642 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.; s’il était en faction lors de sa désertion, il sera condamné aux galères perpétuelles; s’il a passé chez l’ennemi, il aura le poing coupé et sera pendu. Art. 34. « La loi accorde au déserteur 6 jours de repentir, pendant lesquels il peut revenir à ses drapeaux, ou prouver, par une déclaration authentique, que son intention est d’y revenir; et en ce, cas, la peine ne sera que d’une prison d’autant de jours qu’il en aura été absent; mais s'il est arrêté pendant lesdits 6 jours de repentir, il sera considéré et puni comme déserteur. Art. 35. « Tout militaire condamné à être chassé sera préalablement dépouillé de son uniforme, et cette peine emporte la dégradation civique, et l’expédition du jugement tiendra lieu de congé absolu à celui qui aura été chassé. Art. 36. e Le ministre de la guerre fera un règlement d’exécution pour le présent décret; et tout militaire en activité ou non, qui aura à se plaindre d’une injustice éprouvée sous l'ancien régime, est autorisé à se pourvoir devant la cour martiale de l’arrondissement où se trouvera actuellement le corps dans lequel il a éprouvé cette injustice, pour en obtenir le redressement. » Plusieurs membres observent que ce n’est pas à la veille de la clôture de la session qu’un objet aussi important peut être porté à la délibération de l’Assemblée. M. de Whnpfen, rapporteur, insiste pour que ce décret, qu’il considère comme très pressant, soit adopté dans le cours de cette séance; il annonce d’ailleurs que le comité militaire a été unanime sur le projet présenté. (L’Assemblée, consultée, repousse l’ajournement.) Les articles 1 à 17 du titre Ier, sont successivement mis aux voix et adoptés, à l’exception des articles 2 et 3. Une discussion s’engage sur les articles 18, 19 et 20 du même titre, ayant pour objet de conférer la dictature militaire aux généraux d’armée. M. Robespierre dit que c’est violer tous les principes et tous les droits que d’établir ainsi une dictature, espèce de dignité au-dessus des lois, contraire à la sûreté des individus et au bien de la société; que c’est un moyen de faire commettre des vexations et des atrocités; qu’un pareil genre d’autorité est incompatible avec les principes de la Constitution et qu’elle a déjà été rejetée avec horreur. (Applaudissements.) _ M. Emmery insiste pour l’adoption des articles du comité : il observe qu’il est des cas si urgents et d’une nécessité si impérieuse, qu’il est impossible de ne pas créer une puissance dictatoriale pour y mettre ordre. (Murmures.) Il dit que l’armée ne doit pas se conduire comme le reste de la société et que la dictature militaire dépendra toujours de la loi. Il observe que, d’ailleurs, on peut restreindre cette dictature aux cas de guerre extérieure et lorsque l’armée sera hors du royaume. (Murmures.) M. Rewbell s’élève avec chaleur contre toute proposition de dictature : il dit que le rapporteur lui-même convient que c’est donner à un seul homme le droit arbitraire de vie et de mort sur les autres hommes ; qu’une Assemblée qui a établi la liberté et assuré les droits des citoyens ne doit pas oublier que l’armée est aussi composée de citoyens et qu’une dictature fut toujours un fléau pour les pays qui la virent s’élever dans leur sein. (Applaudissements .) Plusieurs membres demandent l’ajournement. M. de Wimpfen, rapporteur, déclare consentir à l’ajournement. (L’Assemblée, consultée, décrète l’ajournement des articles 18, 19 et 20 du titre Ier; elle adopte ensuite l’article 21 du même titre, ainsi que les 9 premiers articles du titre II et renvoie la suite de la discussion à demain.) M. de Wiutpfen, rapporteur, prévient l’Assemblée qu’il donnera demain lecture des articles décrétés aujourd’hui. M. le Président lève la séance à dix heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 29 SEPTEMBRE 1791, AU SOIR. INSTRUCTION sur la PROCÉDURE CRIMINELLE (1). De la police. L’Assemblée nationale, en s’occupant de pourvoir à la sûreté publique, par la répression des délits qui troublent la société, a senti que l’accomplissement de ce but exigeait le concours de deux pouvoirs : celui de la police et celui de la justice. La police, considérée sous ses rapports avec la sûrete publique, doit précéder l’action de la justice; la vigilance doit être son caractère principal; la société, considérée en masse, est l’objet essentiel de sa sollicitude. L’action de la police sur chaque citoyen doit être assez prompte et assez sûre pour qu’aucun d’eux ne puisse l’éluder; elle doit faire en sorte que rien ne lui échappe ; mais son action doit être assez modérée pour ne pas blesser l’individu qu’elle atteint ; il ne faut pas qu’il ait à regretter l’institution d’un pouvoir constitué pour son avantage, et que les précautions prises en sa faveur soient plus insupportables que les maux dont elles doivent l’affranchir. L’Assemblée nationale n’a point créé de nouveaux mandataires pour exercer la police de sûreté; elle l’a confiée à des agents déjà honorés par la Constitution du dépôt d’une grande confiance; c’est principalement aux juges de paix qu'elle en a conféré la plénitude; et, en ajoutant ce nouveau pouvoir à celui dont les juges de paix jouissaient antérieurement, elle a pensé que (1) Voir, ci-dcssus, séances des 28 et 29 septembre 1791, au soir, pages 532 et 636. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.] ces diverses attributions se prêteraient dans leurs mains une force mutuelle. Les fonctions de la police sont délicates. Si les principes en sont constants, leur application du moins est modifiée par mille circonstances qui échappent à la prévoyance des lois; et ces fonctions ont besoin, pour s’exercer, d’une sorte de latitude de confiance qui ne peut se reposer que sur des mandataires infiniment purs. Les ju�es de paix élus par le peuple pour exercer le plus doux et le plus consolant de tous les ministères politiques, dans un cercle peu étendu, dont ils connaissent tous les individus et où ils sont connus de tous, ne semblaient-ils pas désignés pour accumuler sur leurs personnes tout ce qui peut rendre la police tranquillisante pour ceux qu'elle protège, respectable pour ceux qu’elle surveille, et rassurante pour ceux mêmes qu’elle soumet à son action ? Mais il est des cas où un juge de paix ne suffirait point à tant de détails. La police de sûreté exige seuventdes déplacements. Ce n’est point assez que ceux qui l’exercent soient impassibles et intrépides; il faut encore qu’ils soient agissants, qu’ils voient par leurs yeux, et que leur présence prenne sur le fait, s’il est possible, les auteurs du délit, ou du moins en saisisse les traces encore si récentes, qu’elles décèlent inévitablement leurs auteurs. Celte considération a dû conduire l’Assemblée nationale à associer, dans les circonstances actuelles, les officiers de la gendarmerie nationale à une grande partie des fonctions de police attribuées aux juges de paix, relativement aux délits commis hors de l’enceinte des villes. Elle a eu lieu de penser qu’honorés des suffrages des administrateurs choisis par le peuple, et justement flattés de la haute importance du pouvoir dont ils partagent l’exercice, ils justifieraient cette détermination par un respect profond pour la loi et pour la liberté de leurs concitoyens. Ainsi l’on comprend, sous le nom général d’officiers de police, les juges de paix et les officiers de gendarmerie nationale. On verra, dans la suite de cette instruction, quelques légères différences introduites par la loi entre les attributions de pouvoirs déléguées aux uns et aux antres; mais ces nuances, que nous ferons remarquer soigneusement, n’empêchent pas qu’ils ne soient désignés par la commune dénomination d’officiers de police. Les fonctions d’officiers de police consistent: 1° A recevoir les plaintes ou dénonciations qui leur sont portées; 2° A constater, par des procès-verbaux, les traces des délits qui en laissent quelques-unes après eux, et à recueillir les indications sur les individus qui s’en sont rendus coupables; 3° A entendre les individus inculpés de délits, et à s’assurer, s’iL est possible, de leurs personnes. Tous dommages donnent lieu à une action. L’action résultant du dommage causé par un délit, se nomme une plainte. La plainte doit être adressée à l’officier de police, non pour qu’il y statue en définitive, carc’est à la justice que telle fonction appartient, mais pour qu’il mette la justice à portée d’y statuer par les actes préparatoires qui vont être désignés. Le premier de ces actes est de constater les griefs de la partie qui se prétend lésée, et à cet effet il faut que la partie remette sa plainte toute rédigée, ou qu’elle la rédige sous les yeux de l’officier de police, ou enfin que l’officier de police la rédige lui-même sous les veux de la par-643 tie, et sur l’exposé qu’elle le requiert de consigner dans ce procès-verbal. Une partie qui rend plainte ne peut se faire représenter à cet effet que par un fondé de procuration spéciale; car l’action qui naît d’un délit commis envers nous ou envers les personnes dont la sûreté nous est aussi précieuse que celle de notre propre individu, ne peut pas être confondue avec ces intérêts purement pécuniaires, sur lesquels un fondé de procuration générale peut être autorisé à stipuler pour nous ; dans ces cas toujours imprévus, et dont l’importance est graduée par mille considérations purement personnelles à l’individu qui souffre, il peut seul délibérer et agir pour loi-même. Il ne suffit pas que le procureur spécial justifie de cette qualité devant le juge, U faut encore que sa qualité puisse demeurer constante et prouvée à tous ceux qui prendront connaissance de la plainte, et c’est pour remplir ce but que l’acte de procuration demeurera annexé. Il est sensible que dans les cas où la plainte est portée par un procureur fondé, la procuration doit contenir le détail exact des faits dont elle charge le fondé d’affirmer la vérité. Les faits consignés dans une plainte doivent l’être d’une manière authentique, et à laquelle on ne puisse apporter aucun changement. C’est pourquoi lu plainte doit être signée par la partie qui la rend; et afin qu’on n’en puisse pas altérer la teneur, cette signature doit être à toutes les feuilles, lesquelles seront cotées et paraphées par le juge de police. Celui-ci doit également signer la plainte en toutes ses feuilles, la dater, et affirmer la vérité des faits y contenus; il doit encore faire une mention expresse de la signature de la partie plaignante, ou du moins de sa déclaration qu’elle ne le peut ou ne le fait; car la partie qui sachant et pouvant signer ne le voudrait pas, doit être considérée comme ne voulant pas rendre plainte. Un premier mouvement peut porter à rendre une plainte inconsidérée, il est juste de laisser place aux regrets qu’amène une réflexion plus lente et le refroidissement d’une passion trop vivement émue. Ainsi celui qui, dans les 24 heures, se sera désisté de sa plainte, sera considéré comme s’il n’avait point agi; sa plainte demeurera biffée et anéantie. L’effet de cet anéantissement ne doit pas être confondu avec la simple faculté de se désister, qu’il est libre au plaignant d’exercer quand bon lui semble, et à quelque époque que ce soi!, en vertu du principe qui permet à chacun de renoncer à une action introduite en matière criminelle comme en matière civile, sauf à l’accusé à se pourvoir contre le plaignant pour ses dommages et intérêts, s’il s’y croit fondé. Il en est autrement quand le désistement intervient dans les 24 heures; alors il ne peut y avoir lieu aux dommages et intérêts pour le fait de la plainte. Quoique le plaignant renonce à suivre sa plainte, si les faits qu’il a énoncés ont averti l’officier de police de l'existence d’un délit qui intéresse le public, sa vigilance ne manquera point de profiter de cet avis salutaire pour agir d’office. Uue partie qui rend plainte, doit, pour justifier, autant qu’il lui est possible, dans ce premier instant, les faiis qu’elle allègue, amener avec elle les témoins qui en ont connaissance. Cette précaution est nécessaire autant pour constater le degré de croyance que mérite la plainte, que pour préparer à la justice les moyens de juger de la vérité des fjits sur lesquels elle aura à prononcer 644 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.] en lui indiquant d'avance une partie des personnes qui en sont instruites, et dans les déclarations desquelles peuvent se trouver d’utiles renseignements qui conduiront à découvrir d’autres témoins. Le juge doit donc recevoir les déclarations des témoins produits par le plaignant, et en tenir procès-verbal; mais il ne doit pas confondre ces déclarations avec les dépositions qui se recevaient et s’écrivaient dans les formes de l’ancienne procédure criminelle. Des déclarations ne sont point destinées à faire charge au procès : leur principal objet, comme on l’a dit, est de corroborer la plainte, et de servir à l’officier de police de guide sur la conduite qu’il doit tenir envers la personne inculpée. Lorsque le temps de l’action de la police sera écoulé, et que la justice sera entrée en connaissance de l’affaire, ces dépositions écrites produiront encore le bon effet de soutenir la conscience des témoins trop pusillanimes, lesquels s’expliqueront avec plus de franchise quand ils se sentiront appuyés sur les déclarations écrites, sans être néanmoins liés par elles. L’accusé, qui en aura connaissance, y pourra puiser les moyens d’atténuer des témoignages évidemment contradictoires Enfin si, après la procédure consommée, de nouveaux faits, inopinément connus, venaient porter un jour inattendu sur une affaire, les déclarations écrites des témoins entendus devant l’officier de police fourniraient du moins quelques renseignements, sur les causes de la condamnation, et pourraient servir à rectifier le jugement. Ce que nous venons de dire des déclarations écrites devant l’officier de police, s’appliquera également, quant aux effets, à toutes les autres dépositions écrites qui pourront être reçues, soit devant le juge du district, soit devant celui du tribunal criminel. Il a paru nécessaire, pour ne laisser aucune ambiguïté sur la nature de ces déclarations et sur la forme qu’il convient de leur donner, de spécifier, avant tout, l’usage auquel elles étaient destinées : le plus grand des inconvénients serait qu’on pût les considérer comme le dépôt des vraies charges du procès; et y chercher la préférence à ce qui doit résulter des dépositions orales, de l’examen et du débat. Les formes de ces déclarations écrites doivent cependant être assez régulières, pour que l’on puisse y trouver tous les renseignements qui peuvent aider à bien connaître le témoin, et à ne pas le confondre avec une autre personne du même nom, ainsi, l’officier de police comprendra daus le procès-verbal les nom et surnom, l’âge, laderneure et laqualité dutémoiD, sans toutefois que l’omission d’une de ces circonstances puisse opérer une nullité; car on ne doit pas chercher dans un renseignement cette même précision de forme qui n’est rigoureusement nécessaire que dans une pièce probante. Si la partie qui rend une plainte n’amenait pas avec elle de témoins, mais se contentait d’en indiquer, l’officier de police devraitalors les faire comparaître devant lui, et se conformer, pour leur audition, à tout ce qui a été dit des témoins amenés par la partie. Cette évocation des témoins doit se faire en vertu d’une cédule délivrée par l’officier de police, laquelle est notifiée aux témoins par un huissier ou gendarme national; cette cédule doit indiquer le jour, l’heure et le lieu de la comparution des témoins. Ce ne sont pas seulement des plaintes que les citoyens sont autorisés à porter devant l’officier de police ; il est encore de leur droit et même de leur devoir de dénoncer tous les attentats dont ils auront été témoins, soit contre la liberté ou la vie d’un autre homme, soit contre la sûreté publique ou individuelle : la liberté ne pouvant subsister que par l’observation des lois qui protègent tous les membres de la société contre les entreprises d’un homme puissant ou audacieux, rien ne caractérise mieux un peuple libre que cette haine vigoureuse du crime, qui fait de chaque citoyen un adversaire direct de tout infracteur des lois sociales. Ce devoir est encore bien plus sacré lorsque le délit a privé la société de la vie d’un citoyen; il n’y a que des hommes lâches et indignes de la liberté qui puissent connaître un si grand crime et ne pas le dénoncer; lors même que le meurtrier serait inconnu, lorsque la cause immédiate de la mort ne serait pas bien clairement manifestée, il suffirait qu’il existât un homme frappé de mort par une cause inconnue ou suspecte, pour que tous ceux qui ont connaissance du fait fussent tenus d’en donner avis sur-lc-champ à la police. Rien n’est plus éloigné des formes obscures et perfides de la délation que la dénonciation civique; mais elle ne prend le caractère généreux qui la distingue, et ne devient une véritable dénonciation civique, que par la fermeté du dénonciateur, lorsqu’il consent à déclarer, sur la réquisition de l’officier de police, qu’il est prêt à signer et affirmer sa dénonciation, et qu’il veut donner caution de la poursuivre. Par cette démarche authentique, le dénonciateur impose à l’officier de police la nécessité de donner une suite à la dénonciation qu’il lui porte, et d’entendre les témoins qu’il lui indiquera. Une dénonciation qui ne serait point appuyée de la signature et de l’affirmation du dénonciateur, et pour la suite de laquelle il refuserait de donner caution, ne serait plus une dénonciation civique proprement dite, mais un simple renseignement qui, quoique fort utile, n’aurait pas la même efficacité, et n’obligerait pas aussi étroitement l’officier de police à commencer des procédures. Les actes qu’il pourrait faire, d’après une semblable notice, seraient des actes faits d’office, et sur lesquels on ne pourrait le considérer comme ayant été provoqué d’une manière légale. Tout délit dont l’existence et dont les circonstances peuvent être constatées par un procès-verbal, doit l’être ainsi dans l’instant le plus voisin du temps auquel il a été commis. En effet, plus cet acte suit de près l’époque où le délit a eu lieu, et plus les renseignements sont véridiques et propres, soit à faire connaître le délit en lui-même, soit à désigner quel en est l’auteur : il est donc du devoir de l’officier de police, aussitôt qu’il est informé d’un délit semblable, soit par une dénonciation, soit enfin par la rumeur publique, de se transporter sur les lieux, de se faire accompagner des personnes qui sont désignées, par leur art, comme les plus capables d’en apprécier la nature et les circonstances; et après avoir visité avec avec elles toutes les traces qu’il pourra découvrir, de les constater, ainsi que les observations des gens de l’art, dans un procès-verbal. Cette précaution est particulièrement recommandée dans tous les cas où il existera une mort d’homme qui pourra donner lieu à quelque suspicion de crime. Gomme il est extrêmement important que les traces d’un fait aussi grave soient saisies avec la plus diligente attention, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1/791.] 