[Assemblée nationale. ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mars 1791.] M ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE NOAILLES. Séance du samedi 12 mars 1791, au soir( 1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une adresse de 13,000 cultivateurs de tabac dans les quatre districts qui composent le département du Bas-Rlun , représentés par 4,000 signataires, en actions de gi aces pour le décret du 12 lévrier dernier, qui permet la libre culture et fabrication du tabac d,ans tout le royaume. M. Voulland, secrétaire , donne lecture d’une adresse de la société des amis de la Constitution établie dans la ville d’Uzès, département du Gard, qui exposent avec le plus touchant intérêt T s dangers auxquels les patriotes ont été livrés penuant les troubles qui ont éclaté dans le courant du mois dernier; ils ne dissimulent point qu’ils ne sont pas encore absolument sans inquiétude et sans alarmes; ils attendent de l'activité et de la justice de l’Assemblée nationale leur sûreté et leur repos. Gette adresse est accompagnée d’un récit très circonstancié de tous les événements survenus à Uzès depuis le 13 février jusqu’au 22 du même mois. Les plaintes les plus précises et les faits les plus graves sont articulés contre la munie pallié, notamment contre le maire, le procureur, le greffier de la commune, le juge de paix et son greftier, le commissaire du roi, plusieurs ex-chanoines, divers ecclésiastiques et autres particuliers; on les dénonce comme h s principaux auteurs, fauteurs et complices de tous les troubles qui, depuis plus d’un an, ont affligé la ville d’Uzès, en offrant des preuves multipliées de tous les délits que les membres de la société des amis de la Gonstitution, établie à Uzès, dénoncent avec autant de courage que de confiance; ils demandent, comme un moyen propre à ramener l’ordre et la tranquillité dans la ville u’Uzès, que la municipalité et tous les autres officiers publics dénonces soient provisoirement suspendus de leurs fonctions. M. d’André. Je fais la motion expresse que l’adresse de la société des amis de la Gonstitution établie à Uzès, et le mémoire contenant le récit des événements malheureux arrivés dans cette ville pendai t le cours du mois de février dernier, soient renvoyés aux comités des rapports et des recherches réunis, pour en rendre compte à l’Assemblée natiouale le plus incessamment pos-ible, afin que, s’il y a des coupables, ils soient punis. (Ge renvoi est décrété.) M. le Président. M. Achard de Bonvouloir sollicite un congé de quelques jours pour des affaires indispensables. (Ce congé est accordé.) M. le Président. Messieurs, le recensement du scrutin pour la nomination d’un Président n’a pas donné de majorité absolue. Les voix, au nombre de 367, ont été partagées entre M. Buzot qui en a eu 163, et M. de Montesquiou, 140; voix perdues, 64. Le scrutin des secrétaires a donné 165 voix à M. Maréchal, 137 à M. l’abbé Monnel et 123 à M. de Saint-Martin. Eu consé juence, MM. Maréchal, l’abbé Monnel et de Saint-Martin sont nommés secrétaires en remplacement de MM. Pétion de Villeneuve, de Sillery et Voulland. Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresse des officiers du tribunal du district de Florac, département de la Lozère, qui présentent à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Adresse des docteurs agrégés au collège de médecine de Vire, qui félicitent l’Assemblée nationale sur st-s travaux immenses et sur l’attention avec laquelle elle tourne ses regards vers le pauvre. Adresse de la société des amis de la Constitution établie à Lyon , qui exprime la vive reconnaissance des citoyens de cette ville envers l'Assemblée nationale, au sujet de la suppression des droits d’entrée. Adresse des officiers municipaux de Foix , qui témoignent leur jus e indignation contre un écrit où il est dit « que les habitants de Pamiers sont les seuls qui ont eu le courage de s’armer, dans le département de l’Ariège, pour la défense de la liberté ». Ils attestent que 100, Ü00 bras sont armés dans ce departement pour la défense de la Gonstitution. Adresse de l’assemblée électorale du département de ta Haute-Loire , contenant le procès-verbal