[21 janvier 1791.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. délits ou du moins pour juger les personnes qui, étant décrétées de prise de corps, sont innocentes, sauf à réserver la connaissance défîni'ive de ces sortes d’aff ires et des crimes de )èse-nation au tribuual qui sera établi définitivement. Je demande donc que l’Assemblée veuille bien ordonner au comité de Constitution de lui présenter incessamment, c’est-à-dire mardi, pour tout délai, un plan à cet égard. Un membre : Le délai est trop court. M. d’André. Si ce délai n’est pas suffisant pour le comité de Constitution, je propose de lire mardi un projet que M. Rubaud et moi avons conçu sur la matière. L’A«semblée, consultée, rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que, mardi prochain, le comité de Constitution lui présentera un projet de décret pour l’établissement provisoire d’un tribunal chargé de juger les crises de lèse-nation. » (Les procès-verbaux sont adoptés.) Un membre fait une observation sur le décret rendu le 20 de ce mois et relatif au visa à délivrer par le directeur général de liquidation ; il demande que les reconnaissances et autres actes, qui seront remis par le directeur général de liquidation, soient délivrés gratis et sans frais. Il observe que tous les actes qui sortent des bureaux de liquidation, administration de l’extraordinaire, et autres du même genre, sont expédiés gratuitement et doivent l’être ainsi, les chefs desdits bureaux et les employés étant payés par l’Etat. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) Un des MM. les secrétaires donne lecture des décrets prononcés à la séance du dimanche, 16 de ce mois, qui n’ont pu être rapportés plus tôt à l’Assemblée. M. le Président donne lecture : 1° D’une lettre de M. Dubuat, qui le prie de faire agréer sa démission à l’Assemblée. (Sur cette demande, il est décidé que l’on passe à l’ordre du jour.) 2° D’une lettre de M. Mayre, qui le prie de lui permettre de remettre sous ses yeux le premier numéro des jugements remarquables des tribunaux. M. de Liancourt, au nom du comité de mendicité. Messieurs, vous avez continué provisoirement, l’année dernière, à l’établissement de la Charité maternelle, la jouissance des annexes de la loterie, qui se montent à 2,000 livres par mois, et vous avez chargé votre comité de mendicité de prendre une connaissance particulière de cet établissement, auquel vous avez assuré protection. Votre comité vous a fait distribuer, ces jours derniers, sou rapport à cet égard (1). Ce i apport n’est principalement que le mémoire donné par les citoyennes vertueuses qui régissent cet établissement, formé et soutenu par b uis soins, et vraiment digne d’éloi>es; dans ce mémoire, l’historique, l’intention et l’administration de cette association charitable sont complètement développes. Votre comité y a ajouté quelques réflexions. Il (1) Voyez ce document aux annexes de la séance de ce jour, p. 368. 357 pense que cet établissement est un de ceux qui doit être entretenu avec succès par la bienfaisance particulière, qui, plus compatissante, plus libre dans ses dons, complète et perfectionne la bienfaisance publique qui, pour être juste, doit être soumise à des b fis exactes, et presque sévères, dont elle ne doit jamais s’écarter. Il p�nse que si l’établissement ue la charité maternelle était habituellement soutenu par les deniers du Trésor public, son administration devrait être positivement surveillée par les corps administratifs à qui appartient, par vos décrets, l’administration des fonds publics de secours. C’est dans ces principes que le comité vous proposait, à la fin de son rapport, de donner, pendant trois ans seulement, et par forme de souscription, une somme de 15 à 20,000 livres, prise sur les fonds de secours dont v nus pourrez disposer, afin de conduire cet établissement au moment où il devrait aller absolument par ses propres ressources. Votre comité croit aujourd’hui devoir remettre cette proposition définitive au moment où vous vous occuperez de l’organisation des secours dans la capitale. Il se borne seulement à vous proposer de décréter la continuation des mêmes s cours de 2,U00 livres par mois sur la loterie, dont jouit l’association de la Charité maternelle depuis sa formation ; secours que vous lui avez continué au mois de juillet dernier, et dont le payement n’est suspendu