241 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1790.} vres la portion congrue ; vous ne songez donc pas que c’est le peuple qui doit la payer? M. Lavle. On dit que les curés ne pourront pas vivre décemment avec 1,200 livres. Eh ! que sommes-nous donc pour qu’on nous tienne un semblable langage? Les curés ne sont-ils pas les fils de petits bourgeois des villes et des bourgs? et la somme del,2001ivres ne sera-t-elle pas pour eux une fortune? (On met aux voix l’amendement de M. l’abbé Gouttes. Cet amendement est rejeté.) (La priorité est accordée à l’article du comité.) Plusieurs membres réclament une nouvelle lecture. M. Martineau, rapporteur , fait cette lecture, et l’article 5 est décrété dans la teneur suivante : « Art. 5. Le traitement des curés sera, savoir: à Paris, de 6,000 liv. « Dans les villes dont la population est de cinquante mille âmes et plus, de 4,000 liv. « Dans celles dont la population est de moins de cinquante mille âmes, et de plus de dix mille âmes, de 3,000 liv. « Dans les villes et bourgs dont la population n’est que de dix mille âmes, et au-dessus de trois mille âmes, de 2,400 liv. « Dans toutes les autres villes, et dans les bourgs et villages, lorsque la paroisse offrira une population de trois mille âmes et au-dessous, jusqu’à deux mille cinq cents âmes, de 2,000 liv.; lorsqu’elle en offrira une de deux mille cinq cents jusqu’à deux mille, de 1,800 liv.; lorsqu’elle en offrira une de moins de deux mille âmes, et de plus de mille, de 1,500 liv.; et lorsqu’elle en offrira une de mille âmes et au-dessous, de 1,200 liv. » M. Chasset, membre du comité des dîmes, demande et obtient la parole pour faire le rapport suivant sur des pétitions relatives au paiement et à la perception des dîmes et champ arts (1): Messieurs, plusieurs provinces ont adressé à l’Assemblée nationale des pétitions tendant principalement à avoir la faculté de payer la dlme en argent, au lieu de l’acquitter en nature; il y en a : Du département du Nord : 3 contenant les réclamations de 71 paroisses. De celui du Pas-de-Calais, de l’Artois : 1 seule, signée de 53 maires. . . 53 8 de celui de la Somme. ... 14 3 de celui de l’Oise ...... 3 2 de celui du Gers ...... 2 2 de celui du Gard ...... 2 2 de celui de la Charente ... 2 1 de celui de la Charente-lnfér. 1 1 de celui de l’Hérault ..... 1 1 de celui des Bouches-du-Rhône 1 1 de celui de la Haute-Loire. . 1 1 de celui de la Marne .... 1 1 de celui de l'Ille-et-Vilaine. . 1 27* 153 Les 153 municipalités qui vous font cette demande, Messieurs, protestent de la plus parfaite soumission à vos décrets ; elles prononcent la plus ferme adhésion à toutes les résolutions de l’Assemblée, et lui rendent les actions de grâces les plus sincères et les plus étendues. Mais elles ne dissimulent pas que le désir qu'elles sont (1) Le Moniteur u’a inséré qu’une analyse du rapport de M. Chasset. chargées de manifester, au nom de leurs communes, anime les provinces voisiues, et qu’elles s’agitent déjà, ainsi que leurs communes, au point de faire craindre des troubles, des soulèvements, au moment de la perception de la dîme. L’on a même remis à votre comité des lettres qui annoncent que l’on menace non seulement ceux qui la payeront en nature, mais encore ceux qui oseraient en parler: heureusement que ces mêmes lettres n’indiquent de pareilles craintes que pour une ou deux paroisses. Mais il en est une où l’on assure que déjà on a exercé des voies de fait contre un curé et une fermière. Votre comité n’a appris qu’avec la plus grande douleur ces événements ; cependant, ce n’est pas ce qui l’a décidé à examiner les pétitions en elles-mêmes, c’est la justice ou l’illégitimité des demandes, les avantages et les inconvénients de la décision que beaucoup de députés extraordinaires sollicitent, ainsi que plusieurs honorables membres de cette Assemblée, qui l’ont déterminé à vous en faire le rapport, pour que vous en donniez une digne de toute votre sagesse. S’il s’agissait de savoir s’il faut décréter que les redevables de la dîme seront obligés de la payer en argent, aulieu de l’acquitter en nature, la question serait bientôt résolue: vous ne décideriez sûrement pas, Messieurs, à les assujettir à cette contrainte. On demande seulement que vous y autorisiez ceux qui en auront la volonté. Ainsi, c’est un décret facultatif que l’on sollicite devotre justice. En ce sens, rien n’est plus