[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1789.] les tutelles, soit par les inventaires, enfin par tous les actes d’une justice locale. M. le comte de Dortan représente qu’en abolissant les justices seigneuriales on donne une grande liberté aux gens de la campagne pour toutes sortes de dévastations, que les forêts étaient déjà dévastées, et qu’ainsi les procédures commencées pour fait de ces délits demeureraient suspendues, et qu’il n’y aura plus de frein à opposer à la licence. M. Lanjnïnais détruit cette assertion en disant que les procédures commencées ne seront pas suspendues, puisque les officiers des justices seigneuriales doivent encore continuer leurs fonctions. M. de Gustine. Votre intention a été, en supprimant les justices seigneuriales, d’améliorer le sort des peuples-, mais votre but ne sera pas rempli, tant que vous laisserez subsister les prévôtés. Je demande que l’article porte : « Que toutes les justices seigneuriales seront supprimées, sous quelque dénomination qu’elles soient. » M. de Turkeim, député de Strasbourg, demande une exception par rapport à l'Alsace, où des princes étrangers possèdent divers droits de féodalité en vertu des traités passés avec nos rois, et dont ils ne manqueront pas de réclamer l’exécution. Il fait le détail de ces droits, et demande qu’ils ne soient pas supprimés sans indemnité. M. Lemoine de Bielle-Isle réclame le remboursement des justices qui ont été données en engagement et par le Roi, et que l’Assemblée autorise les déclarations des députés qui sont gênés par leurs mandats. Un député de la noblesse dit qu’en supprimant les justices seigneuriales, on romprait le lien qui attache le seigneur avec les tenanciers ; que la noblesse ne pouvait mieux faire que d’offrir de faire rendre la justice gratuitement. M. Kesmeuniers propose d’accorder aux municipalités la police des campagnes, et aux notaires royaux la connaissance des tutelles et curatelles. M. PIson du Galland remarque qu’en voulant procurer l’avantage du peuple, l’Assemblée ne faisait que celui des officiers royaux, et il propose d’ajouter par amendement à l’article : « Jusqu’à ce qu’il ait été pourvu à leur remplacement. » Quelques autres membres parlent ensuite et touchent au fond de l’article. . M. le Président observe que la discussion ne doit porter que sur la rédaction. En faisant remarquer que l’article, tel qu’il a été rédigé par le comité, est à peu près le même que celui proposé par M. Pison du Galland, il dit qu'au changement ou amendement proposé, on pourrait substituer celui-ci : « Jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’Assemblée nationale à un nouvel ordre judiciaire. » Cet amendement est adopté. L’article est mis aux voix et presque unanimement décrété ainsi qu’il suit : « Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans indemnité, et néanmoins les officiers 365 de ces justices continueront leurs fonctions jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’Assemblée nationale à l’établissement d’un nouvel ordre judiciaire. » M. le duc d’ Aiguillon, au nom du comité des finances. Messieurs, le comité des finances s'est occupé, d’après vos ordres, d’examiner l’état actuel des finances du royaume. Il a pris l’aperçu du rapport entre la recette et la dépense, et'il m’a chargé de le placer sous vos yeux, pour vous mettre à portée déjuger de la nécessité de l’emprunt qui vous est proposé. M. d’Aiguillon détaille ensuifeles divers articles de dépense et de recette, et il en résulte que le total de la recette des mois d’août et septembre, ne se porte qu’à 37,200,000 livres, tandis que la dépense doit nécessairement se monter* à 60,000,000. 11 a ensuite proposé des réflexions et quelques changements que le comité a jugés nécessaires dans le préambule et les divers articles du projet présenté par M. Necker, et il lit un projet de décret qui modifie celui du ministre. Le rapport fait, M. le Président pose ainsi qu’il suit les questions qui doivent être l’objet de la délibération : 1° Votera-t-on un emprunt ? 2° Quelle en sera la qualité? 3° Quelle en sera la force? La première est mise d’abord a la discussion. M. le duc de Lévis parle le premier. Nous ne pouvons, dit-il, consentir d’emprunt avant la constitution. Ainsi l’ordonnent nos commettants, qui nous ont liés par nos mandats. Nous l’avons juré, et nous ne pouvons pas transiger avec nos mandats ni avec nos serments.Mais l’Etat est près de sa ruine, le laisserons-nous périr? Non, sans doute; nous avons des fortunes considérables; que nos biens servent de sûreté aux préteurs, et nous aurons ainsi concilié nos mandats et nos serments avec les moyens de sauver l’Etat. M. ISuzot. L’on ne peut transiger avec sa conscience, l’on n’élude pas la sainteté des serments.