[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 avril 1791.J 561 sant toutes les parties de l’Empire, assigne à chacune ce que la justice, l’humanité, les considérations politiques les mieux entendues feront juger devoir leur être dévolu ; nous ne vous proposerons pas le moindre changement dans le système ancien, bien que l'administration et la situation d’un grand nombre de vos hôpitaux appelassent avec nécessité une grande réforme. C’est dans l’ensemble qu’il faut voir et vouloir un meilleur ordre de choses, et il est incontestablement préférable d’en retarder l'entreprise que de la rendre incomplète, que de la morceler. Alors, comparant les besoins des campagnes, des départements entiers avec leurs ressources, vous répandrez sur tous des secours, dans la proportion que votre sagesse vous fera trouver équitable. Jusque-là vous devez faire jouir les hôpitaux à présent existants des revenus qu’ils avaient avant la Révolution et que plusieurs de vos lois ont diminués. C’est pour vous un devoir strict, que vous vous ôtes imposé à vous-mêmes. Ces revenus consistent principalement en renies sur les domaines, en rentes ou aumônes fondées sur les biens nationaux, en dîmes, en droits sur les marchés, sur les passages de rivières et des ponts, droits dont vous avez sagement et heureusement affranchi tous les habitants et toutes les productions de ce bon royaume. Vos comités ont pensé que la nation ayant profité de ces droits devait incontestablement les remplacer par une évaluation équitable. Le mode le plus simple, le plus complet de cette évaluation, celui qui pourrait, en ne faisant payer que ce qui est légitimement dû, amener moins de contestations entre les administrateurs de ces hôpitaux et les corps administratifs, a été principalement l’objet de nos recherches. Nous croyons devoir ajouter qu’il est important, pour la plus grande tranquillité dans les hôpitaux, que votre comité ecclésiastique vous présente promptement ses vues sur les congrégations religieuses, attachées au service des pauvres et des malades. Nous ignorons quelles elles sont. Qu’elles soient fixées; il en est de plusieurs espèces et, si nous avons à rendre hommage au zèle, au dévouement , à l’oubli de tout intérêt particulier de quelques-unes, il en est d’autres où cet esprit de charité, première vertu de leur état, n’est pas si habituellement exercé, il en est qui, se regardant comme l’objet principal de l’établissement, ne regardent les pauvres que comme accessoires; l’incertitude où sont de leur sort toutes les congrégations ne pourrait que refroidir le zèle de celles qui en montrent un aussi estimable, s’il pouvait être refroidi, et ne peuvent exciter le dévouement de celles qui n’en ont que rarement fait paraître. Les circonstances actuelles exigent plus impérieusement que vous prononciez à cet égard. C’est avec bien du regret que nous sommes obligés de vous révéler que l’esprit d’opposition à quelques-uns de vos décrets a dans les hôpitaux une influence fâcheuse. Il n’est que trop vrai que, dans un assez grand nombre de maisons de charité, les pauvres et les malades sont tourmentés de l’effroi de voir leurs secours physiques compromis et le salut de leur âme en danger par le nouvel ordre de choses. Ce sont ceux qui leur doivent des soins consolateurs qui leur inspirent criminellement cette erreur. Certes, ils ne seront, ceux-là, justifiés par personne. Cette situation de choses qui n’est cependant pas générale et à laquelle contribuent aussi un grand nombre de lre Série. T. XXIV. sœurs, mérite votre prompte attention. Et l’incertitude où sont toutes les congrégations de leur sort doit, encore une fois, être promptement fixée; car on profite de cette incertitude pour les rendre des instruments dangereux. Voici le projet de décret que nous proposons : « Art. 1er. Les rentes sur les biens nationaux dont jouissaient les hôpitaux, maisons de charité et fondations pour les pauvres, en vertu de titres authentiques et constatés, continueront à être payées à ces divers établissements, aux époques ordinaires où ils les touchaient, dans les formes et d’après les conditions indiquées ci-après, et ce provisoirement jusqu’au 1er janvier 1792. « Art. 2. 