276 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 février 1791. J M. le Président. J’ai reçu des électeurs du dépat temeDt de la Côte-d’Or la lettre suivante : « Monsieur le Président, l’assemblée électorale du département de la Côte-d’Or, convoquée à Dijon, le 13 de ce mois, pour l’élection de l’évêque de ce département, me charge de vous prier d’annoncer à l’Assemblée nationale que cette élection vient d’être consommée, et que M. Voltius, prêtre, professeur d’éloquence du collège de Dijon, a réuni au premier scrutin une très grande majorité de suffrages. En se donnant pour premier pasteur le frère d’un de vos plus estimables collègues, les électeurs se félicitent d’avoir couronné les vertus et les talents. (Applaudissemen ts .) « Signé: Le Président de l’assemblée électorale du département de la Côte-d’Or. » M. le Président. J’ai également reçu des administrateurs du directoire du département de la Côte-d’Or la lettre suivante : « Dijon, le 15 février 1791. « Monsieur le Président, nous avons reçu par le dernier courrier une lettre de M. de Lessart, ministre de l’intérieur, en date du 9 de ce mois, qui nous annonce le passage très prochain de Mesdames, tanies du roi. Nous vous adressons copie de cetie lettre et de la réponse que nous venons de faire au ministre. « Vous ne serez pas sans doute étonnés, Monsieur, de l’inquiétude que les peuples ont conçue sur les motifs qui ont déterminé Mesdames à insister auprès de Sa Majesté pour l’exécution de leur voyage dans un moment où les circonstances semblaient exiger d’elles d’en faire le sacrifice. « Nous avons cru devoir vous prier, Monsieur, de mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale le tableau de ces inquiétudes que nous savons ne pas être bornées à ce département. Peut-être jugera-t-elle de sa prudence de faire intervenir ses sollicitations auprès de Sa Majesté, pour obtenir de Mesdames la remise de leur voyage à un temps où la tranquillité du royaume n’en sera pas troublée. « Signé : Les administrateurs composant le directoire du département de la Côte-d’Or.» Copie de la lettre du ministre de l’intérieur au directoire du département de la Côte-d'Or. Paris, le 9 février 1791. « Messieurs, Mesdames, tantes du roi, ayant formé le projet de faire un voyage en Italie et ayant insisté auprès du roi pour l’exécution de ce projet, Sa Majesté me charge de vous prévenir, uhn de vous mettre à portée de prendre les mesures convenables et de donner les ordres nécessaires pour leur faire trouver toutes facilités dont elles pourront avoir besoin. < Le départ de Mesdames est fixé du 15 au 25 de ce mois ; et elles iront par la route de l’ancienne province de Bourgogne d’où elles se rendront en Italie par le Pont-de-Beauvoisin ou par Genève. « J’ai l’honneur de vous envoyer une liste des personnes de leur suite : « Madame Adélaïde, madame de Narbonne, M. de Narbonne, « 4 valets de chambre ; 4 femmes de chambre; 2 valets de pied. « Madame Victoire, madame de Ghatelux, M. de Chaleiux. « 4 femmes de chambre ; 2 valets de chambre ; 2 valets de pied; 2 médecins et 2 écuyers. * Je suis très parfaitement, etc. « Signé : DE LESSART. » Copie de la réponse du directoire de la Côte-d'Or au ministre de l'intérieur. « Dijon, le 11 février 1791. « Monsieur, nous avons reçu votre lettre en date du 9 de ce mois, par laquelle vous nous annoncez le passage par la route de l’ancienne province de Bourgogne de Mesdames, ta i tes du roi, dont le départ de Paris doit avoir lieu du 15 au 25. « Nous ne devons pas vous dissimuler, Monsieur, que la nouvelle de ce départ qui était, parvenue d’avance dans ce département, avait déjà excité dans les esprits des inquiétudes justifiées par les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons. « Le projet formé par des personnes qui touchent de si près à celle du roi de quitter la France dans un moment où l’Assemblée nationale et le roi ont jugé nécessaire de développer de grands moyens de défense devait donner plus de confiance aux bruits qui menacent la tranquillité du royaume. « Dans cette circonstance, nous n’avons pas cru devoir prendre des mesures extraordinaires dont vous ne nous tracez pas la marche et que nous avons jugées d’ailleurs pouvoir