par le trésorier que parce que l’année dans laquelle vous l’avez décrété est finie. Ce dun cessera quand vous aurez prononcé sur l’organisation des secours de Paris ou sur le sort des loteries. Voici ie projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète que rétablissement connu sous le nom de la Charité maternelle de Paris continuera de juuir provisoirement de 2,000 livres par mois, qui lui ont été accordées sur la loterie, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est un rapport du comité de l'emplacement des tribunaux et corps administratifs sur une pétition du département du Gard. M. Prugnon, rapporteur (1). Messieurs, dans une adresse du 10 décembre, le département du Gard expose qu’à sa première session il s’est occupé de la recherche d’un lieu convenable pour un établissement fixe dont les frais ne pouri aient plus être renouvelés ; qu’il a épuisé toutes les démarches préliminaires exigées par vos décrets. Après l’examen le plus exact, dit-il, il a été reconnu que la partie de la maison commune, qui n’est point occupée par la municipalité, ne pouvait fournir, par sou peu d’étendue, que le logement du district qui a été autorisé à s’y placer. Quant au palais de justice, il présente à peine l’espace nécessaire pour le tribunal, et pour celui du commerce qui a été accordé à la ville de Nîmes. C’est donc, continue le conseil du département, sur les bâtiments nationaux qu’elle renferme, que nous avons été obi gés de diriger nos vues, et à l’instant une pensée assez heureuse, peut être, s’est trouvée naturellement liée à une grande convenance. Le corps administratif d’un arrondissement destiné à rappeler, par sa dénominat on nou-(1) Le Moniteur ne donne que des extraits de ce rapport. 358 [Âsserpblée nationale.] velle, l’un des plus beaux monuments de la grandeur romaine, s’est plu à étendre ce rapport intéressant, et il a trouvé satisfaisant de penser que les affaires générales du département du Gard pourraient être réglées par ses administrateurs rassemblés dans la maison carrée. Depuis 1689 seulement, elle sert d’église apx révérends pères Augustins, à qui la donna Louis XIV ; leur couvent fut construit; topt auprès : les cinq ou six religieux qu’il renfermait d’ordinaire sont actuellement réduits à deux, et cette maison nationale ne saurait tarder à être sans emploi. L’administration de la ci-devant province, magnifique et libérale, en avait presque prononcé la destruction pour isoler l’antique édifice au milieu d’une place publique. Le conseil du département observe ensuite que la démolition récente des remparts l’a suffisamment développé dans toutes ses faces, et il vous demande à l’occuper lui-même, afin de veiller constamment à la conservation d’un monument si précieux, et à son entretien, dont il se chargerait de faire les frais : c’était l’hôtel de ville de Nîmes au douzième siècle ; abandonné depuis, il souffrit des dégradations considérables, et le consacrer dans ce moment aux travaux d’une administration populaire et paternelle, ce serait assurer la durée éternelle de ce majestueux bâtiment, et lier dans l’esprit des étrangers, qui accourent de toutes parts pour l’admirer, la vue du plus beau gage de la perfection des arts chez les Romains, à l’idée du plus doux bienfait de la régénération des lois chez les Français. Presque sans dépense le conseil général pourrait en faire le lieu de ses séances, et il lui permettrait de les rendre publiques, vœu qui vous a déjà été présenté par plusieurs départements, et qui doit être encore plus celui des administrateurs que des citoyens qui les ont choisis. La maison des Augustins a cent onze toises carrées (je surface; sa valeur n’est pas de plus de 18,000 livres; et le devis, joint à la lettre, prouve qu’une somme de 2,400 livres suffira à tout, d’où il résulte qu’il serait impossible de trouver un emplacement qui réunît plus d’économie et d’avantages. Le conseil du département demande donc que l’Assemblée lui permette de louer ou d’acquérir cette maison dès qu’elle sera libre, vu que l’église de la maison carrée ne sera d’aucune utilité pour le culte divin dans Nîmes, dès que les Au-gustius n’occuperont plus leur couvent. Cette adresse est terminée par un morceau de haute expression, et d’un genre vraiment élevé. « Par cette inauguration nouvelle de la basili-« que, jadis consacrée aux petits-fils