645 l’Assemblée nationale a chargé spécialement l’officier de la gendarmerie nationale du lieu, à son défaut, celui du lieu le plus voisin, de se transporter, dans ces cas, à l’endroit où gît le cadavre, et de faire toutes les premières poursuites d’office, et sans attendre aucune réquisition. Elle l’a rendu personnellement responsable de toute négligence à cet égard; cette disposition n’exclut point la compétence du juge de paix du canton, qui sera tenu de faire les mêmes diligences lorsqu’il aura été averti ; mais, comme il est impossible qu’une responsabilité d’une grande importance puisse résider à la fois sur plusieurs têtes, l’Assemblée nationale s’est déterminée à charger spécialement l’officier de la gendarmerie nationale de ces premiers devoirs, qu’il pourait être plus difficile à un juge de paix de remplir à l’instant même où la nécessité exigerait qu’ils fussent accomplis sans délai. Au procès-verbal tenu sur les lieux, doivent comparaître les parents, amis, voisins ou domestiques du décédé, et en outre toutes les personnes qui peuvent donner des renseignements utiles ; leurs déclarations sommaires doivent être reçues au procès-verbal; elles doivent les signer ou déclarer qu’elles rie le peuvent ou ne le savent, de ce interpellées ; il en doit être fait mention dans le procès-verbal ; et pour compléter, autant qu’il est possible, les notions précises qui doivent être recueillies dans; le premier instant, l’officier de police défendra qui que ce soit sorte ou s’éloigne du lieu où le mort aura été trouvé, et pourra contraindre ainsi les contrevenants, en les saisisant eux-mêmes sur-le-champ , à éclairer la société sur les faits qu’il lui importe de connaître. Toutes ces opérations doivent se faire en présence de deux notables du lieu qui signeront au procès-verbal, sans être assujettis à aucune autre obligation. STI résulte de ces recherches une preuve quelconque, ou même des indices frappant contre quelque particulier, l’officier de police peut et doit même l’obliger à comparaître devant lui. C’est une partie délicate des fonctions de la police, que celle qui consiste à évoquer par-devant l’officier qui l’exerce, le citoyen inculpé, soit par une dénonciation, soit par une plainte, soit enfin par la rumeur publique, ou par une réunion de circonstances qui déterminent l’officier de police à diriger contre lui d’office ses suspicions : il est clair cependant, aux yeux de tous ceux qui se sont fait une idée juste de la liberté, que la loi seule peut assurer la liberté de tous; ainsi nul ne peut refuser de venir rendre compte de sa conduite à l’officier préposé par la loi. Cet hommage, rendu à la puissance uniforme de la loi, est tout à la fois le prix et la sauvegarde de la liberté de chaque individu; cependant le droit d’évoquer les citoyens, pour les examiner sur leur conduite, n’est pas un droit arbitraire, et la police a ses règles dont elle ne doit pas s’écarter. Lorsque l’oreille de l’officier de police sera frappée de la connaissance d’un délit par une plainte, il pourra, d’après les connaissances et les commencements de preuves qui lui seront fournis à l’appui de la plainte, juger s’il y a lieu ou non de faire comparaître devant lui la personne inculpée; car, s’il lui paraissait clair que l’inculpation fût sans fondement, et qu’elle se réduisît à une vaine allégation, il ne devrait pas sacrifier le repos du citoyen légèrement îuculpé au caprice d’un plaignant si peu digne de confiance. D’un autre côté .si l’officier de police refusant de faire comparaître devant lui un citoyen désigné dans une plainte, le plaignant se croyait lésé par le refus, comme cette décision de la police n’est que provisoire, il sera indiqué ci-après par quel moyen le plaignant pourra donner suite à sa plainte/ Si l'officier de police juge qu’il y ait lieu de faire comparaître devant lui le prévenu, alors il faut considérer 3 hypothèses : ou l’officier de police qui reçoit la plainte a, dans l’étendue de son ressort, le lieu du délit; Ou il a dans son ressort, soit le domicile habituel, soit la résidence actuelle du prévenu; Ou enfin son ressort ne s’étend ni sur le lieu du délit, ni sur celui de la résidence du prévenu. Aux deux premiers cas, l’officier de police peut délivrer un ordre pour faire comparaître le prévenu, au troisième cas, il doit renvoyer l’affaire avec toutes les pièces devant le juge de paix du délit; et ce sera celui-ci qui jugera s’il y a lieu ou non à faire comparaître le prévenu. L’ordre en vertu duquel un prévenu doit comparaître s’appelle mandat d’amener. Le juge de paix qui décerne un mandat d’amener, doit toujours faire amener devant lui le prévenu qu’il évoque. Cette circonstance constitue une différence essentielle entre son attribution en fait de police de sûreté, et celle qui est déférée à l’officier de gendarmerie. Celui-ci, dans le cas où il est saisi de l’affaire par la voie de plainte, ou même de dénonciation après avoir entendu les déclarations sommaires qui lui sont présentées à l’appui, peut et doit, s’il le juge convenable, faire comparaître le prévenu; mais non pas le faire comparaître devant lui. Son mandat d’amener doit ordonner de conduire le prévenu devant le juge de paix du lieu du délit. Ce n’est que dans le cas où l’officier de la gendarmerie s’est transporté, soit sur le lieu d’un délit flagrant, soit pour constater les traces d’un délit qui en a laissé de permanentes, qu’il peut faire amener devant lui le prévenu. On peut encore traduire devant l’officier de la gendarmerie, quoiqu’il ne se soit pas transporté sur les lieux, les personnes saisies en flagrant délit, ou munies d’effets suspects, ou d’instruments servant à les faire présumer coupables. Lorsqu’un officier de police, après avoir reçu des déclarations de témoins, sur le lieu du délit où il s’est transporté pour dresser procès-verbal, trouvera dans ces déclarations des raisons de suspecter un citoyen, il pourra le faire saisir sur-le-champ ; et si on ne peut le saisir, délivrer contre lui le mandat d’amener. Il pourra également le faire saisir ; et faute de pouvoir le saisir, délivrer contre lui le mandat d’amener dans tous les cas de flagrant délit. Dans ce cas de flagrant délit, tout dépositaire de la force publique, et même tout citoyen doit, pour l’intérêt de la société, s’employer de lui-même à saisir le délinquant ; car tous les bons citoyens doivent concourir à empêcher qu’un délit ne se commette, et remettre entre les mains des ministres de la loi les délinquants qu’ils ont surpris troublant l’ordre public. On doit considérer comme équivalent au cas de flagrant délit, celui où un délinquant surpris au milieu de son crime, est poursuivi à la clameur publique ; ou celui où un particulier est trouvé saisi d’effets volés ou d’instruments propres à commettre le crime; car, si ces indices sont trompeurs et peuvent parfois accuser un moment une personne innocente, ils exigent du moins que le fait de l’innocence soit éclairci. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 646 L’homme ainsi arrêté doit être conduit aussitôt devant l’officier de police le plus voisin. Toutes les fois qu’un citoyen s’est rendu dénonciateur civique, en signant et en affirmant sa dénonciation, et en donnant caution de la poursuivre, l’olticier de police ne peut refuser de décerner un mandat u’amener le prévenu. Les mandats d’amener doivent être portés, soit par les huissiers attachés au tribunal de paix, soit par les cavaliers de la gendarmerie nationale. Le porteur d’un ordre semblable ne doit jamais oublier que c’est à des hommes libres qu’il notifie une évocation légale, et que toute insulte, tout mauvais traitement volontaire, sont des crimes de la part de celui qui agit au nom de la loi. Ainsi le porteur du mandat demandera d’abord au prévenu s’il entend y obéir; et, dans le cas où le prévenu consentira et se mettra en devoir d'obéir, le porteur n’aura qu’à l’accompagner et à le protéger jusqu’à ce qu’il soit rendu devant l’officier de police. Ceux qui refuseraient d’obéir à l’évocation contenue dans le mandat d’amener, devraient, sans doute, être contraints par la force à y obtempérer; car il est impossible, dans un Etat bien ordonné, que l’obéissance ne demeure pas à la loi, et que la résistance d’un seul ne soit pas vaincue par la force puhlique ; mais l’emploi même de cette force doit être sagement modéré; elle doit contraindre l’individu, et non pas l’accabler. Les formes requises dans un mandat d’amener, sont : 1° la désignation claire et précise, autant que faire se pourra, de l’individu contre lequel il est décerné ; 2° que le mandat soit signé et scellé de l’officier qui le délivrera; 3° qu’il contienne l’ordre d’amener le prévenu devant l’officier de police-Ce mandat peut être présenté à un citoyen dans sa maison; et, s’il en défendait l’entrée, le porteur du mandat pourrait requérir la force publique pour s’y introduire et notifier le mandat au prévenu, même pour l’amener devant l’officier de police, s’il était refusant de s’y rendre volontairement. Il y aurait cependant trop d’inconvénients à ce qu’en vertu d’un mandat d’amener, un prévenu pût être conduit d’une extrémité du royaume à l’autre, sur les simples suspicions qui peuvent servir de base à une détermination aussi provisoire qu’un mandat d’amener. Cet inconvénient serait plus sensible encore, si l’officier de police dans le canton duquel un délit a été commis, ou celui de la résidence de l’accusé, faisait amener devant lui, longtemps après le délit commis, un prévenu qui, depuis cette époque, se serait éloigné du lieu où l’on viendrait à élever contre lui quelques suspicions. L’Assemblée nationale a prévenu cet abus, en décrétant qu’au delà de la distance de 10 lieues, et après 2 jours d’intervalle, on se contenterait de retenir le prévenu, et d’en donner avis à l’officier de police qui aurait décerné la mandat. La personne du prévenu ainsi gardée, l’officier de police enverra les pièces de l’affaire au juré de l’accusation, suivant des formes qui seront ci-après exposées; et le prévenu demeurera dans cet état de saisie provisoire de sa personne jusqu’à ce que le juré d’accusation ait prononcé s’il y a lieu ou non de l’accuser. La manière de s’assurer de la personne d’un prévenu arrêté après les 2 jours et à la distance [29 septembre 179 1 .] de 10 lieues du domicile de l’officier qui a délivré le mandat d’amener, a été laissée par la loi à la prudence des officiers de police. C’est à eux de juger d’après la nature du délit dont il est prévenu, et d’après toutes les autres circonstances, quelles précautions sont nécessaires à prendre pour qu’il n’échappe pas à la police; s’il suffira de le garder à vue, ou de le consigner dans quelque lieu sûr, ou s’il faudra le déposer dans la maison d’arrêt. Néanmoins, un homme trouvé saisi d’effets volés ou d’instruments propres à le faire présumer' coupable, sera toujours conduit devant l’officier de police qui aura délivré le mandat d’amener, à quelque distance du lieu du délit qu’il ait été saisi; car ces indices sont suffisants pour que l’intérêt de la sûreté publique l’emporte sur le désir d’épargner à un homme si suspect, les inconvénients d’un déplacement considérable. Si le prévenu ne comparaît pas, 4 jours après la délivrance du mandat d’amener, devant l’officier de police, soit celui du lieu du délit, soit celui du domicile habituel ou de la résidence passagère dn l’accusé, cet officier sera tenu d’agir comme au cas précédent; c’est-à-dire d’envoyer copie de la plainte, et la note de la déclaration des témoins au greffe du tribunal de district, pour être procédé par le juré d’accusation, ainsi qu’on le verra dans la suite de cette instruction. Lorsque le prévenu sera amené, conformément au mandat, devant l’officier de police, le devoir de celui-ci est de l’examiner sans délai et au plus tard dans les 24 heures (1). Si le prévenu détruit les inculpations qui ont décidé le juge à le faire amener devant lui, et s’il se justifie pleinement, l’officier de police ne doit pas hésiter à le renvoyer en liberté. S’il ne détruit pas les inculpations, et si elles demeurent vraisemblables, alors ou le délit par sa nature peut conduire à une condamnation à une peine afflictive, ou il ne peut pas donner lieu à une semblable peine. Au premier cas l’officier de police délivrera un ordre pour faire conduire le prévenu à la maison d’arrêt du district du lieu du délit. La désignation de cette maison d’arrêt est essentielle à observer, encore que le prévenu ait été amené devant un juge de paix autre que celui dans le canton duquel le délit a été commis, tel que le juge de paix de son domicile. Cet ordre de conduire un prévenu dans la maison d’arrêt du district se nomme mandat d’arrêt. Le mandat d’arrêt doit contenir le nom et domicile du prévenu, si celui-ci l’a déclaré, ou faire mention de son refus de s’expliquer à ce sujet. Il doit contenir aussi le sujet d’arrestation, et être signé et scellé de l’officier de police. Aucun gardien de maison d’arrêt ne pourra y recevoir un citoyen, qu’en vertu d’un mandat (1) I2Assemblée nationale, convaincue de ce principe que la présomption est tout entière en faveur de l’innocence, a pensé que la société doit se charger de faire la preuve contre l’individu qu’elle accuse : en conséquence elle s’est bion gardée d’établir rien de semblable à la procédure contre le muet volontaire, qui avait lieu suivant les anciennes formes. Quant aux muets naturels, l’assistance de leurs amis et conseils lèvera toutes les difficultés à leur égard. Cette assistance aura lieu pour eux dans toutes les parties de la procédure. La loi n’a pas de disposition sur ce sujet, parce qu’elle laisse à la prudence et à la conscience des juges l’emploi de tous les moyens propres à mettre le vérité dans son plus grand jour. 617 |Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.] revêtu des formes ci-dessus énoncées. Toute détention qui ne sera pas ainsi motivée sera considérée comme détention arbitraire, et le gardien eu répondra en son propre et privé nom. Si le délit n’est pas de nature à donner lieu à une peine afflictive, mais seulement à une peine infamante, le prévenu pourra néanmoins être envoyé à la maison d’arrêt; mais il pourra aussi en être dispensé au cas qu’il puisse trouver des amis qui veuillent répondre pour lui, qu’il se présentera à Injustice s’il en est requis, et donner caution de cette promesse. La somme de cette caution ne pourra être fixée d’une manière invariable ; elle doit être laissée à l’arbitrage de l’officier de police. Le principe qui doit le diriger est qu’un tel cautionnement ne doit pas être illusoire et de simple ïbrmm ni tendre à soustraire les accusés à la justice ; mais, au contraire, qu’il doit être d’une assez grande importance pour n’être jamais donné que par des personnes bien convaincues que le prévenu est incapable de rompre son engagement ; car c’est un contrat sacré que celui qui se forme par un cautionnement entre le prévenu q�i évite ainsi le malheur de la détention, et les amis qui lui donnent, en le cautionnant, la plus haute preuve de leur confiance et de leur estime. Les réponses du prévenu amené à l’examen de l’officier de police, doivent être rédigées en un procès-verbal tenu par cet officier, et signé de lui et du prévenu. Il est curieux de suivre les traces de la vérité dans ce premier instant où elle se déclare sans préparation et sans détour. Elle doit être jointe aux déclarations des témoins et aux procès-verbaux du corps du délit. Leur réunion forme le corps de l'instruction de police, et complète les devoirs confiés à l’officier qui exerce ce pouvoir préjudiciaire. Lorsqu’il a été pourvu par la police aux premiers besoins de sûreté que la société réclame, la marche de la justice doit commencer. Alors le règne des présomptions et des suspicions doit faire place à celui de la certitude et delà conviction ; et si la police a dû consulter avant tout la sûreté publique, la justice doit placer avant toute autre considération, le respect et les précautions qui sont dues à l’innocence en péril. De la justice. La justice criminelle ne sera plus dé-ormais confiée, comme elle l’avait été jusqu’à présent, aux tribunaux institués pour juger les procès civils. Un tribunal particulier créé dans chaque département, sera chargé d’appliquer la loi, et de prononcer les peines prescrites contre ceux que les jurés auront déclarés convaincus du crime dont ils étalent accusés ; mais l’accusé sortant des mains de la police ne sera point directement traduit à ce tribunal. Il subira une épreuve intermédiaire au tribunal du district; c’est là que commencent les premières fonctions des jurés, et que doit se décider, suivant les formes indiquées, la question préliminaire de savoir s’il y a lieu, ou non, à l’accusation contre le prévenu : dans le premier cas seulement, il est envoyé au tribunal criminel, où il trouve d’autres jurés, et des juges qui prononcent sur l’accusation ; dans le second cas, il est remis en liberté. Ainsi la loi a distingué deux sortes de jurés, le juré ü’accusation et le juré de jugement. Le juré d’accusation peut avoir lieu, soit à l’égard d’un prévenu présent, soit à l’égard d’un prévenu absent. Le prévenu est présent, quand, après avoir été conduit devant l’officier de police, en vertu du mandat d’amener, il a été par un autre mandat, envoyé dans la maison d’arrêt, ou reçu à caution." Le prévenu est absent, quand le mandat d’amener, délivré contre lui, n’a pas pu être mis à exécution, ou quand le porteur du mandat a trouvé le prévenu au delà de la distance de 10 lieues, ainsi qu’il a été dit, en parlant du mandat d’amener, au chapitre de la police. L’officier de police, chargé de l’exécution d’un mandat d’arrêt, conduit le prévenu en la maison d’arrêt du tribunal de district dans le ressort duquel demeure l’officier de police ; il remet le prévenu au gardien de la maison d’arrêt, qui lui eu donne une reconnaissance; il porte ensuite au greffier du tribunal les pièces relatives au délit et à l’arrestation, et en prend également une reconnaissance; il fait voir les deux reconnaissances dans le jour même, au directeur du juré, qui met sur i’une et sur l’autre son vu qu’il date et signe. Le directeur du juré doit tenir note sur un registre de ces visa, afin de ne pas oublier d’agir dans le délai prescrit par la loi. Si ie porteur du mandat d'arrêt néglige de prendre le visa dans le jour, il est répréhensible, parce qu’en contrevenant à la loi, il a prolongé la détention du prévenu. Le prévenu ainsi remis entre les mains de la justice, la loi a pourvu à ce que sa condition ne fût point aggravée dans le lieu de sa détention. Elle veut qu’il y ait, auprès de chaque tribunal de district, une maison d’arrêt pour y retenir ceux qui y seront envoyés par un mandat d’officier de police, et auprès de chaque tribunal criminel, une maison de justice pour détenir ceux contre lesquels il sera intervenu une ordonnance de prise de corps. Il faut bien se garder de confondre ces maisons d’arrêt et de justice avec les prisons établies pour lieux de peine. La réclusion dans les prisons est la peine même, ou la correction infligée par la loi; celui qui s’v trouve détenu, est un homme déjà jugé; il subit là l’exécution de son jug meni ; mais le citoyen prévenu ou accusé d’un délit n’est point encore jugé, il n’y est détenu qu’en atten liant son jugement, et parce que l’intérêt public a exigé qu’on s'assurât de sa personne ; sa détention "n’est donc poiut une peine, et de même qu’un homme condamné ne pourrait être mis dans la maison d’arrêt, de même il est défendu de mettre dans les prisons un homme arrêté, lût-il même décrété. Les maisons d’arrêt et de justice et les prisons doivent être sûres; mais il n’est pas moins nécessaire qu’elles soient propres et bien aérées, de manière que la santé des personnes détenues ne puisse être aucunement altérée par le séjour qu’eiles soin forcées d’y faire. Les procureurs généraux syndics des départements sont chargés, sous l’autorité des directoires, de veiller à ce que les municipalités ne négligent aucune de ces précautions. Un des officiers municipaux est obligé défaire, au moins deux fois la semaine, la visite de ces maisons et prisons, dont la police appartfent aux municipalités; il doit porter son attention principalement sur la nourriture des détenus, veiller à ce qu’elle soit suffisante et saine; et, s’il aper- 648 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. çoit quelque tort, ou si quelques faits contraires à la justice et à l’humanité lui sont dénoncés, il les vérifiera et pourvoira lui-même à une prompte et suffisante réparation, ou en référera à la municipalité, qui pourra condamner le geôlier en une amende : elle pourra même, non le destituer de son autorité i rivée, mais demander sa destitution au directoire du département qui prononcera sur cette demande; si le geôlier s’était rendu coupable d’ailleurs de quelque fait grave, il pourrait en outre être puursuivt criminellement. L’officier municipal, chargé de la visite des prisons, doit également veiller à ce que le bon ordre et la tranquilité régnent dans ces maisons. Mais cette surveillance ne doit pas être celle d’un inspecteur sévère toujours prêt à punir; l’autorité tempérée par des manières douces et humaines, agira bien plus efficacement sur des hommes déjà assez malheureux par la privation de leur liberté; des rigueurs inutiles, une sévérité déplacée, non seulement seraient contraires à l’intention de la loi, mais rendraient coupable l’officier qui abuserait de la mission qui lui est confiée. Il ne doit jamais perdre de vue que ces individus, dont la société a cru devoir s’assurer par la détention de leurs personnes, n’en sont pas moins sous la protection de la loi, qu’elle prend même un soin plus particulier de leur conservation, et pourvoitd’autant plussoigneusement à leurs besoins, qu’ils se trouvent privés des secours ordinaires qu’ils recevaient de leurs familles, de leurs amis : l’officier municipal ne doit donc paraître aux yeux des détenus, que comme un consolateur toujours disposé à entendre leurs plaintes, à satisfaire à leurs besoins, à arranger leurs querelles, s’il s’en élevait parmi eux, enfin à leur procurer tous les moyens possibles et convenables pour adoucir le désagrément de leur détention. Tous ces devoirs, tous ces ménagements que recommande l’humanité, peuvent très bien s’allier avec une conduite ferme et rigoureuse, quand la nécessité l'exige. Par exemple, si quelque détenu usait de menaces, injures, violences, soit à l’égard du gardien ou geôlier, soit à l’égard des autres détenus, l’officier municipal pourrait ordonner qu’il fût resserré plus étroitement, renfermé seul, et même mis aux fers en cas de fureur ou de violence grave, sans préjudice de la poursuite criminelle, s’il y avait lieu. Si quelque accusé s’évade des maisons d’arrêt et de justice, il sera regardé comme contumace, et on procédera contre lui ainsi qu’il sera dit à ce sujet pour les contumaces. La municipalité, comme on vient de le dire, ne peut destituer de son propre mouvement le gardien uu geôlier, parce qu’il n’est point à sa nomination; elle présente seulement les sujets au directoire du département qui les nomme, et ces sujets doivent être de mœurs irrépi ochables; ils doivent en outre savoir lire et écrire. La loi les oblige, avant de pouvoir exercer aucune fonction, de prêter serment de veiller à la garde de ceux qui leur seront remis, et de les traiter avec douceur et humanité; ce serment sera prêté par-devant le tribunal du district delà situation desdites maisons. Ces gardiens ou geôliers seront tenus d’avoir un registre, signé et paraphé à toutes les pages par le président du tribunal du district. Tout porteur de mandats d’arrêts, d’ordonnances de prise de corps, ou de jugements, de [29 septembre 1791.] condamnations, sera tenu de les faire inscrire sur ce registre en sa présence, avant de remettre la personne qu’il conduira auxdiles maisons ou prisons ; on écrira à la suite de cette inscription l’acte qui constate la remise du particulier détenu, et le tout doit être signé, tant par l’exécuteur des mandats, ordonnances et jugements, que par le geôlier ou gardien, qui lui en donnera copie signée de lui, pour la décharge dudit porteur. On doit remettre également copie du mandat d’arrêt, tant à la municipalité du lieu de la situation de la maison d’arrêt, qu’à celle du domicile du prévenu s’il est connu : le directeur du juré est chargé de cet envoi, et la municipalité du lieu du domicile du prévenu, doit donner avis à ses parents, voisins ou amis, de sa détention. Enfin le registre du geôlier est encore destiné à constater la sortie du détenu'; le gardien ou geôlier est tenu de faire mention en marge de l’acte de remise dont il vient d’être parlé, tant de fa date de la sortie que de l’ordonnance ou jugement en vertu desquels le détenu a été mis en liberté, et dont il énonce par extrait la disposition relative à la relaxation : lorsque ces ordonnances lui sont notiliées par un huissier, celui-ci, outre la copie laissée au geôlier, doit encore lui exhiber l’original dont il est porteur ; le geôlier fait mention desdits actes, signe cette mention et requiert l’huissier, et même la personne relâchée, de signer avec lui, sinon relate qu’ils n’ont voulu signer. Ces registres, à mesure qu’ils sont clos, doivent être remis par le geôlier au greffe du tribunal, en présence du président ; le greffier lui en donne une reconnaissance visée par le