112 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de constitution, la commission temporaire des arts, des musées considérables comme monuments scientifiques ou littéraires. La troisième section renferme la morale publique, qui se compose de fetes nationales, des monuments élevés aux vertus sociales, et du recueil des actions héroïques. La première de ces sections vous présentera incessamment les mesures supplétives propres à mettre en activité les écoles primaires sur toute la surface de la République. Nous n’avons pas cru qu’il fallût vous demander le rapport d’une loi incomplète, mal rédigée, mais qui renferme des dispositions utiles; les institutions nouvelles renversent presque toujours les ouvrages des institutions qu’elle remplacent; elles ne cherchent pas à faire mieux, il leur suffit de faire autrement. Loin de nous ces misérables calculs de la vanité; elle ne produit que des choses d’éclats; c’est l’amour du bien qui fait les choses utiles. Si vous adoptez les mesures supplémentaires que nous vous proposerons, dans un mois les jeunes citoyens recevront partout les instructions nécessaires pour remplir leurs devoirs envers la patrie, et la liberté sera enfin rassurée sur les destinées de la génération qui s’avance. Les colonnes qui doivent supporter l’édifice de l’instruction publique sont les livres élémentaires : ceux qui doivent servir aux écoles primaires vont être publiés. Il existera donc enfin une éducation fondée uniquement sur des vérités utiles et intelligibles. Quel bon esprit on prépare à celui qui n’adopte jamais que ce qu’il a compris ! L’élève qui suivant son âge, n’aura jamais cru que la vérité, arrivera à la principale époque de la vie avec un jugement inaltérable, et les idées morales devenues pour lui des propositions géométriques, s’enchaîneront dans sa pensée depuis le berceau jusqu’à la tombe. On ne le préservera pas des mouvements tumultuaires des passions, mais on le garantira des excuses qu’elles cherchent; il pourra être entrainé, jamais égaré; et s’il tombe dans des erreurs coupables, ses yeux restés ouverts l’aideront bientôt à s’en tirer lui-même. C’est aux livres élémentaires destinés aux premiers âges de la vie que nous nous attachons d’une manière particulière. Vous ne voulez pas faire des hommes extraordinaires; le génie et l’héroïsme sont les exceptions de la nature, dont elle fait seule l’éducation. Vous aviez donné à votre comité un instrument propre à activer, sous ses ordres et sous ses yeux, les lois de l’instruction publique : cet instrument est brisé. La commission exécutive est démontée par la fuite du traître Payan et l’arrestation du jeune Jullien. Cette commission servit puissa-ment le dernier tyran dans le projet de van-daliser la France. Elle peut rendre de grands services à la liberté si on la compose d’hommes qui unissent à des connaissances d’administration un amour sincère, un zèle éclairé pour les connaissances utiles qui fondent le bonheur des peuples libres. C’est pour remplir ces vues de salut public que votre comité vous propose le projet de décret suivant (60). Sur le rapport d’un membre [Lakanal], au nom du comité d’instruction publique, le décret suivant est rendu. La Convention nationale, ouï le rapport du comité d’instruction publique, décrète ce qui suit : La Convention nationale nomme le citoyen Garat commissaire de la commission de l’instruction publique, et les citoyens Ginguené et Clément adjoints de ladite commission. La Convention nationale décrète l’impression du rapport (61). 38 Un membre [Léonard Bourdon] propose, au nom du comité d'instruction publique, un projet de décret qui est adopté. La Convention nationale décrète : Le dernier jour des Sans-Cullotides sera célébré ainsi qu’il suit : Les citoyens se réuniront dans le jardin du Palais National à huit heures précises du matin, et l'institut national de musique y célébrera les victoires de la République, et les charmes de la fraternité. Le président de la Convention nationale proclamera, en présence du peuple, que toutes les armées de la République n’ont pas cessé de bien mériter de la patrie. On lui présentera pour chacune d’elles un drapeau, sur lequel seront écrits ces mots : à Varmée de ........ la patrie reconnaissante , cinquième jour des Sans-Cullotides, l’an deuxième. Le président attachera à chaque drapeau une couronne de laurier, et le remettra à chaque défenseur de la patrie, blessé, de chacune desdites armées. Le président proclamera ensuite le premier article du décret du 24 brumaire, qui accorde les honneurs du Panthéon à Jean-Paul Marat, Vomi et le représentant du peuple, et le décret du 5 frimaire, qui ordonne que le même jour le corps d’ Honoré Riquetti-Mirabeau en sera retiré. Le peuple et la Convention nationale se rendront au lieu où est déposé le corps de Marat, pour le porter au Panthéon. Un détachement de l’Ecole de Mars et des orphelins de défenseurs de la patrie, assisteront à cette fête. (60) Moniteur, XXI, 743-744. Débats, n° 722, 440-441. J. Mont., n° 143; Mess. Soir, n° 755; M.U., XLIII, 428; J. Perlet, n° 720; Ann. R. F., n° 285; F. de la Républ., n°433. (61) P.