SÉANCE DU 23 THERMIDOR AN II (10 AOÛT 1794) - N° 95 441 sur la proposition du comité central du gouvernement. 16) La Convention nationale pourra seule rappeler les représentants du peuple envoyés en commission. 17) Le comité central du gouvernement pourra destituer les généraux, les commissaires des commissions exécutives, et autres fonctionnaires publics. Il sera tenu d’en faire le rapport à la Convention nationale dans les 3 jours au plus tard de la destitution. 18) Il sera procédé successivement à la nomination des membres des comités, ainsi qu’à la réélection des commissaires et adjoints de toutes les commissions nationales exécutives, et le comité chargé du gouvernement fera imprimer et distribuer, sous 3 jours, la liste desdits commissaires et adjoints, avec leur désignation, leur qualité, et le tableau des services qu’ils ont rendus à la révolution. BERLIER : Citoyens, la discussion est ouverte sur d’importantes questions; il s’agit du gouvernement de la plus grande République de l’univers. Deux projets vous ont déjà été lus sur ce point : l’un par Cambon, l’autre par Barère, au nom des comités de salut public et de sûreté générale. Celui-ci, au changement près du nom des comités, m’a paru laisser les choses dans l’état où elles étaient. Le premier, au contraire, m’a semblé beaucoup trop restrictif des attributions naturelles et simples d’un gouvernement qui doit être actif pour être bon. L’un et l’autre m’ont paru manquer le but que nous nous proposons tous, et je viens vous soumettre quelques vues, dans lesquelles j’ai entrepris de faire disparaître ces doubles inconvénients. J’ai peu de chose à vous dire ici du projet des deux comités réunis, j’y remarque un vice considérable : c’est que, sans préciser les mesures du gouvernement, il les laisse dans toutes les parties à la discrétion du comité de salut public, et ne rattache les divers comités de la Convention aux commissions exécutives que sous le rapport de la législation, et non sous celui de la surveillance qui embrasse l’exécution, et qui se trouve, dans ce projet, généralement réservée au comité de salut public. Sans doute, j’ai une entière confiance dans les membres qui composent ce comité, mais la garantie qu’offrent les individus ne vaudra jamais celle qui résultera de l’institution même; nous devons donc disséminer le pouvoir, pour qu’il ne puisse devenir funeste, et ne laisser dans les mêmes mains que la portion qui en est nécessaire pour l’activité du gouvernement. Ce principe sans doute est celui qui a dicté le projet de Cambon, mais il me semble en avoir tiré des conséquences trop étendues. J’appellerai comité des opérations militaires et diplomatiques celui qui jusqu’à présent porta le nom de comité de salut public; comme Cambon, je crois que le comité de salut public est la Convention nationale tout entière. Mais priverons-nous, comme il le propose, le comité que je viens de désigner de la surveillance directe et immédiate. 1) de la commission du mouvement des armées de terre; 2) de celle de la marine; 3) de celle des armes et poudres; 4) de celle des approvisionnements, en ce qui concerne les places et les armées; 5) de celle des transports, en ce qui regarde les convois militaires ? Dans le projet de Cambon, cette surveillance immédiate est confiée à 5 comités particuliers, et c’est par leur intermédiaire seulement que le comité de gouvernement en est ensuite saisi comme point central. Vous ne voulez pas, citoyens, faire rétrograder nos succès, et je vous dois ici le développement de quelques inquiétudes que sans doute vous partagerez avec moi. Je n’ai pas besoin de vous dire que les intermédiaires nuisent toujours à l’activité; mais quelques autres difficultés se sont sur ce point offertes à mon esprit. Les 5 comités surveillants immédiats seront-ils toujours en mesure égale ? Vous ne ferez jamais disparaître la main de la nature dans ses distributions diverses; tel comité fera beaucoup, tel autre peu; tel fera bien, tel autre mal; tous cependant prétendront bien faire, et il en résultera plus d’une lutte. Cependant il faut un parfait accord; car les vivres, les armes, etc., doivent suivre les points qu’occupent nos armées. Je ne conçois pas une bonne administration en cette partie, si les premiers fils ne sont pas tenus par les mêmes mains. Eh bien, dans le projet de Cambon, ce sont les comités spéciaux qui ont l’action immédiate sur les commissions exécutives, et son comité central n’est qu’une chambre de conseil où chacun apporte le produit de son travail particulier et ses vues sur le travail à faire. Qu’en doit-il résulter ? Et si l’un seulement de ces