président ; ainsi il reste des témoignages perpétuels de tontes les détentions qui ont eu lieu dans les maisons indiquées par la loi ; ces registres sont des dépôts où chacun peut puiser les renseignements dont il a besoin; on ne peut en refuser la communication à qui que ce soit. Le but de toutes ces précautions est de prévenir les détentions arbitraires ; et ce n’est pas seulement en menaçant les dépositaires du pouvoir, que la loi a voulu rendre difticile et presque impossible toute atteinte illégale contre la liberté individuelle ; elle a cherché à arrêter le mal dès sa source, en défendant expressément à tout gardien ou geôlier de recevoir ou retenir qui que ce soit, si ce n’est en vertu de mandats d’arrêts, ordonnances de prises de corps, ou jugements de condamnations, sous peine d’être poursuivi comme coupable du crime de détention arbitraire. L’officier municipal, faisant sa visite, qui découvre qu’un homme est détenu sans que sa détention soit justifiée par un mandat d’arrêt, ordonnance de prise de corps ou jugement de condamnation , doit sur-le-champ en dresser procès-verbal, et faire conduire le détenu à la municipalité, qui, après avoir de nouveau constaté le fait, le mettra définitivement en liberté, et dans ce cas fera poursuivre la punition du gardien ou geôlier, en le faisant dénoncer par le procureur de la commune à l’ofticier de police. Cet officier municipal ne doit donc pas manquer, lors de ses visites, d’examiner ceux qui sont détenus, et les causes de leur détention . II peut dans tous les cas requérir le gardien ou geôlier de lui représenter la personne d’un accusé, et le gardien ou geôlier ne peut refuser d’obéir à cette réquisition, sans qu’aucun ordre [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ni prétexte quelconque puisse l’en dispenser, sous pareille peine d’être poursuivi comme coupable du crime de détention arbitraire. Les parents, voisins ou amis de la personne arrêtée peuvent même, en prenant un ordre de l’officier municipal, qui ne pourra le refuser, obliger le gardien ou geôlier de leur représenter ladite personne, et celui-ci ne peut s’en dispenser sous peine d’être poursuivi comme ci-dessus, à moins qu’il n’ait un ordre exprès du juge inscrit sur son registre, de tenir le détenu au secret, et dans ce cas il doit et ne peut refuser de justifier de cet ordre sous les mêmes peines. Ce respect scrupuleux pour les droits individuels est un des premiers devoirs de la législation chez un peuple libre. Ce n’est point "assez que les grandes masses de la Constitution assurent la liberté politique, il faut que tous les détails des institutions secondaires protègent la liberté individuelle. Tout citoyen qui ne trouble pas l’ordre public peut vivre tranquillement à l’abri de la loi, qui veille à ce qu’il ne soit porté aucune atteinte à la sûreté de sa personne ; elle regarde comme coupable du crime de détention arbitraire, et punit rigoureusement, tout homme, quelle que soit sa place ou son emploi, qui n’ayant pas été investi du droit d’arrestation, donnerait, signerait ou exécuterait l’ordre d’arrêter un citoyen, ou qui l’arrêterait effectivement, si ce n’est pour le remette sur-le-champ à la police, dans les cas déterminés par les décrets. La même peine est également prononcée contre ceux qui, dans le cas même où la détention d’un homme est autorisée par la loi, le conduiraient ailleurs que dans les lieux légalement et publiquement désignés par l’administration du département pour servir de maison d’arrêt, de justice ou de prison ; et celui qui prêterait sa maison pour cette détention illégale serait réputé coupable du même crime, et puni des peines qui seront indiquées dans le code pénal décrété par l’Assemblée. La loi permet à toute personne qui aurait connaissance d’une détention de cette espèce, d’en donner avis à l’un des officiers municipaux ou au juge de paix du canton, et même d’en faire au greffe une déclaration signée. Ces ofliciers avertis par cette dénonciation, et dans le cas même où ils auraient été instruits par toute autre voie, doivent, sous peine d’être responsables de leur négligence, se transporter aussitôt au lieu de la détention illégale : nul n’a le droit de leur refuser l’ouverture de sa maison pour cette recherche ; ils peuvent même, en cas de résistance, se faire assister de la force née; s-saire, et tout citoyen est tenu de leur prêter main-forte; s’ils trouvent la personne illégalement détenue, ils doivent la remettre en liberté. Il ne peut donc exister d’autre lieu de détention que les maisons d’arrêt et de justice, et les prisons; et de tous ceux qui y sont détenus, aucun ne doit s’y trouver sans une cause dont la loi puisse à tout instant demander compte ; il ne sera plus question, dans cette instruction, que des personnes détenues dans les maisons d’arrêt et de justice. Celles-là y attendent: ou la déclaration des premiers jurés sur la question de savoir s’il y a lieu ou non à accusation, ou le jugement qui doit prononcer sur l’accusation admise. Dans ces deux cas, le sort du prévenu ou de l’accusé dépend de la décision des jurés; ceux-ci sont des citoyens appelés à l’occasion d’un délit [29 septembre 1791.] 049 pour examiner le fait allégué contre le prévenu ou l’accusé, et décider, d’après les preuves qui leur sont fournies et leur conviction personnelle, si le délit existe et quel est le coupable. Les jurés ne sont donc point des fonctionnaires publics qui exercent la profession particulière de juger dans les matières criminelles, ils ne sont point connus d’avance de ceux qui seront soumis à leur jugement. Aucun caractère public, aucunes marques extérieures ne les désignent au peuple comme ceux qui doivent être ses juges dans telle et telle circonstance ; ils ne s’élèvent point au-dessus de la classe des simples citoyens ; si l’exercice instantané des fonctions de jurés leur donne un pouvoir que la loi autorise et que tous doivent respecter, leur mission finie, ils se confondent dans le sein de la société, et ne conservent aucun signe de cette juridiction du moment. La loi n’a pas voulu cependant confier à tous indistinctement l’importante fonction de décider de l’honneur où de la vie de leurs semblables ; elle a circonscrit le choix des jurés dans la classe des citoyens qui sont capables des fonctions d’électeurs. Outre les moiifs qui, précédemment, avaient dicté les conditions de l’éligibilité, l’Assemblée nationale a considéré les inconvénients de la perte de temps que pourrait occasionner aux citoyens le service public du juré ; elle serait trop" onéreuse à ceux qui ne vivent que du produit de leur travail. La loi n’a pas laissé entièrement libre l’acceptation ou le refus des fonctions de jurés. Elle compte, sans doute, sur la bonne volonté des citoyens et les progrès de l’esprit public ; mais autant il pourrait résulter d’inconvénients de l’admission indéfinie et sans aucun choix de tous ceux qui se présenteraient pour être jurés, autant il serait dangereux d’être exposé à manquer de jurés dans le moment où leur ministère est nécessaire; touslles citoyens capables d’être électeurs, qui n’auraient pas d’excuse valable, ne peuvent donc se dispenser de payer à la société ce tribut civique, sans encourir les peines déterminées par la loi. On a vu qu’il y avait des jurés de deux sortes : mais celte manière de s’exprimer ne signifie pas qu’il y ait des distinctions personnelles entre un juré’êt un autre juré: tous sont égaux, car tous sont citoyens, et la même aptitude est requise pour les deux espèces de jurés ; la différence n’existe donc que dans l’objet de leur mission; les uns doivent décider s’il y a lieu à accusation, les autres, si l'accusation est fondée; de là la distinction de juré d’accusation et de juré de jugement. Leur formation est soumise à des règles différentes, indiquées par la loi ; voici la manière de former le juré d’accusation. Tous les trois mois le procureur-syndic de chaque district dresse une liste de 30 citoyens, pris parmi tous les citoyens du district qui ont les qualités requises pour être électeurs. Le directoire du district examine cette liste et l’arrête s’il l’approuve; un exemplaire en est envoyé à chacun des citoyens qui la composent. Ces 30 citoyens ne peuvent faire aucunes fonctions que quand ils sont appelés. Le tribunal du district doit indiquer un jour dans la semaine auquel s’assemblera le juré d’accusation. Huitaine avant le jour de l’assemblée, le directeur du juré, dont il sera ci-après parlé, fait 650 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.] mettre dans un vase les noms des 30 citoyens inscrits sur la liste; et au milieu de l’auditoire, en présence du public et du commissaire du roi, il fait tirer les noms de 8 citoyens ; ce sont ces 8 citoyens qui forment le tableau du juré d’accusation. Lorsqu’il y a lieu d’assembler ce juré, le directeur du juré avertit 4 jours d’avance les 8 membres choisis par le sort, de se rendre au jour fixé ; et si quelqu’un d’eux ne s’y trouve pas, le tribunal, sur la réquisition du commissaire du roi, rend un jugement qui déclare le juré absent privé du droit d’éligibilité et de suffrage pendant 2 ans, et le condamne en outre à 30 livres d’amende. Si l’un ou l’autre des 30 citoyens inscrits sur la liste prévoyait quelque obstacle qui dût l’empêcher de se rendre au jour fixé pour l’assemblée du juré d’accusation, dans le cas où le sortie placerait au nombre des 8 citoyens du tableau, il devrait prévenir le directeur du juré 2 jours au moins avant celui de la formation dudit tableau, afin de donner le temps d’examiner la validité de l’excuse; dans ce cas, le directeur du juré donne connaissance de l’excuse au tribunal qui doit, dans les 24 heures, ou l’admettre ou la rejeier. Si elle est jugée suffisante, le directeur du juré, sans qu’il soit besoin d’en instruire le citoyen qui l’a présentée, fait retirer pour cette fois son nom du nombre des 30 qui doivent être au sort. Si, au contraire, t’excuse n’est pasjugée valable, le nom de celui qui l’a présentée reste au nombre de ceux qui sont tirés au sort; et si le sort le place parmi les 8, le directeur du juré lui fait déclarer, parune signification d’huissier, que son excuse a été jugée non valable ; que le sort l’a placé sur le tableau des jurés; qu’en conséquence il ait à se rendre au jour fixé pour l’assemblée du juré d’accusation. On laissera également copie de cette signification à l’un des officiers municipaux du lieu de son domicile. Le juré qui ne satisferait pas à cette sommation serait condamné aux mêmes peines et amendes que ci-dessus; si cependant il était retenu pour cause de maladie, il serait dispensé de se rendre à l’assemblée; mais, dans ce cas, il faudrait qu’il justifiât de l’empêcliement qui l’a retenu. L’Assemblée nationale n’a pas cru devoir détailler les divers genres d’empêchements qui pourraient servir d’excuse aux citoyens pour se dispenser ries fonctions de jurés, elle a laissé la détermination de ces cas à la prudence des juges ; mais son intention est que les juges n’admettent ces sortes d’excuses que très-difficilement, et dans le cas seulement où il y aurait, de la part du citoyen, impossibilité absolue de se rendre à son devoir de juré. Mais, soit qu’un ou plusieurs jurés ne se trouvent pas au jour de l’assemblée, par quelque motif que ce soit, l’assemblée doit toujours avoir lieu; le directeur pourvoit alors au remplacement en prenant au sort, daus la liste des 30, un des citoyeus de la ville ; et si la liste ne suffisait pas, on pourrait choisir également au sort parmi les autres citoyens capables d’être électeurs. C’est le directeur du juré qui met en mouvement le juré d’accusation. Chaque tribunal de district doit désigner un de ses membres, le président excepté, pour remplir celte fonction dans les matières criminelles; il l’exercera pendant 6 mois, au bout desquels il en sera choisi un autre à tour de rôle : en cas d’absence ou d’empêchement, le directeur du juré sera remplacé par celui qui le suit dans l’ordre du tableau. Le premier devoir du directeur du juré, quand il a délivré son visa au porteur du mandat d’arrêt quia conduit le prévenu en la maison d’arrêt, est d’entendre aussitôt, ou, au plustard, dans les vingt-quatre heures, le prévenu, et d’examiner les nièces qui lui ont été remises, pour vérilier si l’inculpation est de nature à être présentée aux jurés, c’est-à-dire si le délit dont on se plaint emporte peine afflictive ou infamante ; car ce n’est que dans ces cas que ie ministère des jurés sera nécessaire. Cette audition du prévenu et cette vérification doivent se faire dans l’auditoire; le directeur du juré, averti par les deux reconnaissances qu’il a Visées de la remise du prévenu, ordonne au gardien de la maison d'arrêt de faire paraître le prévenu devant lui. Comme la formalité de l’audition du prévenu dans les 24 heures est de rigueur, et comme il est intéressant de connaître si elle a été remplie, le directeur du juré doit en dresser procès-verbal, qui contiendra les déclarations et réponses du prévenu, sans qu’il soit besoin d’observer les anciennes formules des interrogatoires, ni de prendre le serment du prévenu qu’il va dire la vérité; le simple bon sens suffit pour convaincre ne l’inutilité et de l’immoralité d’un tel serment qui place le prévenu entre le parjure et la peine. Il répugne également à la raison de faire au prévenu cette question insignifiante, s’il entend prendre droit par les charges; en un mot, le directeur du juré ne doit jamais oublier que cette audition n’est qn’une facilité accordée à un individu arrêté d’expliquer les preuves de son innocence et les raisons qu’il voudra alléguer pour sa justification; le directeur du juré ne doit se permettre aucune question captieuse, il doit entendre la déclaration libre du prévenu. Le directeur du juré n’est pas le maître de décider que l’accusation ne doit pas être présentée au juré; un pareil droit serait trop dangereux dans la main d’un seul homme, que l’on corrompt plus facilement qu’un tribunal entier; il doit donc en référer au tribunal ; mais il est une distinction de circonstances à observer: ou il n’y a point de partie plaignante ni dénonciatrice, ou il y en a une. S’il n’y a point de partie plaignante, que l'accusé soit présent ou non, lorsque le directeur du juré trouve, par la nature du délit, que l’accusation ne doit pas être présentée au juré, il doit, dans les 24 heures à compter du moment où il a vérifié les pièces, assembler le tribunal, qui prononcera sur cette question d'après l’examen desdites pièces, et après avoir entendu le commissaire du roi. Dans ce cas, la décision du tribunal se donne à huis clos, sur le rapport du directeur du juré, et on l’inscrit sur un registre différent du registre des audiences, lequel servira à inscrire tout ce qui est relatif à la procédure qui se fera devant le tribunal du district et ie juré d'accusation. La convocation des membres du tribunal doit se faire par le ministère de l’un des huissiers audienciers du tribunal, soit que le directeur du juré ne donne qu’un avertissement verbal, ou qu’il prévienne les juges par écrit. Dans le même cas où il n’y a point de partie plaignante, si le directeur du juré trouve que Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. l’accusation doit être présente au juré, ou si le tribunal l’a décidé ainsi contre l’avis du directeur du juré, celui-ci dressera l’acte d’accusation. S’il y a une partie plaignante ou dénonciatrice, le directeur doit attendre 2 jours révolus depuis la remise du prévenu en la maison d’arrêt ou des pièces au greffe du tribunal; dans cet intervalle, il ne peut faire autre chose qu’entendre l’accusé. Ce délai expiré, ou la partie se présente, ou elle ne se présente pas. Si elle ne se présente pas, le directeur du juré, sans qu’il soit besoin de constater la non-comparution de la partie, agit comme il eût dû le faire dans le cas où il n’y aurait pas de partie plaignante. Si la partie ou son fondé de procuration spéciale se présente au directeur du juré dans ledit délai, cet officier, de concert avec elle, dresse l’acte d’accusation. L’acte d’accusation n’est autre chose qu’un exposé exact, mais précis, dans lequel on énonce que, tel jour, à telle heure et en tel endroit, il a été commis un délit de telle et telle nature, que telle personne est l’auteur de ce délit ou soupçonnée de l’avoir commis ; cet acte doit contenir tous les détails, toutes les circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi le délit; en un mot, présenter dans toute leur étendue les faits qui ont rapport au délit, de sorte que le lieu, le jour, l’heure, les personnes et le délit soient désignés le plus clairement possible. L’acte d’accusation n’est sujet d’ailleurs à aucune autre forme. S’il a été dressé uu procès-verbal qui constate le corps du délit, il ne faut pas oublier de le joindre à l’acte d’accusatiun, pour qu’il soit présenté en même temps au juré. La loi recommande cette formalité à peine de nullité. II peut arriver que le directeur du juré et la partie ne soient pas d’accord sur les faits et sur la nature de l’accusation ; chacun d’eux peut alors faire une rédaction séparée. L’opinion du directeur du juré, qui penserait que le délit n’est pas de nature à être présenté au jury, n’empêcherait pas même la partie de dresser son acte d’accusation. Get acte ainsi rédigé doit être avant tout communiqué, ainsi que toutes les pièces et actes ultérieurs de procédure, au commissaire du roi qui l’examine ; s’il trouve que le délit soit de nature à mériter peine afflictive ou infamante, il écrit au bas de l’acte d’accusation ces mots : La loi autorise , et il signe. Dans le cas contraire, il exprime son opposition par ceux-ci : La loi défend. Cette opposition du commissaire du roi arrêterait ia présentation de l’acte d’accusation aux jurés, si d’ailleurs le directeur du juré avait été du même avis que le commissaire du roi, car, dans ce cas, ia partie serait seule juge de la nature du délit; mais la loi permet alors de faire juger la question par le tribunal, auquel la partie, le commissaire du roi, ou le directeur du juré en référera, et le tribunal est obligé de la juger dans les vingt-quatre heures. 11 prononce que le délit est ou n’est pas de nature à mériter peine afflictive ou infamante : s’il décide l’affirmative, l’acte d’accusation est présenté aux jurë3 tn la forme qui suit; si, au contraire, il déclare que le délit n’est pas de nature à mériter peine afflictive ou infamante, l’acte d’accusation est comme non avenu, et le même jugement prononce la relaxation du prévenu, sauf les punitions corporelles, et sauf aux parties intéressées à se pourvoir à fin civile, ainsi qu’elles aviseront. Dans tous les cas où il résulte uu acte d’ac-[29 septembre 1791.] 6ol cusation, il doit être présenté aux jurés, et c’est à cette époque seulement que leur ministère devient nécessaire. Le directeur du juré fait avertir les 8 citoyens qui forment le tableau du juré d’accusation, et quand ils sont rassemblés dans le lieu et au jour indiqués, il leur l'ait d’abord prêter, en présence du commissaire du roi, le serment en ces termes : « Citoyens, vous jurez et promettez d’examiner « avec attention les témoins et les pièces qui vous « seront présentées, et d’en garder le secret » (deux motifs princip mx rendent n i le secret nécessaire, et ces motifs ne contrastent point avec la publicité de la procédure, publicité nui doit être ia sauvegarde des accusés, car nous ne sommes point encore arrivés à la partie de la procédure qui doit faire juger si l’accusé est cou-pab'e ou non; tout sera public alors : quant à présent, il ne s’agit encore que de découvrir s’il y a lieu ou non à l’accusation, et le secret est nécessaire pour ne point avertir les complices de prendre la fuite, et pour ne pas avertir les parents et amis de l’accusé nu nom des témoins qu’ils auraient intérêt à écarter ou à séduire, avant qu’ils ne déposent par-devant le juré de jugement) ; « vous vous expliquerez avec « loyauté sur l’acte d’accusation qui va vous être « remis ; vous ne suivrez ni les mouvements de « la haine et do la méchanceté, ni ceux de la « crainte ou de l’affection. <■ Les jurés doivent répondre chacun individuellement : Je le jure. » S’il y avait de nouveaux témoins qui n’eussent pas encore été entendus, le directeur du juré recevra leurs dépositions secrètement, et elles seront écrites par le greffier du tribunal, non dans la forme qui s’observait sous l’ancien régime judiciaire pour les informations, mais comme simples déclarations destioées seulement à servir de renseignements. Ces déclarations faites, les témoins paraissent en présence des jurés, et y déposent de nouveau; mais alors leurs dépositions sont verbales. On remet ensuite aux jurés toutes les pièces, à l’exception des déclarations des témoins; puis ils se retirent seuls dans la chambre qui leur est destinée : le plus ancien d’âge d’entre eux les préside et est chargé de recueillir leurs voix. Ils examinent l’acte ou les actes d’accusation; car il peut y avoir deux actes de cette espèce; l’un présenté par le directeur du juré, l’autre par la partie plaignante ou dénonciairice, dans le cas où ils ne se" seraient point accordés sur les faits et la nature du délit. Les jurés qui ont à porter une décision dans cette circonstance, doivent bien se pénétrer de l’objet de leur mission ; iis n’ont pas à juger si le prévenu est coupable ou non, mais seulement si le délit qu’on lui impute est de nature à mériter l’instruction d’une procédure criminelle, et s’il y a déjà des preuves suftisantes à l’appui de l’accusation ; ils apercevront aisément le but de leurs fonctions, en se rappelant les motifs qui ont déterminé à établir un juré d’accusation. Ces motifs ont leur base dans le respect pour la liberté individuelle. La loi, en donnant au ministère actif de la police le droit d’arrêter un homme prévenu d’un délit, a borné ce pouvoir au seul fait de l’arrestation. Mais une simple prévention, qui souvent a pu suffire pour qu’on s’assurât d’un homme, ne suffit pas pour le priver de sa liberté pendant l’instruction d’un procès, et l’exposer à subir l’appareil d’une poursuite criminelle. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. La loi a prévenu ce dangereux inconvénient; et à l’instant même où un homme est arrêté par la police, il trouve des moyens faciles et prompts de recouvrer sa liberté, s’il ne l’a perdue que par l’effet d’une erreur ou de soupçons mal fondés, ou si son arrestation n’est que le fruit de l’intrigue, de la violence, ou d’un abus d’autorité. Il faut alors qu’on articule contre lui un délit grave. Ce ne sont plus de simples soupçons, une simple prévention, mais de fortes présomptions, un commencement de preuves déterminantes, qui doivent provoquer la décision des jurés pour l’admission de l’acte d’accusation. Ce n’est qu’a près avoir subi cette première épreuve, ce n’est que sur l’accusation reçue par un juré de 8 citoyens, que le détenu peut être poursuivi criminellement et jugé. Les jurés d’accusa ion ne peuvent décider qu’au nombre de 8, à la majorité des voix, s’il y a lieu à accusation. S’ils sont d’avis que l’accusation doive être admise, ils exprimeront leur opinion en écrivant au bas de l’acte d’accusation par cette formule affirmative : La déclaration du juré est : oui , il y a lieu. Si, au contraire, ils trouvent que l’accusation ne doive pas être admise, ils mettront également au bas de l’acte cette formule négative : La déclaration du juré est : non, il n'y a pas lieu. Dans le cas où il y aurait deux actes d’accusation, comme on l’a dit plus haut, ils doivent les examiner l’un et l’autre, en admettre un, ou les rejeter tous deux, selon leur opinion : s’ils n’admettent aucune des deux accusations, ils écrivent la formule négative sur les deux actes, et le chef ou président des jurés signe ces déclarations. Il peut arriver aussi que, d’après l’examen de l’acte ou des actes d’accusation, les jurés trouvent qu’il y ait lieu à une accusation différente de celle portée auxdits actes. Ce n’est point aux jurés à indiquer l’espèce de l’accusation qu’ils pensent devoir être substituée à celle qu’on leur a présentée; ils doivent se contenter d’écrire au bas de l’acte cette formule : La déclaration du juré est : Il n’y a pas lieu à la présente accusation. Dans ce cas, le directeur du juré doit dresser un nouvel acte d’accusation, en observant les mêmes formes ci-dessus prescrites; et il fera auparavant entendre devant lui les témoins. Lorsque les jurés ont décidé, leur chef remet en leur présence leurs déclarations au directeur du juré, qui en dresse un acte. Si les jurés prononcent qu’il n’y a pas lieu à l’accusation, le directeur du juré, d’après cette décision, ordonne que le prévenu sera mis en liberté, et le prévenu ne pourra plus être poursuivi pour raison du même fait, à moins que, sur de nouvelles charges, il ne soit présenté un nouvel acte d’accusation. Ce qui vient d’être dit suppose la présence du prévenu. Si le prévenu n’était point détenu en la maison d’arrêt du lieu où se tient le juré d’accusation, mais gardé à vue, ou arrêté dans un lieu, où il aurait été trouvé deux jours après le mandat d’amener, à une distance de dix lieues dn domicile de l’officier de police qui aurait délivré le mandat, le directeur du juré devrait donner avis de la décision des jurés à cet officier de police, afin qu’il fît cesser toute poursuite, ou relâcher le prévenu s’il est arrêté. Si les jurés décident qu’il y a lieu à l’accusation, le directeur du juré rendra sur-le-champ [29 septembre 1791.] une ordonnance dont les dispositions ne sont pas les mêmes dans tous les cas. Si le délit n’est pas de nature à mériter peine afflictive, mais seulement infamante, et si le prévenu a déjà été reçu à caution, l’ordonnance du directeur contiendra seulement injonction à l’accusé de comparaître à tous les actes de la procédure, et d’élire domicile dans le lieu du tribunal criminel, le tout, à peine d’y être contraint par corps ; cette ordonnance est signifiée à l’accusé, ainsi que l’acte d’accusation. Celui-ci est tenu, en conséquence, dans le plus court délai, o’élire domicile dans la ville où est établi le tribunal criminel, et il doit faire notifier son élection de domicile au commissaire du roi près le tribunal criminel ; s’il ne fait pas élection de domicile et ne se présente pas aux actes de procédure ( ù sa présence sera nécessaire, ou si, ayant fait élection de domicile, il ne comparaît pas lorsqu’il sera averti, le tribunal criminel, après avoir entendu le commissaire du roi, ordonne que, faute par lui d’avoir satisfait à l’ordonnance du ...... . il sera pris au corps, et conduit en la maison de justice. Si, dans le cas où il n’échoit que peine infamante, le prévenu n’a pas déjà été reçu à caution, le directeur du juré rend une ordonnance portant que l’accusé sera pris au corps et conduit directement en la maison de justice du tribunal criminel, sauf à lui à demander à ce tribunal son élargissement, qui lui sera accordé en donnant caution. Dans tout autre cas, le directeur du juré rend une ordonnance de prise de corps, dont il est obligé, sous peine de suspension de ses fonctions, de donner avis, tant à la municipalité du lieu de la situation de la maison d’arrêt du district, qu’à celle du domicile du prévenu, en la personne du greffier de la municipalité. Cette ordonnance doit contenir d’une manière précise le nom de l’accusé, sa désignation et son signalement, son domicile s’il est connu, la copie de l’acte d’accusation, et l’ordre de conduire l’accusé directement à la maison de justice, et le tout doit être signifié à celui-ci. Si cet accusé est détenu dans la maison d’arrêt, on le transfère, en vertu de l’ordonnance, dans la maison de justice du tribunal criminel : cette translation de l’accusé et l’envoi du procès doivent être faits par les ordres du commissaire du roi du tribunal du district, dans les 24 heures de la signification de l’ordonnance de prise de corps. Si l’accusé n’est pas arrêté, il peut être saisi en quelque lieu qu’il se trouve, et amené devant le tribunal criminel. Si on ne peut le saisir, on procède contre lui, comme contumace, ainsi qu’il sera dit ci-après. Maintenant que la personne n’est plus détenue sur une simple prévention, mais en vertu d’une ordonnance de prise de corps; maintenant qu’il exi-te contre elle une accusation positive, elle va subir son jugement, et rester privée de sa liberté pendant l’instruction du procès ; à moins qu’elle ne se trouve dans un des cas où la loi lui permet d’obtenir son élargissement en fournissant une caution. Mais ce ne seront pas les mêmes jurés qui prononceront sur son accusation ; ici la scène change entièrement pour l’accusé; le lieu de sa détention n’est plus le même; il ne retrouve plus, ni le tribunal, ni les jurés, ni aucun des individus, qui ont influé sur l’admission de l’acte d’accusa- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES |29 septembre 1791.] 653 tion : un seul tribunal par département est établi pour juger toutes les accusations criminelles. Les préventiuns personnelles, les impressions locales qui auraient pu déterminer une première décision contre l’accusé s’effacent à une certaine distance du lieu du délit; de nouveaux jurés, d’autres juges vont statuer sur le sort de l’accusé ; ainsi la loi n’a négligé aucun des moyens capables de le rassurer contre toute espèce d’inllueDce défavorable. Elle lui donne même le droit, s’il est domicilié dans le district ou siège le tribunal criminel du département, ou si le juré d’accusation est celui du lieu où est établi ce tribunal, de demander à être jugé par l’un des tribunaux criminels des deux départements les plus voisins. Mais, cette faculté, la loi ne la lui accorde pourtant pas dans les grandes villes dont la population est au-dessus de 40,000 âmes. L-’s préventions locales sont bien moins sensibles dans une cité nombreuse, où les habitants se connaissent à peine, ont des communications moins rapprochées, sont Idistraitsjpar une foule d'événements qui se succèdent, ou occupés d’intérêts majeurs et variés, qui absorbent leur attention, et atténuent l’effet des passions, toujours d’autant plus actives qu’elles sont plus concentrées. Si l’acru-ése trouve donc dans l’un des cas où il aura le droit de demander à être jugé par un tribunal voisin, le directeur du juré aura soin dans son ordonnance de prise de corps, après avoir énoncé l’ordre de le conduire dans la maison de justice du tribunal criminel du département, de dénommer en outre les villes des deux tribunaux criminels les plus voisins, entre lesquels l’accusé pourra opter; et dans les24heures de la signification qui lui aura été faite de l’acte d’accusation, cet accusé, s’il est détenu en la maison d’arrêt, doit notifier au gr ffe du tribunal son option. Après ce temps, il sera envoyé au tribunal direct ou à celui qu’il aura choisi; ou, s’il y avait plusieurs accusés qui ne s’accordassent pas sur le choix du tribunal, le directeur des jurés les ferait tirer au sort. La faculté d’opter est laissée dans le même cas à l’accusé qui n’aurait pas été saisi en vertu du mandat d’amener de l’officier de police, mais qui n’aurait pu être arrêté qu’en vertu de l’ordonnance de prise de corps; alors le porteur de l’ordonnance conduit l’accusé devant le juge de paix du lieu où il aura été trouvé et saisi, à l’effet de faire devant ce juge la déclaration de l’option d’un tribunal ou de son refus d’opter; le juge de paix reçoit cette déclaration, en garde minute et en délivre une expédition au porteur de l’ordonnance, qui, en conséquence, conduit l’accusé dans la maison de justice du tribunal direct, ou dans celui qui aura été choisi par l’accusé. Ce même porteur remet au greffe et l’ordonnance de prise de corps, et la déclaration faite par l’accusé, contenant option ou refus de la faire. Le greffier lui donne reconnaissance du tout, et communique les deux actes à l’accusateur public : l’accusateur public du tribunal d’option fait uotifier ce choix par un huissier au greffe du tribunal direct; et, sur cette notification et la réquisition que l’accusateur public en fait par l’acte même de notification, le tribunal direct doit lui faire renvoyer les pièces du procès. Dans le cas où il y aurait plusieurs accusés compris dans le même acte d’accusation, celui d’entre eux qui serait arrêté en vertu de l’ordonnance de prise de corps postérieurement à l’option faite d’un tribunal criminel, par ses coaccusés, ou après leur envoi au tribunal direct, sera exclus de pouvoir exercer la faculté d’opter, quand bien même il serait domicilié dans le district où siège le tribunal criminel direct. L’accusé remis en la maison de justice et toutes ces formalités préliminaires remplies, il s’agit de commencer l’instruction de la procédure criminelle. On a déjà annoncé que le tribunal criminel établi dans chaque département était seul chargé de juger les affaires criminelles, d’après la décision des jurés qui forment le juré du jugement. Ce tribunal sera établi et fixé dans la ville qui est le siège de l’administration ou du directoire de département. Dans le département du Cantal, où l’Assemblée a laissé subsister l’alternat par une exception particulière, elle n’a point entendu que le tribunal criminel pût alterner comme le chef-lieu du département, et elle en a fixé la résidence. Quatre juges seulement, y compris le président, un accusateur public, un commissaire du roi, et un greffier, composent le tribunal criminel. Le président est nommé par les électeurs du département, pour les 6 années, et peut être réélu. A l’égard des juges, ils ne sont point élus directement pour être membres du tribunal criminel : le directoire du département désigne tous les 3 mois, et par tour, 3 juges des tribunaux de district de son ressort, qui viennent siéger pendant ce temps au tribunal criminel. L’accusateur public est également nommé par les électeurs du département, ses fonctions dureront 4 ans seulement pour la première nomination qui en fera faite, lorsque l’institution des jurés sera mise en vigueur; mais, à l’avenir, les fonctions de l’accusateur public seront de 6 années. Les mêmes électeurs nommeront à vie un greffier du tribunal criminel. Il y aura toujours un commissaire du roi de service auprès du tribunal criminel, mais qui ne sera point établi exprès pour ce tribunal seulement. Les conditions d’éligibilité pour être nommé président et accusateur public, et pour le commissaire du roi qui exercera ses fonctions près le tribunal criminel, sont les mêmes que pour les juges et commissaires du roi des tribunaux civils de districts. Les fonctions du président, de l’accusateur public et du commissaire du roi, sont déterminées par la loi. Le président exerce les fonctions de juge comme les autres membres du tribunal, mais il est de plus personnellement chargé d’entendre l’accusé au moment de son arrivée, de faire tirer au sort les jurés, de les convoquer, de les diriger dans l’exercice des fonctions qui leur sont assignées par la loi, de leur exposer l’affaire, et de leur remettre sous les yeux les devoirs qu’ils ont à remplir. Ou ne peut trop recommander aux électeurs, qui auront à choisir un président du tribunal criminel, de se bien pénétrer de toute l’importance de cette place. Quelle probité ! quelle sagacité ! quelle expérience du cœur humain ne sont pas requises en celui que la loi investit d’une si grande confiance 1 il devra lui-même se pénétrer profondément du sentiment de ses devoirs, et de la nature de l’institution sublime 654 [Assemblée nationale.] dont il est le principal moteur. Toutes les questions soumises au juré sont des questions de fait très importantes et pour l’individu accusé du fait, et pour la société qui en recherche l’auteur. La vérité de ces faits doit, être poursuivie avec bonne foi, avec franchise, avec loyauté, avec un vrai et sincère désir de parvenir à la connaître : rien de ce qui peut servir à la rendre palpable ne doit être négligé; tous les moyens d’éclaircissements proposés par les parties ou demandés par les jurés eux-mêmes, s’ils peuvent effectivement jeter un jour utile sur le fait en question, doivent être mis en usage; aucun ne doit être rejeté, que. ceux qui tendraient inutilement à prolonger le débat, sans donner lieu d’espérer plus de certitude dans les résultats ; et comme toutes les demandes des parties ou des jurés doivent s’adresser au président du tribunal criminel, il est sensible que le cœur le plus pur et l’esprit le plus droit sont les bases de la confiance de la loi, quand elle se repose sur ce président du soin de rendre, d’après les circonstances, une multitude de décisions sur lesquelles on ne peut lui tracer d’avance aucune règle ; ce pouvoir discrétionnaire est tempéré et dirigé par la présence du public, dont les regards doivent toujours être particulièrement appelés sur l’exercice de toutes les fonctions qui, par leur nature, touchent à l’arbitraire; ils portent avec eux le meilleur préservatif contre l’abus qu’on pourrait être tenté d’en faire. Le devoir de l’accusateur publie est principalement de poursuivre les délits sur les actes d'ac usation admis par les premiers jurés. Il a la surveillance sur tous les officiers de police du département ; il peut, en cas de négligence, les avertir ou les réprimander; il doit même, en cas de faute plus grave, les déférer au tribunal criminel, les y traduire à sa requête par voie d’action, pour y être, suivant la nature du délit, condamnés aux peines correctionnelles déterminées par la loi. Si un officier de police avait prévariqué dans ses fonctions, s’il était dans le cas d’être poursuivi criminellement, l’accusateur public qui en sera instruit délivrera un mandat d’amener, en vertu duquel l’officier accusé de prévarication sera appelé devant lui : l'accusateur public recevra ses éclaircissements, entendra même les témoins; et si le cas était assez grave, il remettra au directeur du juré la notice des faits, les pièces et la déclaration des témoins, pour que celui-ci dresse l’acte d’accusation, et le présente au juré d’accusation dans la forme ci-dessus indiquée. Les fonctions de l’accusateur public et l’autorité que la loi lui défère annoncent assez que le seul homme qui convienne à cette place, est un homme juste et impartial; rien ne serait plus coupable dans un accusateur public qu’une conduite passionnée. Cet officier stipule au nom de la société, et l’intérêt public seul doit constamment présider à toutes ses démarches. L< s fonctions du commissaire sont marquées dans le détail de la procédure. Enfin les jurés, dont le ministère est nécessaire près du tribunal criminel, sont chargés de décider si l'accusé est coupable ou non. Le juré de jugement ne se forme pas comme le juré d’accusation, quoique composé des citoyens qui doivent réunir les mêmes conditions d’éligibilité. Tout citoyen qui peut être électeur doit se faire inscrire au plus tard avant le 15 décembre de chaque année, comme juré de jugement, sur un [29 septembre 1791.] registre qui est tenu à cet effet par le secrétaire greffier de chaque district. Les ecclésiastiques et les septuagénaires pourront se dispenser des fonctions de jurés; elles seront déclarées incompatibles avec celles des officiers de police, d s juges, des commissaires du roi, de l’accusateur public, des procureurs généraux syndics, des procureurs syndics des administrations. Tous les citoyens qui ne pourront pas être électeurs, ne pourront également être jurés. GeuK qui auraient négligé de se faire inscrire pendant le mois de décembre au plus tard, seront privés du droit d’être électeurs et éligibles à toutes les élections qui auront lieu pendant le cours de l’année suivante. Le défaut d’inscription n’empêcherait pas pourtant qu’üs ne fuissent pris pour jurés, dans le cas où les éligibles inscrits ne seraient pas en nombre suffisant. Chaque année le procureur syndic du district enverra dans les derniers jours "de décembre, au directoire de département, une copie du registre de l’inscription des jurés de jugement, et en fera remettre un exemplaire à chaque municipalité de son arrondissement. Le procureur général syndic du département fera tous les trois mois une liste composée de 200 des citoyens éligibles inscrits sur le registre envoyé par les procureurs syndics des directoires, laquelle liste sera arrêtée par le directoire. Ces deux cents citoyens formeront la liste du juré de jugement, qui sera imprimée et envoyée à tous ceux qui la composeront. Le procureur général doit observer, en formant cette liste, de ne pas y placer deux fois de suite, dans le cours de l’année, le même citoyen, à moius qu’il n’habite la ville même du Iribùnat criminel, ou que ce ne soit de son consentement. Celui qui, pendant les trois mois que son nom sera sur la liste, aura assisté à une assemblée de juré, pourra s’excuser d’en remplir une seconde fois les fonctions; d’un autre côté, s’il avait été juré d’accusation, il ne pourrait être juré de jugement dans la même affaire; mais, outre les quatre listes qui seront formées de trois mois en trois mois, on formera, le premier de chaque mois, le tableau des jurés de jugement. Cette mission appartient au président du tribunal criminel. Le jour de la formation du tableau, le commissaire du roi et deux officiers municipaux se trouvent au lieu destiné à cette opération; là le président du tribunal criminel leur fait prêter serment de garder le secret; et en leur présence, il présente à l’accusateur public la liste des 200 jurés, qui lui a été remise par le procureur général syndic. L’accusateur public a la faculté d’en exclure 20 d< s 200, sans donner de motif; s’il le fait, on met les 180 noms restants dans le vase, et on en lire au sort 12 qui forment le tableau du juré. A ces 12, on joint 3 autres jurés qui sont également tirés au sort, et qui sont destinés à servir d’adjoints, dans le cas où le tribunal serait convaincu que les jurés se seraient évidemment trompés, comme il sera ci-après expliqué. L’accusé a également la faculté de récuser; on lui préseute le tableau, et il peut récuser, sans donner de motif, ceux qui le composent; on les remplace par le sort. Lorsque l’accusé en aura récusé 20 sans motif, il sera obligé de déduire les causes des récusations qu’il voudrait présenter ensuite; le tribunal criminel en jugera la va-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. lidité ; cette récusation de 20 jurés peut être faite par plusieurs coaccusés, s’ils se concertent en-semb'e pour l’exercer; et s’ils ne peuvent s’ac-corder, chacun d’eux en récusera successivement un jusqu’au nombre de 10. Les 12 citoyens composant le tableau doivent être toujours prêts à se rendre au jour indiqué à l’assemblée du juré, lorsqu’ils seront convoqués par le président du tribunal. Cette assemblée se tient le 15 de chaque mois, et la convocation doit être faite le 5 du même mois. Si l’un des jurés prévoyait, pour le 15 du mois, quelque obstacle qüi pût l’empêcher de se rendre à l’assemblée du juré, dans le cas où le sort le placerait sur le tableau, il doit en prévenir le président au moins de 2 jours avant le premier du mois pendant lequel il désire être excusé. Le président en réfère au tribunal criminel, qui doit juger la valeur de l’excuse dans les 24 heures. Si elle est jugée suffisante, on retire du nombre de ceux dont les noms doivent être mis dans le vase, le nom de celui qui s’est fait excuser; dans le cas contraire, ce nom est soumis au sort comme les autres ; et s’il est du nombre des 12 qui doivent composer le juré, le président du tribunal lui fera signer que son excuse a été jugée non valable, qu’il est sur le tableau du juré, et qu’il ait à se rendre au jour fixé pour l’assemblée du juré; il sera laissé en outre aux officiers municipaux du lieu de son domicile une copie de cette signification. Tout citoyen, qui ne se rendrait pas sur la sommation qui lui en sera faite, sera condamné par le tribunal criminel en 50 livres d’amende, et privé en outre du droit d’éligibilité et de suffrage pendant 2 ans, à moins qu’il ne soit retenu pour cause de maladie grave. Mais, dans tous les cas, s’il manque un des jurés au jour indiqué, le président le fera remplacer par un des citoyens de la ville pris au sort dans la liste des 200, et subsidiairement parmi les éligibles. L’accusé, conduit à la maison de justice, ne paraît pas aussitôt devant le juré de jugement. il doit d’abord être entendu dans l’auditoire par le président dans les 24 heures au plus tard. Après son arrivée et la remise des pièces au greffe, en présence de l’accusateur public et du commissaire du roi, le greffier tient note de ses réponses, et la remet au président pour servir de renseignement seulement. L’accusé a le droit de choisir 1 ou 2 amis ou conseils pour l’aider dans sa défense; et s’il ne fait pas ce choix, le président lui désigne un conseil ; mais il ne pourra jamais communiquer avec l’accusé que 2 jours après qu’il aura éié amené dans la maison de justice. Les conseils doivent prêter serment, devant le tribunal, de n’employer que la vérité dans la défense de l’accusé et de se comporter avec décence et modération. Aussitôt que l’accusé a été entendu, l’accusateur public doit faire ses diligences pour que l’accusé puisse être jugé à la première assemblée du juré qui suivra son arrivée. Si cependant l’accusé ou l’accusateur public avaient des motifs pour que l’affaire ne fût pas portée à la première assemblée, i's devraient alors présenter leur requête au tribunal, à tin de prorogation du délai, avant le 5 de chaque mois, époque de la convocation du juré ; et si le tribu-[29 septembre 1791.] 