être plus propres à exciter des troubles qu’à les prévenir. Au surplus, nous venons d’adresser copie de la lettre que vous nous avez fait l’honneur de nous écrire aux directoires des districts de la route que vous nous indiquez, avec recommandation d’en donner connaissance aux municipalités des lieux où le passage de Mesdames est annoncé, afin de les mettre à portée de faire les dispositions que les circonstances leur feraient juger nécessaires dans le cas où le voyage aurait lieu. « Nous sommes, etc ..... « Signé : Les administrateurs composant le directoire du département de la Côte-d’Or. » (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. le Président. J’ai reçu de M. le ministre des finances la lettre suivante, relative à l’adjudication du bail des messageries : « Monsieur le Président, j’ai eu l’honneur de rendre compte à l’Assemblée nationale, le 14 de ce mois, du résultat de la séance tenue le 12 pour l’adjudication à l’enchère du bail des messageries, et à laquelle j’ai été chargé de procéder par le décret du 20 décembre dernier. « Ayant annoncé, à cette séance du 12, qu’en conséquence d’un décret rendu le 10, ceux qui voulaient concourir, devaient avoir, indépendamment du cautionnement de 2 millions en immeubles, UDe somme effective de 3 millions pour sûreté du remboursement comptant des effets d'exploitation, je fus obligé d’accorder un nouveau délai pour donner le temps de réaliser cette somme de 3 millions, et je remis l’adjudication au mercredi 16 de ce mois. Hier étant le jour annoncé et indiqué par les affiches, la séance a été ouverte publiquement. « La compagnie de M. Choiseau et celle de M. Jean-François Lequeux, qui sont les seules [18 février 1791.] 277 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PAE qui se soient présentées, ont offert toutes deux le cautionnement de 2 millions en immeubles, et ont justifié, chacune de leur côté, de la somme de 5 millions, que j’avais demandée dans la séance du 12 pour sûreté de payement comptant des effets appartenant aux fermiers et sous-fermiers. « Toutes ces conditions se trouvant remplies de part et d’autre, il ne restait plus qu’à procéder à la réception des enchères et de suite à l’adjudication définitive. J’ai effectivement annoncé que j’étais prêt de recevoir les enchères : alors un des associés de M. Choiseau, parlant au nom de cette compagnie, a déclaré que la compagnie de J. -F. Lequeux étant la seule en concurrence, et cette compagnie n’étant autre que celle des maîtres de poste coalisés, comme il offrait de le prouver, c’était évidemment éluder le décret du 26 août dernier, et rendre la concurrence illusoire, puisqu’aucune compagnie ne pouvait concourir avec celle des maîtres de poste, sous tel nom qu’elle pût se présenter : en conséquence la compagnie Choiseau a déclaré se retirer, protestant en tant que de besoin contre tout ce qui pourrait être fait, et s’en référant toujours à son dire porté au procès-verbal de la dernière séance. « M. üubut de Longchamp a dit, pour la compagnie de M. Lequeux, qu’il portait ses offres au prix de 300,000 livres, exprimé dans sa soumission réelle imprimée; et il a déclaré qu’attendu la concurrence réelle des enchères insérée dans le procès-verbal du samedi 12, il couvrait de la somme de 100 livres toute enchère qui aurait été régulièrement faite. lia requis l’adjudication définitive sans avoir égard à la prétendue fin de non-recevoir exprimée par la compagnie Choiseau, ni à sa retraite, qui ne pouvait pas exister, attendu qu’elle s’était présentée librement à la concurrence, et que c’était pour faire cesser cette concurrence qu’elle se retirait. « Ces déclarations sont consignées dans le procès-verbal dont j’ai l’honneur d’adresser une expédition à l’Assemblée nationale. « La compagnie Choiseau s’étant retirée, j’ai annoncé que je ne pouvais pas prendre sur moi de prononcer l’adjudication réclamée par la compagnie de M. Lequeux, attendu que l’adjudication exige nécessairement une concurrence, et qu’il n’y a point de concurrence là où il n’y a qu’une seule enchère. (Murmures.) J’ai donc déclaré que je me croyais obligé d’en référer à l’Assemblée nationale, et j’ai observé que les choses restant entières, cette