[Assemblée nationale, 1 AfiGHiY�S PA IlLEMEPfT AIRES. [16 août 1790.1 108 « Pour les soldats embarqués, d'un officier de troupe ou, à son défaut, d'un officier de l'état-major, trois sous-officiers, et, à leur défaut, trois officiers-mariniers et trois soldats. « Pour les ouvriers et autres employés des ports et arsenaux, le jury sera composé d'un officier militaire ou d'administration, de trois chefs d'atelier, et de trois ouvriers du rang de l'accusé. » M. de Champagny, rapporteur, lit l'article 6. M. Ijanjnfnais propose un changement dans la rédaction, qui est accepté par le rapporteur, et l'article est décrété en ces termes : « Art 6. Le conseil de justice sera composé des officiers de l'état-major, s'ils sont au nombre de cinq ; et s'ils sont en moindre nombre, les premiers maîtres du vaisseau y seront appelés, en commençant parle maître d'équipage, le premier pilote et le maître canonnier. Le conseil sera présidé par l'officier le premier en grade après le commandant de vaisseau-, le lieutenant en pied fera les fonctions de rapporteur, et le commis aux revues celles de greffier du conseil. S'il y a un commissaire d'escadre à bord du vaisseau où se tiendra le conseil de justice, il pourra y assister. » M. Dupont (de Nemours), président, e ntre dans la salle et prend le fauteuil. M. de Champagny, rapporteur, lit l'article 7. M. Paul Wairae. Il me semble que les mots autres personnes de l'équipage que je trouve dans l'article 7 sont tout à fait impropres et qu'il vaudrait beaucoup mieux dire autres personnes embarquées sur le vaisseau. Cette modification est adoptée, et l’article est décrété comme ci-dessous : « Art. 7. Lorsqu'un officier marinier, sous-« officier, matelot, soldat ou autres personnes « embarquées sur le vaisseau, non compris dans « l’état-major, seront prévenus d'un délit dont la « punition ne peut être prononcée que par le « conseil de justice, l'officier du quart ou de garde « en dressera la plainte par écrit, s'il n'y a point (i d’autre partie plaignante, et la présentera au « commandant du vaisseau, » M. de Champagny, rapporteur. Je vais relire ensemble les articles 8, 9 et 10, parce qu'ils ont entre eux des rapports étroits. Ils sont ainsi conçus : « Art. 8. La requêteen plainte, ayant été répon-« due d'un soit fait ainsi qu'il est requis, sera « remise à l’officier chargé du détail, qui procé-« dera à l'information, audition de témoins et « interrogatoire de l'accusé. « Art. 9. Le procès étant en état, l'officier chargé « du détail en rendra compte au commandant, « qui ordonnera, sans délai, la formation d'un « jury. « Art. 10. Le jury indiqué par le capitaine sur « le rôle du quart dont ne sera pas l'accusé, sera « présenté à celui-ci en nombre double de chaque u grade, dont il lui sera loisible de récuser la s moitié. La récusation exercée ou reuoncée par « l’accusé, le jury sera réduit au nombre defsept, « et assemblé sur-le-cbaimp pour prendre conuais-« sauce de l'état du procès, en entendre le rap-* port» lu lecture des informations et de l'interror « gatoire de l’accusé, qui sera répété en préiençe « du jury, s'il est jugé utile. » Plusieurs membres denqandent la parole sur ces trois articles, M. Dewbeii. Je demande la conservation du conseil militaire. M. Gaultier de Biauzat Je ne saurais approuver la disposition qui concède à un seul la faculté de faire l’information. Je crois qu'un seul homme ne peut pas assez bien constater la vérité, et qu’il est nécessaire de lui donner des adjoints dont l'admission n'entraîne aucun inconvénient, tandis qu'il y eu a beaucoup à ne pas les admettre, M. Duport. Je crois qu'en procédure de juré il est impossible d'admettre des adjoints, parce que si l’on juge sur des témoignages écrits, ou secundum allegata et probata, pour employer les expressions de la loi, institution que vous ave* sagement abolie, il est nécessaire de substituer la preuve morale à la preuve écrite. Il est de l'essence des jurés d'entendre les dépqsitions de vive-voix. Dès lors, les adjoints ne sont plus nécessaires. Il faut donc dire, dans l'article, que les témoins seront entendus de vive-voix et coufrop-i tés avec l'accusé. M. Canjuïnais. J’appuie l’amendement de M. Duport'qui est conforme à la justice et aux principes. M. l’abbé llaury. En entrant daps la Balle, je viens avec peine d'entendre prononcer le met de jury militaire. Divers membres : Vous arrivez trop tard : c’est décrété, M. l’pbbé ünury. Je crains beaucgup qu'op ait décrété sur cette délicate matière, sans un examen suffisant* Voix à gauche : À l’ordre ! à l'ordre ! M. Bonttevîlle-Dnmetz. Je propose un article additionnel au règlement par lequel il sera interdit d’opiner dans l’Assemblée tant que M. l’abbé Maury ne sera pas présent. Voix à droite : A l’ordre 1 à l’ordre! M. l’abbé Ifanry.La plaisanterie par laquelle j’ai été interrompu retombe sur son auteur et non sur celui auquel elle était adressée; elle ne mérite pi mon attention ni un rappel h l’ordre, Je laisse donc de côté la question du jury mili»- taire puisqu'il y a chose décrétée, mais je soUi« cite l’attention de l’Assemblée sur deux faits importants : 1° on a dit qu’en Angleterre, le juger ment par jury a lieu, tandis que ce n’est que le jugement par les pairs; 2° on argumente toujours comme si le jury était juge, tandis qu’eu Angl0T terre il ne l’est pas. Je suis persuadé qu'il y a dans cette Assemblée plusieurs membres très éclairés qui ont étudié l’établissement des jurés; aussi p’est-ce pas par respect pour vos décrets, mais par respect pour ces membres très éclairés que j’en parlerai, cap vos décrets supposent l’ignorance la pins profonde des jurés, Je rends ce témoignage d’après un jurisconsulte anglais très célèbre, qu’op a fait venir pour le consulter et qui a dit qu’il était arrivé trop tard et qu’on avait rendu un décret absurde. 404 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 août 1790.] M. l’abbé Gouttes. L’improbation d’un jurisconsulte anglais nous est assez indifférente parce que nous ne sommes pas Anglais et que nous n’avons pas besoin des lois anglaises. M. Rewbell. M. l’abbé Maury ne ménage point l’Assemblée et lui manque volontiers de respect. M. l’abbé Maury. Si lorsqu’on dit la vérité à l’Assemblée, on lui manque de respect, je suis coupable. Pour moi, j’estime que ce serait trahir sa gloire que de ne pas lui signaler les erreurs qu’elle peut commettre de bonne foi et je crois que je lui témoigne un respect plus sincère que celui de ses flatteurs en l’empêchant de tomber dans l’injustice. M. Boutteville-Dumetz . Je demande à répondre aux erreurs que vient d’avancer l’académicien abbé Maury. (On rit). M. Malouet. Je veux présenter une seule observation. Une faut pas argumenter de la signification du mot jury en Angleterre, par rapport à ce qui se passe chez nous. Le comité de la marine, en adoptant le mot, n’a pas entendu lui donner les conséquences qui en découlent pour les Anglais. M. Duport. Je ne sache point qu’on ait fait venir un jurisconsulte très éclairé d’Angleterre. Je connais un jurisconsulte anglais célèbre qui convient de la sagesse de ce que nous venons de faire en France. M. Goupil. Des circonstances particulières ont peut-être déterminé le comité de la marine ; je m’en rapporte à lui. Mais lorsqu’on veut vous faire entendre qu’il est de l’essence de la procédure par jurés, de n’être point écrite, je proteste. On vous a fait entendre que c’est dans l’intérêt de la justice que la procédure ne doit pas être écrite parce que lesjurés se déterminent sur l’altération ou l’état paisible de la physionomie, sur la contenance de