[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mai 1790.) en même temps être membre du corps municipal : s’ils ont été nommés dans le même scrutin, celui qui aura le plus grand nombre de voix demeurera élu; et, en cas d’égalité de voix, on préférera le plus âgé : s’ils n’ont pas été élus dans le même scrutin, l’élection du dernier ne sera point comptée, et si celui-ci a été nommé au troisième tour de scrutin , il sera remplacé par le citoyen qui, dans ce même tour, avait le plus de voix après lui, Art. 14. « L’élection des deux substituts du procureur de la commune se fera au scrutin, dans la forme qui sera déterminée au titre suivant. Art. 15. « Pour l’élection du maire et du procureur de la commune, chacune des quarante-huit sections de l’assemblée générale des citoyens actifs, fera parvenir à l’ Hôtel-de-Ville le recensement de son scrutin particulier ; ce recensement contiendra la mention du nombre de votants dont l’assemblée aura été composée et celle du nombre de suffrages que chaque candidat aura réunis en sa faveur : le résultat de tous les recensements sera formé à l’Hôtei-de-Ville. Art. 16. « Les scrutins des diverses sections seront recensés à l’Hôtel-de-Ville le plus promptement qu’il sera possible, en sorte que les scrutins ultérieurs, s’ils se trouvent nécessaires, puissent commencer dès le lendemain. Art. 17. « Chacune des quarante-huit sections enverra à l’Hôtel-de-Ville un commissaire pour assister au recensement des divers scrutins. Art. 18. « La nomination des quarante-huit membres du corps municipal et des quatre-vingt-seize notables se fera toujours au scrutin; mais la population de Paris exigeant une forme de scrutin particulière, cette forme sera déterminée dans le titre suivant. » M. le Président donne lecture de l’article 19 ainsi qu’il suit : j « La multitude des votants et le nombre con-I sidérable des personnes à nommer, devant prolonger beaucoup les élections, les législatures pourront, d’après l’expérience, changer la forme du scrutin. » M. Démeunîer, rapporteur , observe que la formule du scrutin devra être perfectionnée. La nomination du maire et des officiers municipaux, par la voie du scrutin, est constitutionnelle, mais la forme du scrutin lui-même est purement réglementaire. Le comité propose de supprimer l’article 19 comme inutile. (Cette suppression est mise aux voix et prononcée.) La discussion est ouverte sur l’article 20 du projet de décret; il est ainsi conçu dans les termes suivants : « Après les élections, les citoyens actifs ne pourront ni rester assemblés, ni s’assembler de nouveau en corps de commune, sans une convocation expresse, ordonnée par le conseil général de la commune, lequel ne pourra la refuser dans les cas indiqués aux articles 1 et 2 du titre IV. » M. Duport dit que la plus mauvaise de toutes les manières d’avoir le vœu d’un peuple c’est d’aller chercher les signatures dans les maisons. Il est utile que les citoyens puissent s’assembler par sections; c’est là que, par la discus-403 sion, ils acquièrent l’esprit public; c’est là que se manifestent les sentiments généreux. M. le due de La Rochefoucauld répond que l’article 61 assure aux citoyens actifs les moyens de s’assembler toutes les fois qu’ils croient devoir former des pétitions. M. Rémeunier, rapporteur, propose de supprimer le mot expresse après le mot de convocation, qï de substituer aux derniers mots ; dans les cas indiqués aux articles 1 et 'Z du titre IV, ces mots : dans les cas qui seront déterminés au titre IV. Ces corrections sont mises aux voix et adoptées : En conséquence, l’article 20, devenu le 19e de la série, est décrété ainsi qu’il suit : Art. 19 (ancien art. 20). « Après les élections, les citoyens actifs ne pourront ni rester assemblés, ni s’assembler de nouveau en corps de commune, sans une convocation ordonnée par le conseil général de la commune, lequel ne pourra la refuser dans les cas qui seront déterminés au titre IV. » (La séance est levée à 10 heures.) ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 5 mai 1790. Mémoire sur la nécessité de mettre sur le pied français ou d’incorporer les troupes étrangères, adressé à V Assemblée nationale , par ML de Peyssonel (1). Le mémoire que j’ai eu l’honneur d’adresser, le 20 du mois dernier, à l’Assemblée nationale, sur les prétentions des princes d’Allemagne, qui ont des possessions en Alsace; les avis que j’en reçus, depuis peu, ont élargi mes idées, étendu le cercle de mes observations. J’envisage sous de nouveaux rapports cette province, caserne principale des régiments allemands que nous avons à notre solde; et je crois voir en elle la boîte de Pandore, prête à verser, sur l’empire français, une foule de maux. L’Alsace est la province du royaume la plus inflammable et celle où il y a le plus de tisons parsemés prêts à y allumer un incendie; c’est celle où il est le plus facile de fomeuter des troubles et qui réunit dans son sein et dans son voisinage le plus grand nombre de corps et d’individus intéressés à y exciter un soulèvement. Cette province est, en quelque manière, séparée des autres par sa langue, ses mœurs, ses usages; elle confine avec l’Allemagne, ce vaste et éternel foyer du pouvoir arbitraire, réparti, morcelle I entre une foule de grands, de moyens, de petits despotes, tous également eunemis de notre Révolution; ses plus importantes possessions territoriales sont dans les mains de divers princes de l’empire. Le duc des Deux-Ponts, le prmee de Wurtemberg, le margrave de Bade, le landgrave de Hesse-Darmstadt, le prince de Salm, le (1) Le mémoire de M. d© Peyssonel n’a pas été inséré au Moniteur . 104 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 mai 1790.] prince de Nassau-Haarbruck , le prince de Lim-bourg, le comte de Linange, l’électeur de Trêves, l’évêque de Bâle, l’évêque de Spire, le prince de Hohenlohe, le prince-évêque de Strasbourg, le grand chapitre composé de princes de l’empire, les abbés-princes, l’ordre Teutonique et une foule d’autres gentilshommes prétendus immédiats, y possèdent des terres immenses ; cette longue légende aristocratique ne présente pas un seul nom qui ne soit celui d’un ennemi du nouvel ordre de choses : quelle province renferma jamais un plus grand nombre d’individus, dont le vœu le plus ardent est le renversement de la Constitution? Le choc des intérêts de tous ces petits despotes avec ceux des amis de la liberté, cause dans l’Alsace la plus grande effervescence, fait naître chaque jour les scènes les plus fâcheuses et les plus désastreux événements. Des colporteurs courent les villages pour y distribuer gratuitement aux paysans des libelles aristocratiques, traduits en langue allemande et d’un style propre à être entendu par la plus basse classe des citoyens. On y tourne en ridicule les opérations de l’Assemblée nationale : on y souffle la désobéissance à ses décrets ; cette immense quantité de nobles, cet innombrable essaim de suppôts de l’ancienne administration, regarde cette province comme la plus propre à recevoir et à féconder le germe de la révolte ; ils la regardent comme celle de toutes qui offrent le plus de moyens d’exciter un grand mouvement; ils réunissent leurs plaintes, leurs efforts pour séduire le peuple et se faire des partisans et des prosélytes qui les aident à anéantir une Constitution, dont ils se disent les victimes. Nous avons, à ia vérité, des garnisons en Alsace; mais six des régiments qui les composent sont allemands et ont pour chefs et pour officiers les hommes les plus intéressés au rétablissement de l’ancien régime, parmi lesquels se trouvent quatre des princes que je viens de nommer. Outre ces six régiments, il y en a deux en garnison à Metz ; celui de Nassau, qui était à Versailles, et celui de Salm, qui, dans le cas d’une insurrection, pourraient, peut-être, être excités par les chefs à venir en Alsace se réunir à leurs camarades et seconder leurs efforts. Il y a certainement très peu, et peut-être point de régiments nationaux qui ne soient sincèrement dévoués à la Révolution ; et ce n’est guère que sur les corps étrangers que l’aristocratie agonisante peut fonder son dernier espoir. Les événements arrivés à Lille et à Metz, la désunion entre