541 [États gén. 1789. Cahiers.] faut bien se garder de donner un coupa ce gibier voleur, faute d’être traîné en prison, ou de payer une amende, quand ce serait le père et la mère de dix enfants; on n’ose pas dire les horreurs qui se commettent à cet égard dans les capitaineries. Le cultivateur ne peut entourer ses héritages de murs, de haies, de fossés, ni bâtir une masure sans une permission qu’on ne lui accorde qu’avec peine et souvent en payant. On ne peut pas dire que cette capitainerie soit pour les plaisirs du Roi et des princes ses frères, puisqu’ils n’y font qu’une ou deux chasses par an ; elle est donc toute pour le plaisir et le profit du capitaine, de sa famille et des autres officiers. Le cultivateur doit, ou bien il sera traité inhumainement, garnir son champ de cinq épines par arpent; s’il n’en a pas, ce qui arrive souvent dans une plaine, il faut qu’il s’en fournisse à quelque prix que ce soit; il faut aussi qu’il établisse ou laisse établir dans sa terre, au milieu de son champ ensemencé, un buisson, ce qu’on appelle un halier, pour servir de retraite au gibier, à défaut de garenne, afin qu’à cet abri inabordable le gibier puisse plus tranquillement consommer les moissons. Il se fait même des élèves, dans la maison des gardes, de perdrix et des faisans qu’on porte clans leur remises entourées des terres les mieux ensemencées; on va les visiter plusieurs fois par Jour, on foule aux pieds par conséquent les blés : jugez du dégât et de la tyrannie ! Le cultivateur ne peut purger ses emblavures des mauvaises herbes qui les infectent. 11 ne peut faucher ses foins avant le 24 juin, quand il les verrait perdre, et cela pour des œufs de perdrix qui souvent n’y sont pas. Il fait des représentations ; on lui répond qu’il y a des règlements pour cela, qu’il faut les suivre. S’en fit-il jamais de plus injustes, de plus rigoureux et déplus tyranniques! Oui, afin que tant de vérités frappent enfin l’attention générale, les capitaineries sont les fléaux de l’agriculture. Elles sont surtout le fléau des habitants. Ils sont dans le voisinags de la forêt et ne peuvent y ramasser du bois et des herbes sèches que dans un temps marqué. Les gens des capitaineries, avant ce temps-là, ont soin de faire ramasser le plus beau et le meilleur. En cela ils ont deux bonnes raisons : 1° leurs intérêts particuliers, et 2° le public ne voit pas le dégât que le gibier a fait dans le jeune taillis. Demandent, lesdits habitants, que les Etats veuillent bien supplier Sa Majesté de rendre à chacun sa propriété, en supprimant la capitainerie de Se-nart; car, quelque modification qu’on y fasse, ce sera toujours un fléau insupportable; d’ailleurs on peut dire que le Roi est trompé; il fait lui-même une perte de plusieurs millions sans ceux que les capitaineries lui coûtent, et si Sa Majesté ne se porte pas à écouter lés plaintes, des milliers d’arpents de terre resteront sans culture, et dans trente ans d’ici la forêt de Senart ne vaudra pas un dixième de ce qu’elle valait avant l’établissement de ladite capitainerie. Demandent qu’il soit permis à chacun, et principalement aux seigneurs de la paroisse, de détruire le gibier sur ses possessions, mais que le seigneur soit le seul qui puisse chasser avec des armes à feu, et de crainte que quelqu’un en chassant ne causât du dommage aux autres habitants, [Paris hors les murs.] qu’il soit permis de commettre dans la paroisse un garde-verdurie qui sera reçu en justice et qui sera pavé par la communauté. Les commissaires à terrier sont encore un fléau pour une paroisse, parles frais exorbitants qu’ils font payer à leur volonté, pour les déclarations qu’ils vous forcent de faire lors de la confection des terriers, seigneuriaux ; ces terriers sont trop souvent répétés. Le seigneur d’une paroisse est bien le maître de les faire faire, mais il faudrait que le tout fût à ses dépens. Il est de la plus grande justice que le propriétaire fasse ses vendanges et foule ses raisins chez lui à sa volonté, de même que les pauvres n’attendent point le premier octobre pour ramasser du chêne; dans ce temps-là il est pourri, et de plus, c’est celui des vendanges. Demandent que les poids et les mesures soient les mêmes dans tous les marchés et par tout le royaume. ÎI y a bien des choses à dire sur