de nomination de l’évêque de ce département, faite en faveur de M. Deicher, curé ne Saint-Pierre de la ville de Brioude. Elle émet son vœu pour le défraiement des électeurs. Adresse du directoire du département des Basses-Pyrénées, qui annonce que M. Genadon, ci-devant bénédictin, a été élu évêque de ce département. Adresse de M. Pigeot, curé de Filstrofs, district de Sarreiouis, qui fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage patriotique sur la légitimité du serment civique. Adresse de la société des amis de la Constitution , séante à Brignole, qui demande que tous les officiers des troupes de ligne et les commandants des places frontières, ennemis de la Constitution, soient remplacés par des citoyens non SUS) ects. Adresse des villes de Cavaillun, Lille et du Thors, dans le comLé Venaissin, qui expriment d’une manière énergique le même vœu que la vilie d’Avignon, d’êlre réunies à la France. Elles réclament l’indulgence de l’Assemblee en faveur des soldats français qui, sans la permission de leurs chefs, ont concouru à l’anéantissement de l’assemblée prétendue représentative, séante à Carpentras. Adresse de M. Roux, auteur des « Réflexions sur la constitution civile du clergé et sur le serment civique », qui fait hommage à l’Assemblée de sa réponse à un examen malintentionné qui avait été fait de son ouvrage. Adresses de 63 officiers , emballeurs, chargeurs, déchargeurs de toutes sortes de marchandises sous cordes, de la ville et faubourgs de Paris, forts et gardes de la douane, qui, se trouvant supprimés par le decret qui élo gue les barrières aux frontières du royaume, supplient l’Assemblée de s’intéresser à leur sort. Adresse des habitants de l'île Saint-Louis-du-Sénégal : ils supplient l’Assemblée de permettre à (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 52 [Assemblée nationale.] un de leurs concitoyens de les représenter dans son sein, et d’accueillir le projet de loi qu’ils lui présentent sur le régime qui leur convient. Adresse des administrateurs du directoire du district de Melle , qui annoncent que tous les fonctionnaires publics de leur ressort, au nombre de 70, ont, excepté un, prêté le serment civique. Adresse des administrateurs du directoire du département de l’Aisne , par laquelle ils demandent la prompte exécution des décrets relatifs à la distribution des armes dans les départements, la pubbca ion de la loi sur les troupes auxiliaires, et leur prompte formation; l’oiganisation des gardes nationales, ia publicité des rapports instructifs de MM. Alexandre de Lameth et Riquetti de Mirabeau l’aîné, dans la séance du 28 janvier dernier. Ils expriment en même temps leur vœu sur l’époque du renouvellement des législatures, qu’ils regardent comme très important et très politique de ne pas fixer au mois de mai, et le désir qu’ils ont de voir éclairer l'opinion publique que l’on cherche à séduire sur le véritable terme de la session actuelle, qui ne doit en avoir d’autre que celui fixé par la mémorable journée du 20 juin 1789, dans la salle du Jeu de paume à Versailles, et qui doit même se proroger jusqu’au moment où l’Assemblée nationale pourra transmettre le dépôt précieux de la Constitution, sans aucun danger, aux membres de la législature qui doit la remplacer. Discours prononcé par le sieur Robert, curé de la Morville, le jour de son serment civique. Adresse du directoire du district de Grandvïl~ tiers , département de l’Oise, qui annonce à l’Assemblée que la presque totalité des fonctionnaires publics ecclésiastiques s’est portée avec une effusion de cœur et un empressement remarquables à prêter le serment civique prescrit par le décret du 27 novembre dernier; cette adresse présente encore le tableau des ventes et adjudications de biens nationaux aliénés dans le courant des mois de janvier et février derniers: 119 objets estimés, d’après les baux particuliers à chacun d’eux, sans déduction des impositions, et conséquemment à très haut prix, â la somme de 572,101 1. 3 s. 6 d., se sont élevés à 1,254,260 1. 3 s. ; ce qui présente uri bénéfice, en sus de l’estimation, d’une somme de 682,159 1. 