- voilà ce que j’ai entendu dire bien souvent ici , voilà ce que je répète aujourd’hui. Lorsque les ordres se sont réunis, plusieurs, pressés par le péril de l’Etat, se sont rendus dans cette salle; mais ils ont consulté le vœu de leurs commettants : ne puis-je pas invoquer aujourd’hui cette rigidité de principes que l’on nous imposait dans d’autres temps? Nous sommes entre le danger de forcer une banqueroute, et la crainte de violer nos pouvoirs ; il faut éviter l’un et l’autre malheur. J’observerai que la lecture que l’on nous a faite des détails donnés par le contrôleur général a été très rapide, et plus encore le projet d’emprunt; qu’il serait bon d’examiner individuellement ces differents états puisque nous devons délibérer individuellement. Je pourrais ajouter quele comité des finances ne peut rien examiner en notre nom ; que la puissance qui nous est déléguée, nous ne pouvons la déléguer ; que je suis venu ici pour discuter, pour vérifier les finances, et que je ne puis charger uu autre de l’acquit de ma conscience. Mais rentrons dans la question ; et d’abord je déclare que je lie peux consentir d’emprunt, tant que la constitution ne sera point faite, tant que la dette de l’Etat ne sera point discutée et vérifiée. On dit que l’Etat est en danger; certes la 366 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1789.] conscience qui voudra se trahir trouvera des motifs qui justifieront toujours assez les causes de sa conduite; mais moi, je ne cherche pas quelles sont autour de moi les circonstances et les révolutions; je ne sais pas vaincre rues principes ; je m’y attache et je les défends sans cesse. Mes cahiers, voilà ce que je consulte; ils sont, dira-t-on, des instructions ; mais mes pouvoirs sont des lois. Ils avaient raison, ceux qui, se rendant au désir et à la nécessité de la réunicm, ont dit qu’ils ne pouvaient rien ; et moi aussi j’ai raison quand je viens vous dire que je ne puis davantage. Je n’existe que par mes pouvoirs, je n’ai de force, d’existence que par mes pouvoirs, et l’on ne doit pas me blâmer de me servir dans ce mo-menldes mêmes armesque d’autres personnesplus sages, plus scrupuleuses surtout, ont employées dans un autre temps. Je ne puis voter d’emprunt, je le répète : arrêtez les bases de la constitution, vérifiez les dettes du roi, satisfaites l’impatience de tout une nation, et mon incapacité cessera. Pourquoi répéter ici les emprunts? Oubliez-vous que c’est la forme la plus onéreuse et la plus dangereuse qu’un gouvernement obéré puisse mettre en usage? Avez-vous oublié que le gouvernement n’a cessé d’emprunter? 60,000,000 aux notaires, 24,000,000 à la caisse d’escompte, 89,000,000 d’anticipations, 69 millions de retard dans les rentes ; en un mot, car je ne puis suivre tous ces emprunts accumulés, un total de 369,000,000 dont il est redevable, qu’il a empruntés de force ou de gré! Et cependant vous ne voulez pas vérifier la dette! Et que pourrai-je dire à mes commettants, lorsqu’ils me reprocheront d’avoir accumulé emprunt sur emprunt, lorsqu’ils me rappelleront que mon premier devoir était de vérifier la dette ? Je serai coupable, et rien ne pourra affaiblir le reproche que j’aurai mérité. La constitution n’est pas faite, et c’est encore ce qui semble augmenter mon incapacité. Elle sera faite, vous a-t-on dit. Elle sera faite ! Mais elle ne l'est donc pas, mais vous violerez donc vos serments, si vous constatez un emprunt avant la constitution ? Elle sera faite ! rien ne peut donc s’y opposer. Heureux ceux dont les craintes et les alarmes ne troublent pas la sécurité ; mais j’en ai ; je ne veux rien perdre de ma part pour faire la constitution. M. Necker est contrôleur général ; puisse-t-il l’être longtemps ! Mais, huit jours avant sa disgrâce, qui aurait pu prévoir sa chute, surtout au milieu des transports de la nation, lorsqu’elle se félicitait de l’avoir pour toujours ? Et qui ne connaît les orages de la cour et ses révolutions? Qui ne sait qu’à la cour on a toujours promis au peuple de ne pas le tromper, et qu’on t’a trompé sans cesse? Qui ne sait qu’ou lui a promis de respecter la propriété, la liberté, et que l’on a toujours violé l’une et l’autre ? Je vous demanderai encore : que pourra faire votre emprunl de 30,060,000, lorsque les rentes en retard excèdent plus de 30,000,000? Ne voyez-vous pas que l’on cherche à connaître vos dispositions? On vous présente un emprunt de 30,000,000 aujourd'hui, demain on vous en présentera un de 60. C’est ainsi que l’on abuse de votre facilité et de votre bonté. Sera-t-elle donc éternelle, comme le repentir qui nous force de la rejeter ? Vous dites que la constitution se fera ; mais vous n’en avez pas encore posé les premières bases. Est-ce la féodalité supprimée? Mais elle ne l’est pas puisqu’elle est subordonnée à ce règlement que vous devez faire pour le rachat. Est-ce la liberté de la chasse? Mais que signifie ce règlement que vous devez donner, et qui peut-être rendra impossible la puissance de vos