542 [Convention üalionale.j ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. ministration d’un hommage bien précieux rendu à la philosophie et à la raison si longtemps outragées par la superstition et le fanatisme des peuples. Ce membre fait lecture d’une lettre d’un ci-devant ministre du culte catholique (du citoyen Ducos) dans laquelle ce ci-devant prêtre abdique le caractère inintelligible qui lui fut conféré, et que la pieuse crédulité et l’ignorance des hommes faisaient regarder comme exclusi¬ vement sacré. Ce citoyen n’aspire plus qu’au beau titre de républicain français; il prie l’Admi¬ nistration d’oublier qu’il fut prêtre, et il remet sur le bureau ses lettres de prêtrise. Le conseil général, en applaudissant au civisme éclairé du citoyen Ducos, charge son président de lui témoigner la joie qu’éprouvent les amis de la raison lorsqu’ils voient un citoyen se dé¬ pouiller avec franchise d’un caractère dont les principes fondamentaux étaient l’intolérance et l’opposition au progrès de la vérité. Le prési¬ dent donne l’accolade républicaine à ce nouveau frère, et, le procureur général syndic entendu, le conseil général arrête, à l’unanimité, qu’en donnant acte audit citoyen Ducos de la remise de ses lettres de prêtrise, il sera mentionné hono¬ rablement sur son procès-verbal, et qu’expédi-tion en sera envoyée à la Convention nationale avec l’adresse que ce citoyen lui présente. Pour copie : Daribaude, secrétaire général. Ducos, volontaire du Ie1- bataillon de la levée en masse du district de Saint-Sever, département des Landes, à la Convention nationale (1), « Mont-de-Marsan, 28 brumaire, l’an II de la République française, une et indivisible. « Mandataires du peuple français, « Le soin de mon éducation n’ayant pu être confié qu’à des prêtres, parce qu’eux seuls avaient malheureusement le précieux dépôt de l’enseignement public, vous vous persuaderez aisément qu’il n’a pas été difficile à mes institu¬ teurs de me donner du goût pour un état dont mes faibles lumières ne me permettaient pas de dévoiler la nullité. Grâce à vos immortels tra¬ vaux, j’ouvrë enfin les yeux, et les principes francs et républicains dont je fais profession, ne me permettant pas de demeurer plus long¬ temps confondu dans la classe des propagateurs d’un système désolateur et ridicule, je vous adresse tous les titres qui constatent ma pro¬ motion au sacerdoce, auquel je déclare avoir renoncé pour la vie. A bas les préjugés ! Vive la République ! « Ainsi signé : Ducos, soldat de la Bépublique. « Pour copie : « Ducos, soldat de la Bépublique. » t iS tnihhiré àh 11 ( 3 décembre 1793 N° 8. Adresse de la Société républicaine de Mont-de-Marsan, chef -lieu du département des Landes, à la Convention nationale (1). « Citoyens représentants, « Il fut un temps où il ne fallait que croire et obéir; ce régime de l’ignorance a disparu avec la superstition et le fanatisme. Aujourd’hui, la liberté ët l’égalité doivent être notre évangile, les philosophes de la Montagne, nos apôtres, et notre dogme à tous, cette morale universelle qui doit réunir les hommes par un contrat solennel et durable. « Déjà trop ennuyés des mômeries religieuses dont les prêtres entretiennent de grands en¬ fants, nous vous demandons que chacun soit rendu à sa croyance particulière; qu’il n’y ait plus dans la République que des citoyens, des amis et des frères qui s’aiment et qui s’éclairent entre eux sans privilège exclusif pour une classe d’hommes qui n’ont que trop commandé à l’opi¬ nion. « Ne balancez pas, citoyens représentants, à niveler toutes les sectes, et à rendre aux fonc¬ tions de citoyen des hommes qui n’en avaient même pas l’écorce; donnez aux sommes desti¬ nées à salarier Ges mêmes individus une direc¬ tion plus salutaire et plus politique; qu’elles servent à nous faire jouir des bienfaits d’une éducation nationale et vraiment républicaine dont vous avez déjà décrété les bases immuables, ne redoutez pas de prendre une telle mesure; la confiance vous environne, la raison et la phi¬ losophie triomphent aujourd’hui de tout; et vous verriez plutôt reculer le soleil que la vérité dont la lumière électrise tous les esprits. « Chacun s’éveille au nom de la liberté; des préjugés, de longues habitudes nous enchaî¬ naient à l’opinion des prêtres; à présent tout s’émancipe à la raison; tout se régénère au creuset de la Constitution. « Nous vous demandons un décret qui géné¬ ralise tous les cultes en n’en salariant aucun. « Demain nous irons rendre, dans le nouveau temple que nous venons de consacrer à la Liberté, le tribut de louanges et de reconnaissance que nous devons à la nature et à la vérité. « Laffargue, président ; Freibazeille, secrétaire; J. -G. Dubroca. » N° 9. Lettre du conseil général dé la commune de Sainte-Foy (2). Le conseil général de la commune de Sainte-Foy, département du Bec-d? Ambès, à la Convention nationale. « Citoyens représentants, « Vous nous connaissez, nous qui avons ré¬ sisté au fédéralisme colossal de notre départe¬ nt) Archives nationales, carton G 284, dossier 821. (1) Archivés nationales, cartoil C 285, dossier 832. (2) Archives nationales, carton C 283, dossier 