les corps militaires causent à la ville de Strasbourg les plus vives sollicitudes ; elle craint, avec raison, que la contagion se propageant d’une garnison à l’autre, n’arrive à ta fin jusqu’à elle. 11 serait absurde de douter que l’aristocratie ne regarde les troupes étrangères comme le moyen le plus puissant et le plus certain qu’elle puisse mettre en usage pour opérer une contre-révolution. Il est donc inconcevable qu’après ce qui s’est passé dans le mois de juillet 1789, on n’ait pas sur-le-champ pensé à incorporer ces troupes ou à changer totalement leur régime. On connaît très peu en France les régiments étrangers; leur esprit de corps, leur administration intérieure, leur langue peu cultivée par nos militaires, est une manière de voile qui leur donne la facilité de cacher, même aux officiers généraux qui les commandent ou qui les inspectent, tou ce qu’ils veulent dérober à leur connaissance. Le ministère a toujours été dans une complète ignorance à cet égard : content d’avoir à sa disposition des corps uniquement dévoués à l’autorité royale, il a laissé à leurs chefs toute celle dont ils ont voulu être revêtus. Il en est résulté des abus innombrables, un despotisme sans bornes et l’arbitraire le plus odieux. Cependant le ministère s’efforce sans cesse de conserver ces troupes sur le même pied et ne paraît nullement disposé à y apporter le plus léger changement. En effet, tandis que ces régiments mêmes, qui sentent la parfaite incompatibilité de leur ancienne existence avec la nouvelle Constitution, s’attendaient à subir une transformation complète, ils ont vu avec le plus grand étonnement arriver les échantillons de leur habillement sur l’ancien pied. Ce costume est évidemment plus coûteux que celui des régiments nationaux; le drap bleu ou rouge, employé pour les étrangers est moins solide que le blanc : le prix de la façon monte beaucoup plus haut, parce qu’on ne renouvelle que tous les trois ans les habits blancs des français et qu’on est forcé de renouveler tous les deux ans les bleus et les rouges des autres ; il faut augmenter la masse d’habillement des régiments allemands et irlandais, de deux deniers par homme, ce qui fait annuellement, pour les douze régiments, une somme de 40,592 livres 10 sols dépensés en pure perte. D’ailleurs, ce costume imprime à ces corps une sorte de marque distinctive qui les sépare des troupes nationales, les caractérise étrangers, les dévoue à une existence différente et leur donne des intérêts distincts de ceux de la nation qu’ils sont destinés à servir. Le danger évident de conserver aux troupes étrangères une constitution absolument incompatible avec le nouvel ordre de choses, m’a décidé à soumettre à l’Assemblée nationale quelques réflexions qui feront la partie la plus importante de ce discours. Il n’existe, chez aucune puissance de l’Europe, des régiments qui, sans être ce qu’on nomme auxiliaires , aient un rang dans l’armée, dont ils portent le numéro, une formation semblable, le même colonel général, la même manière de se recruter; et, â côté de cela, un autre uniforme, un autre commandement, des tambours qui battent des marches différentes, des usages, des privilèges particuliers qui les affranchissent, sur une foule d’objets, du joug des lois militaires de la nation. C’est là cependant le bizarre tableau que présentent les régiments allemands au service de la France. Ils n’ont pas tous été formés de la même manière; mais tous sont recrutés aux dépens de l’Etat. Quelques-uns peuvent avoir des recruteurs chez les princes qui les commandent ; les autres se recrutent au hasard sur les frontières; tous ont les mêmes privilèges, les mêmes lois pénales, dont le seul code est la volonté arbitraire de leurs chefs : le fond de ces régiments est composé d’étrangers ; mais de tout temps on y a admis des iorrains-alle-mands et des alsaciens qui en forment la partie la plus solide et servent à garder les autres et à empêcher les désertions. Le conseil de la guerre avait jugé convenable, malgré leurs représentations, de les composer en entier d’étrangers et de leur défendre à cet effet d’admettre des nationaux. Ce projet était absolument impraticable ; chez aucun peuple policé, on n’a conçu l’étrange et absurde idée de former des corps entiers de déserteurs et de vagabonds étrangers, sans se réserver aucun moyen de les garder, les contenir et les surveiller dans leur service. Les régiments allemands ont si bien senti l’inconvénient d’une disposition aussi bizarre, que même depuis cette nouvelle ordon- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 mai 1790.] 