qui est réellement difficile, est çelui où le décimateur inféodé n’était encore assujetti de fait à aucune charge, mais où il était seulement possible qu’il y fût assujetti ; et la difficulté vient des divers degrés de possibilité qu’il faut calculer alors. « La charge de la portion congrue est celle qui dépend d’un moindre nombre de circonstances. On, conçoit qu’en supposant, dans une paroisse, un curé et un vicaire dont les portions congrues réunies montent à 1,900 livres, la contribution du décimateur inféodé devient possible dès que le revenu de la cure et le produit des dîmes ecclésiastiques n’excèdent pas 1,900 livres; mais cotte possibilité s’éloigne d’autant plus que le produit des dîmes ecclésiastiques excède davantage la somme de 1,900 livres. 11 ne faut pas beau-coup de réflexion pour sentir que, dans une paroisse où il y en a curé et un vieaire, 1,900 livres de portions congrues à payer ; où la dîme ecclésiastique était du produit de 6,000 livres, et où il existait un trait de dîme inféodée du, revenu de 300 livres : il était infiniment moins vraisemblable que le décimateur inféodé fût sujet à une contribution pour la portion congrue, que cela n’était vraisemblable dans une paroisse où les dîmes ecclésiastiques auraient été seulement de 2,000 livres de valeur, et où la dîme inféodée aurait été du produit de 3,000 livres. « Le calcul des possibilités relativement, à la charge des réparations, est beaucoup plus compliqué. Son premier élément est l’examen du produit de la dîme ecclésiastique, ou plutôt de ce qui en reste après les portions congrues acquittées. Uq second élément est l’état de l’église paroissiale. Suivant que le chœur de l’église était d’une construction nlue ou moins riche, plus ou moins solide, la charge du décimateur inféodé devait être plus ou moins considérable, plus ou moins prochaine, Mais il faut faire entrer ici l’examen d’une autre question extrêmement délicate, savoir comment on devait entendre la disposition des lois qui n’assujettissaient les dîmes inféodées aux réparations des églises qu’après l’épuisement des dîmes ecclésiastiques, On convenait, assez généralement, que la condition dé l’épuisement n’était pas remplie par le seul fait <|e l’absorption du revenu d’une année ; mais les jurisconsultes étaient divisés sur la manière dont on devait procéder pour opérer l’épuisement de la dîme ecclésiastique; et il n’existait ni loi, ni règlement, ni même d’arrêt bien positif qui pût radier leurs sentiments. « La charge de la fourniture des ornements et vases sacrés dépend aussi de plusieurs éléments : 1° ce qui reste de la dîme ecclésiastique, après l’acquit des charges annuelles; 2° le plus ou le moins de revenus de la fabrique, parce que ce n’est que l’épuisement de ces revenus qui ouvre l'obligation des décimateurs; 3° l’état des ornements. « Le premier résultat de ces réflexions doit être de déterminer les experts qui procéderont à l’évaluation des dîmes, à ne pas fixer leur attention seulement sur le produit de la dîme inféodée qu’ils voudront évaluer, mais à l’étendre sur tous les objets de comparaison qui doivent servir à régler l'évaluation. Il faudra qu’ils connaissent les divers objets dont oa vient de parler, valeur de la dîme ecclésiastique, état des bâtiments, valeur des revenus de la fabrique. Il faudra que tous çes détails soient consignés dans leur procès-verbal, afin qu’on puisse juger ce qu’ils ont fait, et rectifier leur marche s’il était nécessaire, « Supposant donc, les faits établis d’une manière claire et positive, il reste maintenant à déterminer ce que l’on retranchera du produit annuel de la dîme inféodée pour les charges : non pas pour celles qu’elle supporte actuellement, l’évaluation de çes premières charges n’est pas sujette à difficulté, mais pour les charges dont la dîme inféodée est susceptible. L’Assemblée nationale n’ayant encore rien prononcé à cet égard, il faut chercher ce qui semblera le plus convenable. « Appliquons-nous d’abord à ce qui regarde la portion congrue, et considérons les deux extrêmes : c’est-à-dire le cas où les dîmes ecclésiastiques étant épuisées par les portions congrues, la dîme inféodée était sujette à être entamée au premier changement que le revenu de la dîme ecclésiastique ou la fixation de la portion congrue auraient éprouvé ; et le cas où le revenu des dîmes ecclésiastiques étaittelque la possibilité d’une contribution, à la charge delà, dîme inféodée, était le moins vraisemblable. Dans le premier cas, on pourrait évaluer la diminution que le revenu de la dîme inféodée devrait subir, à un vingtième du montant de la