l’établissement des justices des eaux et forêts ; mais nous laissons ces articles à traiter aux particuliers et aux paroisses qui sont propriétaires de bois. C’est un abus, que l’on pourrait même regarder comme une espèce de monopole, de souffrir que les meuniers fassent le commerce de grains et de farines. Ils achètent les blés chez les laboureurs et dans les marchés; celui-ci porte moins à la halle, lé peuple ne peut se fournir, et encore moins quand il a un peu de blé à faire moudre. Le 25 septembre 1720, il a été établi sur les aides et gabelles de Paris, par un contrat en forme, un revenu de 300 livres de rente annuelle, fondée et laissée en fondation pour les gages d’un maître d’école, pour l’instruction des enfants de cette paroisse. Depuis plusieurs années, ce contrat de rente a été réduit de 300 francs à celle de 165 francs; cette rente n’étant pas suffisante pour l’entretien d’un maître d’école, et la paroisse étant très-pauvre, ne peut subvenir à ses besoins. Lesdits habitants demandent que du revenu des maisons religieuses qui doivent être supprimées, manquant de sujets, on veuille bien leur en faire part, pour pouvoir avoir un maître d’école en état d’élever leurs enfants. Encore à représenter que les pigeons soient renfermés dans leurs colombiers, lorsque la moisson est en maturité et dans le temps des semences, depuis le 1er octobre jusefu’à la Saint-Martin. Signé Pierre Caste; Véron; Nicolas Gautier; Claude-Jean Gilton ; Louis Fautran ; Louis Gilton; Martin Gautier; Pierre-Laurent Mallet; Gabu; Poi-trenay ; Basille; Marquignon ; Amar; Vallois ; Jean Marquignon et Caillois. CAHIER Des plaintes et doléances de la jjaroisse d'Evry-les-Châteaux en Brie , pour être présenté à l'assemblée qui se fera en la ville de Paris, le 18 du présent mois, pur Louis Sandrier et Louis Tissier (1). Art. 1er. La reconnaissance la plus vive dont les habitants de cette paroisse sont pénétrés, de la grâce que le Pmi, par sa bonté paternelle, veut bien assembler les Etats généraux de son royaume pour y faire ses plaintes et supplications. Cette paroisse, profitant de ces grâces, supplie Sa Majesté d’ordonner une nouvelle forme d’administration pour mettre fin aux abus de l’ancienne. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des À rehives de l'Empire, ARCHIVES PARLEMENTAIRES 542 [Élats gén. 1789. Cahiers.] Art. 2. Que la province de l’Ile-de-France soit régie et administrée par des Etats provinciaux, sur le modèle de celle du Dauphiné, dont les principes et le régime sont sanctionnés par Sa Majesté, et dont nous adoptons et nous nous soumettons à tous les règlements. Art. 3. Qu’en conséquence, les ordres et les provinces doivent délibérer ensemble, les suffrages êlre comptés par tète et le tiers-état avoir aussi grand nombre de représentants que le premier et le second ordre réunis. Art. 4. Que pour mieux réussir à abolir entièrement les abus dans les impositions et la manière de les percevoir, nous supplions très-humblement Sa Majesté que, par un effet de sa bienfaisance pour son peuple, il lui plaise de réunir tous les impôts en un seul sous l’administration de la taille ; néanmoins observer que les terres de ladite paroisse sont chargées de rentes, quoique de peu de valeur. Art. 5. Que, par cette réunion d’impôts, les droits d’aides sur les vins de nos récoltes se trouvent supprimés. Les abus dans la perception de cet impôt même, les concussions et exactions qui l’accompagnent, les frais immenses qu’il exige, tout serait écarté, et les finances de Sa Majesté en seraient augmentées, le prix de nos charges diminué. Art. 6. Qu’il résulterait encore un avantage bien considérable, s’il plaisait à Sa Majesté de diminuer le prix du sel. Art. 7. Gomme nous n’avons rien de plus rare et de si nécessaire que la denrée des grains, pour le soutien de nos braves Français qui sont le fidèle appui de la couronne, Sa Majesté voudrait bien ordonner qu’il soit convoqué une assemblée des députés, assistés du bailli, dans toutes les villes et bourgs où se tiennent les marchés pour les grains ; en conséquence, qu’il soit fait tous les ans, le 1er septembre, une juste taxation de la denrée des grains, suivant l’abondance ou médiocrité des récoltes, et qu’il soit expressément défendu à tous commerçants, blatiers et boulangers d’enlever aucuns des grains, ailleurs que dans les marchés publics. Art. 8. La prestation de la corvée supprimée. Art. 9. L’abolition des droits de lods et ventes pour les échanges. Art. 10. Indemnité sur les terrains pris pour les grandes routes et la fouille des matériaux qu’on y emploie. Art. 11. Que la justice subalterne soit abolie et détruire les huissiers-priseurs de nos campagnes. Art. 12. Supprimer les capitaineries, vu le tort que fait le gibier; arracher les remises ; détruire les lapins en entier, à l'exception des parcs murés d’où ils ne pourront sortir. Art. 13. La destruction en entier des pigeons ou la réduction à un très-petit nombre, et qu’ils soient enfermés depuis le 1er juin jusqu’au 1er septembre, attendu qu’ils font un dommage considérable, et qu’ils ramassent plus qu’il n’en faut pour nourrir les pauvres d’une paroisse pendant un an. Art. 14. De faire les vendanges lorsque nous le jugerons à propos; également les moissons, saris aucune interprétation du seigneur. Art. 15. Qu’il nous soit permis "d’aller nettoyer nos grains en tel temps quelconque. Art. 16. De mettre nos filasses dans notre petite rivière sans interruption d’aucun seigneur. Art. 17. Qu’il nous soit permis de ramasser les chaumes que produira notre terroir au sortir de la moisson. [Paris hors les murs.] Art. 18. La suppression des chasses des bénéficiers et réguliers; aliéner le tout pour aider l’Etat. Art. 19. De corriger les abus relativement aux banqueroutes. Art. 20. Que les rôles soient rendus exécutoires pour les juges du lieu, et que la municipalité soit autorisée à ajouter auxdils rôles les sommes qu’elle jugera à propos d’accorder aux collecteurs, syndics, greffiers, frais de bureaux, confection de rôle, et autres dépenses qu’elle jugera nécessaires. Art. 21. Que tous les biens payent la taille ou la taxe des terres indistinctement, même les terres nobles, sans exception, et qu’il n’y ait plus de privilégiés. Art. 22. Que les emprunts n’auront jamais lieu sans le consentement de la nation, car c’est cette faculté d’emprunter, et l’abus que l’on en a fait, qui a mis les finances du royaume dans le déplorable état où elles sont, et ne font qu’aggraver tous les impôts sur les malheureux habitants de la campagne. Art. 23. Enfin, qu’il soit fait un règlement pour que chaque paroisse au-dessus de 100 feux ait chez elle dix habitants qui seront nommés pour asseoir les tailles. Supplient nosseigneurs les députés de remédier en cette, affaire au soulagemeut desdits pauvres habitants, et à ce que l’honneur de Dieu soit observé, et qu’il plaise à Dieu que le règne de Sa Majesté fleurisse et parvienne à une prospérité sans bornes et au soulagement de ses sujets ! Signé Gittard ; Hure; Nissier ; Dabaucour; S. Samson ; Huart ; Saudrier; Desmarquest; Phi-lippon ; Dodière; Saudrier, syndic; Samson; Pillon; Gadet; Thomas. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances des habi-i tants de la paroisse d' Evry-sur-Seine, à faire à, Sa Majesté ou a, ux Etats généraux, et ce suivant et pour satisfaire au règlement du Roi , du 24 janvier dernier , à sa lettre du même jour et à l'ordonnance de M. le prévôt de Paris , du 4 avril présent mois (1). Art. 1er. Lesdits habitants supplient Sa Majesté ou les Etats généraux d’accorder à tous les hommes du royaume la liberté individuelle. Art. 2. Que tout droit de propriété soit et demeure conservé à toujours, et que nul propriétaire ne puisse en être privé, même pour cause publique, à moins qu’il n’en soit indemnisé au plus haut prix et sans délais. Art. 3. Que la gabelle soit supprimée, que la vente du sel soit accordée à tous les individus, attendu que c’est une charge la plus onéreuse pour tous les Français. Art. 4. Que les aides soient entièrement supprimées, ou au moins qu’il n’y ait qu’une seule et même perception. Art. 5. Que l’impôt soit réparti sur tous les biens, sans aucune exception ni privilèges; en conséquence, que lesdits impôts soient sous une seule cote et qu’ils ne soient regardés légaux que lorsque la dette nationale sera connue, avouée et consentie par la nation. Art. 6. Que les ministres seront, comptables aux Etats généraux de l’emploi des recettes et dépenses qui leur seront confiées, et responsa-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.