055 nal criminel juge la demande fondée, il accorde un délai qui ne peut être néanmoins prorogé au delà de rassemblée des jurés, qui aura lieu le 15 du mois suivant. Si l’accusateur public et l’accusé ont des témoins à produire, qui n’aient point encore été entendus, ils doivent d’abord, et avant le jour de l’assemblée du juré, les faire entendre devant un des juges du tribunal criminel ; leurs dépositions seront écrites comme font été celles des témoins produits devant l’officier de police, ou devant le directeur du juré d’accusation; et il en sera donné communication à l’accusé. Au jour de l’assemblée, les 12 jurés formant le tableau se rendant dans l’intérieur de l’auditoire; là se trouvent chacun à leur place les juges, l’accusateur public et le commissaire du roi - l’accusé est aussi présent. Le public doit garder le silence le çlus absolu dans l’auditoire, les témoins et les défenseurs de l’accusé sont tenus de s’exprimer avec décence et modération ; si quelque particulier, quel qu’il soit, s’écarte du respect dû à la justice, le président peut le reprendre, le condamner à une amende, et même à garder prison jusqu’au terme de 8 jours, suivant la graviié du cas. Lorsque les 12 jurés sont introduits, le président du tribunal criminel, en présence du pulotic et de tous ceux qu’on vient de désigner, fait prêter à chaque juré séparément le serment suivant : « Citoyen, vous jurez et promettez d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges portées contre un tel..., de n’écouter ni la haine, ni la mécbanceté, ni la crainte, ni l’affection; de n’en communiquer avec qui que ce soit jusqu’après votre déclaration; de vous décider d’après les témoignages et suivant votre conscience et votre intime et profonde conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui convient à un homme libre. « Chacun des jurés répond ; « Je le jure; » ensuite ils prennent place tous ensemble sur clés sièges séparés du public et des parties, de manière qu’ils se trouvent placés en face de l’accusé et ues témoins. Les 3 jurés adjoints, dont on a parlé plus haut, se placent aussi dans l’auditoire, mais séparément des autres, et ils n’ont de fonctions et ne prêtent même serment que lorsqu’ils sont requis de se joindre aux autres jurés. A compter de ce moment, les jurés ne peuvent plus communiquer avec personne par écrit, parole ou geste, tant qu’ils seront dans l’auditoire, à moins qu’ils n’aient des éclaircissements à demander, ce qu’ils peuvent faire en la forme qui va être expliquée. L’accusé comparaît à la barre, libre et sans fers. La loi a voulu écarter de l’accusé tout ce qui pouvait influencer sa liberté morale en gênant sa liberté physique; il pourra cependant y avoir des gardes autour de l’accusé pour l’empêcher de s’évader. Le président lui dit qu’il peut s’asseoir, lui demande ses nom, âge, profession et demeure, et le greffier tient note des réponses. Le président avertit ensuite l’accusé d’être attentif à tout ce qu’il va entendre ; il ordonne au greffier de lire l’acte d’accusation. Le greffier f lit cette lecture à haute et intelligible voix; après quoi, le président rappelle à l’accusé, le plus clairement possible, ce qui est contenu en l’acte d’accusation, et lui dit : « Voilà de quoi vous êtes accusé, vous allez entendre les charges 656 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.J qui seront produites contre vous. » La même chose se pratique s’il y a plusieurs coaccusés. Les noms des témoins doivent être déjà connus de l’accusé; la loi veut que la liste lui en soit notifiée au moins 24 heures avunt l’examçn : ainsi il a eu le temps de connaître ces témoins, de savoir quel degré de foi ils méritent et de prévoir les objections qui pourraient s’attacher à leurs personnes. Un mari ne peut déposer contre sa femme, ni une femme contre son mari ; les ascendants ne peuvent aussi être entendus en témoignage contre les descendants, et réciproquement, il en est. de même d’un frère et d’une sœur contre leur* frère et sœur et des alliés au même desjré. Les témoins, soit qu’ils soient produits par la partie plaignante ou par l’accusateur public, se présentent l’un après l’autre pour faire leurs dépositions en public et séparément, à moins que l’accusé, comme il en a le droit, ainù que l’accusateur public, n’ait demandé, par lui-même ou par son conseil, que les témoins produits contre lui soient introduits et entendus ensemble. Le président, avant la déposition, fait prêter serment aux témoins individuellement, de parler sans haine et sans crainte , de dire la vérité , toute la vérité , rien que la vérité. Il demande ensuite à chacun des témoins, avant que sa déposition soit commencée, si c’est de l’accusé présent qu’il entend parler ; s’il le connaissait avant le fait; enfin, s’il est parent, allié, ami, serviteur ou domestique d’aucune des parties. Gela fait, le témoin dépose. Après chaque déposition, le président demande à l’accusé s’il veut répondre à ce qui vient d’être dit contie lui. L’accusé et ses amis ou conseils présents peuvent dire, tant contre les témoins personnellement que contrôleur témoignage, tout ce qu’ils jugeront utile à la défense de l’accusé ; ils peuvent même questionner les témoins. 11 e t également libre à l’accusateur public, aux jurés et au président, de demander aux témoins et à l’accusé tous les éclaircissements dont ils croiront avoir besoin. Si la déposition d’un témoin paraît évidemment fausse, le président en dresse procès-verbal, et peut d’office, et sur la réquisition de l’accusateur public ou de l’accusé et de ses conseils, le faire arrêter sur-le-champ, et le renvoyer par-devant le juré de district du lieu pour prononcer sur l’accusation, dont l’acte dans ce cas sera dressé par le président lui-même. Lorsque les témoins de l’accusateur public et de la partie plaignante auront été entendus, l’accusé peut alors faire entendre les siens, non seulement pour établir son innocence et se justifier du fait qu’on lui impute, mais pour attester qu’il est homme d’honneur et de probité, et qu’il est d’une conduite irréprochable; la loi en recommandant aux jurés d’avoir tel égard que de raison aux témoignages de cette dernière e-pèce, n’a pas voulu cependant priver l’accusé d’une ressource que les circonstances, et la confiance que peuvent mériter les témoins, pourraient rendre très précieuse à sa justification. Il est également libre à l’accusateur public et à la partie plaignante de questionner tous les témoins, de les reprocher, en un mot de dire contre eux et leur témoignage tout ce qu’ils jugeront nécessaire. Les témoins, après leur déposition, restent dans l’auditoire, mais ils ne peuvent jamais s’interpeller entre eux. L’accusé peut, s’il le juge à propos, requérir, par lui ou par ses conseils, que ceux des témoins qu’il désignera, soient entendus de nouveau séparément, ou en présence les uns des autres. L’accusateur public a la même faculté à l’égard des témoins produits par l’accusé. S’il y a des effets trouvés lors du délit, ou depuis, qui puissent servir à conviction, ils seront représentés à l’accusé, et il lui sera demandé de répondre personnellement s’il les reconnaît. Il en est de même quand il y a plusieurs coaccusés ; s’ils sont compris dans le même acte d’accusation, ils seront jugés par le même juré. Il sera fait un débat pour chacun d’eux sur les circonstances, qui lui seront particulières; et le tribunal déterminera l’ordre dans lequel ils pourront être présents au débat, en commençant toujours par le principal accusé, s’il y en a un. Les autres coaccusés y seront présents et pourront y faire leurs observations. Dans le cas où l’accusé, les témoins ou l'un d’eux, ne parleraient pas tous la même langue ou le même idiome, et aurait besoin d’un interprète pour s’entendre et se communiquer leurs pensées dans le débat, le président du tribunal criminel fera appeler un interprète qui soit âgé de 25 ans au moins, et lui fera prêter serment de traduire fidèlement, et suivant sa conscience, les discours qu’il sera chargé de transmettre entre ceux qui parlent des langages différents. L’accusé et l’accusateur public pourront récuser l’interprète, en motivant leur récusation ; les motifs seront jugés par le tribunal. Les officiers de police, directeurs de jurés, et présidents des tribunaux criminels, pourront également appeler des interprètes, toutes les fois qu’ils en auront besoin, pour recevoir des déclarations ou dépositions. Tout cet examen, les débats et la discussion qoi en seront la suite, ne seront point rédigés par écrit; les jurés et les juges pourront bien prendre no'e de ce qui leur paraîtra important, mais sans que la discussion puisse en être arrêtée ni interrompue. Le commissaire du roi, présent, et obligé d’assister à toute cette instruction, peut toujours faire aux juges, au nom de la loi, toutes les réquisitions qu’il jugera convenable, et i! lui en sera donné acte. Le tribunal criminel ni le directeur du juré, chacun dans les affaires de leur compétence, ne sont pas obligés de déférer aux réquisitions du commissaire du roi; et l’instruction ni le jugement n’en peuvent être arrêtés ni suspendus, sauf au commissaire du roi du tribunal criminel à se pourvoir en cassation après le jugement, s’il le juge à propos, suivant la forme indiquée par la loi. Lorsque tous les témoins de part et d’autre ont fini leur déposition, l’accusateur public et la partie plaignante, s’il y en a, doivent être entendus, et expliquer les moyens par lesquels ils prétendront justifier l’accusation : l’accusé ou ses amis et conseils peuvent répondre; ensuite le président du tribunal criminel fait un résumé de l’affaire et la réduit à ses points les plus simples. Il fait remarquer aux jurés les principales preuves produites pour ou contre l’accusé. Ce résumé est destiné à éclairer le juré, à fixer son attention, à guider son jugement; mais il ne doit pas gêner sa liberté. Les jurés doivent au juge respect et déférence; ils doivent même lui obéir en tout ce qui ne concerne que la police de l’auditoire; mais ils ne lui doivent point le sacrifice de [Assemblée nationale.] leur opinion, dont ils ne sont comptables qu’à leur propre conscience. Le juge ayant fini son résumé, dira aux jurés de se retirer dans la chambre qui leur est destinée; il ordonnera en même temps que l’accusé ou les accusés soient reconduits en la maison de justice. Les jurés retirés dans leur chambre doivent y rester sans pouvoir communiquer avec personne; le premier d’entre eux inscrit sur le tableau est leur chef. Ils doivent examiner les pièc s du procès, parmi lesquelles il ne faut pas comprendre les déclarations écrites des témoins, qui ne doivent pas être remises aux jurés, mais seulement Pacte d’accusation, les procès-verbaux et autres pièces semblables. G’est sur ces hases, et particulièrement sur les dispositions et le débat qui ont eu lieu en leur présence, qu’ils doivent a-seoir leur conviction personnelle : car c’est de leur conviction personnelle qu’il s’agit ici; c’est elle que la loi leur demande d’énoncer; c’est à elle que la société, que l’accusé s’en rapportent. La loi ne L.ur demande pas compte des moyens par lesquels ils se sont formé une conviction. Elle ne leur prescrit point de îègles auxquelles ils doivent attacher particulièrement la plénitude et la suffisance d’une preuve; elle leur demande de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement, et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur dit point : vous tiendrez pour vrai, tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins; ou : vous ne regarderez pas comme suffisamment établie, toute preuve qui ne sera pas formée de tant de témoins, ou de tant d’indices. Elle ne leur fait que celte seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : avez-vous une intime conviction? Ce qu’il est bien essentiel de ne pas perdre de vue, c’est que toute la délibération du juré du jugement a pour base l’acte d’accusation. G’est à cet acte qu’ils doivent s’attacher. Leur mission n’a pas pour objet la poursuite des délits; ils ne sont appelés que pour décider si l’accuté est coupable ou non du crime dont on l’accuse. Et d’abord, avant de chercher si l’accusé est coupable, ils doivent examiner si le délit est constant : car en vain chercherait-on un coupable, s’il n’existait pas de délit. Lorsqu’ils se sont assurés qu’il en existe un, ils examinent si l’accusé dénommé en l’acte d’accusation est ou non convaincu de ce même délit. Mais la loi a porté plus loin encore la prévoyance; et comme c’est l’intention qui fait le crime, elle a vuulu que les jurés, quoique certains du fait matériel, et connaissant son auteur, pussent scruter les motifs, les circonstances, et la moralité du fait. Un délit involontaire, ou commis sans intention de nuire, ne peut pas être l’objet d’une punition ; d’un autre côté, il peut arriver que la nature de l’accusation ait changé par la défense de l’accusé et les preuves fournies par lui. Nous rendrons ces observations encore plus sensibles par des exemples; et on reconnaîtra qu’il serait impossible, sans une injustice révoltante, d’astreindre les jurés à s’en tenir strictement au contenu en l’acte d’accusation : la loi leur ordonne donc, lorsqu’ils ont trouvé que le délit existait, et que l’accusé était convaincu de l’avoir commis, de faire une troi-lre Série. T. XXXI. [29 septembre 1791.] 057 sième déclaration d’équité sur les circonstances particulières du fait, soit pour déterminer si le délit a été commis volontairement ou involontairement, avec ou sans dessein de nuire, soit pour prononcer en atténuation du même genre de délit. Cette marche est nécessairement conforme à la raison, puisqu’elle est absolument prescrite par la justice : elle sera donc facile à suivre dans la pratique ; car les institutions raisonnables s’apprennent aisément, et se gravent comme le souvenir d’un bienfait dans la mémoire des hommes. Ainsi, les jurés et les juges s’en pénétreront en peu de temps; mais il est bon de ne négliger aucun des développements qui peuvent lever les premiers embarras causés par le défaut d’habitude et d’expérience. G’est dans cet esprit que nous allons analyser l’opération des jurés. Us délibéreront d’abord sur l’existence matérielle du fait qui a constitué le corps de délit. Après avoir reconnu l’existence du fait, ils délibéreront ensuite sur l’application de ce fait à l’individu accusé, pour reconnaître s’il en est l’auteur. Enfin, ils examineront la moralité du fait, c’est à-dire les circonstances de volonté, de provocation, d’intention, de préméditation, qu’il est nécessaire de connaître pour savoir à quel point le fait est coupable, et pour le définir par le vrai caractère qui lui appartient. La première question à laquelle doivent répondre les jurés, porte donc sur l’existence du fait qui est l’objet de l’accusation. S’il s’agit d’un assassinat, d’un incendie, d’un faux, l’existence d’un tel fait est toujours facile à séparer des autres idées accessoires, telles que celle de l’auteur du crime, et des intentions dans lesquelles il a éié commis. L’inspection du cadavre, de la maison brûlée ou de la pièce falsifiée, rend la certitude de ces faits absolument complète, indépendamment des notions ultérieures sur le nom du coupable et sur les motifs qui l’ont fait agir-Dans le crime de vol, au contraire, il peut quelquefois paraître plus difficile de séparer le fait matériel de l’intention. La définition même du vol, telle qu’elle a été conçue par les jurisconsultes, prête à cette confusion de pensées, en ce qu’elle renferme une partie intentionnelle, et n’attache l’idée précise de vol qu’à l’intention de voler. Mais il n’est pas moins vrai que tout vol suppose la soustraction d’un effet quelconque à la possession de celui qui en était le détenteur; et si toute soustraction d'un effet n’est pas nécessairement un vol, tout vol au moins suppose cette soustraction, qui est le fait matériel sur lequel, avant tout, les jurés doivent donner leur déclaration. Chacun d’eux se formera donc une conviction intime sur ce premier point. Le fait est-il constant? Ce sera aussi sur ce premier point qu’ils donneront leur déclaration, lorsqu’ils passeront de la chambre des jurés, où ils délibèrent entre eux, dans celle du conseil, où ils doivent donner leur opinion en présence d’un juge et du commissaire du roi; la formule de cette déclaration est indiquée par la loi. Le juré met la main sur son cœur, et dit : Sur mon honneur et ma conscience, il y a délit constant ; ou bien : Sur mon honneur et ma conscience, le délit ne me paraît pas constant; et pour qu’il ne puisse jamais y avoir lieu à aucune méprise dans la manière (le compter 42 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 658 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.] les voix, des boules noires et blanches serviront à recueillir dans des boîtes de la même couleur que les boules, les suffrages des jurés. L’opinion favorable à l’accusé sera exprimée en jetant une boule blanche dans la boite blanch s l’opinion contraire, en jetant une boule noire dans la boîte noire. Le juge présentera les boules des deux espèces au juré. Celui-ci choisira la boule propre à exprimer sou opinion, et la jettera dans la boîte de couleur correspondante. Ainsi, pour décider le premier point (le fait est-il constant?) les jurés qui croiront que le fait n’est pas constant, exprimeront leur avis enmet-tantune boule blanchedans la boîteblanche. Ceux qui croiront le fait constant, mettront une boule noire dans la boîte noire (1). Enfin, pour que les boîtes qui auront servi à exprimer sur la première question ne puissent pas se confondre avec les boîtes qui serviront aux questions suivantes, ces boites porteront chacune une inscription. Sur la boîte noire sera écrit : Fait constant ; sur la boîte blanche : Fait non constant. Sur la seconde queslion (l’accusé est-il l’auteur du fait?), il ne se présentera aucune difficulté. 11 est sensible que les jurés doivent en donner la solution qui se présente sous des termes également simples dans tous les genres de délits. La formule de leur décision sera : Sur mon honneur et ma conscience , l'accusé est convaincu ; ou : L’accusé ne me parait pas convaincu. Ils jetteront ensuite des boules noires ou blanches dans des boîtes de même couleur que les boules, et dont la noire portera pour inscription : L’accusé convaincu ;la blanche, cette autre inscription : L'accusé non convaincu. Vient ensuite la troisième question, qui se divise en plusieurs b anches, et qui demande a être considérée avec quelques détails. Il s’agit ici d’examiner la moralité de l’action ; et il est des actions qui, par leur nature, sont plus ou moins susceptibles que d’autres de changer de caractère, suivant qu’elles sont produites par des intentions différentes. Par exemple, une fausse signature n’admet pas de circonstances atténuantes, et ne peut pas trouver sou excuse dans ses motifs. On ne commet point un faux involontairement, ni pour une défense légitime, ni emporté par un premier mouvemeut. Ce crime porte avec lui le caractère de la volonté décidée et de la préméditation. Au contraire, la mort donnée à un homme, ce qui s’exprime par le mot générique et indéfini d 'homicide, est un fait susceptible des modifications les plus étendues, en sorte que le même fait matériel peut recevoir des circonstances qui l’accompagnent, toutes les nuances que l’on peut concevoir entre un crime atroce et un acte légitime. C’est pourquoi nous choisirons l’homicide pour servir d’exemple à la subdivision de la troisième question, qui porte sur ia moralité intentionnelle du fait. Nous supposons que l’homicide soit déclaré constant par les jurés, et que l’accusé soit reconnu pour en être véritablement l’auteur; alors plusieurs circonstances peuvent être essentielles à distinguer. L’accusé peut avoir commis l’homicide en défendant sa vie, ou, ce qui revient au même, en défendant la vie d’une personne qu’on voulait (1) Il sera utile de faire construire les boîtes de ma-pièreque la boule noire ne puisse pas entrer dans l’ou-/erture de la boule blanche. assassiner devant ses yeux. Dans ce cas l'homicide serait légitime. L’accusé peut avoir donné la mort par pur accident, et non seulement sans aucune volonté, mais encore sans aucune imprudence, et alors l’homicide est innocent. L’accusé çeut avoir donné la mort sans aucune volonté, mais par une simple imprudence, et alors il a encouru non la peine de l’homicide, mais celle de l’imprudence, qui est du ressort de la police correctionnelle. L’accusé peut avoir donné la mort dans un mouvement impétueux, dans lequel il a été précipité par une provocation plus ou moins capable de troubler sa raison, d’exciter en lui une passion violente, et de lui ravir l’usage libre de sa volonté (1). L’accusé peut avoir donné la mort volontairement; mais ce crime peut avoir été par lui aussitôt exécuté que conçu, commis sans réflexion par l’effet d’un premier mouvement, et c’est le cas du meurtre proprement dit. Enfin l’accusé peut avoir donné la mort après avoir conçu et préparé cet horrible dessein, concerté les moyens, épié le moment de le mettre à exécution ; et c’est le cas du dessein prémédité ou de l’assassinat. 