SÉANCE DU 5e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (DIMANCHE 21 SEPTEMBRE 1794) - N° 3 327 invitent les membres du comité de Salut public à en prendre communication pour tâcher de découvrir à quoi tient et de qui part cette infâme trame. Ils ajoutent que la garnison de Marseille est très foible.; que le représentant du peuple Jeanbon Saint-André leur a envoyé neuf cents hommes ; qu’ils ont écrit au général de l’armée d’Italie pour leur envoyer les troupes nécessaires. Ils ajoutent encore que le citoyen Voulland, commandant temporaire de Marseille, leur avoit demandé la permission de se retirer, vu son grand âge et ses infirmités, avec invitation de le remplacer provisoirement ; qu’ils en ont écrit au général de l’armée d’Italie pour pourvoir à ce remplacement ; qu’ils ont provisoirement nommé à cette place le citoyen Martin, commandant du fort du Bouc ; qu’hier le citoyen Voulland est venu leur dire que la société populaire l’invitoit à rester dans sa place, et a demandé la suspension de sa démission. Les représentans observent que cette conduite tient au fil des massacres qu’ils dénoncent au comité de Sûreté générale. Enfin, ils disent qu’à l’instant ils apprennent que des malveillans vont au-devant des troupes qui arrivent du Port-de-la-Montagne [ci-devant Toulon], pour leur insinuer que ce sont seulement les aristocrates qui les font venir à Marseille pour les faire servir à l’oppression des patriotes (13). [Les représentants du peuple Auguis et Serres, envoyés dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et de l’Ardèche, au comité de Salut public, Marseille le 27 fructidor an m d4) Nous vous avons marqué par notre dernière que nous vous ferions part de ce qui s’est passé, ainsi que des mesures que nous avons pris conjointement avec notre collègue Jeanbon Saint-André; d’abord pour appaiser les troublés d’Aix, nous avons provisoirement rendu les arrêtés dont nous vous envoyons copie : nous trouvons beaucoup de difficultés dans leur exécution ; et nous ne vous tairons pas que l’esprit de parti est si fortement exprimé, qu’il faudra des mesures vigoureuses pour le faire taire : nous allons nous occuper de nouveaux moyens, et nous vous en ferons part. Marseille est toujours agité ; il ne vous sera pas difficile de vous convaincre qu’il y avoit des meneurs secrets, et un plan combiné de massacrer tous les détenus, et d’avilir la Convention nationale : vous en trouverés la preuve par la copie des lettres que vous trouverés ci-jointe. Nous avons fait arrêter l’auteur (13) P.-V., XLV, 360-361. (14) C 318, pl. 1290, p. 19. Débats, n° 730 bis, 585-587; Moniteur, XXII, 32-33 ; Ann. Patr., n° 630 ; J. Fr., n° 727 ; J. Mont., n° 146 ; C. Eg., n° 765 ; J. Paris, n° 2 ; M. U., XLIV, 8 ; Gazette Fr., n° 995 ; J. Perlet, n° 729. et le faisons conduire aujourd’hui sous sure et bonne garde au comité de Sûreté générale. Nous invitons nos collègues de vous communiquer la lettre que nous leur écrivons, pour qu’ensemble vous tachiez de découvrir à quoi tient et de qui part cette infâme trame ; nous vous ferons passer de notre côté, tous les ren-seignemens que nous pourrons recueillir. La garnison d’ici est très foible, en ce qu’il y a plusieurs malades. Les avertissemens que nous avons eû des mouvemens qui dévoient avoir lieu, nous ont fait prendre des précautions. Notre collègue Jeanbon Saint-André nous a envoyé neuf cents hommes ; nous avons écrit au général de l’armée d’Italie de se conformer à votre arrêté, pour envoyer les troupes que vous avez jugées nécessaires dans les départemens des Bouches-du-Rhône et du Var. Le citoyen Voulland, commandant temporaire de la commune de Marseille, nous a demandé par écrit, à notre arrivée ici, la permission de se retirer, vu son grand âge, ses infirmités, sa surdité et son défaut de mémoire, et nous a invité à le remplacer provisoirement ; ce que nous avons fait en prévenant le général de l’armée d’Italie, pour qu’il puisse pourvoir à ce remplacement de suite; et de concert avec notre collègue Jean-bon Saint-André, nous avons nommé provisoirement, à la place de commandant temporaire de Marseille, le citoyen Martin, commandant du fort du Bouc. Hier, après avoir reçu notre arrêté, le citoyen Voulland est venu nous dire que la société populaire l’invitoit à ne pas se retirer et à rester dans sa place ; il nous a demandé de suspendre l’effet de nos arrêtés, ce à quoi nous n’avons pas voulu obtempérer. Ce matin, le citoyen Voulland nous a fait parvenir une lettre qui nous a forcés à prendre l’arrêté dont nous vous envoyons copie. Vous verrés, citoyens collègues, que cette conduite tient au fil des massacres que nous dénonçons au comité de Sûreté générale. Dans cet instant, nous apprenons que des malveillans vont au-devant des troupes qui arrivent du Port-la-Montagne, pour leur insinuer que ce sont seulement les aristocrates qui les font venir à Marseille pour les faire servir à l’oppression des patriotes. Comptés sur notre vigilance et notre fermeté à déjouer tous les complots. Salut et Fraternité. Signé Auguis et Serres. b La deuxième pièce est