[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 avril I79l.| 309 « de Saint-Germain, les mais qui avaient été plan-« tés dans le dessein non équivoque d’effrayer les « percepteurs des rentes ». Mais, nous l’avons déjà dit, comment pouvait-on avoir un pareil dessein, à Saint-Germain surtout, lorsque, depuis le mois de janvier 1790, les habitants de ce village étaient en instance avec leur seigneur, an sujet du payement des rentes, et avaient manifesté le désir ue payer ce qu’ils devaient légitimement? Par une suite des opinions du directoire, on lit dans le mémoire qu'il a adressé à l’Assemblée nationale, le passage suivant : « Nous devons à « la vérité, nous devons à la justice, nous devons « au zèle du directoire de Gourdon, ne publier « qu’en faisant abattre les mais, il n’a fait que « son devoir, il n’a fait qu’exécuter vos décrets. » Certes, nous sommes loin d’attaquer le zèle du directoire de Gourdon, et nous nous sommes empressés de rendre à la pureté de ses intentions l’hommage qui leur est dû. Mais nous ne croyons pas qu’il se soit exactement conformé aux décrets, en faisant abattre, sans distinction, tous les mais, nous croyons, au contraire, qu’il a excédé la mission que lui donnaient à la fois et la loi et môme les arrêtés du département; nous croyons que cette imprudence, innocente de sa part, est la principale cause de l’insurrection; et en cela, nous différons encore de l’opinion du directoire. Enfin le directoire s’exprime ainsi : « Nous ne « pouvons compter, au nombre des causes de « l’insurrection, les passions et les haines parti-« culières, ni la sortie téméraire des ci-devant « seigneurs; mais nous ne pouvons presque pis « douter qu’à la faveur des agitations populaires, « il n’v ait eu des passions et îles haines parti-« culières assouvies, et que la sortie des ci-devant « seigneurs, aigrissant et irritant le neuple, n’ait « produit le malheureux effet de multiplier et de « porter au comble les excès dans le district de « Lauzerte. » Ainsi, d’après l’opinion du directoire, le rassemblement armé des gentilshommes, et leurs courses dans les villes et dans les campagnes, n’ont été que les causes secondaires, non des désordres en eux-mêmes, mais de leur multiplicité seulement. Nous croyons, nous, au contraire, et nous avons prouvé, que c’était la cause principale de tous les malheurs dont le district de Lauzerte a été le théâtre. 11 était impossible, comme on le voit, que nos opinions et celles du directoire du département, sur les causes de l’insurrection, fussent plus diamétralement opposées. Cette opposition nous était connue avant que nous quittassions le département ; et, à cette occasion, nous ne pûmes même nous empêcher d’observer aux administrateurs, qu’après plus de six semaines de travaux et de reclvrches sur le môme objet, ayant parcouru 5 districts, conféré avec la plupart des municipalités, entendu soit ensemble, soit partiellement, un nombre immense de citoyens, reçu de toutes parts des mémoires instructifs, il nous était neut-être permis de croire que notre opinion était fondée sur des notions plus exactes et plus sûres que celles des administrateurs eux-mêmes, nécessairement détournés de leurs recherches par tous 1 *s objets d’administration générale qui, à chaque instant, appellent leurs regar.is et absorbent leur attention. Ce que nous leur avons dit à eux-mêmes, nous pourrions peut-être le répéter ici. Mais notre unique dessein, en mettant en opposition notre opinion et la leur, a été d’éveiller les doutes, d'inviter les esprits au plus sérieux examen, et de les mettre, pour ainsi dire, en garde contre les impressions qu’ils pourraient recevoir de la lecture de ce rapport. Nous avons cherché la vérité, de bonne foi, sans esprit de parti, avec le caractère d’impartialité qui convient à l’importance des fonctions que nous avions à remplir; mais il serait possible que, sur quelques objets, l’erreur fût le résultat de nos recherches; et