-V., XLV, 221-222. C 318, pl. 1285, p. 35. Décret de la main de Lakanal, n° 10 845. J. Mont., n°136; Mess. Soir, n° 755; M.U., XLIII, 428; Gazette Fr., n° 986; Rép., n° 267. SÉANCE DU 26 FRUCTIDOR AN II (12 SEPTEMBRE 1794) -N" 38 113 Aussitôt qu’elle sera terminée, les défenseurs de la patrie, blessés, porteront à chacune des armées le drapeau qui leur aura été confié. Le rapport du comité d’instruction publique et le procès-verbal de cette journée seront imprimés et envoyés à tous les dé-partemens et à toutes les armées. Le comité d’instruction publique est chargé d’ordonner les détails de la fête, et d’en surveiller l’exécution (62). [Rapport fait au nom du comité d’instruction publique, sur la fête de la cinquième sans-culottide par Léonard Bourdon ] (63) Citoyens, Par votre décret du 19 fructidor, vous avez ordonné que le dernier jour de l’année républicaine, cinquième sans-culottide, seroit consacré à une fête nationale dans laquelle les citoyens de chaque commmune se réuniront pour resserrer entre eux les liens de la fraternité et célébrer les victoires de la République. Votre comité d’instruction publique, chargé de vous présenter le plan de cette fête, a cru devoir vous proposer en même temps l’exécution du décret du 24 brumaire, qui accorde les honneurs du Panthéon à Marat, et qui déroge en sa faveur à la loi qui détermine l’époque avant laquelle ces honneurs ne peuvent être décernés; il a pensé que le jour consacré à célébrer les victoires nationales et à resserrer les liens de la fraternité parmi les citoyens, seroit le jour où les mânes de l’Ami du peuple entreraient avec plus de satisfaction dans le temple que vous avez consacré à l’immortalité. Console-toi de ce retard, peuple ami de Marat; le temps qui s’est écoulé depuis le décret, n’a servi qu’à justifier la sagesse qui l’avoit dicté; la mémoire du martyr de la liberté, qui pendant sa vie politique a été en but à tant de haines, à tant de persécutions, qui a essuyé de si violens orages, est restée aussi pure qu’elle l’étoit le jour où une main exécrable le ravit à l’amour des Français. Les complots de ceux qui ne l’aimoient pas, de ceux qui, envieux de sa gloire, sans imiter ses vertus, vou-loient arriver à son immortalité sur les débris de la liberté renversée, ont été découverts : ces ennemis du peuple sont aussi descendus dans la tombe : mais au lieu de recueillir des regrets, leur mémoire est suivie de l’exécration publique. En honorant les mânes de son fidèle ami, le peuple se rappellera les nombreuses victoires que l’énergie de ce grand homme, son amour constant pour les principes sur lesquels (62) P.-V., XLV, 222-223. C 318, pl. 1285, p. 36. Décret n° 10 853 de la main de Léonard Bourdon. Moniteur, XXI, 744; Débats, n° 722, 438-439; J. Mont., n°136 et n° 139; Mess. Soir,. n° 755; M. U., XLIII, 429; Gazette Fr., n° 986; C. Eg., n° 755; Rép., n° 267; Ann. Patr., n° 620; J. Univ., n° 1755; F. de la Républ., n°433; Ann. R. F., n° 284; J. Paris, n° 621. (63) Débats, n° 729, 554-556; J. Mont., n°145; M. U., XLIII, 550-551; J. Perlet, n°720. Orateur P., n° 2. repose la félicité publique, sa haine contre les intrigans et les fripons, le courage avec lequel il a dénoncé et poursuivi tous les aristocrates et les faux patriotes plus dangereux encore, lui ont fait remporter dans l’intérieur; au sentiment de reconoissance qu’il éprouvera pour celui qui a si bien mérité de la patrie, se joindront naturellement ceux qu’il doit ressentir en faveur de nos braves défenseurs, qui déploient la même vigueur contre les ennemis extérieurs de la République : leur énergie a fixé la victoire; nos places, vendues par la trahison, ont été reprises par leur intrépidité; le sol français est libre, et les esclaves des tyrans sont chassés devant eux comme de vils troupeaux. Ainsi seront en même temps célébrées les victoires nationales sur les ennemis du dedans et sur les ennemis du dehors. Fuyez loin de la pompe triomphale qui s’apprête, vous qui cherchez dans la liberté, autre chose que la liberté même; vous qui, pour satisfaire des haines ou des passions particulières, exposez sans cesse les grands intérêts de la patrie, en semant le trouble et la discorde parmi ses plus zélés défenseurs : cette fête est encore la fête de la fraternité. Jetez les yeux sur toute la vie de Marat, vous verrez que, supérieur à l’égoïsme, à l’ambition, aux vils calculs de l’intérêt personnel, il fut l’ami de quiconque servit fidèlement la patrie, et n’eut pour ennemis que ceux qu’il crut ennemis de la liberté. Jetez les yeux sur les généreux soldats de la République; ont-ils jamais tourné leurs armes les mis contre les autres ? Non : fermes à leurs postes, serrant leurs rangs, leurs coups ne se sont jamais dirigés que contre les Autrichiens, les Anglais, et les autres satellites des despotes. Votre comité n’a point perdu de vue que le même décret qui accorde les honneurs immortels à celui qui a servi constamment les intérêts du peuple, à celui qui après avoir vécu dans une honorable médiocrité, est mort dans l’indigence, a prononcé l’exclusion du Panthéon d’un homme qui avoit fait un trafic infâme des grands talens qu’il avoit reçus de la nature, qui avoit flétri, par son immoralité et ses relations honteuses avec une cour perverse, quelques travaux civiques qui avoient illustré les premiers pas de sa carrière politique; les cendres de Mirabeau sortiront du temple de mémoire dans le même instant où celles de Marat y seront reçues. Puisse cet exemple terrible de la justice nationale inspirer une crainte salutaire aux ambitieux, à ces hommes vils, toujours prêts à mettre leur consciense à prix ! puisse-t-il faire sentir aux fonctionnaires publics la nécessité de s’unir étroitement au peuple, et de lui consacrer tous les instans de leur vie ! Cette fête sera simple : la réunion d’un peuple immense la rendra majestueuse : c’est la fête de la fraternité; les citoyens y assisteront sans armes. C’est la fête des victoires de la République; et des drapeaux, témoignages de la reconnois-sance nationale, flotteront dans les airs, entre les mains victorieuses des défenseurs de la pa-