un arrêté du 27 fructidor, des représentans du peuple, qui déclarent que le citoyen Martin commencera l’exercice de ses fonctions dans le jour ; qu’il rendra compte des obstacles qu’il éprouvera dans l’exécution de leur arrêté ; que le citoyen Voulland sera responsable de tous retards à cet égard, et qu’en outre il est destitué de sa place de commandant de Marseille ; qu’il en sor- 328 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tira sous ving-quatre heures en conformité de la loi (15). \. Arrêté des représentants du peuple, Auguis et Serres, envoyés dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Va r et de l’Ardèche, Marseille, le 27 fructidor an II] (16) Sur la demande verbale qui leur a été faite par le citoyen Voulland, général divisionnaire, commandant la place de Marseille, actuellement en état de siège, lors de leur arrivée, le 21 de ce mois, de lui donner la permission de se retirer, attendu son grand âge, ses infirmités reconnues, étant extrêmement sourd et attaqué d’une maladie scorbutique, et d’ailleurs manquant absolument de mémoire; nous lui avons répondu de nous le donner par écrit, ce qu’il a fait le vingt cinq au bas du certificat du service, dont il nous dit avoir présenté un double à la commission de la guerre. Nous avons rendu un arrêté en conséquence, relatif à la pétition du citoyen Voulland, qu’il est venu chercher lui-même, et en avons rendu un autre par lequel nous nommons provisoirement le citoyen Martin, chef de bataillon, commandant temporaire de la place de Marseille ; et enjoignons audit citoyen Voulland de le faire reconnoître le vingt sept par la force armée, et de lui donner tous les renseignements utiles pour le service de la place, ainsi que tous les papiers. Le citoyen Voulland venant de nous marquer, par sa lettre de ce jour que l’ordre que lui a communiqué le citoyen Martin n’est pas précis; et que sur la demande de la société populaire, il resterait à son poste jusqu’à ce qu’il reçut sa retraite, et qu’il ne regardait pas la permission que nous lui avions donnée comme un ordre de départ. Considérant que la conduite du citoyen Voulland annonce, ou l’égarement ou la mauvaise foi ; que dans une place aussi importante que celle de Marseille, qui est actuellement en état de siège, le citoyen Voulland n’est pas en état de continuer le commandement, sans compromettre les grands intérêts de la République : Arrêtons que le citoyen Martin commencera l’exercice de ses fonctions, aujourd’hui à midi ; qu’il nous rendra compte des obstacles qu’il éprouvera dans l’exécution de notre arrêté; que le citoyen Voulland sera responsable de tous retards à cet égard, et pour éviter toute interprétation contraire au bien du service et de la République. Arrêtons, en outre, que le citoyen Voulland est destitué de sa place de commandant de Marseille, qu’il en sortira sous vingt quatre heures, en conformité de la loi. Pour copie conforme à la minute. Signé, Magnin, secrétaire. (15) P.-V., XLV, 361. (16) C 318, pl. 1290, p. 20. Débats, n° 730 bis, 591-592. Ann. Patr., n° 630 ; C. Eg., n° 765 ; J. Fr., n° 727 ; Gazette Fr., n° 2 ; F. de la Républ., n° 2. C La troisième est un acte du 25 fructidor, par lequel le citoyen Voulland déclare que, dès le 24, il avoit demandé sa retraite; qu’il avoit adressé un mémoire à la commission chargée des mouvemens des armées, à cause que sa santé est absolument mauvaise, une surdité, une inflammation scorbutique, et sa mémoire tout-à-fait perdue : il persiste toujours dans les mêmes sentimens (17). [Certificat du citoyen Voulland confirmant sa demande de retraite, présenté aux représentants du peuple dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et de l’Ardèche, Marseille le 25 fructidor an IF] (18) Je certifie que le 24 thermidor, j’ai demandé ma retraite, que j’ai adressé un mémoire à la commission chargée des mouvemens des troupes de terre, à cause que ma santé est absolument mauvaise, une surdité qui augmente toujours, une inflammation scorbutique depuis deux mois et ma mémoire qui est tout à fait perdue, je persiste toujours dans les mêmes sentimens. Marseille 25 fructidor l’an II de la République, une et indivisible, signé le général de division Voulland. Pour copie conforme à la minute, signé Magnin, secrétaire. d La quatrième, une lettre d’envoi du citoyen Voulland, du 25 fructidor, aux représentons du peuple, d’un mémoire contenant l’état de ses services (19). [Alexandre Voulland, général de division, commandant de la place de Marseille aux représentants du peuple Auguis et Serres, Marseille le 25 fructidor an II] (20) Au nom de la République Française, Représentons Je vous ai dit ce matin que je vous enverrais l’état de mes services et le jour que j’ai demandé ma retraite. Faites moi la grâce de prendre connaissance de la conduite que j’ai eue pendant cette révolution pour le serrer dans ce mémoire. Salut et fraternité. Signé Voulland. Pour copie conforme à la minute, signé Magnin, secrétaire. (17) P.-V., XLV, 361. (18) C 318, pl. 1290, p. 21. J. Paris, n° 2. (19) P.-V., XLV, 361-362. (20) C 318, pl. 1290, p. 22.