bienfaits ? Sont-celes capitaineries détruites? Mais vous vous êtes arrogé le droit de les rétablir, sous le prétexte spécieux qu’il fallait veiller aux plaisirs du roi. Non, vous n’avez pas encore fait le premier article de la constitution. Et comment peut-on le rédiger dans une assemblée aussi orageuse, aussi versatile, qui, le matin, détruit ce quelle a fait la veille, et qui remet sans cesse aux opinions ce qu’elle a arrêté? Voulez-vous que je vole votre emprunt ? Vérifiez la dette de l’Etat; faites l’examen, non pas comme le comité des finances s’est donné la peine de le faire, faites l’examen des états que l’on vous a donnés ; consultez, interrogez et vérifiez ; faites surtout que le décret de l’emprunt , soit accompagné de tous les décrets passés dans la nuit du 4, et je vote l’emprunt ; mais rappelez-vous que telle est ma mission, que telle est la vôtre, et que ni vous ni moi n’en avons d’autre. Ce sont les sentiments que je témoigne au nom de tout mon bailliage. M. le comte d’Antraigues. Pouvez-vous autoriser l’emprunt, et les conditions de l’emprunt sont-elles admissibles ? Telle est la question que vous avez à agiter en ce moment. Vous représentez le peuple, et vous exercez sa toute-puissance; dès que vous excédez sa volonté, vous ne pouvez rien, vous n’êtes plus rien. Il veut une constitution ; mais il veut subsister encore après cette constitution; il serait inutile de la faire pour un peuple qui n’existerait plus. Aussi faut-il, pour consentir cet emprunt, que la nécessité en soit prouvée. Quelles funestes ressources que celles qui ne présentent d’autre subsistance à dévorer que celle de l’avenir ! Il faut au préalable que toutes les autres ressources aient été épuisées, que toutes les économies les plus sévères aient été mises en usage. Personne n’a plus de confiance que moi dans le comité des finances : je lui confierais ma fortune, parce que ma fortune est à moi ; mais je ne puis lui confier le soin de prononcer sur celle des autres : ils m’en ont remis la défense : c’est à moi de remplir ma mission. C’est une nécessité pour tous de vérifier l’emprunt ; c’est une nécessité pour tous d’examiner s’il n’y a pas des moyens d’économie qui pourraient l’écarter. Je le répète, c’est la plus désastreuse de toutes les ressources ; elle ruine l’Etat même dans les siècles à venir, elle écrase la génération présente, et prépare des malheurs à celles qui lui succéderont. Un emprunt nécessite un impôt. En votant un emprunt, c’est établir un impôt, c’est ajouter encore à la masse effrayante qui écrase Je peuple. Qui peut nous assurer que les moyens d’économie sont épuisés ? L’opulence de la cour, le faste insultant qu’elle affecte, en sont-ce là les garants? Est-ce là ce que doit être le cortège d’un prince bienfaisant, qui règne sur un peuple de malheureux ? Ce n’est donc pas ici qu’il faut chercher des emprunts ; ce sont les économies les plus sévères, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1789.] 3G7 [Assemblée nationale.] les plus grandes; et c’est là ce qui peut sauver l’Etat, l’autre ne prépare que sa chute. M. le comte de Lally-Tollendal. J’ai été le premier hier à modérer l’enthousiasme patriotique qui vous entraînait. Mes intentions étaient pures, et cependant j’avais besoin que votre verlu les justifiât ; j’aurais eu trop de remords si j’avais couru le risque de compromettre votre décision en vous proposant de la différer. Mais ne doutant pas qu’elle ne fût la même aujourd’hui qu’elle allait être hier, je n’ai pas voulu qu’on pût la faire regarder comme l’effet d’une surprise, d'une émotion passagère; et puisque parmi les systèmes que chaque jour voit éclore, il en est qui souffrent avec peine la sensibilité dans un homme public et qui ne trouvent pas tout simple qu’un bon citoyen soit affligé des maux de sa patrie, j’ai désiré que votre sensibilité, éclairée par la discussion, augmentée plutôt qu’affaiblie par un examen détaillé, ne pût être traitée ni d’erreur, ni de faiblesse. Mon objet a été rempli, et ma confiance n’a point été trompée. Votre comité des finances vient de vous faire un rapport aussi décisif que son examen a été scrupuleux. Plus instruits aujourd’hui, vous n’en êtes que plus vivement émus des malheurs publics, que plus impatients de remédier à ceux qui existent et de prévenir ceux qui menacent. Et cependant des contradictions s’élèvent encore ! Messieurs, l’emprunt est nécessaire, il est indispensable. Je ne me lasserai point de vous présenter l’honneur du nom français, la sainteté de vos promesses, l’inviolabilité de la foi publique, le péril de la trahir, la position de la capitale, la subsistance des citoyens, le prêt des troupes, le salut de l’empire, en un mot, tout ce que j’ai eu l’honneur de vous présenter hier, tout ce que l’on a si étrangement appelé de belles choses ( 1). et ce que j’appelle, moi, sévèrement, de grands