SÉANCE DU 23 THERMIDOR AN II (10 AOÛT 1794) - N° 95 443 par le passé, il y ait à ce sujet conflit entre deux comités. Enfin, la surveillance de toutes les autres parties sera aux mains de chaque comité spécial qui y correspondra. Ainsi, et sans que les opérations se croisent, le gouvernement sera divisé entre tous les comités, et il prendra beaucoup d’activité par ce partage naturel, non entravé par des référés inutiles. De cette manière vous éloignez encore l’abus de l’autorité par l’égalité des attributions que vous introduisez dans les diverses parties. Il ne peut d’ailleurs y avoir rien de divergent, lorsque l’exécution comme la surveillance se trouvent circonscrites dans les termes des lois rendues. Il n’y a que les parties nécessairement connexes dont l’action et la surveillance doivent résider dans les mêmes mains; et, selon moi, ce caractère ne se rencontre que dans les parties que je propose d’attribuer au comité des opérations militaires et diplomatiques. Si, dans l’exercice de leur surveillance, les divers comités trouvent des lacunes, ils proposeront directement à la Convention des lois propres à les faire cesser. Ainsi tout marchera, et l’on ne sera pas, pour une multitude de lois, obligé de passer lentement par l’intermédiaire d’un autre comité. Et remarquez, citoyens, que ce serait sans fruit, lorsque ces diverses parties n’ont pas une connexité certaine, une affinité nécessaire. Vous voyez en quoi ces idées diffèrent de celles de Cambon; je crains que ses référés circuitaires n’aient que l’apparence de la centralité, et n’atténuent trop, dans la réalité, un gouvernement auquel il faut une surveillance immédiate et prompte. Cambon donne à son comité principal une espèce d’inspection sur tous les autres; je la lui ôte, comme inutile et illusoire; mais je lui attribue une part un peu plus forte dans l’administration immédiate. Il fait de son gouvernement un comité central de conférence de toutes les lois, et moi j’écarte cette idée comme subversive des justes attributions du gouvernement. Je vous devais, citoyens, ce tribut de mes réflexions; j’ai cru que, quand les fonctions de chaque comité se trouveront bien déterminées, la Convention nationale devait être leur point central, et que tout autre parti ne présenterait que des entraves funestes au gouvernement même. Peut-être me trompé-je, car je sais que le système de Cambon a de nombreux partisans, mais mes craintes n’en existent pas moins. J’aime, en matière de gouvernement, ce qui est simple; je me défie des plans qui n’offrent qu’une belle théorie, et j’en crains l’essai, principalement dans les conjonctures où nous sommes placés. J’ai peine surtout à ne pas considérer comme une abstraction un comité central qui reste sans action fixe contre les comités spéciaux, et qui néanmoins ne peut rien que par eux et avec eux. J’ai conçu l’utilité de diviser les opérations du gouvernement pour affaiblir les usurpations que l’on pourrait tenter; mais je n’ai vu au-delà qu’un système, non seulement de difficile, mais même de dangereuse exécution. En un mot, voici la clef de mon système : Beaucoup de simplicité et d’activité; c’est pour cela que je demande que l’action du gouvernement soit, dans toutes ses parties dégagée de circuits et d’entraves : Division des pouvoirs ; c’est pour cela que je place l’action du gouvernement dans chaque comité pour la partie qu’il embrasse : Unité, enfin; car elle ne serait blessée que là où l’on séparerait ce qui est nécessairement connexe, et je crois avoir obvié à cet inconvénient par le moyen terme que je propose. Telles sont les idées auxquelles la brièveté de l’intervalle ne m’a pas permis de donner un plus grand développement; et cependant cette délibération peut influencer d’une manière sensible sur les destinées de la République. Je crois, citoyens, qu’il serait prudent de renvoyer tous les plans à l’examen d’un comité ou d’une commission. Jamais, peut-être, un tel parti ne convint mieux; mais, à tout événement, je vais vous soumettre le projet que j’ai rédigé sur cette importante matière, et dans lequel j’ai emprunté de Cambon tout ce qui m’a paru bon et sage. Voici le projet de décret : La Convention nationale décrète : Art. 1er. Le comité de salut public prendra le nom de comité des opérations militaires et diplomatiques; il sera composé de douze membres. II. Ce comité aura sous sa surveillance directe : 1) la commission des mouvements des armées de