1 s. 6 d. Un membre : J’ai l’honneur d’annoncer à l’Assemblée que tous les fonctionnaires publics ecclésiastiques, curés et vicaires du département des Basses-Alpes ont prêté le serment civique porté par la loi du 26 décembre démit r, malgré toutes les menées et les intrigues qu’on a mis en usage, là comme ailleurs, pour les en détourner; et l’Assemblée nationale sera au fait des motifs de ces intrigues, quand elle saura qu’il existait dans ce département, avant la nouvelle constitution civile du clergé, cinq sièges épiscopaux, par conséquent cinq foyers de résistance et de rébellion. Je demande qu’il soit fait mention honorable dans le procès-verbal de la prestation de serment des curés et vicaires du département des Basses-Alpes. (Cette motion est décrétée.) M. Voidel. Messieurs, le comité des recherches est informé, par une multitude d’avis, qu’un des moyens employés par les ennemis de la chose publique, pour arrêter l’exécution de la loi du 26 décembre dernier, est de répandre avec affectation qu’un très petit nombre des ecclésiasti-112 mars 1791.] ques fonctionnaires publics ont satisfait à cette loi et prêté le serment. Vous savons, d’une autre part, par les nombreuses adresses qui nous arrivent, que la très grande majorité l’a prêté. Je demande, en conséquence, pour ôter toute espèce de ressource au fanatisme et à la malveillance que vous rendiez le décret suivant « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera fait, par chaque département dans la quinzaine, à dater ne la publication du présent décret, une liste certifiée et par états séparés, des ecclésiastiques fonctionnaires publics qui ont prêté, et de ceux qui ont refusé le serment prescrit par la loi du 26 décembre dernier; ces états seront incessamment adressés à LAssemblée nationale. » J’observe que, outre que cette mesure me paraît essentielle pour tranquilliser les vrais amis de la liberté, elle est encore bonne sous un autre rapport; c’est qu’il est bien vrai que dans quelques départements un très petit nombre d’ecclésiastiques ont prêté le serment, et comme il faut cependant remplacer ceux qui l’ont refusé, il faut que chaque département connaisse à quel autre département il faudra s’adresser pour trouver des successeurs. Je demande, en conséquence, que vous veuil-liez bien mettre ma motion aux voix. M. de Bois-Itouvray. Je propose un amendement à la proposition de M. Voidel : comme il faut que cet état soit très exact et très fidèle, je demande que les municipalités soient tenues de déclarer ceux qui ont mis des resiriclions à leur serment. Un membre : J’observe à l’Assemblée que la réflexion du préopinant est sans aucun fondement, car les municipalités n’ont pas pu recevoir un serment contraire aux prescriptions de la loi. (. Murmures . ) (L’Assemblée rejette l’amendement de M. de Bois-Rouvray et décrète la motion de M. Voidel . ) M. Lelircton, au nom du comité ecclésiastique , présente un projet de décret relatif à la nouvelle circonscription des paroisses de la ville de Vannes. Ce décret est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale décrète qu’il y aura, dans la ville de Vannes, deux paroisses, l’église cathédrale et Saint-Paterne, conformément à la circonscription des lieux, déterminée par le procès-verbal de la municipalité et du district de la même ville, déposé au directoire du département du Morbihan, et que les deux paroisses de Saint-Salomon et de Notre-Dame-du-Mené demeureront supprimées. Les chapelles du collège et de Saint-Salomon seront conservées comme oratoires de la paroisse dans l’étendue de laquelle chacune desdites chapelles est située. » (Ce décret est adopté.) M. Camus, au nom du comité des pensions. Messieurs, vous avez ordonné à votre comité des pensions de vous faire le rapport des demandes de M. de Lalude. Voici, Messieurs, ce qu’il a pu recueillir des faits relatifs à cet infortuné : M. de Latude avait 24 ans lorsqu’en 1749 il fut enfermé dans les cachots de la Bastille, et ce n’est qu’en 1784 qu’il a été rendu à la liberté. Assurément si l’on ne suivait que les premiers mouvements qu’excite le récit des malheurs de M. de Latude, il me semblerait impossible de jamais le dédommager des maux qu’il a soufferts pendant ARCHIVES PARLEMENTAIRES.