Desoins, de grands dangers et de grands devoirs. L’Assemblée nationale, vous a-t-on dit, ne doit pas compromettre son crédit. Je demande à qui importera le crédit de l’Assemblée nationale, si la chose publique périt, parce qu’elle n’aura pas voulu le compromettre? Je demande quel sera le crédit de l’Assemblée nationale, le jour où les payements seront suspendus, faute d’un emprunt que l’Assemblée nationale n’aura pas voulu consentir? Je demande si l’Assemblée nationale peut hésiter entre un consentement même stérile, qui prouvera du moins qu’elle aura fait tout ce qu’elle pouvait, et un refus qui, justement ou injustement, la fera paraître responsable de tous les malheurs qui arriveront ? Veut-on que tous les habitants de la capitale, recueillant, pour prix de leurs généreux efforts en faveur de la liberté, la misère et la faim, viennent nous demander compte de leur fortune et de leur subsistance, et croit-on que nous les apaiserons en leur disant que nous avons voulu ménager notre crédit ? Songe-t-on enfin que si l’emprunt est refusé, dans huit jours nos villes peuvent être sans sûreté, nos frontières sans défense, et que nous pouvons détruire en une heure l’ouvrage de quatorze siècles ? On nous a dit que 30 millions ne suffiraient pas pour faire face à tous les besoins. A-t-on prétendu par là nous instruire ou nous réfuter? Certes, nous savons que 30 millions ne payeront pas la dette publique, et nous n’avons pas dit qu’ils la payeraient. Mais quand on vous a exposé, Messieurs, que 30 millions suffiraient pendant deux mois aux besoins pressants, et que, ce temps écoulé, l’Assemblée nationale aurait vraisemblablement établi un ordre de choses qui ferait face à l’universalité des dépenses, on vous a dit une chose très-simple à énoncer, très-facile à comprendre, et il semble qu’elle n’était pas susceptible de l’objection qu’on lui oppose. On nous a parlé d’inviter le Roi àdes réformes ; sans doute il en est encore de grandes qu’il doit et qu’il veut faire; mais songez, Messieurs, que celles qu’il a déjà faites l’année dernière, et qui sont considérables, commencent à peine à être sensibles cette année ; et voyez ce que produiraient pour le moment celles qu’il pourrait faire aujourd’hui. On vous a proposé d’autres moyens ; mais quels retards, quelle incertitude ne naîtront pas de ces moyens compliqués , inconnus, incertains ! On vous parle (les assemblées provinciales , elles n’existent pas encore ; d’inviter les peuples ; comment vous répondront-ils ? de vous adresser à vos commettants ; croyez-vous avoir leur autorisation avant deux mois ? d’otfrir votre crédit personnel, individuel ; pensez-vous que ce garant suffise à la confiance? on croira sans doute à vos intentions ; on admirera votre dévouement ; mais ne doutera-t-ou pas de vos moyens ? Dans cet instant où toutes les fortunes paraissent ébranlées, où tous les possesseurs sont inquiétés, quel autre crédit peut exister que celui de la nation? C’est pour le moment, Messieurs, c’est pour la minute, c’est aujourd’hui plutôt que demain, ce matin plutôt que ce soir, qu’il faut pourvoir au besoin et au danger. Ce sont des moyens prompts qu’il faut, des moyens simples, connus, routiniers même, jusqu’à ce que vous ayez frayé de nouveaux chemins et fixé un nouveau but. C’est un emprunt qu’il faut ouvrir, et un emprunt national. J’ai traité hier la question des mandats, et l’on a attaqué mon principe sans atteindre mon argument. Je ne me répéterai point.’J’ai prouvé, je crois, mon respect religieux pour les serments, et je le prouverai encore ; mais j’admire que ceux qui invoquent aujourd'hui, sans les produire, de prétendus mandats impératifs, soient les mêmes qui ont soutenu qu’il ne pouvait exister dans l’Assemblée de suffrages asservis ; les mêmes qui ont établi en principe fondamental, que tous les membres libres suflisaient pour constituer entre eux une délibération valide. Je n’aurais pas de moi-même invoqué cet argument ; mais il doit être permis de les combattre avec leurs armes. Si les membres qui étaient absents de l’Assemblée ne l’ont pas empêchée d’être complète, comment ceux qui y seraient muets aujourd’hui en entraîneraient-ils. la dissolution ? Quiconque ne se croit pas libre n’opinera point. Quiconque se croit libre entend le cri de la patrie. Je crois l’être, je le suis, j’appelle tous ceux qui le sont, et je leur demande de voler avec moi au secours de la patrie. M. Barnave. Ceux qui jusqu’ici ont élevé la voix par leur éloquence et leurs vertus ont dû vous exciter à l’enthousiasme ; mais ce sentiment d’exagération ne convient pas à l’Assemblée ; l’enthousiasme pourrait lui faire perdre l’estime de la nation. (1) Expression de M. de Mirabeau. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1789.] 