comités coopérateurs prend une direction lente ou fautive, qu’arrivera-t-il ? C’est ici, à mon sens, la plus grande difficulté; car si je conçois l’action d’un comité de gouvernement sur des commissions subordonnées, je ne la conçois plus d’un comité sur un autre, sans élever une espèce d’autorité sous laquelle des hommes égaux en caractères ne fléchiront jamais. A quoi donc servira la centralité, si les canaux particuliers qui y aboutissent peuvent s’obstruer ainsi ? Et comment y trouver l’unité si nécessaire dans les circonstances ? Non, jamais il n’y aura ni unité, ni activité sans action immédiate; et des communications intermédiaires, sources perpétuelles d’entraves, ne sauraient la remplacer. A la vérité, et dans les cas urgents, on propose d’autoriser le comité qu’on appelle central à aller en avant, en appelant un ou plusieurs membres du comité spécial que la matière concernera, mais ce palliatif fait mieux encore ressortir la faiblesse du système; car, à tout moment il faudra ou prendre ce parti, ou laisser languir et péricliter les opérations. Et comment encore appliquer cette exception ? Les SÉANCE DU 23 THERMIDOR AN II (10 AOÛT 1794) - N° 95 441 sur la proposition du comité central du gouvernement. 16) La Convention nationale pourra seule rappeler les représentants du peuple envoyés en commission. 17) Le comité central du gouvernement pourra destituer les généraux, les commissaires des commissions exécutives, et autres fonctionnaires publics. Il sera tenu d’en faire le rapport à la Convention nationale dans les 3 jours au plus tard de la destitution. 18) Il sera procédé successivement à la nomination des membres des comités, ainsi qu’à la réélection des commissaires et adjoints de toutes les commissions nationales exécutives, et le comité chargé du gouvernement fera imprimer et distribuer, sous 3 jours, la liste desdits commissaires et adjoints, avec leur désignation, leur qualité, et le tableau des services qu’ils ont rendus à la révolution. BERLIER : Citoyens, la discussion est ouverte sur d’importantes questions; il s’agit du gouvernement de la plus grande République de l’univers. Deux projets vous ont déjà été lus sur ce point : l’un par Cambon, l’autre par Barère, au nom des comités de salut public et de sûreté générale. Celui-ci, au changement près du nom des comités, m’a paru laisser les choses dans l’état où elles étaient. Le premier, au contraire, m’a semblé beaucoup trop restrictif des attributions naturelles et simples d’un gouvernement qui doit être actif pour être bon. L’un et l’autre m’ont paru manquer le but que nous nous proposons tous, et je viens vous soumettre quelques vues, dans lesquelles j’ai entrepris de faire disparaître ces doubles inconvénients. J’ai peu de chose à vous dire ici du projet des deux comités réunis, j’y remarque un vice considérable : c’est que, sans préciser les mesures du gouvernement, il les laisse dans toutes les parties à la discrétion du comité de salut public, et ne rattache les divers comités de la Convention aux commissions exécutives que sous le rapport de la législation, et non sous celui de la surveillance qui embrasse l’exécution, et qui se trouve, dans ce projet, généralement réservée au comité de salut public. Sans doute, j’ai une entière confiance dans les membres qui composent ce comité, mais la garantie qu’offrent les individus ne vaudra jamais celle qui résultera de l’institution même; nous devons donc disséminer le pouvoir, pour qu’il ne puisse devenir funeste, et ne laisser dans les mêmes mains que la portion qui en est nécessaire pour l’activité du gouvernement. Ce principe sans doute est celui qui a dicté le projet de Cambon, mais il me semble en avoir tiré des conséquences trop étendues. J’appellerai comité des opérations militaires et diplomatiques celui qui jusqu’à présent porta le nom de comité de salut public; comme Cambon, je crois que le comité de salut public est la Convention nationale tout entière. Mais priverons-nous, comme il le propose, le comité que je viens de désigner de la surveillance directe et immédiate. 