11 est clair que ces différentes suppositions, qui toutes peuvent s’appliquer à l’existence prouvée du même fait matériel, et à la certitude que tel en est l’auteur, apportent une différence immense entre les caractères moraux de là même action, et que les jurés ne peuvent se dispenser d’étudier ces nuances et de les spécifier, pour prononcer sur le fait dont un homme traduit devant eux est accusé. Car ils n’auraient rien fait pour la vérité et pour l’application de la loi, s’ils n’avaient fait que déclarer : Un tel a commis un homicide; puisqu’il resterait encore à leur demander si c’est un homicide innocent ou légitime, volontaire ou involontaire, de premier mouvement ou de dessein prémédité. Il faut donc que la déclaration des jurés contienne cette explication, et c’est pour cela que la loi veut qu’ils en délibèrent. Ma s faut-il que dans tous les cas iis se proposent à eux-mêmes autant de questions qu’il y a de nuances admissibles entre l’assassinat et l’homicide légitime? Il en résulterait une complication inutile dans leur travail, et une absurdité dans la position de ces questions différentes, puisqu’il y en a qui s'excluent nécessairement. Par exemple, quand il y a lieu d’examiner si, ou non, un meurtre a été occasionné par une provocation grave ; certes, il n’y a pas lieu d’examiner si c’est un pur homicide innocent, arrivé par hasard, et par un simple accident. (1) C’est particulièrement aux faits de cette nature que se rapporte la prononciation, excusable , mesure juste et salutaire qui fait concourir l’équité avec la justice; précaution nécessaire dans toute législation qui ne veut pas être inhumaine. Les lettres de grâce étaient destinées à remplir cet objet dans l’ancien régime ; mais cette manière de distribuer le remède d’équité était si partiale, si inégale, si indulgente pour le crime protégé, si in-ofticieuse pour le malheur sans appui, que l’inflexible justice eût paru moins dure au grand nombre qu’une clémence si injurieusement répartie. Mais nous traiterons séparément de la prononciation d 'excusable, qui doit être l’objet d’une délibération réservée pour une autre époque du jugement. Les jurés n’auront à examiner en ce moment que la question de savoir s’il y a eu ou non provocation. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.] 659 L’incohérence évidente de ces deux questions rebuterait tout homme de bon sens, et dégoûterait les jurés, qui doivent toujours prendre leur raison pour guide, d’une institution où les idées raisonnables seraient si manifestement blessées. Mais, d’un côté, il y aurait de 1 inconvénient à ne pas guider les jurés sur la position des questions différentes qu’ils doivent se proposer sur la moralité du fait. Il serait à craindre qu’ils n’en omissent d’essentielles, ou qu’il ne s’élevât entre eux des débats sur la manière de les poser; et ces difficultés pourraient prolonger beaucoup leur opération, quelquefois même les jeter dans des embarras dont ils auraient peine à sortir. Ce sera donc au juge qui conduit la procédure et qui préside et dirige le débat, de recueillir attentivement les différentes questions relatives à l’intention auxquelles la nature du fait et des charges peut donner ouverture, pour les indiquer au juré et fixer sur cet objet sa délibération. Après avoir pris l’avis du tribunal sur la manière de poser les questions, il les posera en présence du public, de l’accusé, de ses conseils et des jurés, auxquels il les remettra par écrit, et arrangées dans l’ordre dans lequel ils devront en délibérer. L’accusé, ses conseils et l’accusateur public pourront lui faire quelques observations à cet égard, s’ils le jugent nécessaire, et les jurés délibéreront sur ces questions, dans l’ordre où elles leur auront été présentées par le juge. Ils en délibéreront, comme sur les deux première-, avec des boules noires et des boules blanches, et des boîtes de l’une et de l’autre couleur, sur lesquelles on inscrira l’affirmative et la négative de chacune des questions posées par le juge. Il y aura autant de paires de boites u’il y aura de questions différentes, recommandes parle juge à la décision des jurés. La boule et la boîte blanche serviront constamment à exprimer l’opinion favorable à l’accusé. La boule et la boîte noire serviront à exprimer l’opinion contraire. Cette méthode est d’une facile exécution, et la pratique habituelle la rendra chaque jour plus simple et plus aisée. On se rappelle que les jurés se sont retirés dans leur chambre, pour y délibérer et former leur opinion individuelle sur chacun des points que le juge leur a donné à décider. Lorsque tous sont prêts à prononcer, ils font avertir les juges; et l’un d’eux, autre que le président, passe, ainsi que le commissaire du roi, dans la chambre du conseil, pour y recevoir la déclaration des jurés. Le chef des jurés , c’est-à-dire le premier inscrit sur la liste, se présente le premier. Il fait sa déclaration dans les termes ci-dessus rapportés. D’abord sur celte question : « Le fait est-il constant? » Et il la constate de suite en posant une boule noire ou blanche dans la boîte qui correspond à sa déclaration. S’il n’a pas trouvé le fait constant, il n’a pas d’autre déclaration à faire. S’il l’a trouvé constant, il passe à la seconde déclaration sur cette question : « L’accusé est-il l’auteur du fait? » Il appuie encore sur cette déclaration comme la première, en plaçant une boule noire ou une boule blanche, suivant son opinion, dans une des boîtes disposées à cet effet. S’il ne pense pas que l’accusé soit l’auteur du délit en question, il n’a plus de suffrage ultérieur à donner. Si, au contraire, il pense que le fait ait été commis par l’accusé, alors il doit opiner les questions intentionnelles posées par le juge. Lorsque le juge pose plusieurs questions relatives aux différents degrés d’intention, il doit les disposer de telle sorte que la plus favorable à l’accusé se décide toujours la première, et ainsi de suite, jusqu’à celle qui lui serait la moins favorable. Ainsi, la question de savoir si un accusé a commis un homicide à son corps défendant, doit précéder la question de savoir s’il l’a commis d’après une provocation qui puisse l’excuser. Le chef des juges énonce donc son opinion dans ce même ordre, sur chacune des questions intentionnelles qui ont été posées par le juge, et la confirme par l’émission d’une boule noire et blanche. D’où il suit naturellement que s’il y a plusieurs questions intentionnelles posées par le juge, le juré qui a donné une houle blanche sur la première question, n'a plus à donner de suffrage sur la seconde ; la raison en sera rendue sensible en continuant à nous servir du même exemple. Si le juré a exprimé, par une boule blanche, qu’un homicide a été commis par l’accusé à son corps défendant, il n’a plus à s’expliquer sur le fait de savoir si l’accusé avait été suffisamment provoqué, que pour que cetle provocation lui servît d’excuse ; car la première proposition que le juré a affirmée, va au delà de la seconde ; elle est plus favorable à l’accusé, et le justifie plus complètement. On voit, par cette observation, qu’aussitôt que le juré s’est déterminé en faveur ae l’accusé sur une des questions soumises successivement et par ordre à sa décision, et qu’il a en conséquence émis une boule blanche, il n’a plus à donner de suffrages sur les questions ultérieures. Au contraire, tant qu’il donne des houles noires, c’est-à-dire, tant qu’il juge contre l’accusé les questions qui lui sont présentées dans leur ordre graduel, il lui reste à prononcer sur les questions ultérieures, jusqu’à ce qu’il ait donné son opinion sur toutes celles que le juge a posées. Quand le chef des jurés a fini d’opiner, il reste dans la chambre du conseil pour être témoin des opinions que donneront après lui tous les autres jurés, qui doivent suivre exactement la même marche dans la manière de donner leur suffrage, mais lui seul d’entre les jurés doit rester présent avec un des juges et ie commissaire du roi à toute cette opération, et les autres jurés doivent se retirer à mesure qu'ils ont fini leurs déclarations. Les 12 jurés ayant achevé de donner leur déclaration individuelle, ils doivent tous rentrer dans la chambre du conseil; et là, en leur présence et en celle du commissaire du roi, le juge fait l’ouverture des boîtes dans le même ordre que celui dans lequel ont été posées les questions auxquelles elles correspondent. D’abord ou ouvre les boîtes qui ont servi à décider si le fait est constant ou non constant. Sur cette première question, s’il se trouve trois boules blanches, il est décidé que ce fait n’est pas constant ; et la délibération est terminée. S’il ne se trouve pas trois boules blanches données sur la question du fait, on passe à l’ouverture des boîtes sur la question de savoir quel est l’auteur du fait ; mais avant de passer au recensement des boules blanches sur cette seconde question, il ne faut pas manquer de réserver les boules blanches qui peuvent avoir été données sur la première question, et qui, n’élant pas au nombre de trois, n’ont pas emporté la balance, 660 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.] Ces boules doivent s’additionner avecles boules blanches qui seront trouvées dans la boîte blanche servant à la seconde question, et cela est de toute justice; car les jurés qui, sur la première question, ont estimé qu’il n’y avait pas de fait constant, doivent sur la seconde se joindre à ceux qui ne pensent pas que tel accusé en soit l’auteur. Si cette addition des boules blanches, emises sur la première et sur la seconde question, donne trois boules blanches, la délibération se termine là ; et il est décidé que l’accusé n’a pas paru aux jurés convaincu du fait porté en l’accusation. Si, au contraire, cette addition ne donne pas le nombre de trois boules blanches, le juge passera à l’ouverture des boîtes relatives à la question intentionnelle, ou à la première de ces questions s’il y en a eu plusieurs de posées. Dans ce troisième recensement, les boules blanches fournies sur les deux premières questions doivent encore se réunir à celles qui vont se trouver dans la boîte blanche. En effet, les jurés qui ont été d’avis qu’il n’y avait pas de fait constant, ou que l’accusé n’était pas convaincu, n’ayant pas été en assez grand nombre de cet avis�pour le faire prévaloir, ne peuvent s’empêcher de se réunir à ceux des jurés qui se décideront en faveur de l’accusé, sur les questions intentionnelles. S'il y a eu plusieurs questions intentionnelles posées, et si les trois premiers recensements réunis n’ont pas encore fourni une somme additionnelle de trois boules planches, on passe à l’ouverture des boîtes sur la seconde question intentionnelle, ainsi de suite jusqu’à ce que le recensement des suffrages soit terminé, soit par l’ouverture de toutes les boîtes, soit par une somme de trois boules blanches, qui arrête et fixe la décision des jurés sur la question sur laquelle l’accusé a obtenu la troisième boule blanche. Cette décision recueillie par le juge en présence du commissaire du roi, et constatée par le chef des jurés, tous rentrent dans la chambre d’audience . Chacun y reprend sa place ; et le chef des jurés, se levant, prononce en leur nom la déclaration en ces termes : « sur mon honneur et sur ma conscience, la déclaration du juré est que l’accusé est, ou que l’accusé n’est pas convaincu, et que ou mais que.... (ici se place la déclaration sur le fait intentionnel posé par le juge). Nous pensons que ces détails suffiront pour éclairer la marche des jurés et du juge qui doit les diriger, et pour faire disparaître à leurs yeux les difficultés nées d’une complication apparente de moyens, qui n’est au fond qu’une méthode analytique pour obtenir d’eux des réponses catégoriques sur des questions nettement posées. Mais, avant de quitter cette matière, nous devons encore quelques développements sur la méthode que le président doit employer pour faire opiner les jurés sur les circonstances indépendantes, qu’il faut bien se garder de confondre avec les modifications aggravantes ou atténuantes d’un même fait. Ces circonstances sont nommées indépendantes, parce qu’elles sont tellement isolées les unes des autres, que chacune d’elles peut être jugée vraie ou fausse, sans que cela puisse influer sur le jugement à prononcer relativement aux autres. Un exemple rendra cette définition plus palpable, et nous l’emprunterons du crime de vol. N. est convaincu d’avoir volé une somme de mille écus ; son délit est de nature différente s’il l’a volée de nuit, ou de jour ; avec effraction extérieure, ou sans effraction extérieure. Ces circonstances sont indépendantes les unes des autres. L’effraclion peut être prouvée sans nue le vol de nuit soit prouvé, et réciproquement. Tel juré qui est d’avis que ce vol ne s’est pas commis la nuit ne préjuge par là rien de relatif à l’effraction. Il peut donner une boule blanche sur la première question, et une boule noire sur la seconde, et vice versa. D’où il suit : 1° que pour faire prononcer le3 jurés sur les circonstances indépendantes, le juge ne trouvera pas l’ordre des questions indiqué par la série des idées, et qu’ainsi il pourra les pré-senler dans l’ordre qu’il voudra, sans s’astreindre à commencer par celles qui sont le moins aggravantes, puisque ce sont autant de faits séparés et sans affinité ; 2° Que les boules blanches fournies sur chacune des différentes circonstances indépendantes ne doivent pas s’additionner entre elles; mais qu’elles doivent seulement s’additionner avec les boules blanches fournies sur les deux premières question relatives à l’existence du eorps de délit, et à la conviction de l’auteur de ce délit ; 3° Que le juré qui a fourni une boule blanche sur une circonstance indépendante, lie continue pas moins à donner son opinion sur les autres circonstances indépendantes, parce que son opinion sur l’une de ces circonstances n’influe en rien sur ce qui reste à juger relativement aux aunes; les décisions subséquentes n’étant pas implicitement renfermées dans celle qu’il a rendue. Tous ces détails vont s’expliquer par l’exemple déjà cité. Je suppose les circonstances suivantes. Sur la première question : « Le fait est-il constant? » il s’est trouvé une boule blanche. Sur la seconde question : « Quel est l’auteur du fait? » il n’y a pas eu de boule blanche. Sur la troisième question relative à une circonstance indépendante : « Le vol a-t-il été commis la nuit? » il se trouve une boule blanche. Elle s’additionne avec la boule blanche donnée sur la première question; mais, comme cette addition ne donne en somme que deux boules blanches, les 10 boules noires l’emportent, et la déclaration est que le vol a été commis de nuit. Le juré qui a donné ici la boule blanche, n’opinera pas moins sur la question suivante. Sur cette quatrième question relative à une autre circonstance indépendante, savoir : « le vol a-t-il été commis avec effraction extérieure ? » il ne se trouve qu’une boule blanche. Si cette boule s’additionnait avec celle qui signifiait que le vol n’a pas été commis la nuit, et ensuite avec celie qui a signifié que le fait n’est pas constant, cette quatrième question serait résolue en faveur de l’accusé ; mais cette supputation serait injuste et déraisonnable; car le juré qui a été d’avis que le vol n’était pas fait de nuit, n’a rien préjugé sur l’effraction extérieure. On n’additionnera donc pas les 2 boules blanches fournies sur les deux circonstances indépendantes ; mais on réunira seulement celles fournies sur chacune de ces circonstances séparément, à celles qui ont été recensées sur les 2 premières questions relatives à l’existence du fait et à la conviction de l’accusé; et dans l’exemple posé, il en résulte que par la majorité de 10 boules noires contre deux blanches, chaque circonstance indépendante est prouvée à la charge de l’accusé. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1731.] 00] Ces distinctions bien établies, nous revenons au moment où le chef des jurés a prononcé la déclaration en présence de l’auditoire. Le greffier reçoit et écrit cette déclaration, qui est signée de lui et du président. Si l’accusé est déclaré non convaincu du fait porté dans l’acte d’accusation, et s’il a été inculpé sur un autre fait par les dépositions des témoins, l’accusateur public pourra demander au président de faire arrêter le prévenu ; et à l’occasion de ce nouveau fait, le président, après avoir pris du prévenu les éclaircissements qu’il voudra donner, pourra, s’il y a lieu, le faire arrêter, et le renvoyer devant un juré d’accusation, avec les témoins, pour être procédé à une nouvelle accusation; dans ce cas, le juré d’accusation sera celui du district dans le chef-lieu duquel siège le tribunal criminel. Mais, si l’accusé est convaincu du fait porté dans l’acte d’accusation, il ne pourra jamais être poursuivi pour raison du nouveau fait, qu’autant que celui-ci mériterait une peine plus forte que le premier; auquel cas il sera sursis à l’exécution de la première peine, jusqu’après le second jugement. Lorsque l’accusé aura été déclaré non convaincu du fait, ou que les jurés auront déclaré que le fait a été commis involontairement et sans intention de nuire, cette décision suffira pour absoudre l’accusé; et le président, sans avoir besoin, ni de consulter les juges, ni d’entendre le commissaire du roi, prononcera que l’accusé e-t acquitté de l’accusation, et ordonnera qu’il soit mis sur-le-champ en liberté. Le code criminel et celui de police correction-nelleont réglé la peine encourue par les délits que les jurés prononceront avoir été commis involontairement ou par simple imprudence, sans préjudice aux dommages et intérêts de la partie. Le code pénal règle aussi les condamnations auxquelles la peine doit être réduite lorsque le juge prononcera, d’après la déclaration des jurés, que le délit est excusable. Cette prononciation sera employée lorsque le juge aura estimé que les faits de provocation allégués par l’accusé, ou résultant du débat, renferment une excuse suffisante, et aura posé la question de savoir si ou non cette provocation a existé. Si les jurés trouvent que les faits de cette provocation soient bien justifiés et en font la déclaration intentionnelle, alors le juge prononce que le délit est excusable. Tout particulier, acquitté de l’accusation, ne pourra plus être repris ni accusé pour le même fait; mais il n’aura à prétendre aucune indemnité contre la société : ce sera à lui à poursuivre ses dénonciateurs. La décision des jurés, dans aucun cas, ne peut être soumise à l’appel : cependant, comme tous les hommes peuvent se tromper, la loi ne permet pas que le sort de l’accusé soit tellement dépendant des jurés, que celui-ci ne puisse jamais, même en cas d’erreur sensible ou d’opinion évidemment fauss j, éviter une condamnation injuste. C’est pourquoi elle a établi un remède dont l’usage ne doit être employé qu’avec la plus grande circonspection, et dans le3 cas infiniment rares où la décision des jurés paraîtra au juge évidemment erronée. Alors le tribunal, dans le cas seulement où l’accusé aurait été déclaré coupable, et jamais lorsqu’il aurait été acquitté, pourra ordonner que les trois jurés adjoints, qui ont également assisté à l’instruction, se joindront aux douze qui ont prononcé. Alors il se fait un nouvel examen, et les 15 jurés ne peuvent prendre de décision qu’aux quatre cinquièmes des voix. Lorsque l’accusé aura été déclaré convaincu, le président, en présence du public, le fera comparaître, et lui donnera connaissance de la déclaration du juré; sur cela le commissaire du roi fera sa réquisition pour l’exécution de la loi. Le président demandera à l’accusé s’il n’a rien à dire pour sa défense; mais il n’est plus question de combattre la vérité du fait attesté par la décision des jurés. Ce fait est alors tenu pour constant, et l’accusé convaincu de l’avoir commis; mais il peut, par lui ou ses conseils, soutenir que ce fait n’est pas défendu par la loi, qu’elle ne le regarde pas comme un délit, ou qu’il ne mérite pas la peine à laquelle a conclu le commissaire du roi. Ensuite les juges opinent sans désemparer ; le plus jeune commence, et tous successivement jusqu’au président donnent leur avis à haute voix et en présence du public, soit pour condamner l’accusé à la peine établie par la loi, soit pour acquitter l’accusé dans le cas où le fait dont il est convaincu, n’est pas défendu par elle. Le président recueille ensuite les voix ; mais, avant de prononcer le jugement, il lit le texte de la loi sur laquelle il est fondé. Si les juges sont partagés entre deux avis pour l’application delà loi, c’est l’avis le plus doux qui l’emporte ; s’il y a plus de deux avis ouverts, sans qu’il se trouve. 3 juges réunis à l’avis le plus sévère, ils appelleront dans ce cas des juges du tribunal du district pour les départager. Lorsque le président a prononcé, le greffier écrit le jugement, et y insère le texte de la loi lu par le président. Le tribunal criminel est aussi compétent pour connaître des intérêts civils, qui peuvent être demandés par les parties dans les procès criminels, et il y statuera en dernier ressort. Le président de ce tribunal est tenu par la loi, sous peine d’être suspendu de ses fonctions, d’envoyer copie du jugement d’absolution ou de condamnation qui sera intervenu, tant à la municipalité du lieu de la situation de la maison de district où le prévenu avait été détenu, qu’à la municipalité du lieu de son domicile ; il doit y avoir à cet effet dans chaque municipalité un registre particulier pour y tenir note des avis qui leur auront été donnés, soit dans ce dernier cas, soit dans les cas qui ont été détaillés ci-dessus. Lorsque le jugement a été prononcé à l’accusé, il doit être sursis pendant 3 jours à son exécution. Pendant ce délai l’accusé aura le droit de se pourvoir en cassation ; et s’il ne l’a pas fait, la condamnation sera exécutée sur les ordres du commissaire du roi, qui aura le droit à cet effet de requérir l’assistance delà force publique. Si l’accusé veut se pourvoir en cassation, il sera tenu, dans ledit délai de 3 jours, de faire sa déclaration, qu’il entend se pourvoir par cette voie; après quoi il aura quinzaine pour rassembler ses pièces et former sa demande : à ce délai sera ajouté celui d’un jour par 10 lieues, tant pour l’allée que pour le retour, pour les accusés qui ne seront pas détenus dans le lieu où le tribunal de cassation tiendra ses séances. Durant ces délais, il sera sursis à l’exécution. Sa re-uête, adressée au tribunal de cassation, et signée e lui, sera remise au greffier du tribunal criminel, qui lui en délivrera reconnaissance. Si la partie ne sait pas signer, le greffier du tribunal criminel, en la recevant, fera mention en bas, que la partie a déclaré ne savoir signer. Celui-ci [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 662 remettra la requête au commissaire du roi, qui lui en délivrera également reconnaissance, et sera tenu de l’envoyer aussitôt au ministre de la justice. Le commissaire du roi aussi pourra demander, au nom de la loi, la cassation du jugement; il sera tenu, dans le même délai de 3 jours, d’en passer sa déclaration au greffe, et d’envoyer aussitôt sa requête au ministre de la justice. Les demandes en cassation ne pourront être formées que pour causes de nullité prononcées par la loi, soit dans l’instruction, soit dans le jugement, ou pour fausse application de la loi. Le tribpnal de cassation n’est point en effet un degré d'appel, ni de juridiction ordinaire, et il n’est institué que pour ramener perpétuellement à l’exécution de la loi toutes les parties de l’ordre judiciaire qui tendraient à s’en écarter : le but de cette institution suffit pour expliquer sa compétence. Les requêtes en cassation seront adressées par le commissaire du roi au ministre de la justice, lequel sera tenu, dans les 3 jours, d’en donner avis au président du tribunal criminel, et d’en accuser la réception au commissaire du roi ; celui-ci en donnera connaissance à l’accusé et à son conseil. Le ministre de la justice remettra ces demandes au tribunal de cassation. Si la demande en cassation est présentée par le condamné, elle ne pourra être jugée qu’après un mois révolu, à compter du jour de la réception de la requête; et pendant ce délai le condamné pourra faire parvenir au tribunal de cassation, par le ministre de la justice, le moyen qu’il voudra employer. Le tribunal de cassation examinera, dans la forme indiquée par le décret d’établissement de. ce tribunal, les requêtes en cassation qui lui seront présentées, et il confirmera ou annulera les jugements. S’il les confirme, le ministre de la justice, auquel le commissaire du roi près le tribunal de cassation rendra compte des jugements de ce tribunal, en fera parvenir le dispositif au président du tribunal criminel et au commissaire du roi, qui en donnera connaissance au condamné et à son conseil; et dans les 24 heures après la réception de cette décision, le commissaire du roi fera exécuter le jugement de condamnation. Si le tribunal casse les jugements, il exprimera dans sa décision le motif de la cassation, et renverra le procès à un autre tribunal criminel qu’il indiquera. Le ministre de la justice enverra pareillement cette décision au président du tribunal criminel et au commissaire du roi, qui en donnera connaissance à l’accusé et à son conseil. Il enverra aussi la décision au tribunal indiqué par le tribunal de cassation. L’accusé sera en conséquence renvoyé en personne devant le nouveau tribunal indiqué, avec toutes les pièci s du procès, à la diligence du commissaire du roi de service près le tribunal dont le jugement a été annulé. Ce nouveau tribunal, si le jugement a été annulé à raison de fausse application de la loi, rendra son jugement sur la déclaration déjà faite par le juré du premier tribunal, après avoir entendu l'accusé ou ses conseils, ainsi que le commissaire du roi. Si le jugement avait été annulé à raison de violation ou d’omission de formes prescrites, à peine de nullité dans l'examen et la déclaration [29 septembre 1791.) du juré, l’accusé, ainsi que les témoins qui ont déposé, seront de nouveau entendus par-devant uu juré de jugement, que le nouveau tribunal fera assembler à cet effet en la forme indiquée par la loi. Si le tribunal indiqué rend un jugement contre lequel on se soit de nouveau pourvu en cassation, et s’il présente les mêmes motifs de cassation que le premier, cette circonstance annonce qu’il peut y avoir dans la loi des dispositions qui re soient pas assez clairement entendues; le tribunal de cassation en référera dans ce cas à la législature, qui déclarera quelle est la véritable signification de la loi; le tribunal de cassation sera tenu de se conformer au décret qui interviendra; et en cas qu’il y ait lieu d’annuler le jugement, il renverra à un troisième tribunal criminel. Ainsi se termine la procédure criminelle, relativement aux accusés présents. Mais le prévenu ou l’accusé peut être en fuite, et il peut se faire que sur l’ordonnance de prise de corps rendue par le directeur du juré, il ait été impossible de le saisir, ou qu’il n’ait point comparu sur l’ordonnance de se présenter en justice, dans le cas où il aurait été reçu à caution. Dans ces deux cas, le président du tribunal criminel, auquel sera envoyée l’ordonnance du directeur du juré, et les pièces qui constatent que le prévenu n’a pu être saisi et qu’il n’a point comparu, rendra une ordonnance portant qu’il sera fait perquisition de sa personne, et que chaque citoyen est tenu d’indiquer l’endroit où il se trouve. Cette ordonnance, avec copie de celle de prise de corps, ou de se représenter en justice, sera, à la diligence du commissaire du roi, affichée à la porte de l’accusé et à son domicile élu, ainsi qu’à la porte de l’église du lieu de son domicile, ou à la porte de l’auditoire pour ceux qui ne sont pas domiciliés; elle sera également notifiée à ses cautions, s’il en a fourni, et proclamée dans les lieux ci-dessus énoncés, pendant deux dimanches consécutifs, à peine de nullité de toute la procédure qui serait faite sans ces formalités. Il sera dressé procès-verbal de toutes ces opérations. Passé ce temps, les biens de l’accusé seront saisis à la diligence et requête du commissaire du roi de service près le tribunal criminel, et ses revenus seront versés dans la caisse du district, ainsi qu’il sera déterminé par la suite. Huitaine après la dernière proclamation, le président du tribunal criminel, sur le vu des procès-verbaux d’affiches et proclamations, rendra une seconde ordonnance, portant que l’accusé est déchu du titre de citoyen français, que toute action en justice lui est interdite pendant tout le temps de sa contumace, et qu’il va être procédé contre lui malgré son absence. Cette ordonnance sera signifiée, proclamée et affichée aux lieux et dans la même forme que ci-dessus. Après un nouveau délai de quinzaine, à compter du jour de la proclamation de la seconde ordonnance, le procès sera continué dans la forme qui est prescrite pour les accusés présents. Ainsi le jour de rassemblée des jurés, les jurés paraîtront comme si l’accusé était présent; les témoins seront entendus, mais dans ces cas leurs dépositions seront reçues par écrit ; ensuite les jurés se retireront, décideront, et feront leurs G 63 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. déclarations dans la même forme que celle indiquée ci-dessus. Àuun conseil ne pourra se présenter pour défendre l’accusé contumace sur le fond de son affaire; mais, s’il est dans l’impossibilité absolue de se rendre, ses amis pourront exposer et plaider b s motifs de son absence devant le tribunal, qui jugera la légitimité de l’excuse. S’il la trouve fondée, il ordonnera qu’il sera sursis à l’examen et au jugement pendant un temps qu’il fixera, eu égard à la nature de l’excuse et à la distmee des lieux, et pendant ce temps les biens de l’accusé seront libres. Lorsque les jurés auront fait leurs déclarations, si elles sont contraires à l’accusé, le tribunal appliquera la loi, et le jugement sera exécuté à la diligence du commissaire du roi, dans les 24 heures de sa prononciation. Cette exécution se fera en inscrivant les condamnations intervenues contre l’accusé contumace, dans un tableau qui sera suspendu au milieu de la place publique par l’exécuteur de la haute justice. Pendant toute la vie de l’accusé contumace, ses biens restent saisis au profit de la nation, sauf le cas ci-après; si cependant il avait une femme et des enfants, un père ou une mère dans le besoin, ils pourront présenter leur requête au tribunal civil, à fin de distraction à leur profit d’une somme annuelle ou une fois payée. Le tribunal, après avoir vérifié les motifs de la demande et entendu le commissaire du roi, pourra adjuger une somme quelconque qu’il fixera par le jugement, pour être touchée sur les revenus des biens de l’accusé contumace. Toute peine portée dans un jugement de condamnation sera prescrite par 20 années, à compter de la date du jugement; ainsi, après ce temps, l’accusé ne pourra plus être recherché pour la peine contre lui prononcée. Ses héritiers pourront aussi, après le même delai de 20 ans, demander au tribunal civil d’être envoyés provisoirement en possession de ses biens, et le tribunal pourra leur accorder cette possession provisoire en donnant par eux caution de restituer dans le cas où l'accusé se présenterait. Mais, après la mort de l’accusé légalement prouvée, ou après 50 ans, à compter de la date du jugement, ses biens seront restitués à ses héritiers légitimes, qui, bien entendu, ne pourront demander ancune restitution des fruits. L’accusé contumace pourra en tout temps se représenter, en se constituant prisonnier et donnant connaissance au président de sa comparution ; et du jour où il aura rempli ces formalités, tous jugements et procédures faits contre lui seront anéantis de droit, sans qu’il soit besoin d’un jugement nouveau. 11 en sera de même s’il est repris et arrêté. L’accusé qui se sera représenté rentrera aussi dans tous ses droits civils à compter de ce jour ; ses biens lui seront rendus, ainsi que les fruits de ceux qui auront été saisis; à la déduction néanmoins des frais de régie et de ceux du procès, qui seront réglés par le tribunal criminel. Alors il sera procédé de nouveau, et suivant les formes de la loi, à l’examen et au jugement du procès, à compter de l’ordonnance de prise de corps; les témoins seront entendus de nouveau, sans que leurs dépositions soient écrites; néanmoins les dépositions écrites des témoins décédés peudant son absence seront produites , [29 septembre 1791.] niais pour y avoir tel égard que de raison par les jurés, qui ne doivent jamais perdre de vue que les preuves écrites ne sont point la règle unique de leurs décisions, et qu’elles ne leur servent que de renseignements. Si l’accusé, qui s’est représenté, est déclaré absous, il n’aura aucun recours, pas même contre son dénonciateur; et le juge lui fera en public une réprimande pour avoir douté de la justice et de la loyauté de ses concitoyens; ensuite il sera remis en liberté. Telle est la procédure prescrite par la loi pour les contumaces. Nous finirons cette instruction par quelques observations sur un litre particulier de la procédure par jurés, que la loi a consacré aux délits de faux de banqueroute et autres semblables délits dont le fait est tellement compliqué par sa nature, que les lumières simples des jurés ordinaires ne pourraient suffire pour saisir la vérité sur ces matières délicates et qui exigent une mesure de connaissances au-dessus du commun. Nous ne détaillerons pas ici la partie de ces procédures qui ne présente rien de difficile ni de nouveau. Nous nous contenterons d’annoter les principales différences qu’il a été nécessaire d’introduire dans la procédure criminelle, à raison de ces délits particuliers. La première de ces différences consiste dans le choix de l’officier, devant qui doit être portée la plainte. On comprendra faci ement le motif qui a déterminé la loi à exiger que dans les vides au-dessous de 40,000 âmes, cette plainte ne fût portée que devant le directoire du juré; car l’of-licier qui reçoit la plainte est aussi celui qui doit recevoir les déclaraiions des témoins, entendre le prévenu et délivrer en conséquence le mandat d’amener et le mandat d’arrêt. Ces fonctions exigent qu’on soit versé dans la connaissance des matières délicates qui appartiennent à la nature des délits pour lesquels cette procédure est instituée; et ce serait trop exiger du plus grand nombre des officiers de police, que d’attendre d’eux toutes les lumières qui sont requises en de telles circonstances. Une autre de ces différences consiste dans la manière dont les jurés, soit d’accusation, soit de jugement, doivent être composés. Pour les délits de cette nature, il sera formé des jurés spéciaux, tant pour prononcer sur la question de savoir s’il y a lieu à accusation, que pour prononcer sur le délit même. Le tableau des jurés d’accusation sera fait par le procureur syndic du district, et composé de 46 noms. Entre ces noms, 8 seront désignés par le sort; on conçoit facil ment la raison qui défère la formation clé cette liste à un officier élu par le peuple et à portée de connaître ceux d’entre ses concitoyens qui sont capables de prononcer sur le fait en question. Ce sera pareillement le procureur général syndic du département qui formera la liste du juré de jugement. Elle sera composée de 26 noms. L’accusé aura, comme dans les autres cas, la liberté de récuser 20 jurés sans donner les motifs de sa récusation; on voit que dans le cas où 20 jurés auraient été récusés, il en resterait encore sur la liste, 6 de ceux qui auraient été nommés par le procureur syndic; alors, 6 autres jurés pris sur la liste se rejoindraient aux 6 jurés non récusés. Ces premières récusations n’excluent pas, comme de raison, les récusations motivées et dont le jugement appartient au tribunal criminel. Mais la manière dont la liste a été formée par 664 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre l”9l.j un seul fonctionnaire exige aussi l’introduction d’une nouvelle sorte de récusation qui porte sur la liste tout entière. Cette récusation peut s’exercer en alléguant quelque cause ou preuve de partialité de la part de l’officier qui a fait la liste, et en prouvant qu’il l’aurait composée avec malignité, des ennemis de l’accusé et d’hommes intéressés à lui nuire. C’est au tribunal criminel à juger du mérite de cette récusation, et la seule règle que l’on puisse indiquer à ce sujet, c’est le principe éternel de justice qui doit présider à toute l’instruction criminelle. D’api ès ce principe, tout ce qui conduit à rechercher de bonne foi la vérité doit être admis ; tout ce qui expose à commettre une erreur ou à consacrer une injustice doit être soigneusement réprouvé, et une liste de jurés insidieusement composée serait le piège le plus dangereux que l’on pût tendre à un accusé. A ces différences près, la procédure sur le faux, la banqueroute, etc., est la même que celte qui concerne les autres délits; elle doit surtout être conduite dans le même esprit de droiture et de simplicité qui écarte, autant qu'il est possible, les embarras et les subtilités de pure forme, pour chercher constamment et uniquemen t le vrai. Formules des divers actes relatifs à la procédure par jurés. Nota. — Ges formules sont exactement faites d’après la lettre de la loi; chacune d’elles correspond à quelque article de la loi. 11 a été impossible d’y spécifier tous les cas, toutes les circonstances qui peuvent caractériser tous les délits; c’est aux officiers de police, aux directeurs du juré et autres fonctionnaires publics chargés de la suite de la procédure du juré, à se bien pénétrer de l’esprit de la loi, de manière qu’ils puissent y conformer toutes leurs opérations dans les cas les plus difficiles, les plus minutieux et les moins prévus. Plainte. A M. le juge de paix, officier de police du canton de ..... {cette forme est pour le cas où la plainte est rédigée par le plaignant ou son fondé de pouvoir) ..... Pierre ..... laboureur, demeurant à ..... tant en son nom personnel que comme fondé de la procuration spéciale de Jacques ..... passée devant notaire et témoins, le ..... laquelle sera annexée à la présente plaine, vous représente que ce jourd’hui, quatre heures du matin, plusieurs particuliers inconnus, à l’exception d’un seul qui se nomme Claude ..... journalier à ..... se sont introduits dans sa maison située à ..... qu’ils ont crocheté la serrure de la porte qui conduit à ..... et ont brisé une armoire fermant à clef, dans une chambre donnant sur la cour au’ rez-de-chaussée; que sur le bruit occasionné par les effractions de ces particuliers, les nommés Jacques.... et Antoine ..... tous deux domestiques du plaignant, couchés dans une chambre voisine, sont descendus et ont rencontré lesdits particuliers emportant des paquets et autres objets qu’ils n’ont pu distinguer : que ledit Jacques leur ayant demandé pourquoi ils se trouvaient à cette heure dans ladite maison, l’un deux, qu’il n’a pu connaître, jetant à terre le paquet qu’il tenait, présenta auxdits Jacques et Antoine deux pistolets, en les menaçant de les tuer s'ils osaient faire le moindre mouvement : que ledit Jacques a jeté un cri qui a porté l’alarme dans la maison, et auquel sont accourus ledit plaignant, son fils et ses autres domestiques; qu’ils entendirent à ce moment tirer deux coups de pistolet, et qu’étant arrivés ils trouvèrent Antoine ..... mort, et Jacques ..... renversé à terre, et ayant reçu une balle dans la cuisse et plusieurs coups de bâton sur la tête, sans que néanmoins il eût perdu connaissance : que ledit blessé ayant indiqué de quel côté lesdits particuliers s’étaient enfuis, le fils du plaignant a suivi leurs traces, et est revenu quelques minutes après, tenant au collet ledit Claude ..... dont les compagnons n’avaient pu être saisis, mais que l’on soupçonne n’être pas sortis de la maison, attendu que ledit plaignant en a fait garder toutes les issues : que ledit Pierre ..... a pris le parti de venir aussitôt vous rendre plainte desdits faits, et de conduire par-devant vous ledit Claude.... trouvé saisi d’une montre et deux gobelets d’argent appartenant audit Pierre ..... que ledit Jacques.... blessé, ne pouvant se transporter lui-même, a fait venir un notaire qui, en présence de témoins, a rédigé la plainte spéciale annexée à la présente plain te ; pourquoi ledit Pierre ..... tant en son nom que comme fondé de ladite procutation, déclare qu’il vous rend plainte des faits ci-dessus énoncés, dont il offre d’affirmer la vérité, et qui seront attestes par les témoins amenés avec lui; demande acte de la remise qu’il fait en vos mains de la personne dudit Claude ..... ainsi que de. la montre et des gobelets d’argent dont il a été trouvé saisi, et vous requiert d’agir conformément à la loi. Signé (à toutes les pages) Pierre ..... tant pour moi que comme fondé de la procuration spéciale de Jacques ..... L’officier de police signe aussi à toutes les pages, et met au bas : « La présente plainte signée de ..... nous a été présentée le ..... à dix heures du matin, par ledit Pierre ..... tant en son nom personnel que comme fondé de la procuration spéciale de Jacques ..... annexée à ladite plainte, et paraphée de nous et dudit Pierre ..... lequel a affirmé, sur notre réquisition, que les faits étaient tels qu’il les avait exposés dans ladite plainte; en conséquence, avons donné acte audit Pierre ..... de la remise qu’il fait en nos mains de la personne dudit Claude ..... présent; et attendu la présence des témoins amenés par ledit ..... nous avons reçu les déclarations sur les faits contenus en sa plainte, desquelles déclarations il a été tenu note par notre greffier pour servir et valoir ce qu’il appartiendra ; au surplus, disons que sur-le-champ nous nous transporterons sur Je lieu du délit, pour, en présence de deux notables, être fait visite par un chirurgien tant du mort que du blessé ..... et perquisition dans la maison dudit Pierre ..... et prendre tous les éclaircissements relatifs aux délits dont est question eu la présente plainte, à l’effet de quoi ledit Claude ..... sera reconduit sous bonne et sûre garde à ladite maison, pour être présent aux opérations qui pourront être faites et recevoir ces déclarations. A ..... ce ..... signé.... juge de paix. » Si la partie ne rédige pas la plainte, et requiert l’officier de police de la rédiger, celui-ci dresse le procès-verbal en cette forme : [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.] 065 L’an ..... le ..... 