692 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [li septembre 1790.] vénients que l’on redoute, de voir les biens nationaux ne se vendre que très lentement, dépérir et enfin se donner à vil prix, et passer en cet état dans les mains de propriétaires étrangers, qui ne consommeraient point leurs revenus dans le royaume. Voilà comment nous aurons l’avantage de mettre les terres dans les mains de Français, qui, pour la plupart, feront valoir eux-mêmes; car ayant perdu leurs charges, combien se retireront dans les campagnes qui sont toujours mieux cultivées par les propriétaires que par des régisseurs et même de bons fermiers. Voilà comment on rétablirait sur-le-champ la circulation, en faisant reparaîire le numéraire, qui ne manquerait pas de sortir, lorsque l’on aurait la certitude que le papier forcé qui le tiènt renfermé serait éteint; et afin de parvenir plus promptement à ce but, et de liquider plus sûrement les assignats, on supprimerait l’intérêt de 3 0/0 qui y est attaché, du moment ou le décret serait rendu, et on emploierait cette somme à leur donner une prime de 2 0/0 une fois payée sur le numéraire effectif, lors de l’achat des biens nationaux, dont la vente serait encore accélérée par cet encouragement qui deviendrait un puissant attrait. Les ennemis de la Révolution n’espèrent que dans la banqueroute, qu’ils regardent possible par l’embarras où se trouvent les finances; non seulement ils seraient déjoués par cette disposition, mais on y attacherait même leur intérêt, parce que porteurs pour la plupart de délégations, et formant la majorité des créanciers de l’Etat, ils seraient vivement intéressés à ce que ces effets eussent leur valeur, ce qui ne pourrait être, si le clergé rentrait dans ses biens, en cas de contre-révolution. Un inconvénient que je trouve à mon projet, qui est le plus grave, et, pour ainsi dire, le seul, c’est le cas, et il sera fort rare, où un porteur de délégations n’aurait point un cinquième d’assignats forcés, et point de fonds pour en acheter, alors, il serait obligé de vendre une portion de ses délégations, pour avoir des assignats, ce que probablement il ferait sans perte, en ce qu’il y a bien, soit en France soit dans l’étranger, des capitalistes qui se disposent à acheter des biens-fonds pour 400 millions, et qui profiteront volontiers de ce moyen pour se procurer des délégations. Je me résume en disant que, si l’on paye les créanciers de la dette exigible avec un papier dont la circulation est forcée, je vois une opération dangereuse, attentatoire aux propriétés, les fortunes en proie à l’agiotage et bouleversées, la vente des terres lente, leur dépérissement certain, le crédit de l’Etat toujours chancelant, le commerce dans les angoisses, les manufactures anéanties, des milliers d’ouvriers sans travail, des émigrations nombreuses, le sol presque sans valeur, partout la misère et les larmes, et la banqueroute comme le seul remède à tant de maux. Si, au contraire, la liquidation de la dette exigible se fait avec des délégations, dont la circulation sera libre, et ne portant intérêt que pour une année, on fait une opération honnête, utile, nécessaire, équitable pour les créanciers, avan-tageuseà l’Etat : je vois les terres passer promptement, en bon ordre et sans perte, dans les mains de particuliers, qui deviendront attachés à la Révolution : je vois le Trésor public déchargé d'intérêts immenses, les finances recouvrer leur crédit; et aussitôt que la balance sera établie entre la recette et la dépense, rien n’inquiétera plus. Le commerce, débarrassé du papier forcé, protégé par un empire puissant et une bonne administration, deviendra fleurissant; les manufactures reprendront leur activité, la population s’accroîira, l’agriculture eu éprouvera les plus heureux effets ; enfin, les étrangers nous apportant leurs richesses; attirés par les avantages de notre Constitution, attesteront à l’univers entier que la France, devenue libre et parfaitement gouvernée, jouit du bonheur précieux d’avoir, par des lois sages, assuré pour jamais son triomphe et sa liberté 1 Ce vendredi 10 septembre 1790. P. S. Dans la séance de ce jour, il a été fait lecture à l’Assemblée nationale de plusieurs lettres et adresses, tant de MM. les députés extraordinaires des manufactures et du commerce de France que des différentes villes qu’ils représentent. Deux adresses de la ville de Lyon ont été lues en entier, et il a été annoncé que celles de Rouen, Sedan, Saint-Malo, Tours, Laval, Angers, Troyes, Valenciennes, Orléans, etc ..... , avaient été déposées au comité de commerce et d’agriculture. Les principes de ces différentes adresses se trouvant conformes à ceux ci-dessus développés, ainsi qu’au rapport et projet de décret présenté ce matin par le comité a1 aliénation des domaines nationaux, on peut maintenant espérer que l’Assemblée, suffisamment éclairée, ne décrétera point l’émission de 1,900,000,000 livres de nouveaux assignats-monnaie. Cette espérance est d’autant mieux fondée que les projets présentés pour l’acquit de la dette se multiplient, et qu’il n’en est pas un qui ne soit préférable à celui dont la France est menacée. Rendons grâce à nos législateurs qui, par leur décret qui ajourne la suite de la discussion au 17 courant, donnent le temps à l’opinion publique de se former, et aux départements l’avantage de pouvoir faire connaître leurs observations et leurs vœux. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE JESSÉ. Séance du samedi 11 septembre 1790, au matin (1). La 3éance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Buzot, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du 9 septembre au soir. M. Dinocheau, autre secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier. Ces procès-verbaux sont adoptés. On fait lecture d’une lettre de M. le maire de Paris, qui supplie l’Assemblée de vouloir bien statuer sur le projet qui lui a été présenté par son comité de mendicité, afin de fournir du travail aux ouvriers pendant l’hiver. M. le maire annonce qu’il va soumettre un mémoire, couronné par l’Académie, dans lequel on propose divers défrichements; savoir: de 1,200,000 arpents en Champagne, et 1,100,000 dans la lande de Mé-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.