terre; 2) celle de la marine et des colonies; 3) celle des armes et poudres; 4) celle des approvisionnements, pour ce qui concerne le service des armées; 5) celle des transports, en ce qui a trait aux convois militaires; 6) enfin, celle des relations extérieures. III. Le comité des opérations militaires et diplomatiques ne pourra faire ni ordonner aucune disposition de fonds, si ce n’est pour dépenses secrètes, auquel effet la trésorerie nationale lui ouvrira un crédit de 10 millions. Les crédits précédemment ouverts et non employés sont supprimés. IV. Le comité de sûreté générale prendra le nom de comité de police générale de la République; il sera composé de 16 membres. Il décernera, au nombre de 6 membres au moins, les mandats d’amener ou d’arrêt contre les citoyens; il ne le pourra, à l’égard des fonctionnaires publics, qu’en se concertant avec le comité auquel ces fonctionnaires publics appartiendront. V. Il pourra, au même nombre de 6 membres, remettre les personnes arrêtées en liberté, mais il ne pourra les mettre en jugement qu’en vertu d’une délibération prise au nombre de 12 membres au moins, et à la pluralité des voix. VI. Ce comité aura sous sa surveillance immédiate ; 444 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 1) ,1a commission des administrations civiles, de police et des tribunaux, pour ce qui appartient à la police-, 2) la force armée de Paris; 3) le tribunal révolutionnaire; 4) les comités de surveillance de la République; 5) et enfin les commissions populaires. La trésorerie nationale lui ouvrira un crédit de 300 000 livres pour dépenses extraordinaires ou secrètes. VII. Il y aura en outre neuf comités qui exerceront leur surveillance sur les commissions exécutives qui leur ressortiront, et dont la nomenclature suit : 1) comité des administrations civiles et tribunaux; 2) d’instruction publique; 3) d’agriculture et arts; 4) de commerce et approvisionnements; 5) de travaux publics; 6) de transports, postes et messageries; 7) des finances; 8) des archives, décrets et procès-verbaux; 9) des inspecteurs du Palais-National; La Convention ordonne l’impression du discours et du projet de Berlier (1). La séance est levée à quatre heures. Signé, Merlin (de Douai), président; Le Vasseur (de la Meurthe), Legendre, P. Barras, Freron, secrétaires {2). AFFAIRE NON MENTIONNÉE AU PROCÈS-VERBAL 96 L’assemblée alloit se séparer lorsque MERLIN de Thionville, l’un des nouveaux membres du comité de sûreté générale, [qui n’étoit point dans la salle lorsque le décret sur les personnes (1) Décret n° 10 352. Rapporteur : Portiez. Moniteur (réimpr.), XXI, 452-459; Débats, n° 689, 397; J. Fr., n° 686; J. Mont., n° 103; J. univ., n° 1 492; J.S. -Culottes, n° 543; C. univ., n° 953; F.S.P., n° 402; M.U., XLII, 381; J. Perlet, n° 687. (2) P.-V., XLIII, 167. relaxées a été rendu], paroît à la tribune pour demander le rapport du décret qui enjoint au comité l’impression de la liste des opprimés qui ont été élargis et des citoyens qui se sont rendus cautions de leur civisme. Cette liste lui paroît inutile, le comité n’ayant fait jouir du bienfait de la loi que des pères de famille indigens, que des ouvriers, que de véritables sans-culottes (1) [Eh bien, tant mieux / s’est écriée la Montagne. Nous les connaîtrons ! (2)]. D’ailleurs, a-t-il ajouté, si parmi ceux qui ont été élargis, il y en a quelques-uns qui n’appartiennent pas tout à fait à cette classe, je déclare qu’ils n’ont été rendus à la liberté que sur la recommandation des représentans du peuple qui les connois-soient (3). [Eh bien, tant mieux ! s’est écriée la Montagne, nous verrons s’il n’y a que des patriotes !] (4). MERLIN : Il seroit bien difficile de retrouver aujourd’hui leurs noms : le comité est investi d’une double haie de membres de comités révolutionnaires et de députés, qui viennent apporter leurs réclamations. On demande que le décret ne soit que pour l’avenir. MERLIN de Thionville : Alors j’avertirai les membres qu’il faut qu’ils se contentent d’envoyer leurs demandes écrites, et qu’ils ne viennent pas eux-mêmes. On demande le maintien du décret (5). L’assemblée, convaincue que l’impression des listes ne fera que manifester davantage la bonté des opérations du comité, persiste dans le maintien de son décret. MERLIN expose que l’exécution en est impossible, qu’on n’a pas tenu registre des représentans du peuple qui ont sollicité des élargis-semens. CHARLIER lui observe qu’il est facile de réparer cette négligence en invitant les députés à consigner dans les registres du comité, le nom de ceux dont ils ont obtenu la liberté. [Les propositions de CHARLIER sont décrétées] (6). (1) J. Paris, n° 589. (2) J. univ., n° 1 721. (3) J. Paris, n° 589. (4) J. univ., n° 1 721. (5) Débats, n° 689, 398. (6) J. Paris, n° 589; J. Sablier, n° 1 492; J. Fr., n° 686; C. univ., n° 953; J. Mont., n° 103; Ann. patr., n° DLXXXVII; J.S. -Culottes, n° 543; J. Perlet, n° 687; Rép., n° 234; C. Eg., n° 722. Décret n° 10 353. Rapporteur : Charlier. Voir, ci-dessus, n° 93, la proposition de GRANET. 