charge, parce que, dans le cas proposé? il y a lieu de croire que la dîme inféodée pourrait supporter, dans l’espace de vingt ans, une fois la charge des portions congrues. Supposant donc toujours ces portions congrues à 1,900 livres, on déduirait, sur le revenu de Jadîrne inféodée, 95 livres. Cette réduction du, vingtième serait la plus forte possible. «. La déduction la plus faible, celle qui aurait lieu dans le cas le moins apparent de la possi- 64 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791.] bilité d’une contribution, serait du centième, parce que, dès qu’une chose est possible, quelque rare qu’elle soit, on peut raisonnablement supposer qu’elle se réalisera dans l’espace d’un siècle. Ainsi, en conservant l’hypothèse proposée, la déduction sur le revenu de la dîme serait de 19 livres. « Si l’on demande ensuite quand on doit être supposé arrivé au point où la contribution est la moins vraisemblable possible, nous répondrons que la coniribution la plus vraisemblable, celle qui a lieu quand les dîmes ecclésiastiques sont déjà épuisées, étant évaluée à une année de vingt, le cas le plus éloigné d’une contribution possible doit être lorsque ce qui reste de la dîme ecclésiastique, après les portions congrues acquittées, excède vingt fois la dîme inféodée. « En admettant ces deux extrêmes, celui où la dîme ecclésiastique est zéro, et celui où elle est de vingt Ms la valeur de la dîme inféodte ; en prenant pour base de déduction le vingtième dans le premier cas, le centième dans le second, il est aisé d’établir une échelle de proportion pour la déduction, graduée sur la valeur comparée de la dîme ecclésiastique et de la dîme inféodée. Par exemple, si la dîme ecclésiastique vaut dix fois la dîme inféodée, la déduction sera d’un cinquantième. « Mais voici une autre observation importante. La déduction à faire sur les dîmes inféodées, à cause de l’insuftisance possible des dîmes ecclésiastiques, doit se régler sur la valeur comparée des dîmes ecclésiastiques aux dîmes inféodées de la paroisse. Conséquemment, il ne faut pas déduire, sur chaque trait de dîme iuféodée, le total de la partie qu’on jugera être à retrancher ; celte déduction doit porter sur le total des dîmes inféodées de la paroisse, et chaque décimateur particulier ne doit supporter que sa portion personnelle de la déduction. Y a-t-il 50 livres à déduire, et la dîme inféodée est-elle divisée entre trois propriétaires, dans la proportion d’une moitié et de deux quarts? Lepiemier propriétaire supportera une déduction de 25 livres ; chacun des deux autres, une déduction de 12 1. 10 s. « Tout ce qui vient d’être dit, est relatif à la déduction pour la portion congrue. Dans celle qui aura lieu pour les réparations, on doit faire entrer la nécessité de l’épuisement du fonds de la dîme ecclésiastique ; et la manière la plus convenable de le calculer, est d’estimer le montant du capital à épuiser au denier 20 du produit. Cette évaluation doit diminuer, dans la même proportion, la déduction à subir par la dîme inféodée. La déduction, réduite sur ce pied, sera d’un vingtième au lieu d’un entier, d’un sol au lieu d'une livre ; ainsi, la déduction pour la portion congrue étant de 50 livres, on y ajouterait le sou pour livre, ou 2 1. 10 s. de déduction pour les réparations. « A l’égard des déductions à faire pour la charge des ornements, il n’y a, ce semble, d’autre observation à faire que celle-ci. Les reveuus de la fabrique doivent êtie employés, aussi bien que ceux de la dîme ecclésiastique, avant que le décimateur ioféudé contribue à la fuurniture des ornements. Il faut donc cumuler ces deux revenus, et les comparer ensemble au revenu de la dime iuféodée, pour régler la déduction que cette dîme éprouvera, en opérant sur les mêmes bases qui ont été admises pour la contribution à la portion congrue. « Nous avons dit qu’il était à propos de constater, relativement aux réparations qui peuvent tomber à la charge des dîmes inféodées, l’état plus ou moins ruineux, plus ou moins dispendieux des églises paroissiales, qu’il était également à propos de constater l’état des ornements. Il pourrait se trouver des cas où l’état de ces objets forcerait à une déduction plus forte sur le revenu des dîmes inféodées ; mais, dans les cas ordinaires et peu marqués, cet état ne doit pas influer sur l’estimation ; autrement il n’existerait plus de régie générale et chaque estimation particulière devenant susceptible de contradiction dans une multitude de détails, formerait un procès à juger. « Les déductions étant une fois établies d’après les règles qui viennent d’être posées, on