[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 septembre 1791. 245 Art. 17. - Le traitement des doyens élu-par le peuple ou nommés par le roi sera le même que celui fixé par les décrets de l’Assemblée nationale. Art. 18. « Les tribunaux de district, ontr<- les causes qui leur sont de droit attribuées, connaîtront encore provisoirement de toutes les causes criminelles et de commerce, en observant les formes décrétées par l’Assemblée nationale. Art. 19. « La police municipale et correctionnelle sera exercée aux termes et en la forme des décrets. Art. 20. « Les officiers publics qui remplissaient les fonctions d’huissiers et d’appariteurs auprès des tribunaux rempliront p'ovisoirement les mêmes fonctions auprès des nouveaux tribunaux en prêtant le serment prescrit ; il en sera de même des notaires jusqu’à l’organisation definitive. Art. 21. « Il sera pourvu provisoirement aux frais nécessaires pour les établissements ci-dessus mentionnés et pour l’exécution du présent décret : le Trésor public en fera les avances. Art. 22. a La première législature statuera sur la quotité et perception des contributions foncière et mobilière, et toutes autres que devront supporter par la suite les deux Etats réunis. Art. 23. « Il ne sera rien statué sur le clergé des ci-dc-vant Etats d’Avignon et Comtat Venaissin que par l’organisation définitive, mais il restera provisoirement en l’état fixé par l’assemblée électorale. Les commissaires du roi, de concert avec les administrations de district, feront dresser un état exact, des biens nationaux qui exi-tent dans les deux Etats, et pourvoiront à ce qu’il n’y soit commis aucune déprédation. Art. 24. « Les commissaires du roi, de concert avec les commissaires de district, chargés de vérifier la dette et d’en faire dresser l’état, seront également chargés de vérifier le nombre des offices ayant finances, supprimés par l’effet de la réunion des deux États à la France, et d’en faire dresser l’état ; à cet effet les tit lait es des charges et offices remettront leurs titres aux commissaires ci-dessus dénommés. Art. 25. « Les commissaires du roi resteront dans les deux États réunis jusqu’à l’époque où l’organisation définitive sera terminée, ils auront le droit de requérir la force publique; et, conformément à ce qui leur sera prescrit par le roi, ils feront exécuter dès à présent celles des lois françaises que comporte l’état actuel des 2 pays réunis. Art. 26. « Le pouvoir exécutif, sur la demande des commissaires du roi, fera rassembler et marcher les troupes de ligne et les gardes nationales, tant des 2 nouveaux districts que des dé parlements voisins, pour l’exécution des décrets et le maintien de l’ordre public. Art. 27. « L’amnistie décrétée le 13 septembre, par l’Assemblée nationale, aura son effet dans les territoires d’Avignon et du Comtat Venaissin ; la rentrée des émigrants sera prolégée par tous les moyens que détermine la loi; la sûreté de leurs personnes et de leurs propriétés est, spécialement sous la responsabilité des municipalités et corps administratifs. » (Ce décret est adopté.) M. Duport, au nom du comité de Constitution. Messieurs, vous avez renvoyé au comité de Con-titution la rédaction d’un décret rendu mardi dernier, qui porte, en substance, que tous ceux qui ont signé des protestations ou des déclarations contre la Constitution sont déclarés incapables de remplir aucune des fonctions que la Constitution confèr . Lorsque la Constitution est terminée, il est évident que ceux qui protestent contre celte Constitution se rendent par là même incapables de remplir à l’avenir aucune des fonctions établies par celte Constitution. Un second principe qui paraît également évident, c’est que, sans revenir sur le passé, vous avez voulu oublier par une amnistie générale, ceux qui ont signé des actes par lesquels ils regardent la Constitution comme non obligatoire; ces hommes-là doivent, jusqu’à ce qu’ils rétractent leurs protestations, être rangés dans la même classe que ceux qui protesteraient depuis l’amnistie; ils doivent même, par délicatesse, quand