10 heures du matin, s’est présenté par devant nous ..... juge de paix, officier de police du canton de ..... Pierre ..... lequel nous a requis de rédiger la plainte cpi’il vient nous rendre des faits ci-après détaillés, à quoi nous avons procédé d’après les déclarations dudit Pierre ..... qui nous a dit que ce matin, etc ..... tous lesquels faits il a affirmé être tt is u’il les a déclarés, et a signé avec nous au bas e chaque page du présent acte, tant en son nom que comme, etc ..... sur quoi nous, etc ..... Procès-verbal de transport de l'officier de police. (Ce transport a également lieu soit dans le cas où la cause de la mort est inconnue et suspecte, soit sur l’avis donné à l’officier de police, ou la connaissance qu’il aura de quelque manière que ce soit d’un délit, sans qu’il soit besoin d’une plainte.) L’an ..... le ..... heures du matin. Nous ..... en conséquence de notre ordonnance apposée au bas de la plainte à nous rendue cejourd’hui par Pierre ..... (où sur l’avis qui nous a été donné , ou, étant instruit par la rumeur publique , qu’il s'était commis à ..... ) étant accompagné de ..... et de ..... tous deux notables du bourg de ..... dont nous avons requis l’assistance à l’effet d’être, en leur présence, procédé aux opérations ci-après, dont nous leur avons fait connaître l’objet, et de ..... chirurgien, demeurant à ..... aussi requis de se trouver audit lieu pour y visiter, tant le particulier mort que le blessé, dont il est fait mention en la plainte dudit ..... lequel (chirurgien) a prêté en nos mains le serment de procéder en son âme et conscience à ladite visite, et de déclarer vérité, nous nous sommes transportés en la maison ou demeure de ..... sise à ..... rue ..... où étant entrés, nous avons requis ledit Pierre ..... de tenir fermées les portes de sa maison, afin que qui que se soit ne s’en éloigne sans autre permission, jusqu’à ce que nous ayons procédé aux opérations qui sont le sujet de notre transport. Nous avons aussi requis les sieurs ..... gendarmes nationaux, présents, de faire perquisition dans toute la maison dudit Pierre ..... où on soupçonnait que pouvaient s’être réfugiés les complices dudit ..... ce qu’ils ont fait, sans avoir rien pu découvrir; la fuite dudit Pierre ..... nous a conduits vers une chambre donnant sur la cour, au rez-de-chaussée ; nous avons remarqué des traces de sang depuis l’allée qui conduit à ladite chambre jusqu’à l’endroit où était déposé le corps mort que nous avons trouvé exposé. . ! . . en ladite chambre sur ..... nous avons requis ledit ..... chirurgien, d’en faire la visite à l’instant, à quoi procédant ledit ..... a remarqué que ..... (il déclare si l’individu parait être mort tout récemment et quelles sont les blessures, etc.) desquelles déclarations il résulte que ledit ..... est mort de mort violente, et qu’il a été tué par une arme à feu ; en conséquence, et attendu que la cause de sa mort est connue, et que toutes autres recherches à cet égard seraient inutiles, nous avons déclaré que rien ne s’opposait à ce que ledit corps mort ne fût inhumé suivant les formes ordinaires. Nous avons ensuite sommé ledit Jacques de nous dire s’il reconnaissait ledit particulier : a répondu, non; s’il n’était pas vrai qu’il eût tiré un coup de pistolet : a répondu, non, et que ses compagnons seuls avaient tiré ; pourquoi il se trouvait à l’heure de..... dans sa maison? a dit qu’il avait été excité par ses compagnons ; pourquoi il emportait les effets dont il avait été trouvé saisi? a répondu que, etc. (L’on prend ainsi tous les renseignements possibles, tant de l’accusé que de toutes les personnes qui se sont trouvées présentes au délit, ou qui en ont quelque connaissance directe ou indirecte , et on fait signer à tous leur déclaration. L'officier de police constate aussi l’état des portes et serrures brisées,.) Nous nous sommes de suite, et accompagnés des mêmes personnes, transportées en la chambre où était ledit Jacques, que nous avons trouvé couché dans un lit : (on reçoit les déclarations de Jacques ..... le chirurgien constate son état , interroge de nouveau le prévenu s'il reconnaît le malade , etc.,) desquels examen, visite et déclarations, il résulte qu’il existe meurtre et vol avec effraction, que ces délits sont de nature à mériter peine afflictive ; que ledit Claude ..... a été trouvé saisi d’effets appartenant audit Pierre ..... et pris à l’instant même du délit, et dans le lieu où il s’est commis ; et que dans lesdites déclarations le nommé Victor ..... et Guillaume ..... absents, se trouvent fortement soupçonnés de complicité, pourquoi nous nous sommes déterminés à faire conduire sur-le-champ ledit Claude ..... à la maison d’arrêt du district de ..... et à citer par-devant nous ledit ..... (et autres) suivant la forme indiquée par la loi. Nous avons en conséquence délivré un mandat d’arrêt, à l’effet de faire conduire sur-le-champ ledit Claude ..... à la maison d’arrêt du district de ..... et un mandat d’amener contre lesdits Victor et Guillaume ..... (et autres ) et avons de ce que dessus dressé le présent procès-verbal. (L’officier de police et les notables signent.) Cédule pour appeler les témoins. Etienne ..... juge de paix, ou ..... officier de la gendarmerie nationale, officier de police, ou ..... directeur du juré du tribunal du district de ..... ou président du tribunal criminel du département de ..... mandons et ordonnons à tous huissiers et gendarmes nationaux d’assigner Claude ..... Jacques, etc ..... témoins indiqués par ..... et tous autres qui pourraient être indiqués par la suite, à comparaître en personne par-devant nous le ..... heure, pour faire leurs déclarations sur les faits et circonstances contenues en la plainte rendue par Pierre ..... etc. Fait à ..... le ..... Signé ..... Assignation en vertu de la cédule ci-dessus. L’an ..... en vertu de la cédule délivrée par ..... le ..... j’ai ..... huissier ..... ou gendarme national de ..... assigné Claude ..... demeurant à. . . . , à comparaître le ..... heure ..... pardevant M ..... demeurant à..... à l’effet de faire sa déclaration sur les faits dont est question en la plainte mentionnée en ladite cédule, lui déclarant que, faute de comparaître sur la présente assignation, il y sera contraint par les voies indiquées par la loi, et j’ai audit ..... laissé copie, tant de ladite cédule, que du présent acte. Signé , etc. 666 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791. J Procès-verbal des déclarations des témoins. L’an ..... le ..... par-devant nous officier de police ..... ou directeur du juré du tribunal du district de ..... ou président du tribunal criminel du département de ..... sont comparus ( tels et tels) témoins amenés par ..... ou appelés en vertu de la cédule délivrée par nous le.. .. . à l’effet de déclarer les faits et circonstances qui sont à leur connaissance au sujet du délit dont est question en la plainte rendue par Pierre ..... etc., lesquels témoins susnommés ont fait leurs déclarations ainsi qu’il suit. Claude ..... demeurant à ..... âgé de ..... a dit n’être parent, allié, serviteur ni domestique du plaignant, ni du prévenu, et déclaré que le ..... heure de ..... il a vu ..... etc., et a signé ladite déclaration ou déclaré ne savoir signer. ( Toutes les déclarations se rédigent ainsi sans autre forme.) Mandat d'amener. De par la loi. Etienne ..... juge de paix et officier de police du canton de ..... district de ..... département de ..... demeurant à ..... mandons et ordonnons à tous exécuteurs de mandements de justice d’amener par-devant nous, en se conformant à la loi, le sieur Victor ..... maçon, demeurant à ..... rue ..... âgé d’environ ..... taille de ..... cheveux bruns, pour être entendu sur les inculpations dont ledit Victor ..... est prévenu. Requérons tous dépositaires de la force publique de prêter main-forte, en cas de nécessité, pour l’exécution du présent mandat. A ..... (date), (signature de V officier de police), (sceau de l'officier de police.) Procès-verbal dressé par le porteur d'un mandat d'amener. L’an..... j’ai ..... soussigné, en vertu du mandat d’amener délivré par ..... officier de police, le ..... signé de lui et scellé, me suis transporté au domicile de Victor ..... demeurant à.... auquel, parlant à sa personne, j’ai notifié le mandat d’amener dont j’étais porteur, le requérant de me déclarer s’il entend obéir audit mandat, et se rendre par-devant ledit. . , . . officier de police : ledit sieur ..... m’a répondu qu’il était prêt à obéir à l’instant, en conséquence, j’ai conduit ledit sieur ..... par-devant le ..... officier de police de ..... pour y être entendu, et être statué à son égard ce qu’il appartiendra, et j’ai de tout ce que dessus dressé le présent procès-verbal. (Si l'inculpé refuse d'obéir, l'huissier doit se conduire ainsi qu'il va être dit). Lequel m’a répondu qu’il ne voulait point obéir audit mandat d’amener ; je lui ai vainement représenté que sa résistance injuste ne pouvait le dispenser d’obéir au mandement de la justice, et m’obligerait à user des moyens de force que j’étais autorisé à employer par la loi; ledit sieur. .... s’est obstiné à refuser d’obéir au mandat. En conséquence l’ai saisi et appréhendé au corps ; étant assisté de ..... gendarmes nationaux du département de ..... résidant à ..... desquels j’ai requis l’assistance pour que force demeure à justice ; j’ai conduit ledit par-devant ..... etc. Mandat d'arrêt. De par la loi, Etienne ..... juge de paix et officier de police du canton de ..... district de ..... département de ..... mandons et ordonnons à tous exécuteurs de mandements de justice de conduire en la maison d’arrêt du district de ..... Claude ..... journalier, demeurant à ..... prévenu de complicité d’un vol avec effraction, et des meurtres commis le ..... en la maison de Pierre ..... mandons au gardien de ladite maison d’arrêt de le recevoir, le tout en se conformant à la loi ; requérons tous dépositaires de la force publique, auxquels le présent mandat sera notifié, de prêter main-forte pour son exécution en cas de nécessité, (date, signature, sceau.) Désistement de la plainte dans les 24 heures par le plaignant. L’an ..... le ..... heure de ..... Pierre ..... s’est présenté devant nous, et nous a déclaré qu’il se désistait purement et simplement de la plainte par lui portée devant nous le ..... au sujet (on spécifie le délit) et dont les circonstances sont détaillées en ladite plainte, n’en-lendant donner aucune suite à la dénom iation dudit délit; pourquoi il nous requiert de biffer et anéantir ladite plainte; nous, attendu que le délai de 24 heures fixé parla loi n’est pas encore expiré, avons donné acte audit ..... de son désistement; en conséquence, avons biffé en sa présence ladite plainte sur le registre ou feuille où elle était inscrite (ou bien) avons donné acte audit ..... de son désistement; et attendu que le délit énoncé dans la plainte iniéresse l’ordre public, nous avons pris ladite plainte pour dénonciation. En conséquence disons qu’elle subsistera, à l’effet d’êire procédé, conformément à la loi, à la poursuite du délit dont il s’agit, et avons de ce que dessus dressé le présent acte. (Signé, le plaignant et l'officier de police.) Dénonciation civique. L’an ..... le ..... Jacques ..... demeurant à ..... s’est présenté devant nous, et nous a déclaré que passant dans la rue de ..... cejour-d’hui six heures du malin, il avait aperçu deux hommes vêtus de ..... taille de ..... lesquels armés chacun d’un fusil , s’étaient saisis d’un particulier sortant d’une maison donnant sur ladite rue, numérotée ..... lequel, malgré sa résistance, et après l’avoir maltraité, ils avaient emmené et fait entrer par force dans une voiture qui se trouvait au coin de ladite rue ..... vis-à-vis une maison où on entre par une allée étroite fermée d’une petite porte ; que là, les deux particuliers et la personne par eux enlevée étaient descendus et entrés dans ladite allée, dont la porle a été sur-le-champ fermée; que ledit ..... et deux voisins qu’il a conduits par-devant nous pour déposer desdits faits, s’étant approchés et ayant prêté l’oreille, ils entendirent une voix qu’ils croient être celle du particulier maltraité, et qui s’exhalait en reproches contre les violences exercées envers un citoyen innocent; que ledit ..... et les deux autres témoins ayant demandé au cocher qui conduisait ladite voiture s’il connaissait les personnes entrées [Assemblée nationale.] dans ladite maison, il leur répondit qu’il soupçonnait, etc. (on détaille toutes les circonstances), que ledit ..... certain que la maison où avait été conduit le particulier enlevé en sa présence n’était pas un lieu de détention, et convaincu que cet attentat à la liberté d’un citoyen ne pouvait être que l’effet d’un abus d’autorité ou d’un complot criminel, venait nous dénoncer ce délit dont les témoins qu’il avait emmenés attesteraient les circonstances qui sont à leur connaissance ; sur quoi nous, ouï l’exposé dudit..... nous lui avons demandé s’il était prêt à signer et affirmer sa dénonciation, et s’il voulait donner caution de la poursuivre, ledit ..... a répondu qu’il était prêt à signer sa déclaration et en affirmer la vérité; qu’à i’égard de la caution, son intention n’était pas de la fournir ni de poursuivre en son nom le délit par lui dénoncé; vu lequel refus, et attendu néanmoins que le fait déclaré par ledit ..... s’il était avéré, serait un délit punissable, et qu’il importe à l’ordre public de vérifier l’existence et les circonstances d’un pareil attentat; Après avoir entendu la déclaration de ..... et de ..... demeurant à ..... témoins amenés par ledit ..... lesquels nous ont dit : savoir ..... et l’autre ..... laquelle déclaration est conforme à l’exposé dudit ..... nous disons qu’à l’instant même nous nous transporterons rue ..... dans la maison ..... à l’effet d’y faire perquisition et de prendre tous les renseignements et éclaircissements néce-saires, pour ensuite être procédé par nous ainsi qu’il sera convenable et conformément à la loi. ( Signé ..... le dénonciateur , les témoins , l'officier de police.) Acte d'accusation. Le directeur du juré du tribunal du district de ..... expose que le ..... du mois de ..... . le sieur ..... gendarme national du département de ..... demeurant à ..... porteur du mandat d’arrêt délivré le. ... par ..... juge de paix et officier de police du canton de ..... contre Jacques ..... prévenu d’avoir.... a conduit en la maison d’arrêtde ..... dudit tribunal la personne dudit ..... et remis les pièces concernant ledit ..... au greffe du tribunal; qu’aussitôt ladite remise ledit Jacques ..... a été entendu par le directeur du juré sur les causes de sa détention ; que le sieur Pierre ..... partie plaignante dénommée dans lesdites pièces, ne s’étant pas présenté dans les deux jours (1) de la remise du prévenu, en la maison d’arrêt, le directeur du juré a procédé à l'examen des pièces relatives aux causes de la détention et de l’arrestation dudit ..... ; qu’ayant vérifié la nature du délit dont est prévenu ledit Jacques ..... il n’avait pas trouvé que ce délit fût de nature à mériter peine afflictive ni infamante, mais que sur le rapport fait par le directeur du juré au tribunal du district, ledit tribunal, après avoir entendu le commissaire du roi, a décidé que le délit dont il s’agit était de nature à mériter peine afflictive ; en vertu de cette décision le directeur du juré a dressé le présent acte d’accusation, pour, après les formalités requises par la loi, être (1) Si la partie plaignante se présente dans les deux jours, l’acte d’accusation est dressé en son nom, et la formule en est la même, sauf qu’il en faut retrancher toute la partie où le directeur du juré expose qu’il intervient à défaut du plaignant. [29 septembre 1791.] 007 présenté au juré d’accusation; le directeur du juré déclare en conséquence qu’il résulte de l'examen des pièces, et notamment du procès-verbal dressé le ..... par ..... officier de police dudit canton de ..... lequel procès-verbal est annexé au présent acte, que le ..... jour ..... heure, il a été commis un vol dans la maison de ..... située à ..... rue...,, que les voleurs se sont introduits dans une chambre donnant. . . dont ils ont brisé la porte ..... qu’ils ont forcé la serrure d’une armoire ..... etc., que Jacques ..... demeurant à ..... et détenu en la maison d’arrêt du district de ..... est prévenu d avoir commis ledit vol ; que ledit Jacques a déclaré au directeur du juré soussigné, qu’à la vérité il s’était introduit avec deux autres particuliers qu’il a refusé de nommer, dans la maison et la chambre sus-désignées, mais qu’il n’a participé en aucune manière, au vol dont il s’agit, etc ..... qu’il résulte de tous ces détails, attestés par le susdit procès-verbal, que le vol dont il s’agit a été commis avec effraction extérieure et intérieure, sur quoi les jurés auront à prononcer s’il y a lieu d’accuser ledit Jacques d’avoir ..... Fait à ..... le..... (Le directeur du juré signe.) Ordonnance de prise de corps. Nous. . . . juge du tribunal du district de ..... et directeur du juré, vu la déclaration des jurés étant au bas de l’acte d’accusation dont la teneur suit ..... laquelle déclaration, à nous remise ce jourd’hui par le chef desdits jurés en leur présence , porte qu’il y a lieu à l’accusation mentionnée audit acte, ordonnons que ledit Jacques ..... sera pris au corps et conduit directement en la maison de justice du tribunal criminel de. . . . (soit de celui de. . . . entre lesquels il pourra opter dans le délai, et en la forme indiquée par la loi). Mandons et ordonnons de mettre à exécution la présente ordonnance dont sera laissée copie audit ..... et qui sera par nous notifiée conformément à la loi, tant à la munici-paliié de la ville de ..... qu’à celle dudit ..... où ledit Jacques était domicilié. A ..... le ..... (signé) . Si le prévenu est détenu en la maison d’arrêt, l’ordonnance portera : Ordonnons que ledit Jacques ..... détenu en la maison d’arrêt du district de ..... sera transféré et conduit de ladite maison ..... en la maison de justice du tribunal criminel, etc. Si le prévenu a été déjà reçu à caution, l’ordonnance portera : vu la déclaration du juré et attendu que ledit a déjà été reçu à caution, par-devant le juge de paix du canton de ..... lui enjoignons de comparaître à tous les actes de la procédure criminelle qui sera insiruite contre lui, au tribunal criminel du département de. . . . établi à ..... en conséquence d’élire domicile dans ladite ville et de le notifier au commissaire du roi dudit tribunal, le tout à peine d’y être contraint par corps. A ..... le ..... Signification au juré que son excuse n'a point été admise. L’an ..... le ..... à la réquisition de ..... directeur du juré du tribunal du district de ..... j’ai ..... signifié à ..... demeurant à ..... l’un des citoyens inscrits sur la liste pour former le ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 668 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1791.] juré d’accusation, que l’excuse par lui proposée pour être dispensé de se rendre à l’assemblée du juré d’accusation le ..... prochain, ayant été présentée au tribunal du district de ..... elle a été jugée non valable par ledit tribunal, que d’après cette décision le nom dudit a été soumis au sort pour la formation du juré d’accusation, et qu’il est du nombre des huit citoyens composant ledit tableau; qu’en conséquence ledit ..... est sommé de se rendre le ..... jour fixé pour l’assemblée du juré d’accusation; lui déclarant que faute par lui de se trouver auxdils jour, lieu et heure, il sera condamné aux peines prononcées par la loi : et j’ai laissé copie du présent acte, tant audit. . . . qu’aux officiers municipaux dudit lieu (de domicile du juré) en parlant au greffier de ladite municipalité. ( Cette signification est la meme pour le' juré de jugement, il n'y a que les termes à changer.) (. Jugement du tribunal criminel). Louis, etc. Vu par le tribunal criminel du département de ..... l’acte d’accusation dressé contre Jacques, par Pierre, partie plaignante (ou par le directeur du district de. . . . .) et dont la teneur suit ...... la déclaration du juré d’accusation du district de ..... écrite au bas dudit acte, et portant qu’il y a lieu à l’accusation mentionnée audit acte , l’ordonnance de prise de corps rendue par le directeur du juré dudit district, contre ledit Jacques, le procès-verbal de la remise de sa personne en la maison de justice du département, et la déclaration du juré de jugement, portant que Jacques est convaincu d’avoir ..... le tribunal, après avoir entendu le commissaire du roi, condamne Jacques à ..... (exprimer la peine) conformément à l’article du T ..... du Gode pénal, dont il a été fait lecture, lequel est ainsi conçu (insérer le texte) ordonne que le présent jugement sera mis à exécution à la diligence du commissaire du roi. Fait à ..... le ..... en l’audience du tribunal où étaient présents N. et N., juges du tribunal, qui ont signé la minute du présent jugement. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du vendredi 30 septembre 1791 (1) La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. le Président. Miss Scot Godefrey fait hommage à l’Assemblée d’une traduction de la Constitution française en langue anglaise. (L’Assemblée décrète qu’il en sera fait mention dans le procès-verbal.) M. le Président. M. Palloy fait hommage d’un portrait du roi, et de celui du premier des présidents de l'Assemblée, sculptés en relief sur une pierre tirée de la Bastille, au bas de laquelle est l’inscription suivante : Paisse cette pierre, par l’emblème Qu’elle représente entre les portraits Du premier président de l’Assemblée nationale Et celui du premier roi des Français, Rappeler à jamais que l’union des Deux pouvoirs réunis fait la force De la nation! M. Palloy a ajouté à cet hommage six dessins encadrés des monuments qu’il a fait élever à la liberté : 1° le mausolée de Desilles à Nancy ; 2° le projet delà pyramide au département de lâMeur-the ; 3° le mausolée de d’Àssas au Yigan ; 4° le mausolée de Mirabeau à Saint-Eustache; 5° le tombeau des victimes trouvées dans les cachots de la Bastille, élevé au cimetière Saint-Paul de Paris; 6° les 83 médailles des départements, hommage à l’Assemblée nationale et au peuple français. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angêly). Je demande à l’Assemblée la permission de lui observer que, parmi tous les artistes qui ont consacré leur talent à la Révolution, il n’en est point qui ait donné plus de marques de désintéressement que M. Palloy. Je demande donc qu’il soit fait une mention honorable et particulière de son patriotisme au procès-verbal et que M. le Président soit chargé de lui témoigner par une lettre spéciale la satisfaction de l’Assemblée. (Cette motion est adoptée.) M. le Président. M. Claude-Jean-Baptiste Dagneaux, religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, fait hommage de 2 volumes d’une Histoire générale de France, envisagée sous ses rapports avec les principes constitutionnels. M. de Saint-Martin fait hommage : 1° d’un exemplaire d’un ouvrage périodique qui a été très utile pour la propagation des bons principes; il est intitulé : « Journal des décrets pour les habitants des campagnes » ; 2° d’un recueil des décrets par ordre de matière, divisé en 9 classes. Il se trouve dans sa lettre ce fait, qu’il est important de faire connaître à l’Assemblée : « L’administration des postes, frappée de l’utilité du premier de ces ouvrages pour propager les doctrines de la Révolution et porter dans les départements les fruits d’une profonde méditation, délibéra, il y a deux ans, d’en faire circuler gratuitement les exemplaires dans le royaume; le désintéressement le plus noble lui fit rejeter toute espèce de proposition sur cet objet, dans le moment même où elle venait d’abandonner à la nation les trois quarts des bénéfices de son bail. «Un pareil sacrifice, Monsieur le Président, ne doit pas rester ignoré ; c’est en le faisant connaître à l’Assemblée nationale que je la supplie d’associer à sa gloire, dans le cœur des bons Français, les noms des administrateurs des postes. M. Camus. Mention au procès-verbal et reconnaissance dans son journal ! _ M. Bouche. Je serais d’avis que l’on fît mention au procès-verbal du zèle avec lequel le rédacteur du journal s’est prêté à propager les bons principes de l’Assemblée nationale, ainsi que du désintéressement de l’administration des postes. (Cette motion est adoptée.) M. le Président. M. Molle, de Berne, en Suisse, fait hommage du plan d’un palais national. M. Blondel fait hommage du projet d’une mé-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.