prendra ce qui restera net pour former la base du capital, soit au denier 25, soit au denier 20, selon les dilférentes hypothèses établies par les décrets de l’Assemblée. « Nous ne sommes pas sortis, jusqu’à présent, de ce qui appartient au droit commun : en passant du droit commuu au droit particulier des ci-devant provinces, il y a peu d'observations à faire sur le résultat de ce droit particulier. En Flandre et en Artois, les dîmes inféodées sont sujettes aux charges décimales, concurremment avec les dîmes ecclésiastiques. Il s’ensuit qu’il faut opérer, sur leur revenu, la même déduction que sur les dîmes ecclésiastiques, et non pas seulement celle qui a lieu sur les dîmes inféodées. Dans la Flandre maritime, les décimateurs ecclésiastiques ne sont pas seulement chargés du chœur de l’église paroissiale, ils sont chargés de touie l’église (1). C’est une somme plus forte à prendre pour base de la déduction qui doit être évaluée, ainsi que la déduction pour la portion congrue, comme résultat d’une obligation actuelle et non pas seulement comme résultat d’une obligation subsidiaire. « Ces observations suffisent, par les inductions qu’on peut en tirer, pour tous les cas où il existerait, soit lois, soit usages particuliers. 11 est facile d’opérer la réduction pour la vingt-quatrième des pauvres, pour la charge du clerc et matière, pour les presbytères : ce sont autant de sommes à ajouter, soit à la charge annuelle de la portion congrue, soit à la charge casuelle des réparations. Une dernière remarque particulière est relative au cas qui se rencontre dans quelques lieux, où par le résultat, soit des titres, soit d’un usage ancien, quelques dîmes, quoiqu’on les regarde comme inféodées, se trouvent chargées de la portion congrue, des réparations, etc. en première ligne et comme des dîmes ecclésiastiques pourraient l’être, les autres dîmes inféodées du même canton ne supportant les mêmes charges que subsidiairement. Il faut, en ce cas, se conformer aux titres et à l’usage établi ; faire sur les dîmes inféodées qui sont sujettes aux charges en première ligne, et non subsidiairement les mêmes déductions qu’on ferait sur les dîmes ecclésiastiques. « Il ne s’agit plus maintenant que de voir d’après quels titres ou quelles opérations on doit évaluer la masse du revenu des dîmes, masse qui donne le revenu net, hase de l’indemnité, lorsqu’on a fait la déduction des charges qui viennent de nous occuper. (1) Lettres patentes du 13 avril 1773 et 7 septembre 1784. [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juillet 1791 .] Art. 4. Titres et opérations qui doivent servir à estimer le revenu des dîmes à la suppression desquelles l'Assemblée nationale a accordé une indemnité. « II y a un moyen sûr de conoaître le produit d’une dîme ; c’est de savoir : 1° sur quelle étendue de terre elle se perçoit ; 2° quel est le genre de fruits que cette terre donne ; 3° à quelle quotité la dîme se lève ; 4° quels sont les frais à faire pour recevoir la dîme, engranger les grains, et, en un mot, pour réduire la dîme, soit en argent, soit en toute autre valeur commerciale. « Les connaissances dont on vient de parler s’acquièrent par la remise d’éiats relatifs à la perception, et par des visites d’experts. L’Assemblée a ordonné ces opérations par ses décrets du 23 octobre 1790 et du 5 mars 1791 ; mais, en même temps, elle a considéré qu’elles étaient longues et coûteuses; et pensant qu’oo pouvait y suppléer par des baux, quand ils ne seraient pas suspects, elle a voulu (décret du 23 octobre, tit. V, art. 5), que l’évaluation fût faite d’après les baux, lorsqu’on serait en état d’en rapporter un ou plusieurs, qui réuniraient les trois conditions suivantes : être actuellement subsistants, en 1790; avoir une date certaine, antérieure au 4 août 1789 ; remonter à 15 années au delà de l’époque du 4 août 1789. Les estimations ou les baux sont les seuls actes d’après lesquels on puisse estimer en masse les revenus des dîmes à la suppression desquelles l’Assemblée nationale a accordé une indemnité. Si les décrets ordonnent la production des titres d’acquisition et de propriété, ce n’est que pour renseigner la consistance de la dîme dont on demande l’indemnité. On serait souvent injuste ou envers l’Etat ou envers les déeimateurs, si l’on prenait pour base de leur liquidation, les actes d’acquisition de la dîme. Lorsque l’acte d’acquisition serait ancien, ou que l’acquéreur aurait, par une circonstance quelconque, fait un bon marché, le propriétaire dépossédé ne trouverait pas, dans le dédommagement réglé sur le pied de cet acte, la juste indemnité