11 en sera de même à l'égard des dîmes dont jouissaient ces établissements, et dont la valeur leur sera payée conformément aux baux antécédemment faits. « Art. 3. Ceux de ces divers établissements qui étaient dans l’usage d’adjuger les dîmes annuellement à ta criée ou autrement recevront, pour l’année 1791, la valeur d'une année commune, prise sur les 10 dernières. Ceux de ces établissements dont les baux portaient la valeur des dîmes, indistinctement réunie avec celle d’autres biens, recevront la valeur d’une année de leurs dîmes, d’après la ventilation qui sera faite en conséquence. « Art. 4. Cette ventilation sera faite par les préposés des directoires de districts où sont situés ces biens, revue par les directoires eux-mêmes, approuvée et certifiée par les directoires de départements . « Art. 5. Les hôpitaux, maisons de charité et fondations pour les pauvres, recevront également, aux mêmes titres et toujours provisoirement, pour l’aunée 1791 seulement, l’équivalent des pertes annuelles qu’ils éprouvent par la suppression des droits de havage, minage, brassage sur les boissons, d.es droits de contrôle, des droits de péage. « Art. 6. La valeur de ceux de ces droits payés en nature sera estimée, par les ordres du directoire, sur une année commune des 10 dernières et payée eu compensation en espèces courantes. « Art. 7. Les états qui constateront les indemnités dues aux hôpitaux, maisons de charité, fondations pour les pauvres, en conséquence des articles précédents, seront présentés aux districts par les municipalités, certifiés par les directoires de districts, visés par ceux des départements et envoyés par eux au ministre de l’intérieur, qui en fera présenter la demande à l’Assemblée nationale, par un ou plusieurs états. L’Assemblée nationale décrétera les sommes nécessaires qui seront en conséquence fournies par le Trésor publie au trésorier des districts chargé des payements. « Art. 8. Le ministre de l’intérieur sera autorisé, sous sa responsabilité, d’ordonner provisoirement, et avant le décret de l’ Assemblée, l’avance pour les hôpitaux, de la moitié des sommes reconnues par lui, sur les délibérations des municipalités, districts et départements, dues en indemnité à ces établissements. » Un membre propose par amendement à l’article 2 de décréter que la valeur des dîmes ne sera payée que sous la déduction des charges dont elles étaient grevées. M. de La Koclicfoucaiild-Uaucourt, rap-36 15 avril 1791. J g02 [Assemblée nationale j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. porteur. J’adopte l’amendement et je rédige comme suit le projet de décret : « L'Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. lor. « Les rentes sur les biens nationaux, dont jouissaient les hôpitaux, maisons de charité et fondations pour les pauvres, en vertu de titres authentiques et constatés, continueront à être payées à ces divers établissements, aux époques ordinaires où ils les touchaient, dans les formes et d’après les conditions indiquées ci-après, et ce, provisoirement jusqu’au 1er janvier 1792. Art. 2. « Il eu sera de même à l’égard des dîmes dont jouissaient ces établissements et dont la valeur leur sera payée conformément aux baux antécé-demment faits, et sous la déduction des charges dont elles étaient grevées. Art. 3. « Ceux de ces divers établissements qui étaient dans l’usage d’adjuger les dîmes annuellement à la criée ou autrement, recevront, pour l’année 1791 , la valeur d’une année commune, prise sur les 14 dernières années, en retranchant les deux plus fortes et les deux plus faibles. Ceux de ces établissements, dont les baux portaient la valeur des dîmes, indistinctement réunie avec celle d’autres biens, recevront la valeur d’une année de leurs dîmes, d’après la ventilation qui sera faite en conséquence. Art. 4. « Cette ventilation sera faite par les préposés des directoires des districts où sont situés ces biens, revue