444 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 1) ,1a commission des administrations civiles, de police et des tribunaux, pour ce qui appartient à la police-, 2) la force armée de Paris; 3) le tribunal révolutionnaire; 4) les comités de surveillance de la République; 5) et enfin les commissions populaires. La trésorerie nationale lui ouvrira un crédit de 300 000 livres pour dépenses extraordinaires ou secrètes. VII. Il y aura en outre neuf comités qui exerceront leur surveillance sur les commissions exécutives qui leur ressortiront, et dont la nomenclature suit : 1) comité des administrations civiles et tribunaux; 2) d’instruction publique; 3) d’agriculture et arts; 4) de commerce et approvisionnements; 5) de travaux publics; 6) de transports, postes et messageries; 7) des finances; 8) des archives, décrets et procès-verbaux; 9) des inspecteurs du Palais-National; La Convention ordonne l’impression du discours et du projet de Berlier (1). La séance est levée à quatre heures. Signé, Merlin (de Douai), président; Le Vasseur (de la Meurthe), Legendre, P. Barras, Freron, secrétaires {2). AFFAIRE NON MENTIONNÉE AU PROCÈS-VERBAL 96 L’assemblée alloit se séparer lorsque MERLIN de Thionville, l’un des nouveaux membres du comité de sûreté générale, [qui n’étoit point dans la salle lorsque le décret sur les personnes (1) Décret n° 10 352. Rapporteur : Portiez. Moniteur (réimpr.), XXI, 452-459; Débats, n° 689, 397; J. Fr., n° 686; J. Mont., n° 103; J. univ., n° 1 492; J.S. -Culottes, n° 543; C. univ., n° 953; F.S.P., n° 402; M.U., XLII, 381; J. Perlet, n° 687. (2) P.-V., XLIII, 167. relaxées a été rendu], paroît à la tribune pour demander le rapport du décret qui enjoint au comité l’impression de la liste des opprimés qui ont été élargis et des citoyens qui se sont rendus cautions de leur civisme. Cette liste lui paroît inutile, le comité n’ayant fait jouir du bienfait de la loi que des pères de famille indigens, que des ouvriers, que de véritables sans-culottes (1) [Eh bien, tant mieux / s’est écriée la Montagne. Nous les connaîtrons ! (2)]. D’ailleurs, a-t-il ajouté, si parmi ceux qui ont été élargis, il y en a quelques-uns qui n’appartiennent pas tout à fait à cette classe, je déclare qu’ils n’ont été rendus à la liberté que sur la recommandation des représentans du peuple qui les connois-soient (3). [Eh bien, tant mieux ! s’est écriée la Montagne, nous verrons s’il n’y a que des patriotes !] (4). MERLIN : Il seroit bien difficile de retrouver aujourd’hui leurs noms : le comité est investi d’une double haie de membres de comités révolutionnaires et de députés, qui viennent apporter leurs réclamations. On demande que le décret ne soit que pour l’avenir. MERLIN de Thionville : Alors j’avertirai les membres qu’il faut qu’ils se contentent d’envoyer leurs demandes écrites, et qu’ils ne viennent pas eux-mêmes. On demande le maintien du décret (5). L’assemblée, convaincue que l’impression des listes ne fera que manifester davantage la bonté des opérations du comité, persiste dans le maintien de son décret. MERLIN expose que l’exécution en est impossible, qu’on n’a pas tenu registre des représentans du peuple qui ont sollicité des élargis-semens. CHARLIER lui observe qu’il est facile de réparer cette négligence en invitant les députés à consigner dans les registres du comité, le nom de ceux dont ils ont obtenu la liberté. [Les propositions de CHARLIER sont décrétées] (6). (1) J. Paris, n° 589. (2) J. univ., n° 1 721. (3) J. Paris, n° 589. (4) J. univ., n° 1 721. (5) Débats, n° 689, 398. (6) J. Paris, n° 589; J. Sablier, n° 1 492; J. Fr., n° 686; C. univ., n° 953; J. Mont., n° 103; Ann. patr., n° DLXXXVII; J.S. -Culottes, n° 543; J. Perlet, n° 687; Rép., n° 234; C. Eg., n° 722. Décret n° 10 353. Rapporteur : Charlier. Voir, ci-dessus, n° 93, la proposition de GRANET.