1) de la commission du mouvement des armées de terre; 2) de celle de la marine; 3) de celle des armes et poudres; 4) de celle des approvisionnements, en ce qui concerne les places et les armées; 5) de celle des transports, en ce qui regarde les convois militaires ? Dans le projet de Cambon, cette surveillance immédiate est confiée à 5 comités particuliers, et c’est par leur intermédiaire seulement que le comité de gouvernement en est ensuite saisi comme point central. Vous ne voulez pas, citoyens, faire rétrograder nos succès, et je vous dois ici le développement de quelques inquiétudes que sans doute vous partagerez avec moi. Je n’ai pas besoin de vous dire que les intermédiaires nuisent toujours à l’activité; mais quelques autres difficultés se sont sur ce point offertes à mon esprit. Les 5 comités surveillants immédiats seront-ils toujours en mesure égale ? Vous ne ferez jamais disparaître la main de la nature dans ses distributions diverses; tel comité fera beaucoup, tel autre peu; tel fera bien, tel autre mal; tous cependant prétendront bien faire, et il en résultera plus d’une lutte. Cependant il faut un parfait accord; car les vivres, les armes, etc., doivent suivre les points qu’occupent nos armées. Je ne conçois pas une bonne administration en cette partie, si les premiers fils ne sont pas tenus par les mêmes mains. Eh bien, dans le projet de Cambon, ce sont les comités spéciaux qui ont l’action immédiate sur les commissions exécutives, et son comité central n’est qu’une chambre de conseil où chacun apporte le produit de son travail particulier et ses vues sur le travail à faire. Qu’en doit-il résulter ? Et si l’un seulement de ces comités coopérateurs prend une direction lente ou fautive, qu’arrivera-t-il ? C’est ici, à mon sens, la plus grande difficulté; car si je conçois l’action d’un comité de gouvernement sur des commissions subordonnées, je ne la conçois plus d’un comité sur un autre, sans élever une espèce d’autorité sous laquelle des hommes égaux en caractères ne fléchiront jamais. A quoi donc servira la centralité, si les canaux particuliers qui y aboutissent peuvent s’obstruer ainsi ? Et comment y trouver l’unité si nécessaire dans les circonstances ? Non, jamais il n’y aura ni unité, ni activité sans action immédiate; et des communications intermédiaires, sources perpétuelles d’entraves, ne sauraient la remplacer. A la vérité, et dans les cas urgents, on propose d’autoriser le comité qu’on appelle central à aller en avant, en appelant un ou plusieurs membres du comité spécial que la matière concernera, mais ce palliatif fait mieux encore ressortir la faiblesse du système; car, à tout moment il faudra ou prendre ce parti, ou laisser languir et péricliter les opérations. Et comment encore appliquer cette exception ? Les 442 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE comités spéciaux n’y verront-ils pas souvent expropriation ? Ainsi naîtront journellement des conflits toujours funestes à la chose publique; ainsi, avec ce système compliqué, votre gouvernement, quant à la guerre, perdra et son activité et son ensemble. Cette partie surtout est celle qui doit ici fixer votre attention, et c’est celle-là principalement sur laquelle je suis en dissentiment avec Cam-bon; car je laisse la surveillance directe de toutes les autres parties aux comités qui y correspondent. Et même sur ce point je vais plus loin que lui : j’ai en effet assez de confiance dans chacun des comités pour croire qu’ils peuvent et doivent exercer leurs fonctions sans autre référé qu’à la Convention même, s’ils aperçoivent des abus. Par là je supprime bien des intermédiaires sans nuire à l’unité; car incontestablement la législation ordinaire, l’agriculture, le commerce, l’instruction publique, les travaux et les secours publics, enfin les postes et les messageries, ne se lient pas essentiellement avec la surveillance sur les autres commissions dont je viens de parler. Quant à la surveillance de l’emploi des deniers publics, elle est, dans l’un et l’autre projet, spécialement attribuée au comité des finances. Cette distribution embrasse tout, et j’y vois un gouvernement complet, une surveillance entière, sans recourir à d’autres moyens qui n’offrent qu’une spéculation. Chacun surveillera, réprimera dans sa partie; et qu’arriverait-il de plus par un référé à un autre comité ? Celui qui n’a ni vu, ni connu, ni traité les détails de telle partie de l’administration, peut-il contredire les résultats qui lui sont offerts ? Remarquons bien en effet qu’il ne s’agit ici que de l’exécution des lois en chaque partie, et du matériel de cette exécution, et qu’ainsi le chemin est frayé, et le but atteint sans tant de formalités. Il est vrai que, dans son projet, Cambon propose de soumettre les projets de lois de tous les comités au comité central du gouvernement. Observons d’abord que, sous ce rapport, il ne s’agit pas de ce qui constitue le gouvernement, c’est à dire de l’exécution des lois, mais bien de leur proposition. Néanmoins j’avoue que cette idée est grande au premier aspect, elle tend à mettre de la cohérence dans la législation; mais j’y remarque un inconvénient majeur : c’est