il a été de notre devoir d’annoncer, entre le directoire du département et nous, une différence d’opinions, dont le premier effet doit être de prouver que l’on peut parvenir à un autre résultat que le nôtre, et qui doit faire voir aussi que des causes différentes peuvent solliciter des remèdes différents de ceux que nous avons indiqués. Sire, le département du Lot attend, avec, impatience, et le choix et l’application de ces remèdes. Vos commissaires n’ontpu aair que d’une manière provisoire. C’est à Votre Majesté, ainsi qu’à l’Assemblée nationale, qu’il appartient de travailler définitivement; d’embrasser, dans leur bonté prévoyante, tous les individus et toutes les générations; de détruire non seulement tous les maux qui ont survécu à l’ancien régime, mais d’elouf-fer jusqu’à leur germe; et d’accorder à un peuple repentant, bon et sensible, tous les bienfaits qui s’allient avec la justice. Fait à Paris, le 15 mars 1791. J. Godard (1). ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CIIABROUD-Séance du samedi 23 avril 1791, au soir (2). La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes : Adresse de félicitation et dévouement de rassemblée électorale du district de Châtellerault. Elle annonce qu’elle a procédé au remplacement des curés fonctionnaires publics, réfractaires a la loi du 27 novembre dernier. Adresse de la société des amis de la Constitut ion séant à Sarzau , qui sollicite une loi tendant à lier d’une manière irrévocable les officiers de l’armée à l’observance des lois constitutionnelles; ils demandent en même temps que tons les fonctionnaires publics démissionnaires par le refus de prêter le serment exigé, soient tenus de quitter, lors du remplacement, la paroisse où ils étaient en fonction, et ne puissent choisir le lieu de leur habitation à moins de 5 lieues de distance de la paroisse où ils étaient en fonction. Adresse des administrateurs composant les directoires du département du Calvados, du département de l'Aveyron, du département des Ardennes , du département du Jura ; des membres du directoire du district de Tonnerre et du district de Rochefort, des officiers municipaux d' Etampes, de Marseille , (t) Ce rapport n’est pas signé de M. Robin, envoyé car le roi dans le département du Gard et dans les départements voisins. Mais avant son départ toutes les bases en avaient été arrêtées avec lui. (2) Celte séance est incomplète au Moniteur. 310 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 avril 1791.J d’Aix, de Ponl-à-Motisson, de Longuyon , de Cli-cluj-ïa-Garenne, de Saint-Amand-sur-Cher , des communautés de Duullevant-le-Cluiteau et de Bli-gny-sur-Ouche , de la garde nationale de Jarnac , d'Héricy , de Ghàtillon-sur-Seine , des sociétés des amis de la Constitution séant à Aix, à Vire, à Ambert dans la maison commune, à Vèzelise, au Mans , à Aur illac, à Lyon, à Saint-Emilion , enfin des étudiants du collège de Felletin, qui expriment les plus vifs regrets sur la mort de M. de Mirabeau. Ils ont porté le deuil et fait célébrer un service solennel en l’honneur de cet homme extraordinaire. La commune d’Aix annonce qu’elle a écrit à la municipalité de Paris, pour la prier de lui procurer une partie de sa dépouille. Cette ville, berceau de la famille de M. de Mirabeau s’estimerait heureuse de posséder son cœur. Adresse de la commune de Lille , département du Nord, dans laquelle elle retrace les pertes infinies qu’elle a éprouvées sur l’achat et la vente des grains en 1789, et elle demande qu’il soit pourvu à l’indemnité qui lui est due. (L’Assemblée en ordonne le renvoi à son comité des finances.) Adresse des citoyens de la ville de Sillé-le-Gtiil-laume , et paroisses voisines du département de la Sarthe ; ils se plaignent d’une vente qui n’a pour objet que l’avantage du château de Chau-soir, et qui tourne au détriment de leur habitation; ils présentent des vues générales à ce sujet, et font des offres. (L’Assemblée en ordonne le renvoi au