308 [Assemblée nationale.] Il est temps sans doute de venir au secours de l’Etat ; il est dangereux de ne pas le faire ; mais, il faut le dire, il est plus dangereux encore de nous compromettre vis-à-vis de nos commettants ; c’est opérer la ruine de l’Etat. Les emprunts n’ont été jusqu’ici employés que pour en hâter la chute, et nous devons craindre de réduire les finances dans un état de choses où toutes les forces de la France ne pourraient l’en tirer. Il ne faut pas juger des choses comme on les voit dans la capitale. L’intérêt, l’esprit de commerce influent sur les idées et sur les opinions ; il faut aussi voir les choses telles qu’elles sont dans les provinces. Si la capitale mérite nos. regards, nous ne devons pas les concentrer sur la métropole seule ; nous lui devons nos soins, et nous les devons aussi aux provinces. 11 est une vérité de fait : c’est que la masse des impôts ne peut être augmentée ; le peuple les rejette ; le peuple ne veut plus les payer ; et cependant comment pouvez-vous vous flatter qu’en les multipliant encore et en les augmentant iis seront mieux payés? L’on vous a parlé de réformes. Eh ! qui ne sait qu’elles ont été faites sous un ministère qui se faisait un jeu détromper les hommes? Qui ne sait qu’elles n’ont produit aucun soulagement? Pour assurer la confiance des préteurs, sans laquelle ces offres sont illusoires, et celle des commettants, sans lesquels vous n’êtes rien, il faut assurer un gage qui indique que l’emprunt sera indépendant de tout impôt. M. de "Vrigny fait soumission de prêter 40,000 livres sans intérêts. M. le comte de Mirabeau. Messieurs, en chargeant le comité des finances de nous porter lin préavis sur la demande que nous font les ministres d’autoriser le Roi à un emprunt de 30 millions, vous avez voulu laisser à chacun des membres de cette Assemblée le temps de la réflexion ; car nul travail actuel sur l’état des finances ne pourrait servir à diriger notre détermination. Il n’entre dans l’esprit de personne que le Trésor puisse se passer de secours, et ce n’est pas un emprunt de 30 millions qui empirera le rapport de nos finances avec les ressources nationales. Nous devons nous diriger par de plus hautes considérations. 11 faut sans doute pourvoir au courant. Telle est même la nature des malheurs qui multiplient nos embarras, que nous courrions le risque de les aggraver, si une rigidité de principes que rien ne tempérerait nous laissait indifférents pour des besoins ou des égards dont il est impossible de se dissimuler l’importance. Mais n’est-il aucun moyen de conserver cette rigidité, et de répondre cependant à l’attente du ministère? Si ce moyen existe, le patriotisme, la saine politique, et, s’il faut parler clairement, les ménagements infinis avec lesquels nous devons user de la confiance de nos commettants, ne nous font-ils pas la loi de nous servir de ce moyen ? Avant de vous le proposer, qu’il me soit permis, Messieurs, d’exprimer une réflexion que m’arrache le sentiment de la grandeur de nos devoirs. Elfe ne peut plus exister dans l’ordre nouveau qui va régir l’empire, cette prompte obéissance que notre sensibilité savait transformer en témoignage d’amour pour la personne du monarque ue nous représentaient ses ministres. Aucun ’pux ne doit désormais rien attendre que des volontés libres delà nation, et un examen réfléch peut seul leur imprimer ce caractère. En nous tenant en garde contre les résolutions précipitées, nous éloignerons de l'esprit des ministres toute tentative qui ne s’adresserait pas uniquement à notre raison ; et dès lors rien n’en Viendra troubler le libre exercice. Surpris hier par une demande à laquelle nous n’étions pas préparés, je hasardai mon opinion plus que je ne la donnai; et me représentant la pluralité des instructions de nos commettants, et les circonstances où se trouve l’Assemblée, il me parut que les premières nous empêchaient d’accorder l'emprunt sous les formes ordinaires, et que les secondes nous interdisaient l’essai d’un crédit que nous ne devons jamais compromettre. Je proposerai donc d’avoir recours à nos commettants, en leur indiquant une forme qui ne compromet point les motifs généreux qu’ils ont de n’accorder les secours pécuniaires qu’après avoir irrévocablement fixé les bases de la constitution. On a craint trop de lenteur dans cette manière de pourvoir à des besoins très urgents; cependant je crois impossible d’échapper à ce dilemme; Ou nous avons la certitude morale que nos commettants nous autoriseraient à faire les emprunts que ces besoins exigent, et alors la résolution de demander cette autorisation suffit déjà au ministre des finances pour trouver dans ses propres ressources les moyens d’attendre cette autorisation; ou nous devons la regarder comme tr�g-douteuse, et alors nous prononçons nous-mêmes l’impossibilité d’accorder l’autorisation qui nous est demandée. Dira-t-on qu’en supposant possible le refus de l’autorisation, si nous la demandons, nous n’avons pas à craindre le