405 nance, ils n’ont rien négligé pour parvenir àréeu-gager les nationaux qui leur restaient; de sorte qu’il existe, en ce moment, dans ces corps, une infinité de soldats Alsaciens et Lorrains, mais assujettis au régime prescrit pour les étrangers et qui ont le même esprit de corps, les mêmes préjugés, la même soumission aveugle et forcée au despotisme de leurs chefs. De ce mélange de nations résultent un assemblage barbare, une composition monstrueuse, qui ne peuvent, en aucune manière, s’adapter à la nouvelle Constitution, par une foule de raisonspolitiques et militaires que je vais tâcher de rendre sensibles. Les régiments allemands, sur le pied où les a fixés le conseil de la guerre, recrutés au hasard et eu entier d’étrangers, de déserteurs et de vagabonds, ne peuvent absolument pas subsister. On a eu de tout temps la plus grande peine à les maintenir, en se servant des nationaux pour les garder et les surveiller; on y parvenait même alors que par la vigilance la plus active, jointe à la plus rigoureuse discipline. Mais aujourd’hui tous les moyens manqueraient à la fois et les régiments allemands deviendraient très dangereux à la guerre et très peu solides en temps de paix. En donnantces régiments à des princes de l’empire pour les recruter chez eux et en faire des troupes auxiliaires, comme les Suisses, on augmenterait inutilement le nombre des étrangers à la solde de la France; on serait forcé de leur donner une plus haute paye, de faire des traités désavantageux avec leurs souverains pour les engager à les fournir; et l’on n’y gagnerait autre chose que des secours très précaires pour l’Etat, des appuis du despotisme ministériel et un mauvais exemple pour tout le reste de l’armée; des corps composés, disciplinés, habillés, commandés tout différemment des autres ne peuvent exister avec eux, faire le même service, occuper les mêmes garnisons, sans qu’il résulte de leur cohabitation une foule d’inconvénients et de dangers trop connus pour qu’il soit nécessaire de les rappeler . Si l’on rendait aux troupes allemandes leur ancien régime, c’est-à-dire celui auquel elles étaient soumises avant les dernières ordonnances, on tomberait dans une contradiction manifeste avec la nouvelle Constitution ; on soumettrait des nationaux à un régime antinational ; on priverait des citoyens de leurs droits, pour les abandonner à la verge de fer des souverains d’Allemagne qu’on leur donnerait pour chefs ; on les réduirait à la condition de geôliers et de gardiens des esclaves étrangers que, ces despotes [permettent qu’on lève dans leurs Etat. Tel est en effet le sort actuel de tous les soldats lorrains ou alsaciens qui se trouvent encore en grand nombre dans les régiments allemands. Le bâton et les verges sont les seuls instruments de la discipline de tous ces corps; ils y sont employés sur les malheureux soldats, sans autre règle, sans autre mesure que le caprice de ceux qui en ordonnent [l’application: un citoyen, devenu soldat dans un de ces régiment privilégés, n’a plus d’autre juge qu’un colonel étranger, qui peut le faire expirer, sous les verges ou sous le bâton par un caprice, un emportement et pour la faute la plus légère; les délits mêmes qui sont du ressort de l’ordre civil, sont soustraits à la connaissance des juges nationaux et punis par la justice militaire. Ces régiments sont commandés aujourd’hui par des princes et des seigneurs étrangers dont l’existence politique et les sentiments sont en évidence. L’un des plus modérés d’entre eux dit, il y a quelque temps, « qu’il quitterait le service de la France, dès l’instant où son régiment