favorable, au premier aperçu, qu’une réclamation de ce genre ; elle semble, au premier coup d’œil, d’autant moins susceptible de difficulté qu’aux vues de bienfaisance que vous avez, Messieurs, manifestées avec tant d’éclat pour l’agriculture, le premier, le plus utile des arts, aux soulagements que vous avez accordés, et que vous devez encore à une classe de citoyens si foulés jusqu’au moment de la Révolution, et si digues de la protection des gouvernements ; les municipalités joignant des moyens certains, non seulement pour assurer au Trésor public tout ce qui doit lui revenir sur la contribution des dîmes, mais encore pour rendre indemnes les décimateurs ou leurs fermiers. Le plan qu’elles présentent pour v parvenir paraît simple en lui-même. Elles offrent d’abord de faire leurs soumissions de payer au Trésor public, ou aux propriétaires particuliers, la valeur intrinsèque de la dîme, sur le pied du bail, ou suivant l’estimation, s’il n’v en a point ; elles ajoutent le cautionnement solidaire de quatre, des huit plus haut cotisés. Elles offrent d'en payer le montant en deux termes: le premier, au 1er octobre, le second, au l,r janvier prochain : voilà, pour la sûreté du Trésor public et des propriétaires. A l’égard des fermiers, elles consentent de leur donner une indemnité d’un quart ou du tiers d’une année du prix de leur bail, ou de la valeur de la dîme. Elles demandent ensuite à répartir le montant du tout sur chaque redevable, au prorata de la valeur de la dîme qu’il payerait en nature, et elles laissent à chacun la faculté de se libérer en nature, s’il ne veut payer en argent; auquel cas, ceux qui feront cette option n’entreront pour rien dans la répartition. Pour assurer qu’une exacte justice sera rendue aux redevables dans la répartition, elles disent qu’elles préposeront un nombre de personnes lre Série. T. XVI. 16 f Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (17 juin 1790-1 242 suffisant pour constater par écrit la qualité et la quantité des récoltes de chacun, après que ces préposés auront préalablement prêté serment. La plupart des pétitions portent également sur les champarts. Les municipalités demandent qu’on leur accorde, pour ce genre de redevance, même faculté que pour la dîme ; elles exposent qu’étant l’un et l’autre de la même nature, devant être perçus de la même manière, souvent par le même fermier, il n’y a aucune raison de leur refuser, pour les champarts, la justice qu’elles réclament pour les dîmes. Et ce qu’elles demandent est d’autant plus juste que, d’après leurs offres de satisfaire à tout ce qui peut être dû au Trésor public, ou aux ayants droit, il y aurait, disent-elles, de la dureté de le leur refuser. Pendant bien des années, les cultivateurs ont éprouvé les intempéries des saisons : si on joint à la médiocrité des récoltes qu'ils ont faites la surcharge des impôts, surtout celui de la dîme, qui leur enlevait un sixième, un quart des fruits de leurs travaux, on sera convaincu qu’ils n’ont pas toujours eu le strict nécessaire pour fournir à leur subsistance. Les décrets du 4 août, en les soulageant pour l’avenir de ce fardeau, leur ont laissé l’espérance d’en être déchargés dès la présente année ; en conséquence, ils se sont livrés à des travaux au-dessus de leurs forces, ils ont mis tout leur avoir à défricher, à ensemencer, à engraisser leurs terres, dont ils ont eu l’espoir d’avoir les fruits dans leur intégrité. S’ils se sont trompés dans leurs vues, du moins comme la providence leur a ménagé une très abondante récolte, qu’on les laisse se dédommager en ne payant la dîme qu’en argent, sous les conditions auxquelles ils se soumettent. Au surplus, le gain dont ils se flattent n’est pris sur personne ; il consiste, d’une part, dans les pailles qu’ils retiendront, dont ils ont le plus grand besoin, et que les fermiers, ne pouvant toutes employer, transportent souvent hors de leurs paroisses ; d’autre part, ce qui leur sera le plus profitable, c’est qu’ils feront eux-mêmes les frais de la perception. Ne donnant que le produit net de la dîme au Trésor public ou aux décima-teurs, ils gagneront, à la sueur de leur front, ce que les percepteurs pourront dépenser pour la levée de la dîme. Le plan que les municipalités proposent est tout à la fois juste, facile dans son exécution, sûr pour les intérêts du Trésor public ou des autres ayants-droit ; il est encore propre