la loi ne leur en ferait pas un devoir, abandonner des fonctions qu’ils ne peuvent plus exercer qu’en vertu de la Constitution. Nous vous proposons, en conséquence, de rédiger votre décret en ces termes : Art. 1er. « Tous ceux qui ont signé ou signeraient quelque protestation, ou autre acte quelconque, ayant pour objet de déclarer que la Constitution, décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi, ne doit pas être regardée comme la loi du royaume, obligatoire pour tous les Français, ne pourront être élus ou nommés à aucune place ou emploi civil ou militaire, ni à aucune place ou emploi auxquels on est admis qu’après la prestation du serment de maintenir la Constitution. Art. 2. « Tous ceux qui, pourvus déplacés ou emplois mentionnés en l’article précédent, ont signé de semblables protestations ou déclarations, seront tenus de les rétracter dans un mois, en prêtant le serment civique, et celui attaché à la fonction qu’ils exercent ; faute de quoi ils en seront déchus, et aucun d’eux ne pourra être choisi ou nommé à quelque place ou emploi civil ou militaire quelconque, sans avoir prêté lesdits serments. Art. 3. « Le roi sera prié de donner des ordres à chacun de ses ministres, de faire connaître dans six semaines au Corps législatif si la présente loi a été mise à exécution, et s’il a été procédé au remplacement des signataires desdites protestations ou déclarations, qui auraient refusé de prêter lesdits serments. » 346 (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Prienr. Il est encore un autre objet sur lequel doit porter le décret dont il s’agit. 11 nie paraît dans l’ordre que la naiion n’accorde aucune pension, aucun traitement quelconque à des hommes qui s’en séparent par des protestations, qui cherchent à allumer dans son sein le feu de la guerre civile par la manifestation de leurs principes. Je crois qu’il faut décréter que ces individus ne pourront toucher sur le Trésor public aucun traitement ni pension. ( Applaudissements .) M. Duport, rapporteur. Je crois qu’il ne peut être question de cet objet quant à présent, et j’observe que les principes ne sont pas les mêmes suivant qu’il s’agit de pensions ou de traitements. S’agit-il en effet des traitements relatifs à l’exercice actuel de fonctions publiques? 11 est évident que ceux qui sont déclarés incapables de remplir ce Jbnctions ne sont pas recevables par cela même d'en percevoir les traitements. S’agit-i! au contraire de pensions de retraite pour des fonctions antérieures? Je crois aiors que les principes de la justice exigent qu’on fasse une distinction; je crois que tout homme qui a rempli une fonction, qui vivait sous un régime qui lui a assuré des appointements tant qu’il servirait et qui lui a garanti une retraite lorsqu’il quitterait 1- service, je crois, dis-je, que cet homme-là, dès qu’il a accompli le temps de service déterminé et les conditions du contrat qu’il devait remplir, ale droit d’attendre que la naiion remplisse les siennes : il a exécuté la première partie du contrat; la nation doit exécuter l’autre. Je dis, pour particulariser cette question, qu’un homme qui a servi dans le militaire, qui y a servi un temps déterminé sur la foi d une retraite, a un droit acquis et qu’il doit recevoir sa retraite, soit qu’il quitte le pays ou non, soit qu’il se fasse étranger ou qu’il reste Français, l’obligation nationale reste la même; le droit est acquis, et de ce moment il n’est pas juste de l’en priver. S’il est vrai qu’en quittant le pays, il ne devient pas pour cela incapable de recevoir le traitement à lui promis et qu’il a acquis par ses services, je crois que celui qui refuse de prêter le serment civique, ou qui proteste contre la Constitution, fait évidemment l’acte d’un homme qui ne veut pas exister comme Français, qui ne veut plus se soumettre aux bienfaits de la société française et profiter de ses avantages ; mais je ne crois pas qu’il faille cesser pour cela l’exécution du contrat antérieur qui existait entre la nation et lui. Je crois donc que la justice exige qu’il lui soit payé ce qu’il a