deviendrait français. » Tous ces colonels sont connus , soit par leurs liaisons , leurs relations et leurs rapports, soit par leur qualité de propriétaires de fiefs en Alsace, au sujet desquels ils ont réclamé contre les décrets de l’Assemblée nationale et tout concourt à nous convaincre que leur intérêt est essentiellement opposé à celui de la nation. Il est donc dangereux de leur laisser des régiments étrangers en propriété avec une autorité aussi étendue qu’indépendante. Veulent-ils continuer de servir? Qu’ils demandent de l’emploi dans les régiments nationaux, ou que les leurs le deviennent ; qu’ils fassent ce que font leurs égaux en Prusse, en Russie, en Autriche, où l’on ne leur donne pas des corps en propriété, mais du service dans les corps nationaux, où ils prennent la langue, la discipline, les usages et toutes les formes extérieures qui peuvent les amalgamer avec la nation qui les admet, les emploie et les paie. Il est bien étrange de voir la France seule se prêter, avec complaisance, à tous les désirs, à toutes les demandede quelques petits princes étrangers qui se font soudoyer par elle pour venir dans Je sein du royaume exercer leur despotisme sur des corps privilégiés. Si l’on croit utile d’admettre des étrangers dans le service militaire, qu’on les répartisse, qu’on les incorpore dans les corps nationaux; mais qu’on ne forme pas des corps particuliers, séparés, distingués des autres, auxquels on s’efforce d’imprimer le caractère d’étranger, comme si l’on craignait qu’ils ne l’oubliassent; et qui, perpétuant, dans ces régiments privilégiés, leur langue, leur discipline, leurs mœurs, leurs usages, ne peuvent jamais être regardés comme français, et que Ton force de ne plus tenir à la nation par d’autre lien, que celui de l’argent qu’elle leur donne. Si l’Assemblée nationale daigne peser toutes ces considérations, elle se convaincra de la nécessité absolue d’incorporer les régiments étrangers, ou de changer entièrement leur régime. Il est bien des moyens de leur donner une existence et une composition différentes, sans faire aucun tort aux individus qui s’y trouvent et qui voudraient y être conservés ; il suffirait de leur donner le caractère national, en les mettant en tous points sur le pied français et les recrutant comme les autres. Par le cours ordinaire des choses, ces corps se trouveraient, en peu de temps, composés de nationaux ; le petit nombre d’étrangers qui y resteraient encore, seraient des individus naturalisés, devenus citoyens et dévoués par choix au service de la patrie adoptive. Il n’y a pas lieu de douter que le vœu le plus ardent du ministère serait de conserver, sur Tan cien pied, ces régiments étrangers ; il fonde l’espoir de la conservation de son ancien despotisme; il a fait, en dernier lieu, des démarches auprès du landgrave de Hesse-Darmstadt, pour savoir si, en conservant la propriété du régiment d’infanterie de son nom, il se soumettrait à l’entretenir de recrues étrangères. La mort, qui a subitement enlevé ce prince, Ta empêché de donner sa réponse; il y a lieu de croire que la proposition, si onia renouvelle, sera acceptée par son successeur. Mais le ministère se flatte en vain d’obtenir de l’Assemblée son acquiescement à ces dispositions. Non, les représentants de la nation la plus éclairée de la terre ne se prêteront plus aux illusions du charlatanisme ministériel, ne s’en laisseront $lus imposer par les mots vagues et vides [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 406 [8 mai 1790.] de sens de convenance politique, ne se persuaderont pas que les rapports qui lient la France à l’Empire, ne peuvent être maintenus qu’au moyen de ces corps privilégiés; ne consacreront plus des inconséquences et des contradictions pour favoriser quelques souverains d’Allemagne; ne laisseront plus subsister, sur le même pied, des régiments dont la constitution est devenue incompatible avec le nouveau régime ; et ne leur feront plus porter des couleurs différentes et un uniforme particulier qui semble désigner plutôt les satellites du despotisme que les défenseurs de la nation. On