d’Auguste, « un monument d’adulation et de servitude sera « transformé en un monument de patriotisme et « de félicité : ainsi, après avoir, pendant dix-« huit siècles, attesté la magnificence et le goût « délicat d’un peuple que le despotisme corn-« mençait à corrompre, il deviendra l’heureux « théâtre de ces vertus mâles et sévères qu’ins-« pire le titre : acre de citoyen libre; et construit « l’année même où commença Père chrétienne, « il servira encore à marquer à jamais, aux yeux « des habitants de cette contrée, l’époque mémo-« rable de cette grande Révolution, qui, par sa « vaste influence sur toutes les nations, sera « peut-être justement appelée, par la postérité, « 1ère française. » Lorsque l’on voit le pont du Gard, les arènes et la maison carrée de Nîmes, réunis presque dans un même point, on se dit : un grand peu-[21 janvier 1791.] pie a passé par là... voilà des pas de Romains Après avoir mis son idiome dans la bouche, et ses lois dans le cœur de presque tous les peuples, il a chargé tous les arts d’écrire son histoire. Dans le nombre des monuments qu’il a élevés, il en est que le temps (cet agent invisible qui démolit en silence) n’a pu ou n’a osé frapper ; et l’édifice dont nous parlons est encore debout. Il avait été abandonné aux mains des moines, et telle a été la destinée commune des' monuments que les siècles nous ont légués. Cette tour ou Demosthène allait s’exercer sur les bords de la mer. et d’où la liberté semble encore se montrer aux Grecs, est devepue un clocher des capucins. Quand on demande à Tivoli où demeuraient Properce, Horace et surtout Lesfiie, on vous montre les Camaldules et encore des capucins. L’on ne rencontre plus guère, sur le Capitole, que des pèlerins, des mendiants et des récollets.' César, Cicéron, Auguste n’avaient pas précisément compté sur ces successeurs-là: c’est la tragédie du temps, lui. seul connaît le sublime des contrastes. Aujourd’hui que les moines ne sont plus, est-il un vœu plus raisonnable que de consàcrèr à jà liberté un monument aussi digne d’elle? Par la plus remarquable [les métempsycosps, il qrrivpfa que ce sera pour elle que l’aura bâti çe peuple, qui, ge croyant encore le roi dé la terre, n’était plus que l’esclave d’un empereur. Les Français , dit Rousseau, en parlant des arènes de Nîmes, et comparant ce vqstp et superbe cirque à celui de Vérone, moins beau, mais entretenu, mais conservé, tes Français n'ont soin de rien, et ne respectent aucun xuopfufment ; ils sont tout feu pour entreprendre , ils ne savent rien finir ni rien entretenir . Avertis par cptte objurgation, les Etats de Languedoc liréiqt réparer les arènes. La liberté se laissera-t-elîe vaincre en vénération pour des monuments respectés par tant de siècles, et en SQios pour leur auguste vieillesse? C’est un des beaux patrimoines que puisse avoir une nation, et leurs ruipes mêmes parlent encore à tous les âges. Si donc il y a un domaine national vraiment inaliénable, dont nous devions assurer là conservation et soigner l’existence, c’est la maison carrée ; aussi le département du Gard ne de-mande-t-il pas de l’acquérir, mais seulement d’y tenir ses séances, en se chargeant de l’entretenir d’une manière convenable. Votre comité a pensé que, non seulement rien ne s’opposait à ce que cettepétition fût accueillie, mais qq’eile méritait une juste approbation. On est digne de posséder un tel monumenj,, quand on en sent bien tout le prix ; et ces mots : L’administration du Gard demande d'occuper et de soigner la maison carrée présentent à l’esprit un grand et touchant résultat d’idées. Quant à la permission d’acquérir la maison des Augustins, pour y placer les bureaux et tout ce qui est nécessaire au service de l’administration, il a paru à votre comité qu’elle ne pouvait rencontrer dé contradiction; c’est le vœu des convenances, c’est celui de l’économie. La maison carrée devenant le lieu des séances du département, le monastère des Augustins devient l’emplacement nécessaire de ses bureaux. L’édifice est modeste, le prix de l’acquisition et des arrangements intérieurs sera faible ; ainsi tout se réunit pour faire réussir la double proposition du département du Gard. Le décret que votre comité va vous soumettre sera donc un décret conservateur, et il est si doux de conserver : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son ARCHIVES PARLEMENTAIRES.