SÉANCE DU 11 FRIMAIRE AN III (1er DÉCEMBRE 1794) - NOB 44-45 359 avec la réponse du président ; et sur le surplus elle renvoie aux comités des Finances et des Secours publics (68). L’ORATEUR (69): Citoyens représentans, votre temps, tout votre temps est à la République entière : la section des Marchés saura le ménager. Nous venons vous dire que votre proclamation au Peuple français a reçu son assentiment ; qu’il la regardera sans cesse comme le thermomètre auquel doivent se peser toutes les actions des citoyens et tous les actes des autorités constituées. Citoyens, il fut un temps où la société des Jacobins aimoit la liberté et le peuple ; elle vou-loit le bien, elle fit le bien ; des médians, sous le prétexte d’épuration, en changèrent la sagesse et la vertu pour mettre à leur place ce que l’ignorance a de plus crasse, ce que l’immoralité a de plus profond. Ces êtres pervers se disoient amis du peuple; ils despotisoient le peuple; ils se disoient amis de la liberté; ils ne la vouloient que pour eux ; ils disoient : respectez la Convention ; et ils prêchoient l’insurrection contre elle, au moyen de leurs nombreuses affiliations, ils avoient usurpé une autorité monstrueuse et colossale qui menaçoit sans cesse la Convention nationale. Par eux, la France n’étoit plus qu’une vaste bataille. Procureurs constans d’un tribunal de sang, dirigés par Robespierre (d’exécrable mémoire), ennemis déclarés du tribunal dont la sagesse entière sait distinguer l’innocent du coupable ; au 9 thermidor, complices d’une municipalité conspiratrice, les regards foudroyants de la Convention et du peuple ont précipité dans la fange ces nouveaux titans ; vous avez étouffé ce grand foyer de contre-révolution ; vous avez clos cet antre impur d’où partoient des exhalaisons méphitiques qui empoisonnoient tous les points de la République ; enfin, vous avez bouché la salle où se retiroit le pâle léopard, où le lion féroce secouoit, en s’éveillant, son énorme crinière. Ils étoient : ils ne sont plus ; le poids qui nous oppres-soit est soulevé. Enfin, la vertu, le talent et le patriotisme respirent ; le cruel étranger qui ten-doit son espoir par nos troubles intérieurs, frémit en ce moment en voyant la sagesse des mesures que vous venez de prendre. Citoyens-représentans, nous ne venons pas provoquer la vengeance nationale contre tous les membres de la ci-devant société des Jacobins. Nous sentons notre force; nous pourrions les accabler, comme ils nous ont accablés par leur audace; mais nous souhaitons que l’on sépare les meneurs, les méchans de ceux qui ne sont qu’égarés. Hélas ! notre plus grand plaisir seroit de pouvoir pardonner ; que notre conduite à venir soit donc la critique de leur conduite passée. Qu’ils jugent de la différence qu’il y a entre les vrais patriotes et ceux qui n’ont que le masque du patriotisme ; que notre sagesse les fasse rougir de leur folle barbarie. Ils sont nés Français: cela nous porte à croire que l’humanité ne leur sera pas toujours étrangère. (68) P.-V., L, 226. (69) Bull., 11 firim. (suppl.). F. de laRépubl., n° 72 ; J. Perlet, n° 799 ; J. Fr., n° 797 ; Mess. Soir, n° 835 ; J Paris, n° 72. Vive la République ! Vive la Convention nationale! LE PRÉSIDENT (70) : L’antre jacobite de la rue Honoré fut jadis le heu où se forgeoit la foudre qui anéantit le despotisme ; mais les tyrans coalisés comprirent bientôt qu’il falloit se servir de ses ouvriers mêmes pour fabriquer l’arme la plus contre-révolutionnaire envers la liberté ; il falloit, pour la bannir du sol français, détruire la représentation nationale ; quel est le moyen que les meneurs des Jacobins de Paris n’aient pas employé pour l’avilir et pour l’assassiner? Lions, rochers, tout a été provoqué à s’élancer contre elle ; semblables aux titans, ces insensés croyoient escalader les deux ! Un seul acte de la volonté nationale leur a fait connoître la faiblesse de leurs moyens ; s’ils osoient remuer encore, la justice les attend. Les mandataires du peuple, forts de son appui, déjoueront toujours ainsi les projets de ceux qui voudroient usurper ses droits. 44 Un secrétaire lit une pétition des femmes et des enfans des défenseurs de la patrie, de la section des Marchés [Paris]. Renvoyé aux comités des Secours publics et des Finances (71). [Réal annonce que Cambon a fait imprimer un projet de décret qui remplira le vœu de ces citoyennes et de toutes les familles qui sont dans le même cas ; il demande que ce projet soir décrété dans trois jours. Décrété.] (72) 45 La section du Pont-Neuf [Paris] est admise. Elle annonce que, nommée par exception Révolutionnaire, sous le règne de Robespierre, de la commune rebelle et de leurs complices, qui avoient écarté de son sein la liberté, la franchise et l'énergie, elle désire reprendre son premier titre ; que sous ce nom, qu’elle n’a jamais déshonoré par aucun excès, elle apporte à la Convention le rapport de l’arrêté pris par quelques intrigans ou dupes, portant adhésion à celui du ci-devant club électoral et de la section du Muséum, contre le gouvernement actuel. Elle félicite la Convention de son adresse au Peuple français ; elle demande la punition prompte et inexorable de ces mandrins politiques, qui, ne voulant que d’une liberté de contrebandiers, ont égaré, stupéfait, égorgé le peuple, afin de (70) Bull., 11 fiim. (suppl.). (71) P.-V., L, 226. Rép., n° 72. (72) Rép., n° 72. M.XJ., n° 1359.