désaveu du consentement que nous donnerons pour la nation à l’emprunt, sans la consulter, parce qu’au défaut des égards auxquels nous avons droit de prétendre, les circonstances impérieuses, que nos commettants n’ont pas pu prévoir, justifieraient assez notre conduite, et d’autant mieux qu’un emprunt de 30 millions est trop peu considérable pour diminuer la force des choses qui rend à la nation sa liberté, ou pour aggraver le poids de la dette? J’admettrai cette réponse, Messieurs. Eh bien, qu’en résultera-t-il ? Que nous n’osons pas nous fier à la certitude de l’autorisation que la rigueur de‘, notre devoir nous oblige à demander à;nos commettants en toute état de cause, et que nous nous prévalons, pour autoriser l’emprunt, d’un consentement que, par décence, la nation ne pourra pas refuser une fois que nous l’aurons donné. Mais puisque nous présentons ce résultat de notre position, ne vaudrait-il pas mieux respecter scrupuleusement la sage politique de nos commettants, et faire servir dans cette circonstance notre propre responsabilité, comme médiatrice entre l’inflexibilité avec laquelle la nation doit se maintenir dans la position qu’elle a prise relativement à l’impôt, et la nécessité de pourvoir à des besoins qu’il serait trop dangereux de négliger ? Songez, Messieurs, à l’état actuel des esprits. Une défiance excessive et sourde à tous les raisonnements est toujours prête à dicter les résolutions les plus étranges : faut-il nous exposer à lui donner contre nous l’ombre d’un prétexte ? Ceux qui nous ont menacés de Paris, nous demandant compte d’avoir refusé l’emprunt, croient-ils que les provinces aient renoncé au droit de nous dire ; Pourquoi l'avez-vous accordé ? [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Pour moi, je frémis de ce danger, et ne pensant pas qu’il puisse jamais nous convenir de résister à une défiance, même injuste, je crois que nous devons nous résoudre à tous les sacrifices personnels qui seront en notre pouvoir, plutôt que de nous écarter de la lettre de nos mandats sur l’objet des subsides. Je n’hésite donc pas à vous proposer que l’emprunt de 30 millions, actuellement nécessaire au gouvernement, soit fait sur l’engagement des membres de cette Assemblée, chacun pour la somme dont ses facultés permettront de se rendre responsable envers les prêteurs , somme dont nous ferons incessamment la souscription entre les mains de notre président, pour être remise à Sa Majesté, et servir de caution à l’emprunt de 30 millions, dont ses ministres demandent l’autorisation à l’Assemblée. J’ai déjà indiqué un puissant motif pour nous déterminer à cette résolution patriotique. Elle nous laisse toute la confiance de nos commettants, puisque nous restons fidèles aux intentions consignées dans leurs mandats sur les secours pécuniaires, et que nous ne les obligeons point à s’en rapporter à nous sur le jugement des circonstances qui rendent cet emprunt nécessaire ; en sorte qu’ils ne peuvent pas redouter de favoriser aucune politique ténébreuse qui consisterait à gagner du temps par des incidents; car, n’engageant pas la nation, nos propres hypothèques ne pourraient pas se répéter deux fois de suite avec succès. Mais cette résolution a d’autres avantages : elle est patriotique; et, sous ce point de vue, nous donnons l’exemple le plus propre à ramener tous les sujets de l’empire à la subordination volontaire qui caractérise l’homme libre, le vrai citoyen. Nous mettons le sceau à notre arrêté du 4 de ce mois, dont la précipitation semble nous accuser du besoin d’émotions vives pour nous résoudre à des sacrifices généreux, tandis qu’on doit également les attendre de nos plus mûres délibérations. Elle nous revêt de toute la force morale dont nous avons besoin pour rétablir et conserver la perception des impôts et la soumission aux lois et aux usages, jusqu’à ce que les changements annoncés soient mis en état de prendre leur place. Devenant nous-mêmes dans nos propres personnes la caution d’un emprunt destiné aux besoins de l’Etat, nous avertissons avec énergie tout intérêt sordide de s’éloigner enfin d’opérations qui sont le triste fruit de nos malheurs ; nous appelons de plus en plus l’esprit public, si nécessaire au rétablissement de la sûreté générale et individuelle ; nous montrons noire confiance dans les ressources nationales pour maintenir la foi publique, tandis que nos ennemis n’avaient que l’exécrable ressource de la violer; nous annonçons que, mettant tout notre espoir dans les bons exemples, une inflexible rigueur doit poursuivre les mauvais. Enfin, le Roi lui-même prendra dans notre dévouement toute la force dont il peut avoir besoin pour résister non à ses goûts, puisque nul monarque ne fut plus disposé à la simplicité qui appartient à la vraie grandeur, mais aux artisans de ce faste déprédateur qui multiplie autour du trône tant d’êtres inutiles. Vous