comité d’agriculture et de commerce.) Adresse de la commune de Rouen, dans laquelle l’on rend compte des honneurs funèbres décernés à la mémoire de M. de Mirabeau. Adresse de plusieurs citoyens philanthropes, qui présentent à la nation l’hommage d’un établissement en faveur des voyageurs français et étrangers malades à Paris, et des dames grosses et en couche. Cette adresse est ainsi conçue : « Messieurs, tout objet d’utilité publique a droit de vous intéresser. A ce titre, une réunion de citoyens philanthropes obtiendra sans peine la protection de la loi. Elle veut élever à ses frais, sous la direction d’un homme de l’art, un temple à la santé, hors du fracas et de l’insalubrité d’une ville qui contient une si grande population. Les Français et les étrangers que le service de la patrie, la santé ou les affaires appellent dans cette cité quitteront, avec moins de regrets, leurs demeures. « Un riant séjour, un air pur, des soins attentifs, des secours de tous genres, des amusements variés leur seront offerts, pour combattre leurs maux. « Leurs sensibles compagnes jouirontdesmêmes avantages, surtout dans ces instants précieux où elles remplissent, au milieu des dangers, le plus saint des devoirs. « On ne tournera pas ses regards de dessus ces trop malheureuses victimes de la séduction; on leur ménagera des ressources et des consolations. Les sauver du déshonneur, c’est rendre à la société des femmes qui, instruites par le malheur, peuvent en devenir encore l’ornement; c’est respecter la tranquillité des familles; c’est pajerun tribut à la nature, à la raison; enfin on protégera l’enfance; elle a toujours des droits sacrés a la sollicitude publique. « Tel est, Messieurs, l’établissement qui va se faire : il est digne d’une grande nation régénérée. (Applaudissements.) « Nous sommes, etc..- » M. le Président. J’ai reçu de M. l’évêque de Paris (1) la lettre suivante : « Monsieur le Président, « Je me suis présenté chez vous, espérant que j’aurais l’honneur de vous y rencontrer, pour vous témoigner mon désir de présenter mes hommages à l’Assemblée nationale, en ma qualité d’évêque de Paris, et lui offrir la lettre pastorale que j’adresse aux fidèles de mon diocèse. Je vous prie, en conséquence, Monsieur le Président, de vouloir bien prendre les ordres de l’Assemblée nationale, pour le jour et l’heure qu’il lui sera agréable de me recevoir. En attendant, je vous laisse deux exemplaires de ma lettre pastorale, et suis avec respect votre très humble, etc... (L’Assemblée arrête qu’elle recevra M. l’évêque de Paris lundi prochain à deux heures.) Les députés extraordinaires de la ville de Nantes sont admis à la barre. Ils font lecture d’une adresse dans laquelle leur commune exprime d’une manière touchante et énergique la situation critique où elle se trouve, les dépenses extraordinaires qu’elle a été obligée de faire, les malheurs qu’elle a essuyés, et elle demande que la nation vienne à son secours. M. le Président répond à la dépntation. (L’Assemblée ordonne le renvoi de la pétition de la commune de Nantes au comité des finances et accorde à ses députés les honneurs de la séance.) Plusieurs membres du comité d’aliénation proposent la vente de domaines nationaux à diverses municipalités. Ces ventes sont décrétées et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de son comité d’aliénation des domaines nationaux, déclare vendre aux municipalités ci-après les biens mentionnés en leurs soumissions, et ce, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, savoir : Département de la Charente. A la municipalité de Condac ............... 16,716 1. » s. » d. A celle d’Empuré.. . . 5,676 » » Département de la Seine-Inférieure. A la municipalité de Rouen ............... 4,300,774 1. 5 s. 4 d. Dépar terne n t d' Eure -et-Loir. A la municipalité de Cbàteauneuf .......... 340,563 1. 12 s. » d. Département du Tarn. A la municipalité d'Alby... ............ 242,747 1. 17 s. 4 d. (1) M. Gobel.