détermination de ma part ne pourrait porter préjudice au droit des parties. •« Dans une pareille position, il n’y a que l’Assemblée nationale qui puisse mettre un terme à l’indécision où cette affaire se trouve malheureusement livrée; et je la supplie de considérer qu’après les vicissitudes qu’a subies cette affaire, et le dernier état où elle a été amenée, il n’est plus en mon pouvoir de faire un choix, ni de rien prononcer. « Maintenant que je viens de rendre compte à l’Assemblée de ce qui concerne les messageries, qu’il me soit permis d’appeler un moment son attention sur la situation actuelle de la direction des postes. Ces deux objets ont tant d’analogie, que je crois devoir en parler en ce moment à l’Assemblée. j « Par son décret du 26 août dernier, elle a mis l’administration des postes sous l’inspection d’un directoire composé de 5 personnes qui ne doivent pas être intéressées dans le produit; elle a or-EMEl donné en même temps la réforme du tarif de 1759, et qu’il serait pourvu aux nouveaux établissements que la division actuelle du royaume et le besoin du commerce sollicitent; enfin aux améliorations et économies possibles, pour le tout être soumis cette année à l’examen du Corps législatif, et avoir lieu à compter du 1er janvier 1792. « Je ne puis m’empêcher de représenter à l’Assemblée nationale qu’il me paraît impossibleque les 5 personnes suffisent à ces objets, malgré le zèle dont je les crois capables; jedoisencore repré-senier à l’Assemblée, comme un inconvénient préjudiciable au revenu des postes, le défaut d’intérêt des administrateurs dans le produit. Je suis obligé de le dire : telle confiance que l’on donne à ceux qui sont chargés d’une perception quelconque, le réveil de l’intérêt peut seul faire résister aux sollicitations, aux abus. Le revenu des postes, qui sera désormais un des impôts indirects le plus précieux, demande plus qu’aucun autre une administration intéressée. « Si l’Assemblée est comme moi frappée de ces considérations, si elle juge en conséquence à propos de se faire rendre compte de la situation de radministrationdespostes,je m’empresserai de communiquer au comité qu’elle en chargera tous les renseignements et les observations propres à éclairer sa décision, sinon elle peut être persuadée que je ferai tous mes efforts pour seconder cette administration, et que je donnerai tous mes soins ausuccès des opérations dontje suis chargé; mais je veux remplir une obligation indispensable en avertissant l’Assemblée des secours et des besoins que les grands changements qu’elle a ordonnés dans toutes les parties du service des postes sollicitent; et je me verrais avec regret obligé de lui soumettre les embarras et les obstacles contre lesquels l’administration actuelle se trouverait dans l’impossibilité de réunir assez de moyens. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc. « Signé : DE LessàrT. » M. le Président. Voici maintenant la pétition du sieur Lequeux à l’Assemblée nationale : « Messieurs, depuis trois mois, la ferme des messageries occupe l’Assemblée nationale au sujet de l’adjudication du bail ; les décrets ont été éludés. Enfin, dans la dernière séance, les deux compagnies soumissionnaires, la compagnie Choiseau et la mienne étant en règle, rien ne pouvait empêcher de procéder à l’enchère. « Une multitude de gens apostés, des financiers, des sous-financiers, prétendant être les organes de l’opinion publique, firent cependant retarder l’adjudication. La compagnie Choiseau, sentant son infériorité, se retire en déclarant qu’elle ne peut concourir avec moi, à cause de ma trop grande richesse. Effectivement, Messieurs, mon cautionnement est bien supérieur; j’ai déposé 2,800,000 livres en immeubles, au lieu de 2 millions qui étaient demandés, indépendamment de la somme de 3 millions que j’ai déposée en écus pour la sûreté des effets des sous-fermiers. C’est bien là ce que vous désiriez: sûreté de service et solidité ; mais là n’est pas le mot de l’énigme. « Les financiers, abusant du mot enchère , disent : pour une enchère, il faut une concurrence, donc il faut deux compagnies ; nous nous retirons, il n’en reste plus qu’une; donc il n’y a plus d’enchère ; donc le pouvoir exécutif ne peut