de ce qu’il perd. Dans le cas, au contraire, où l’acquéreur aurait acheté trop cher, l’indemnité fixée sur le prix de l’acquisition lui donnerait plus qu’il n’avait réellement. Le décret du 5 mars 1791 , article 3, a autorisé les possesseurs des dîmes inféodées à produire, à défaut de baux ayant les conditions requises par les décrets, des contrats d’acquisition postérieurs à l’année 1785, et antérieurs au 4 août 1789 ; mais cette disposition n’est applicable qu’au cas de la demande d’une reconnaissance provisoire. Le temps nécessaire pour procéder à une estimation, à défaut de baux, aurait rendu à peu près inutile aux propriétaires l’avantage que 1 Assemblée a voulu leur procurer par les reconnaissances provisoires ; il fallait trouver un expédient pour suppléer aux baux dans ce cas particulier : l’Assemblée a adopté celui de la production d’un contrat d’acquisition. Ou doit se conformer à son décret, et sur la seule vue du contrat d’acquisition, on doit délivrer la moitié du prix en reconnaissance provisoire ; mais on ne doit pas étendre ce décret à un cas pour lequel il n’a point prononcé. Le cas particulier de l’acquisition moderne d’une dîme ecclésiastique, celui d’une dîme prise à titre d’enga lïe Séhie. T. XXIX. gement, font exception aux règles générales; pour le premier cas, selon ce qui a été observé dans l’article second (p. 60) ; pour le second cas, selon ce qui est porté parle décret du 18 janvier 1791. Le décret du 23 octobre 1790, article 6, autorise les propriétaires de dîmes dont les archives et les titres auraient été brûlés ou pillés à l'occasion des troubles survenus depuis 1789, àfaire preuve, soit par actes, soit par témoins, d’une possession de 30 ans, antérieure à l’incendie ou pillage, de l’existence, de la nature et de la quotité de leurs droits de dîmes. On a paru appréhender que cette disposition ne contrariât en quelque point les principes sur la nature des preuves qui doivent établir le droit de lever une dîme inféodée. Le décret n’a rien d’opposé aux principes. Quand les archives sont brûlées, on ne peut plus prouver directement, par les titres qui y étaient conservés, le fait ou de l’inféodation d’une dîme, ou des reconnaissances féodales, ou de la possession centenaire; il fd ut alors avoir recours soit à des titres étrangers, mais énonciatifs, soit à des dépositions de témoins. Ces titres énonciatifs ou ces témoins doivent établir différents faits qui sçmlbien distingués dans le décret. Ils doivent justifier : 1° de l’existence du droit, déposer que telle personne jouissait d’une dîme ; 2° de la nature du droit, déposer que la dîme était connue pour dîme inféodée, levée comme telle; 3° de la quotité et de la possession depuis 30 ans. Une pareille enquête ne saurait porter atteinte aux principes, au contraire elle les confirme; car, si des témoins, par exemple, déposaient qu’ils ont connaissance que, depuis telle époque, un tel jouissait d’une dîme qui passait pour inféodée, mais qu’avant cette époque la dîme appartenait à un corps ecclésiastique et était réputée ecclésiastique, on jugerait que la possession de la dîme, comme inféodée, n’est pas légitime, et on refuserait l’indemnité. Si les témoins, en attestant la possession trentenaire, n’indiquent pas l’époque à laquelle elle a commencé, il résulte de leur déposition la preuve d’une possession immémoriale, c’est-à-dire telle, qu’on ne connaît aucune possession contraire; et cette possession immémoriale doit suppléer à la possession centenaire, dans le cas où les actes qui auraient établi la possession de 100 ans se trouvent détruits par une force majeure. « Quant au surplus des questions qui peuvent se présenter, on doit se conformer aux décrets rendus spécialement pour la liquidation des dîmes inféodées ; aux décrets qui contiennent des règles générales sur les liquidations ; aux lois anciennes que l’Assemblée nationale n’a point abrogées sur les conditions requises pour que les acies dont on prétend induire des conséquences, soient reconnus en forme probante.» (Cette instruction est adoptée.) M. Camus, rapporteur, propose en conséquence le décret suivant: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de l’instruction proposée par le comité central de liquidation, pour la liquidation des dîmes dont elle a ordonné le remboursement, approuve ladite instruction, et décrète qu’elle sera suivie par les corps administratifs et par le directeur général de la liquidation, pour l’évaluation de l’indemnité des dîmes supprimées avec indemnité. L’instruction et le présent décret seront imprimés et adressés à tous les départements. » 5