n’hésiterez donc pas, Messieurs, à prendre le noble parti que je vous propose ; et si vous (1) Expression de M. de Mirabeau. lre Série, T. VIII. [8 août 1789.1 339 éprouvez à cet égard quelque doute, il viendra de la crainte de n’être généreux qu’en apparence, tant il y a lieu de croire que la nation se hâtera de vous relever de vos engagements. N’importe, Messieurs, vous aurez toujours aux yeux de cette nation généreuse, aux yeux de l’Europe attentive, un grand mérite, celui de la fidélité la plus exacte aux mandats dont vous êtes les dépositaires, et dans un point sur lequel la nation fait reposer la certitude de la restauration de l’empire. Cette proposition est reçue avec beaucoup de faveur; elle paraît réunir toutes les opinions de l’Assemblée, et suspend un moment les débats, mais ils recommencent bientôt. M. le marquis de Lacoste (1). Messieurs, j’ai à soumettre à l’Assemblée un objet de délibération qu’elle trouvera sûrement de la plus haute importance. Nul de nous ne peut se dissimuler l’état inquiétant du royaume : une grande révolution s’y est opérée, mais elle est accompagnée de convulsions qui mettent notre patrie en danger. Les peuples, las d’un joug insupportable que les divers pouvoirs avaient appesenti sur eux, se sont ébranlés de toutes parts, et il ne leur a fallu que le sentiment de leurs forces, pour qu’à l’instant leurs fers fussent brisés ; vous avez, Messieurs, par l’arrêté déjà célèbre que vous avez pris mardi dernier, rendu à la nation française toute la majesté que son nom lui promettait depuis longtemps. Ce bienfait lui sera assuré par une sage constitution, et rien n’arrêtera plus sa marche vers les plus hautes destinées. Elle a cependant encore un grand obstacle à surmonter. La foi publique est chargée d’une dette immense, et le peuple, accablé d’impôts, désigne ouvertement ceux qui lui sont devenus intolérables. Il faut, Messieurs, satisfaire et le peuple et les créanciers de l’Etat. Sans doute il n’est point d’amélioration que vous ne projetiez dans les perceptions ; sans doute il n’est point de réforme d’abus pécuniaires que vous n’ordonniez avec sévérité. Mais, Messieurs, ces moyens seront insuffisants pour atteindre l’un et l’autre but que vous proposez. Déjà dans cette Assemblée, une grande vérité s’est fait entendre : les biens ecclésiastiques appartiennent à la nation : le moment est venu pour elle de les revendiquer, parce que le moment est venu où cette nation rentre dans la plénitude de ses droits. Le clergé a été doté primitivement des biens destinés au service du culte divin. Le culte divin a pour ministres essentiels les évêques et les curés. L’ordre public veut que les uns et les autres soient payés par l’Etat. Il exige de plus que la fortune des curés soit sensiblement accrue. La prospérité nationale nous commande l’annihilation de la dîme ecclésiastique, et il n’échappera sûrement, Messieurs, à aucun de vous que cette disposition donnera à l’impôt sur les terres des facilités inappréciables. Un grand nombre de motifs se joignent à ce que j’ai eu l’honneur de vous soumettre, mais vous y suppléerez si aisément, que je me contenterai de vous offrir une esquisse d’arrêté sur cef important objet de délibération. Si vous considérez que ces diverses dispositions doivent être l’ouvrage d’une mûre réflexion, du moins il pourra vous paraître du plus grand (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. le marquis de Lacoste. 24 370 [Assemltîée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1789.] intérêt pour le crédit public, de sanctionner immédiatement le premier article. Et c’est ici, Messieurs, que vous apercevrez la liaison naturelle de ma proposition, avec les circonstances actuelles et les demandes du gouvernement. « L’Assemblée nationale déclare : 1° que tous les biens dits ecclésiastiques, de quelque nature qu’ils soient appartiennent, à la nation ; «2° Qu’à dater de l’année 1790, toutes dîmes ecclésiastiques seront et demeureront supprimées ; «3° Tous les titulaires quelconques garderont pendant leur vie un revenu égal au produit actuel de leurs bénéfices, et cette somme leur sera payée par les Assemblées provinciales, en observant de plus, que la dotation des curés doit être * sensiblement augmentée ; «4° Les Assemblées provinciales régleront pour l’avenir le taux des honoraires des évêques, qui sont, avec les curés, les seuls ministres essentiels du culte divin. Elles fixeront également les fonds destinés au service des cathédrales et aux retraites des anciens pasteurs ; « 5° Elles pourvoiront aussi à pensionner d’une manière équitable les personnes de l’un et l’autre sexe, engagées dans les ordres monastiques, lesquels ordres seront supprimés. » M. le chevalier Alexandre de Lameth. J’appuie cette motion. Il y a une grande différence entre les propriétés des citoyens et celles des cotps. Lorsqu’on a fait