mérité par sa conduite, et que dès que la loi lui avait réservé une pension ou un traitement de retraite, rien ne peut le lui enlever. Maintenant on dit que les auteurs de ces protestations troublent fa tranquillité publique du royaume par la manifestation de principes très dangereux : ceci est un autre objet. S’ils se trouvent répréhensibles aux yeux de la loi, parce qu’ils auront violé l’ordre public, la loi doit décerner contre eux les peines qu’il sera nécessaire. Mais il est à obsi rver que de même qu’on peut quitter sa patrie pour aller vivre sous une Constitution étrangère, de même aussi on peut vivre en étranger dans le sein du royaume sans avoir reconnu la Constitution française, pourvu que l’on ne résiste pas aux autorités constituées, que [23 septembre 1791.J l’on obéisse à toutes les lois qui sont communes aux citoyens et aux étrangers, et qu’on ne trouble pas l’ordre public, quoi qu’on ait une opinion différente de ceux qui ne font pas partie de la société. Ce n’est donc pas un délit que de faire une déclaration contre la Constitution ; aussi le projet de décret que nous vous proposons n’est pas une peine contre les protestataires. C’est une chose extrêmement simple que de dire à ceux qui ne croient pas à l’autorité d’une Constitution : vous ne serez point appelés à remplir les fonctions qu’elle a instituées. 11 ne faut pas regarder cela comme une peine, mais simplement comme la déduction d’un principe extrêmement clair, comme Ta conséquence nécessaire ne leur renonciation. Ce serait, au contraire, leur infliger réellement une peine que de les priver de traitements précédemment acquis. M. 'Vernier. Il est bien vrai que les pensions accordées sont en raison des services passés, mais en même temps sous la condition implicite de tenir aux lois de l’Etat et d’y obéir. ( Murmures .) On ne récompenserait p is un homme qui aurait rendu des services à l’Etat au moment où il va enfreindre le> lois de l’Etat. La comparaison de l’homme qui s’est absenté ne peut pas prévaloir ici, parce que celui qui s’absente use d’une liberté à tout homme accordée; que ceux qui font des protestations aillent vivre sous une autre Constitution, qu’ils usent de la liberté donnée à tout homme d’aller ou il lui (Tait ; mais il est bien étrange que l’on accorde des récompenses, que l’on paiedes traitements à des hommes qui, vivant dans le sein de la nation, ne veulent pas reconnaître ses lois pendant qu’ils y demeurent. M. Ciaultier-Biauzat. La proposition de M. Prieur est complexe et je crois qu’il y aurait du danger à vous en occuper actuellement. Si on la considère comme une peine, elle ressortit au code pénal ; mais si on l’examine plus au fond, on voit qu’elle tient à des questions de fait : ce délit peut en effet être le résultat de la méchanceté, de l’erreur ou de l’ineptie ; il faut bien le temps de distinguer cela. Ainsi de quelque manière qu’on considère l'amendement, je ne crois pas qu’on puisse le discuter à l’instaut. Je demande, en conséquence, non pas qu’on passe à l’ordre du jour, car la moiion n’est pas mauvaise eu soi, mais qu’on l’ajourne indéfiniment ; nos successeurs verront, d’après les faits, ce qu’il pourront décréter à cet égard. (L’Assemblée, consultée, ajourne indéfiniment l’amendement de M. Prieur.) M. Bouche. Dans l’article 2 du projet, le comité propose d’admettre au serment tous les protestants et déclarants contre la loi de l’Etat. Quant à moi, je paraîtrai peut-être trop sévère ; mais je dois à ma conscience de dire, et une expérience malheureuse a confirmé qoe les méchants, Messieurs, ont souvent abusé de la loi du serment; ils se sont servis de ce moyen pour vous mieux tromper. La plupart des malheurs du royaume ont été favorisés par l’abus funeste du serment. Je demande que l’on n’admette au serment que ceux qui, après avoir rétracté leurs protestations et déclarations, auraient mérité la confiance par une bonne conduite soutenue. (Murmures.) La plupart de vos fonctionnaires publics vous ont trompés en prêtant le serment ; [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES.