220 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Plusieurs membres demandent l’impression de ce discours et le renvoi aux comités de Salut public et de Législation. Cette proposition est décrétée (140). 65 Un autre membre [BARÈRE] lui succède à la tribune. Après son discours, il présente les mêmes conclusions, et propose que la Convention nomme quelques membres de ses comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, pour présenter des lois organiques de la constitution (141). BARÈRE (142) : Citoyens, je viens aussi vous parler de la préparation des lois organiques de la constitution républicaine ; et ce qui m’a porté à faire cette motion d’ordre est l’état actuel des esprits, qu’on cherche à égarer, à agiter, dans tous les sens propres à l’anarchie. Les circonstances actuelles et l’amour de mon pays... ( quelques murmures dans une partie de la salle), oui, l’amour de mon pays, dont j’ai donné quelques preuves depuis cinq ans, me font un devoir de déposer dans le sein de la Convention quelques alarmes dont les plus zélés patriotes ne peuvent se défendre. La révolution du 9 thermidor a abattu le tyran et la tyrannie ; le règne de la justice et de l’égalité a dû lui succéder. Mais, par une fatalité attachée à tout ce qui tient aux révolutions, tout est changé autour de nous, excepté la victoire et le courage des armées. Passions, intérêts, fraternité civique, projets, diplomatie, opinion publique, tout a pris du moins des formes nouvelles. L’esprit de parti a paru renaître, quand la chute des triumvirs devait nous rallier tous dans un même faisceau; des dissensions intestines se propagent dans quelques parties de l’intérieur, quand nos ennemis du dehors sont abattus; des haines particulières s’alimentent tous les jours de mille rapports divers, de mille craintes factices; les instruments qui ont servi à établir la liberté sont avilis et brisés ; des hommes tirés du sein du peuple, appelés aux mêmes travaux, associés aux mêmes fonctions, voués au même péril, se surveillent comme des ennemis acharnés, et disputent au lieu de discuter; la liberté d’opinion n’est pas le domaine de tous. Les aristocrates vindicatifs voudraient abuser d’une majorité législative, comme des accapareurs se servent des matières premières, et la calomnie couvre de ses poisons ceux qui se (140) Moniteur, XXII, 501-502. Débats, n° 782, 763 et n° 783, 775-777. Mentions dans J. Paris, n° 55; J. Mont., n° 31 ; Rép., n° 55; C. Eg., n° 818; M.U., n° 1342; Mess. Soir, n° 819. Reproductions partielles dans J. Perlet, n° 782; J. Fr., n° 780; Ann. R. F., n° 54; Gazette Fr., n° 1048; Ann. Patr., n° 683. (141) P.-V., XLIX, 167. (142) Moniteur, XXII, 503-504. Rép., n° 55. sont sacrifiés pour la liberté ; cependant il n’est aucun de nous qui oublie qu’une assemblée chargée d’établir l’unité de la République doit en donner l’exemple. C’est en vain que des applaudisseurs intéressés s’agglomèrent à Paris depuis quelques jours, et accourent de toutes les parties de la République; c’est en vain qu’ils voudraient changer le temple des lois en une arène de gladiateurs : nous ne partagerons pas leurs funestes passions ; c’est à la sagesse de la Convention nationale, c’est au génie de la liberté que nous sommes redevables si les troubles que ces hommes passionnés fomentent n’ont pas éclaté encore. Au milieu de ces agitations, le parti de l’étranger, dont je ne cesserai jamais d’accuser les complots que lorsqu’ils seront détruits, le parti de l’étranger, qui, selon moi, a depuis le commencement de la révolution dû organiser un comité secret à Paris, continue de distribuer ses rôles pour tourmenter l’opinion du peuple, pour avarier l’esprit public, pour calomnier les patriotes énergiques, pour diviser la Convention nationale. Ce n’est pas ici une fable que je viens répéter : l’étranger a le plus pressant intérêt, au milieu des victoires républicaines qui l’écrasent, l’étranger doit faire sans doute ses derniers efforts pour égarer les citoyens, pour assoupir le peuple, pour intercepter ou corrompre les lumières, dénaturer ses volontés, surhausser le prix des matières de première nécessité, faire perdre à l’ouvrier auprès des boutiques un temps précieux, et faire accuser la liberté de tous les abus qui n’appartiennent qu’aux circonstances de la guerre ou aux intrigues de nos ennemis cachés dans l’intérieur de la république. Décadi dernier (et le fait s’est passé en présence du neveu de Cambon), un contre-révolutionnaire a essayé l’effet que produirait le cri plusieurs fois répété : A bas la République! ( Violents murmures .) Quelques voix : La preuve! [Ce fait est démenti par plusieurs membres du comité de Sûreté générale. Barère va fouiller dans le porte-feuille des journalistes de Londres, pour prouver qu’on dit que la France est trop peuplée pour subsister en république. Bah! lui crie-t-on, tu sais bien les moyens de la dépeupler.] (143) BARÈRE : Si l’on ne veut pas entendre des faits, si toutes les vérités ne plaisent pas, je cesserai de les dire. *** : Ce jour-là j’étais dans le jardin national; on criait : Vive la Convention! Je criai : Vive la République! On me répondit, en me donnant un coup de poing : Vive la Convention ! ( Rires et murmures.) (143) Ann. R. F., n° 54. Ann. Pair., n° 683.