une fondation, c’est la nation qu’on a dotée, car la nation se trouve toujours entre l’individu qui donne et le corps politique qui reçoit. Personne ne refusera sans doute à la nation le droit qu’elle a exercé jusqu’à ce jour de supprimer de son sein les corps politiques qu'elle juge inuliles, et de tourner leurs biens à l’usage le [dus utile de la société. (Plusieurs membres du clergé murmurent et interrompent.) Chaque citoyen a des droits sacrés qui existent indépendamment de la société ; mais les corps politiques n’existent quepour la société, et n’existent que par elle ; ce n’est pas àeux que l’on donne, c’est à la société, et c’est pour sa prospérité. Personne ne refusera sans doute à la nation le droit de supprimer les corps politiques ; à plus forte raison de les modifier ; à plus forte raison peut-elle appliquer ses biens à l’utilité générale ; à plus forte raison peut-elle disposer d’une partie de ses biens. Dans ce moment où le régime féodal a été anéanti, il serait offensant de croire qu’une partie du haut clergé pût apporter des obstacles à une délibération aussi instante. Ils savent que les prêtres ne sont que des magistrats spirituels, qui n’ont pas plus de droits que le magistrat de la loi, et que celui qui défend la patrie. Je demande donc qu’on donne aux créanciers de l’Etat les biens ecclésiastiques pour gage de leurs créances. Les murmures violents du clergé couvrent les dernières paroles de l’orateur. M. de Lubersac, évêque de Chartres . Je réfuterai en quatre mots ce système. M. l’abbé de Montesquiou. L’intérêt du clergé demande qu’il écoute patiemment cette discussion. Je remarque que l’esprit de justice dirige et anime l’Assemblée. M. d’André remarque qu’il serait d’abord nécessaire de prouver que les biens de l’église appartiennent à la nation, avant d’établir qu’ils doivent servir d’hypothèque à l’emprunt. M. le vicomte de Mirabeau (1), député de la noblesse du Haut -Limousin, fait la motion suivante : Il n’est pas un de nous, Messieurs, qui n’ait senti, en voyant les ministres du Roi venir solliciter la sanction de l’Assemblée nationale pour un emprunt de trente millions, que ce secours était purement momentané, et, comme l’a dit un des préopinants, insuffisant. Le ministre des finances vous a présenté un aperçu raisonné des maux qui menacent fa patrie : il vous a dit que les moyens de perception étaient presque nuis, et conséquemment la cessation des payements très-prochaine, si l’on ne venait promptement au secours de la chose publique. Quant au premier objet, je suis bien convaincu qu’il faut s'occuper des moyens d’y remédier. Mais tout le monde sait que, lorsque les ressorts d’une machine aussi compliquée sont une fois détraqués, il faut infiniment de temps et de soins pour fa remettre en activité. Mais nous avons des ressources à offrir relativement au second objet ; et il est de notre dignité de les présenter à l’instant même. Je crois qu’il sera démontré qu’en diminuant le nombre des objets à payer, on diminuera d’autant les embarras du ministère, on assurera davantage l’hypothèque des prêteurs ; et c’est sur ce point que je crois devoir soumettre mes idées aux lumières de cette auguste Assemblée. Je n’ai pu refuser un tribut légitime d’admiration à la force d’âme de l’honorable membre (2) qui le premier a donné l’idée et l’exemple du sacrifice des intérêts de ses commettants et des siens, à l’aperçu du bien général dont il a cru voir le germe dans la disposition de l’arrêté qu'il a proposé. Je suis si profondément pénétré de ce même sentiment d’admiration, que je ne doute point que l’auteur de la motion, et ceux qui l’ont appuyée, n’attendent une occasion favorable, pour faire l’abnégation glorieuse de quelques jouissances plus personnelles et plus directement utiles aux besoins urgents de l’Etat : je crois devoir leur rappeler que la voici, cette occasion, et je mets autant d’empressement à la leur offrir, que je suis convaincu qu’ils en mettront à la saisir. Je crois qu’il est nécessaire d’établir, d’abord qu’il est de devoir pour moi d’insister sur cet objet important, et que j’ai un titre pour faire accueillir ma proposition. Je me contenterai, pour le premier objet, de lire un aclicle du cahier qui renferme les vœux de mes commettants, et par conséquent l’énoncé de mes devoirs. L’article 12 du chapitre 6 dit que, « parmi les moyens d’économie nécessaires à placer à côté des projets de dépense ou d’augmentation, les Etats généraux prendront en considération l’abus de l’énorme quantité de grâces et de charges accumulées sur une même tête, qui ne pourraient être bien remplies, si elles étaient actives, et qui ne font qu’augmenter la dépense, si elles ne le sont pas. » Quant à mon titre, le voici : je fais sur le bu-(1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du discours de M. le vicomte de Mirabeau. (2) M. le vicomte de Noailles.