à ne faire payer aux redevables que ce que chacun devra ; en un mot, il leur est favorable sansnuire à personne : il y aurait donc non seulement de l’injustice, mais encore un extrême dureté de refuser de statuer sur leurs pétitions. Ces raisons ont d’abord frappé votre comité : il avait même comme adopté le plan qui est offert pour opérer un soulagement que semblent si ardemment désirer tant de citoyens au sort desquels l’Assemblée s’est intéressée si vivement. Ce qui l’avait, en quelque manière, décidé, c’est surtout les représentations et les pressantes sollicitations des députés extraordinaires qu’il a entendus plusieurs fois. Mais, dans le calme de la réflexion, il a trouvé des inconvénients extrêmement graves. Si le plan présenté paraît simple en lui-même, il pourrait être la source, dans son exécution, d’une multitude de procès : on y trouve au moins beaucoup de difficultés dans les détails. D’abord, pour régler la forme que chaque municipalité doit offrir, l’opération sera simple en se fixant sur le prix du bail. Mais, s’il n’y en a pas, le travail commencera à se compliquer. Il faudra nécessairement uneestimation par experts. Elle ne pourra être faite qu’avec les directoires des districts, et déjà quels embarras n’auront pas les administrateurs, qui vont d’ailleurs être surchargés d’affaires dans le commencement de leur activité? En second lieu, il est des paroisses dont la dîme est perçue par plusieurs décimateurs , dont les uns l’ont affermée, et les autres l’exploitent eux-mêmes. Ainsi, dans la même paroisse, pour une partie, on prendra le prix du bail, et, pour l’autre, il faudra une estimation pour fixer le montant de la soumission de la municipalité. En troisième lieu, il est des aîmeries qui couvrent quelquefois quatre, cinq, six, huit, dix paroisses ; la dîme, d’ailleurs, peut être affermée par un même bail avec des biens-fonds ou d’autres droits pour un seul prix, sans distinction. Si le bail ne comprend que la dîme à percevoir sur plusieurs paroisses, il faudra une opération d’experts pour assigner à chacune ce qu’elle doit supporter du prix du bail. Dans le cas où l’on y aurait joint des biens-fonds ou d’autres droits, le travail des experts sera encore plus compliqué. En quatrième lieu, après avoir réglé, d’une manière quelconque, la somme que devra payer chaque municipalité, il faudra s’occuper des fermiers. Ils ont droit, par leur bail, de percevoir la dîme en nature ; ils ont dû y compter d’après vos décrets qui ne l’ont aboli qu’à partir de 1791. On ne peut les exproprier sans les indemniser, et l’indemnité doit être d’autant plus forte que la récolte s’annonce comme très abondante. Outre leur indemnité, la municipalité sera tenue de payer la cote d’imposition qui leur a été ouverte, à raison de la dîme. Si la dîme est exploitée par les décimateurs qui soient dans cet usage, comme ils ont compté de le suivre cette année, que même ils y ont été assujettis par vos décrets", ils ont dû faire les préparatifs nécessaires à la perception en nature. Il faudra les indemniser de leurs dépenses. Comment régler cette indemnité ? Pour le faire avec justice, une estimation sera indispensable. La municipalité sera aussi obligée d’acquitter la cote d’impositions qui leur aura été faite à raison de la dîme ; et comme cette cote, ainsi que celle des fermiers, aura été faite sans distinction, tant à raison de la dîme que par rapport aux autres biens que ceux-ci ont affermés, ou que les premiers font valoir eux-mêmes, il faudra encore une estimation. En cinquième lieu, si on donne la faculté de payer en argent la dîme ecclésiastique, comment fera-t-on pour celle inféodée ? On sait que souvent une paroisse est partagée entre un décima-teur ecclésiastique et undécimateur laïc. Ordonnera-t-on que, dans la même paroisse, le premier la percevra en argent, et le second en nature ? Les redevables pourront-ils s’accoutumer à cette différence? ne seront-ils pas naturellement portés à la payer toute en argent ou toute en nature ? D’un autre côté, l’Assemblée aurait-elle le droit de priver le décimateur laïc de cette partie de sa propriété qui lui donne celui de la percevoir en nature ? En sixième lieu, on demande pour le champàrt ce qu’on sollicite pour la dîme. Il est bien vrai que si on permet d’acquitter la dîme en argent, on ne peut guère se dispenser d’en faire autant pour le cbampart. Mettre de la