810, [Convention nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES, j % Sœmbreivæ 543 ment et l’avons dénoncé aux quatre coins de la République. « Nous vous prévenons que nous envoyons à notre district (celui de Libourne) toutes les croix et les vases d’or et d’argent que renfer¬ maient nos six églises, pour qu’il en fasse des écus. « Nos cloches aussi vont faire des canons qui, servis par des sans -culottes, seront l’effroi et la ruine des tyrans (1). « A Sainte-Foy le 2 frimaire, l’an II de la République une et indivisible. » (Suivent 14 signatures.) N° 10. Lettre de la Société de Burges-les-Bains (2). La Société de Burges-les-Bains , département de V Allier, à la Convention nationale. « Législateurs républicains, « La philosophie et la raison ont enfin triom¬ phé; déjà les signes de royauté et de féodalité avaient disparu, aujourd’hui le fanatisme a expiré, nos saints ont déserté leurs niches pour prendre le chemin de la Monnaie ; les vases d’or et d’argent, les dépouilles inutiles de nos églises (que nous destinons à faire des établissements publics) ainsi que nombre de pièces de monnaie dont l’envoi vous sera fait prennent la même route. « Nos prêtres ont déposé sur le bureau leurs lettres de prêtrise que nous vous envoyons; ils ont. renoncé authentiquement à l’ exercice de toutes leurs fonctions; le peuple de notre can¬ ton, dans les vrais principes de la Révolution, se presse autour de l’autel de la patrie, et les membres de notre comité de surveillance s’em¬ pressent avec nous de lui montrer les avantages que procure la liberté. Brûlant du plus pur patriotisme, nous avons épuré notre Société, et après en avoir rejeté, à votre exemple, ceux mêmes dont le civisme paraissait douteux ou n’était qu’apparent, nous avons pris l’engage¬ ment solennel de maintenir de tout notre pou¬ voir la République française, une et indivisible, ou de mourir en la défendant. Républicains, nous vous félicitons sur tous vos travaux pas¬ sés ; et, en y adhérant de tout notre pouvoir, nous vous engageons à rester, à votre poste jusqu’à la paix. « Salut et fraternité. « Mtjchard, président; Meiget, secrétaire Auriat fils, secrétaire; Becon, secrétaire. « 8 frimaire, l’an II de la République fran¬ çaise une et indivisible. » (1) Applaudissement, d’après le Mercure universel <14 frimaire an II (mardi 4 décembre 1793), p. 222, col. 2]. • (2) Archives nationales , carton C 285, dossier 832. N® II. Lettre du conseil général de la commune de Mantes (1). Le conseil général de la commune de Mantes , aux représentants du peuple. « Commune de Mantes, district dudit heu, département de Seine -et -Oise, duodi frimaire, seconde année répubücaine. « Citoyens représentants, « Nous vous annonçons avec plaisir que nos prêtres commencent à quitter le giron de l’éghsè pour entrer dans celui de la raison. Dix d’entre eux viennent de faire abjuration entre nos mains; une partie nous ont remis leur traite¬ ment et leurs lettres de prêtrise que nous leur avons échangées pour un brevet de patriotisme. Un plus grand nombre de nos environs les ont remis au district. Nous venons d’extraire de nos églises : calices, ciboires, croix d’argent et tous les galons d’or et d’argent qui étaient sur les ornements, montant à 572 marcs, non compris les galons qui ne sont pas encore brûlés, et enfin tout ce qui s’est trouvé en cuivre. Les¬ quels objets ont été déposés au district pour vous être de suite présentés et portés à la Mon¬ naie. « Nos dévotes en ont soupiré, mais pour les distraire, nous les avons employées à faire des chemises et des guêtres pour nos braves volon¬ taires de la réquisition. « La superstition fut de tous les temps la fille de l’erreur et du mensonge; trop longtemps ses ministres ont couvert d’un voile impur la vérité, fille aînée de la nature. C’est du sommet de la sainte Montagne que la République française va recevoir les rayons de la lumière et de la grâce efficace qui portera tous les Français à n’admettre (et cela sans mystère) pour les trois personnes de la Trinité, que la liberté, l’égahté et la vérité. « C’est pour avancer et propager ces principes que nous venons de célébrer une fête civique dont le sujet était la plantation d’ün arbre de la liberté en face de la maison commune, pour remplacer l’ancien qui s’est trouvé cassé par un coup de vent, et l’anéantissement des titres féodaux et lettres de prêtrise qui ont été déposés à la maison commune. « A cette fête, la Société populaire, tous les corps administratifs, les citoyens et citoyennes se sont trouvés, sur l’invitation du conseil géné¬ ral. Toutes les boutiques se sont fermées sans que la municipalité l’ait demandé, et nous pou¬ vons dire que tous les citoyens en général y ont assisté. « Au-dessous de l’arbre de la liberté s’est élevé un feu dans lequel ont été jetés les lettres de prêtrise, les titres féodaux, des tapisseries à fleurs de lys trouvées dans la chambre d’audience et les confessionnaux de notre église. Autour du feu, tous les citoyens et citoyennes et nos prêtres ont dansé la Carmagnole au son d’une musique volontaire composée des citoyens de (1) Archives nationales , carton G 283, dossier 810.