par h s directoires eux-mêmes, approuvée et certifiée par les directoires de département. Art. 5. « Les hôpitaux, maisons de charité et fondations pour les pauvres, recevront également, aux mêmes titres, et toujours provisoirement, pour l’année 1791 seulement, l’équivalent des pertes annuelles qu’ils éprouvent par la suppression des droits de havage, minage, brassage sur les boissons, des droits de contrôle, des droits de péage. Art. 6. « La valeur de ceux de ces droits payés en nature sera estimée, par les ordres du directoire, sur une année commune évaluée comme il est dit à l’article 31, et pavée, en compensation, en espèces courantes. Art. 7. « Les états qui constateront les indemnités dues aux hôpitaux, maisons de charité, fondations pour les pauvres, en conséquence des articles précédents, seront présentés aux districts parles municipalités, certifiés par les directoires des districts, visés par ceux des départements, et envoyés par eux au ministre de l’intérieur, qui en fera présenter la demande à l’Assemblée nationale, par un ou plusieurs états. L’Assemblée nationale décrétera les sommes nécessaires, qui seront en conséquence fournies par le Trésor public au trésorier des districts chargé des pavements. Art. 8. « Le comité de trésorerie sera autorisé, sous sa responsabilité , d’ordonner provisoirement , et avant le décret de l’Assemblée, l’avance pour les hôpitaux, de la moitié des sommes reconnues, d’après les délibérations des municipalités, districts et départements, dues en indemnité à ces établissements. » (Ce décret est adopté.) M. Sallé de Choux. J’observe à l’Assemblée qu’il existe dans le royaume des hôpitaux dont les revenus sont au-dessous des besoins, tel, par exemple, que l'hôpital de Bourges. Je prie l’Assemblée de charger son comité de lui présenter un projet à ce sujet. Plusieurs membres : L’ordre du jour 1 M. Démeunier. Au préalable, il faudrait avoir l’avis des directoires de département. Plusieurs membres: L’ordre du jour ! (L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) M. de Lia Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur. demande que l’Assemblée veuille bien charger son comité ecclésiastique de présenter incessamment ses vues sur les congrégations religieuses consacrées à l’assistance" des pauvres. (Cette motion est décrétée.) M. le Président. Je reçois une lettre du ministre de l’intérieur dont je vais vous donner communication : « Paris, 3 avril 1791. « Monsieur le Président, « J’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint une instruction relative aux travaux publics, laquelle vient d’être approuvée par Sa Majesté. Aussitôt quelle sera imprimée, j’en ferai remettre des exemplaires à l’Assemblée. « J’espère qu’elle y trouvera les principes qui ont été la base de la loi sur les ponts et chaussées, et qu’elle honorera en même temps de son suffrage les mesures qui ont été adoptées et qui semblent devoir assurer le plus grand bien du service. ( Applaudissements .) L’ordre du jour est la suite de la discussion sur les successions (1). M. Robespierre(2). Vous avez décrété que l’égalité serait la base du partage des citoyens. Per-mettrezTvous aux citoyens de la troubler par des dispositions particulières? On, en d’autres terme-, conserverez-vous la faculté de tester? Et, dans le cas de i’aftirmative, quelles seront les bornes que vous croirez devoir y mettre? Avant d’examiner les principes qui doivent décider celte importante question, il est bon de jeter un coup d’œil sur l’état actuel de notre législation sur ce point. D’un côté, vous voyez une partie de la France où la faculté de tester est admise dans la plus grande étendue; dans une autre partie, il est rigoureusement interdit aux citoyens de favoriser aucun de leurs héritiers au préjudice des autres. C’est vous dire assez que vous avez à choisir entre ces deux principes différents; car votre intention n’est pas de conserver deux lois pour un même (1) Voy. ci-dessus séance du 4 avril 1791, page 544. (2) Le discours do M. Robespierre est fort écourté au Moniteur.