différence dans la perception de ces deux redevances, ce serait 243 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1790.J fournir un prétexte aux redevables de se plaindre. Les raisons qui les distinguent sont toutes métaphysiques, et l’intérêt personnel empêchera toujours qu’elles ne soient senties par les redevables : cependant, on ne peut tolérer, même pour une seule année, la perception des cham-parts en argent, ni pour les champarts nationaux, ni pour ceux qui appartiennent à des particuliers. Quant à ceux-ci, ce serait attaquer leurs propriétés. Pour tous, il faut remarquer que les décrets sur les droits féodaux eu ont ordonné la perception en nature jusqu’au rachat. Si l’Assemblée se relâchait ea ce point de la rigueur des règles, elle exposerait la nation et les particuliers propriétaires à perdre ce droit si important. On sait, en effet, quelle est la répugnance qu’on apporte à l’acquittement de cette redevance qui n’a pas été, comme la dîme, supprimée sans indemnité. Si une fois on abandonne une partie du droit, on peut craindre de perdre le tout, parce que, quand une fois on a composé ce genre de droit, d’encore en encore on peut le réduire à rien. En septième lieu, après avoir pourvu à la sûreté de la perception pour le Trésor public, et pour les propriétaires particuliers, après avoir rassuré les fermiers, et ceux des décimateurs qui font valoir, il faut s’occuper des intérêts de la municipalité, ainsi que ceux des quatre plus haut cotisés qui avanceront leur argent, et encore plus de ceux des redevables que l’Assemblée doit essentiellement mettre à l’abri de toute vexation. On propose d’autoriser ceux-ci à payer aux premiers en nature ou en argent ; à coup sûr les embarras de la municipalité seront inextricables outre les opérations préalables pour déterminer la somme qu’elle se soumettra de payer, il faudra des estimations partielles, soit pour la répartir sur ceux qui payeront en argent , soit pour défalquer le contingent de ceux qui, payant en nature, ne seront pas tenus d’entrer dans la répartition. Quelle source féconde de procès particuliers 1 et à qui les donner à juger? Aux districts, aux départements? Pourrez-vous, Messieurs, transformer ainsi des administrateurs en juges? Si vous ne le pouvez pas, il faudra aller aux tribunaux. Dieu sait quel mal il en peut résulter pour les redevables que l’Assemblée doit protéger constamment. On dit qu’en établissant un nombre suffisant de préposés pour constater la quantité et la qualité des récoltes de chaque contribuable, on parviendra facilement et à la répartition et à la défalcation dont il s’agit. D’abord il faudra toujours Une estimation ou arbitraire, ou à l’amiable, ou juridique. Ensuite, c’est établir une inquisition aussi gênante et plus gênante que la perception de la dîme en nature. En laissant celle-ci sur son champ, le redevable est quitte de tout. En souffrant la visite des préposés, pour constater sa récolte, il sera exposé â être molesté, à être retardé de ses travaux : l’humeur peut s’en mêler, des querelles peuvent naître, et, de là, d’autres procès. Get expédient, outre son insuffisance, présente plus d’inconvénients, et pour la municipalité et pour les redevables, que la perception en nature. Le tout bien balancé, si la faculté de payer la dîme en argent offre quelques bénéfices aux redevables, si elle présente à l’Assemblée une occasion de leur donner quelques soulagements, elle est accompagnée de tant de difficultés, elle les expose à tant de procès et de dépenses, que ce serait leur rendre un mauvais service que d’avoir égard à leurs pétitions. Il est vrai, Messieurs, qu’il se présente une considération de grande importance pour les admettre. Des mouvements s’annoncent dans les provinces ; l’horizon semble se charger ; une coalition paraît se former, et quelques zélés citoyens appréhendent qu’il n’en soit de la dîme comme de la gabelle, pour laquelle on a d’abord refusé l’abonnement de quelques provinces, qu’ensuite on a perdu entièrement, et qu’on a fini par remplacer avec une autre contribution. Sans doute, il est du devoir des représentants de la nation de maintenir de tout leur pouvoir ses revenus, surtout celui qu’on attend cette année de la dîme et qui est si étendu. Mais, d’un côté, il faut considérer que le trouble ne s’annonce que dans un très petit nombre de paroisses ; que celles qui ont fait des pétitions