l’accusé ; peut-on interpréter équitablement la contenance et la physionomie d’un homme que l’inquiétude, la bonté d’être accusé feraient si souvent prendre pour un coupable? Si cette méthode atroce était admise, Suellesconséquences inévitables n’aurait-elle pas? n juré tiendrait dans ses mains le sort de l’accusé; un juré pourrait assassiner légalement et il serait impuni. Oui, l’impunité serait assurée par ce moyen au juré. Qui pourrait, en effet, lui dire qu’il n’a pas jugé sur des preuves suffisantes quand un démenti de sa part confirmerait la sentence qu’il aurait rendue ? Si nous interrogeons la jurisprudence anglaise, nous trouvons des jurés accusés de prévarication, des jurés iniques. S’ils ne sont pas incapables de prévariquer, comment introduire parmi nous cet ordre monstrueux de procédure qui ne laisserait subsister aucune trace du crime commis au nom de la loi? Je vais plus loin, ce juré aura entendu les témoins. Un malheureux accusé aura succombé sous le témoignage d’un scélérat et vous lui enlèveriez, par l’institution projetée, ce grand succès pour l’humanité, de découvrir la fausseté du témoignage sur lequel il aurait été condamné?... Ce peude mots et vos réflexions, Messieurs, vous empêcheront sans doute que l’on prononce sur la vie d’un accusé sans qu’il en reste des traces et un monument écrit des preuves qui auront été alléguées contre lui. Je conclus à ce que la procédure par jurés soit écrite. (Cet amendement est mis aux voix et adopté.) M. de Lachèze. Je propose de laisser à l’accusé la faculté de choisir un défenseur. (Cet amendement est adopté.) M. de Champagny. Par suite des résolutions que l’Assemblée vient de prendre, les articles en discussion doivent être refondus. Voici la nouvelle rédaction que nous avons l'honneur de vous soumettre : «Art. 8. La requête en plainte ayant été répondue d'un soit fait ainsi qu'il est requis , sera remise à l’officier chargé du détail, et le commandant de vaisseau procédera à la formation du jury, en indiquant sur le rôle de quart, dont ne sera pas l'accusé, un nombre double de chaque grade, dont il sera loisible à l’accusé de récuser la moitié; l’accusé pourra, s’il le veut, choisir un défenseur. « Art. 9. La récusation ayant été exercée par l’accusé, ou dans le cas où il y renoncerait, le jury s’étant réduit au nombre de sept par la voie du sort, s’assemblera sur-le-champ, et le lieutenant chargé du détail procédera en sa présence à l’audition des témoins, confrontation et interrogatoire de l’accusé. « Art. 10. La procédure ainsi faite en présence du jury sera rédigée par écrit et annexée au rôle d’équipage. » M. le Président met successivement aux voix ces trois articles. Us sont adoptés. La séance est levée à dix heures du soir. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 16 AOUT 1790. DÉCRET sur l'organisation judiciaire, du 16 août 1790, sanctionné par lettres patentes du 24 du même mois. Titre Ier. — Des arbitres. Art. 1er. L’arbitrage étant le moyen le plus raisonnable de terminer les contestations entre les citoyens, les législatures ne pourront faire aucunes dispositions qui tendraient à diminuer soit la faveur, soit l’effi cacité des compromis. Art. 2. Toutes personnes ayant le libre exercice de leurs droits et de leurs actions, pourront nommer un ou plusieurs arbitres pour prononcer sur leurs intérêts privés, dans tous les cas, et en toutes matières sans exception. Art. 3. Les compromis, qui ne fixeront aucun délai dans lequel les arbitres devront prononcer, et ceux dont le délai sera expiré, seront néanmoins valables, et auront leur exécution, jusqu’à ce qu’une des parties ait fait signifier aux arbitres qu’elle ne veut plus tenir à l’arbitrage. Art. 4. Il ne sera pas permis d’appeler des sentences arbitrales, à moins que les parties ne