qu’un comité de gouvernement doit bien plutôt gouverner qu’il ne doit proposer ou conférer les lois ordinaires. Voulez-vous, par exemple, occuper votre comité de gouvernement de l’examen préalable du code civil, du code forestier, du code de l’instruction publique, et de tant d’autres objets qui n’appartiennent qu’à la seule législation ? Si vous voulez que votre gouvernement soit actif, ne le chargez pas de choses qui ne soient point strictement de sa compétence; ce déplacement atténuerait son action; car ce qu’il embrasserait d’objets inutiles ou étrangers tournerait nécessairement au préjudice de ceux qui entrent dans son attribution naturelle. Croyez enfin que, si vous établissiez un comité central de la conférence des lois, vous devriez le prendre hors du comité du gouvernement; car l’exécution et le système ne doivent pas nécessairement être remis dans les mêmes mains. Voici l’idée que je me suis formée d’une bonne composition des comités. La Convention nationale est leur centre commun; mais ne les accolez entre eux que le moins possible; car il faut éviter les complications et les circuits, si vous voulez, sous le rapport de l’exécution, que l’action soit rapide, et qu’on ne perde pas en longues délibérations un temps utile et précieux. Attribuez-leur à chacun leur véritable lot; qu’il n’y ait plus de colosse effrayant pour la liberté publique; mais que, pour la guerre surtout, l’action ne soit pas tellement disséminée qu’elle devienne nulle et sans force. Je placerais donc sous la surveillance directe du comité des opérations militaires et diplomatiques tout ce qui a trait à la guerre de terre et de mer, aux armes et poudres, aux approvisionnements, aux convois militaires et aux affaires étrangères; ces diverses parties me paraissent essentiellement liées, et appellent une grande activité. Je sais que par là les comités de la guerre et de la marine, si vous les laissiez subsister, se trouveraient restreints à la proposition des lois générales concernant leurs parties, mais cet inconvénient est moindre à mes yeux que l’absence de l’unité dans une partie aussi importante; j’y pourvois d’ailleurs dans mon projet. Pour fonder mon avis, j’ai un guide qui n’est pas trompeur; c’est l’expérience du cœur humain; et en effet, que plusieurs comités concourent médiatement ou immédiatement à la surveillance et à l’exécution des mesures relatives à ces diverses parties, vous les verrez s’imputer les revers et se disputer les succès; ainsi s’évanouira la garantie morale que l’unité présente, et qui est si essentielle dans cette matière. Je ne puis ainsi compromettre la victoire, lorsque d’ailleurs l’expérience milite pour mon opinion, et que, sans flagorner le comité, l’on peut avouer avec justice qu’on lui doit beaucoup pour les services qu’il a rendus en ce genre d’après sa composition actuelle. Sur ce point, et quand nous allons bien, gardons-nous de viser à un mieux chimérique; je crois donc qu’il faut laisser à ce comité les mouvements de la guerre avec tous les accessoires; sans cela, simple auditeur de la besogne des autres, serait-il un comité de gouvernement ? On est d’ailleurs d’accord qu’il doit être chargé de la diplomatie. Sa part se trouvera ainsi réglée, et, malgré son étendue, elle n’aura rien de colossal, lors surtout que les actes législatifs seront ramenés à leur véritable source, et que nul comité ne pourra s’en permettre, car c’est là que se trouverait spécialement le vice de l’institution. La police générale est, dans l’un et l’autre projet, attribuée au comité de sûreté générale; cela est juste et bon; il ne faut pas que, comme SÉANCE DU 23 THERMIDOR AN II (10 AOÛT 1794) - N° 95 443 par le passé, il y ait à ce sujet conflit entre deux comités. Enfin, la surveillance de toutes les autres parties sera aux mains de chaque comité spécial qui y correspondra. Ainsi, et sans que les opérations se croisent, le gouvernement sera divisé entre tous les comités, et il prendra beaucoup d’activité par ce partage naturel, non entravé par des référés inutiles. De cette manière vous éloignez encore l’abus de l’autorité par l’égalité des attributions que vous introduisez dans les diverses parties. Il ne peut d’ailleurs y avoir rien de divergent, lorsque l’exécution comme la surveillance se trouvent circonscrites dans les termes des lois rendues. Il n’y a que les parties nécessairement connexes dont l’action et la surveillance doivent résider dans les mêmes mains; et, selon moi, ce caractère ne se rencontre que dans les parties que je propose d’attribuer au comité des opérations militaires et diplomatiques. Si, dans l’exercice de leur