ne se présentent qu’avec soumission ; qu’en les éclairant sur leurs propres intérêts, elles resteront dans les bornes de la raison. En totalité, on n’en connaît que cent-cinqüante-trois. Quand on en supposerait le double ou le triple dans les mêmes desseins, cela ne ferait tout au plus qüe trois ou quatre cents. Ce ne serait pas la majorité du royaume, ce ne serait pas même celle des provinces dont elles dépendent. De là, il faut croire que le trouble, s’il devait yen avoir, ne serait que dans un point du royaume, ce qui ne serait pas très à craindre. Vous devez d’ailleurs, Messieurs, compter sur la raison du peuple français. Si la gabelle a été anéantie, sa destruction est arrivée à la suite d’un excès de vexations qui avait irrité les peuples et qui n’ont jamais été portées jusque-là pour la dîme. C’était un moment de délire, pour ainsi dire, où tous les ressorts du gouvernement étaient détendus. Maintenant il y a des municipalités qüi conduisent les peuples, il ne faut que les éclairer. Il suffira de faire, pour tous les départements, ce qu’on fait pour le leur MM. les députés de celui de Seine-et-Marne. Ils ont écrit en corps à leurs commettants une lettre, dans laquelle ils leur représentent tous les inconvénients, toute l'injustice qui seraient résultés de l’admission d’une pétition semblable à celles dont votre comité a l’honneur de vous rendre compte. Après être entrés dans les plus grands détails pour les convaincre, on y trouve vers la fin ces paroles bien remarquables : « L’Assemblée nationale voit l’ensemble des besoins publics, des droits et des moyens de la nation. Elle peut mieux juger qu’aucun particulier et qu’aucune communauté, decequi est utile et possible ; et comme le salut du royaume ne peut être opéré que par l’union et le bon ordre, tous les bons français doivent à la patrie d’exécuter les décisions rendues pour le plus grand bien de tous. « Ils ont tous prêté le serment d’être fidèles à la Constitution, à la nation, à la loi et au roi; ils sont devenus par là un peuple nouveau, dont le caractère, également sage et noble, sera le respect le plus inviolable pour la loi. Il n’y a plus d’autorité arbitraire : ainsi la loi doit être, après Dieu, l’objet de la vénération et de l 'obéissance de tous. C'est ainsi, Messieurs, qu’on peut répondre aux pétitions que votre comité a l’honneur de vous présenter, et on ne doit pas douter que tous les bons citoyens ne soient contents, s’il existait quelques mal intentionnés qui voulussent prétexter le refus d’accorder la faculté de payer la dîme en argent, au lieu de lapayer en nature, pour susciter des troubles, des insurrections et rendre nulle la contribution, ce serait, sans doute, un 244 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (17 juin 1790.] très grand mal ; mais, d’une part, il y aurait un moyen de recouvrer les pertes qui en résulteraient. Les paroisses où l’on refuserait de la dîme mériteraient d’être taxées au double de la valeur, et on pourrait le faire dans un an, dans deux ou dans trois. D’autre part, les représentants de la nation ne doivent point être intimidés par ces espèces de menaces; ils doivent supposer qu’il n’y a aucun Français qui ne se rende à la raison ; et dussent les insurgés venir entourer l’Assemblée, les représentants de la nation seraient inébranlables dans les résolutions qu’ils auraient prises, fondées sur la raison, la justice et le bien public. S’ils se laissaient aller à la moindre condescendance en pareil cas, tout serait perdu; les ennemis de la patrie les conduiraient d’un relâchement à un autre relâchement, et bientôt l’Etat se dissoudrait. Ce ne sont pas là les maximes qu’enseignait et que pratiquait ce grand homme dont cette Assemblée possède le portrait, et aux mânes duquel elle a donné des larmes; de ce grand philosophe qui, après s’être approprié les phénomènes célestes, a tant agrandi la science des gouvernements, en créant la liberté dans une vaste contrée soumise à l’esclavage; ce n'était pas là ses principes. S’il mettait une grande douceur à dicter des lois à son pays, il n’était pas moins ferme pour les faire exécuter, et son exemple peut être proposé à cette Assemblée. Telles ont été, Messieurs, les raisons que votre comité a trouvées contre les pétitions dont il a l’honneur de vous rendre compte. Elles l’ont arrêté dans sa résolution, il n’a osé prendre un parti dans une occurrence