surveillance, les divers comités trouvent des lacunes, ils proposeront directement à la Convention des lois propres à les faire cesser. Ainsi tout marchera, et l’on ne sera pas, pour une multitude de lois, obligé de passer lentement par l’intermédiaire d’un autre comité. Et remarquez, citoyens, que ce serait sans fruit, lorsque ces diverses parties n’ont pas une connexité certaine, une affinité nécessaire. Vous voyez en quoi ces idées diffèrent de celles de Cambon; je crains que ses référés circuitaires n’aient que l’apparence de la centralité, et n’atténuent trop, dans la réalité, un gouvernement auquel il faut une surveillance immédiate et prompte. Cambon donne à son comité principal une espèce d’inspection sur tous les autres; je la lui ôte, comme inutile et illusoire; mais je lui attribue une part un peu plus forte dans l’administration immédiate. Il fait de son gouvernement un comité central de conférence de toutes les lois, et moi j’écarte cette idée comme subversive des justes attributions du gouvernement. Je vous devais, citoyens, ce tribut de mes réflexions; j’ai cru que, quand les fonctions de chaque comité se trouveront bien déterminées, la Convention nationale devait être leur point central, et que tout autre parti ne présenterait que des entraves funestes au gouvernement même. Peut-être me trompé-je, car je sais que le système de Cambon a de nombreux partisans, mais mes craintes n’en existent pas moins. J’aime, en matière de gouvernement, ce qui est simple; je me défie des plans qui n’offrent qu’une belle théorie, et j’en crains l’essai, principalement dans les conjonctures où nous sommes placés. J’ai peine surtout à ne pas considérer comme une abstraction un comité central qui reste sans action fixe contre les comités spéciaux, et qui néanmoins ne peut rien que par eux et avec eux. J’ai conçu l’utilité de diviser les opérations du gouvernement pour affaiblir les usurpations que l’on pourrait tenter; mais je n’ai vu au-delà qu’un système, non seulement de difficile, mais même de dangereuse exécution. En un mot, voici la clef de mon système : Beaucoup de simplicité et d’activité; c’est pour cela que je demande que l’action du gouvernement soit, dans toutes ses parties dégagée de circuits et d’entraves : Division des pouvoirs ; c’est pour cela que je place l’action du gouvernement dans chaque comité pour la partie qu’il embrasse : Unité, enfin; car elle ne serait blessée que là où l’on séparerait ce qui est nécessairement connexe, et je crois avoir obvié à cet inconvénient par le moyen terme que je propose. Telles sont les idées auxquelles la brièveté de l’intervalle ne m’a pas permis de donner un plus grand développement; et cependant cette délibération peut influencer d’une manière sensible sur les destinées de la République. Je crois, citoyens, qu’il serait prudent de renvoyer tous les plans à l’examen d’un comité ou d’une commission. Jamais, peut-être, un tel parti ne convint mieux; mais, à tout événement, je vais vous soumettre le projet que j’ai rédigé sur cette importante matière, et dans lequel j’ai emprunté de Cambon tout ce qui m’a paru bon et sage. Voici le projet de décret : La Convention nationale décrète : Art. 1er. Le comité de salut public prendra le nom de comité des opérations militaires et diplomatiques; il sera composé de douze membres. II. Ce comité aura sous sa surveillance directe : 1) la commission des mouvements des armées de terre; 2) celle de la marine et des colonies; 3) celle des armes et poudres; 4) celle des approvisionnements, pour ce qui concerne le service des armées; 5) celle des transports, en ce qui a trait aux convois militaires; 6) enfin, celle des relations extérieures. III. Le comité des opérations militaires et diplomatiques ne pourra faire ni ordonner aucune disposition de fonds, si ce n’est pour dépenses secrètes, auquel effet la trésorerie nationale lui ouvrira un crédit de 10 millions. Les crédits précédemment ouverts et non employés sont supprimés. IV. Le comité de sûreté générale prendra le nom de comité de police générale de la République; il sera composé de 16 membres. Il décernera, au nombre de 6 membres au moins, les mandats d’amener ou d’arrêt contre les citoyens; il ne le pourra, à l’égard des fonctionnaires publics, qu’en se concertant avec le comité auquel ces fonctionnaires publics appartiendront. V. Il pourra, au même nombre de 6 membres, remettre les personnes arrêtées en liberté, mais il ne pourra les mettre en jugement qu’en vertu d’une délibération prise au nombre de 12 membres au moins, et à la pluralité des voix. VI. Ce comité aura sous sa surveillance immédiate ;