aussi délicate ; et comme, soit en adoptant les pétitions, soit en les rejetant, il est nécessaire de rendre un décret de détail; avant que de vous en présenter un projet, il a cru devoir se borner à soumettre à votre délibération cette question principale : Accordera-t-on aux redevables de la dîme la faculté de la 'payer en argent , ou resteront-ils strictement obligés de l’acquitter en nature? Voilà, Messieurs, ce que votre comité vous propose de décréter préalablement dans cette séance, et demain il vous présentera un projet de décret de détail, dans le sens de celui que vous aurez rendu. (On demande à aller aux voix.) M. de Robespierre monte à la tribune. L’Assemblée décide que personne ne sera entendu sur le fond de la question. Cette rédaction est présentée : «L’Assemblée nationale décrète qu’en conformité de l’article 3 des décrets des 14 et 20 avril dernier, les dîmes et champarts continueront, pour celte année, d’être payés en nature. » M. Laurendeau. Je propose, en amendement, de dire : « la dîme pour cette année, et les champarts jusqu’au rachat. » M. GoupIIleau. Il y a des dîmes payées en argent ; il faut ajouter : « sans rien innover pour celles qui étaient payées en argent. » M. Legrand présente une rédaction ainsi conçue : « Les dîmes, pour la présente année, seront payées en la manière accoutumée, et les champarts seront perçus jusqu’au rachat. » M. Charles de Lameth. Il faut dire que, sur la proposition faite par plusieurs municipalités de changer le mode de perception de la dîme, l’Assemblée a décidé qu’il n’y a pas lieu à délibérer. J’ajouterai que c’est le moment de prier Je roi d’ordonner d’exécuter les décrets que le pouvoir exécutif n’exécute pas assez fidèlement. Si les peuples sortent une fois des bornes, vous ne les y ferez plus rentrer. Il faut qu’ils respectent les lois. Après tout ce que l’Assemblée nationale a fait pour eux, je pense qu’on ne saurait trop appuyer sur la responsabilité des ministres et des municipalités. M. le comte de Crillon. Je ne crois pas qu’on puisse dire qu’il n’y a pas lieu à délibérer, et je pense qu’il faut ordonner positivement que le payement des dîmes se fera, pour cette année* comme par le passé. M. Duquesnoy. Il me paraît inconcevable que quand le peuple adresse des pétitions à ses représentants, on puisse dire qu’il n’y a pas lieu à délibérer. 11 y a toujours lieu à délibérer sur les demandes du peuple, sauf à les rejeter si son bonheur l’exige. M. Chasset. Je vous ai annoncé que le�comité présenterait demain un projet de décret de détail. Ce projet contiendra la résolution que vous prendrez sur la question. Le décret suivant est rendu, sauf rédaction ; « L’Assemblée nationale, ouï son comité des dîmes, décrète : 1° que les dîmes, pour la présente année, seront payées en la manière accoutumée ; 2° que les droits de champarts seront perçus jusqu’à leur rachat. » L’Assemblée revient à la suite de la discussion sur la constitution civile du clergé. M. Martineau, rapporteur , propose un article additionnel qui prendrait place après l’article 5 du titre III, qui vient d’être adopté. Cet article nouveau porte : « Le traitement qui vient d’être assigné aux curés de campagnes sera augmenté de 400 livres pour les paroisses dont le clocher ne sera pas à plus d’une lieue des barrières de Paris, et de 200 livres pour les paroisses qui sont à la même distance des villes dont la population est de cinquante mille âmes et plus. » (Cet article est écarté par la question préalable.) On fait lecture de l’article 6. Art. 6. Le traitement des vicaires sera, savoir : à Paris, pour le premier vicaire, de 2,400 livres ; pour le second, de 1,500 livres ; et pour tous les autres de 1,000 livres. « Dans les villes où la population est de cinquante mille âmes et au-dessus, pour le premier vicaire, de 1,200 livres; pour le second, de 1,000 livres, et pour tous les autres de 800 livres. « Dans toutes les autres villes et bourgs, de 800 livres pour les deux premiers vicaires, et de 700 livres pour tous les autres. « Dans toutes les paroisses de campagne, de 700 livres pour chaque vicaire. » M. l’abbé Grégoire. Il me semble que les traitements des premiers et des derniers vicaires offrent une contradiction choquante ; ou l’un aura du superflu, ou l’autre n’aura pas le nécessaire. On peut, en adoptant une autre proportion, éviter de donner trop aux uns et trop peu aux autres.