sera peut-être étonné que la même voix, qui a plaidé avec tant de chaleur les causes des régiments helvétiques, s’élève avec autant de véhémence contre les autres régiments étrangers. Mais les uns existent chez nous comme auxiliaires, en vertu de traités antiques et sacrés, renouvelés, depuis près de trois siècles, par une longue série de nos rois ; ils nous sont donnés par une nation libre, par une alliée utile et nécessaire, gardienne d’une grande étendue de nos frontières, avec laquelle nous vivons dans une paix constante qui, depuis trois cents ans, n’a pas éprouvé la plus légère altération, avec laquelle nous sommes liés par une sorte de fraternité; iis ont, en tout temps, fait éclater leur zèle et leur attachement pour la nation ; ils ont tenu dans la Révolution actuelle, une conduite qui a mérité les éloges et la reconnaissance de tous les bons citoyens ; ils ont manifesté le désir de nous voir jouir de la liberté qu’ils ont conquise eux-mêmes et qui est la base de la félicité imperturbable de leurs cantons. Leur vœu le plus cher, enfin, est d’être soumis au régime général et au mode d’avancement qui sera décrété pour l’armée française. Les autres sont des propriétés de plusieurs despotes d’Allemagne, ennemis naturels de la liberté des peuples, essentiellement intéressés au renversement de notre nouvelle Constitution. Leur existence, sur l’ancien pied, les livre nécessairement au pouvoir arbitraire, au despotisme ministériel et à l’aristocratie ; en effet, dès l’aurore de la Révolution, des chefs odieux qui voulaient étouffer notre liberté naissante, les ont forcés à porter une main sacrilège sur son berceau. Sans vouloir croire aux projets atroces qu’on a supposés contre la capitale, on ne peut se dissimuler que, dans cette lutte du despotisme contre le pouvoir légitime des représentants de la nation, les ministres se croyant en droit de regarder ces régiments étrangers comme des troupes mercenaires, qui obéissent aveuglément à celui qui les paie et ne connaissent que les agents du pouvoir exécutif duquel ils tiennent l’argent et les grâces qui en procurent; on ne peut se dissimuler, dis-je, que les ministres avaient compté les régiments étrangers, parmi leurs moyens de triomphe ; et si une foule de circonstances n’avaient démasqué et contrarié la trame qu’ils avaient ourdie, ils auraient peut-être trouvé, dans les vices de leur constitution actuelle, des moyens de les contraindre à agir conformément à leurs desseins. C’est la ville de Paris qui a commencé, décidé, maintenu la Révolution actuelle ; c’est à elle à chercher tous les moyens de la consolider. Elle ne doit pas se contenter d’avoir écarté de son arrondissement les troupes devenues suspectes, qui bloquaient son enceinte et qui pourraient faire naître les mêmes suspicions dans le reste du royaume. Cette glorieuse capitale, qui a le bonheur de posséder, dans ses murs, l’Assemblée la plus auguste qui ait paru sur la terre, depuis le sénat romain, doit porter sans cesse une attention fixe et infatigable sur le dehors comme sur le dedans ; c’est la tête qui doit veiller au salut et à la conservation des autres membres. Il est du devoir de tous les citoyens de donner l’éveil aux représentants de la nation sur les dangers qui peuvent renaître chaque jour, puisque la cause en subsiste encore ; de les engagera prendre tous les moyens que leur haute sagesse pourra leur suggérer pour rendre françaises d’excellentes troupes qui deviendraient aisément patriotes et auxquelles on s’efforce de conserver à jamais leur caractère d’étrangers dans le sein de la monarchie. Ce n’est que par des sophismes grossiers que l’on peut colorer de l’apparence du bien, l’obstination du ministère à conserver, sur le même pied, ces corps privilégiés, en dépit de la politique du bien du service, de l’économie, de l’attente générale et de la raison. Je conclus donc que l’Assemblée nationale ne saurait trop se hâter d’ordonner par Un décret provisoire : Premièrement, qu’à l’exception des troupes suisses admises en vertu de nos traités avec les cantons, tous les régiments étrangers, ou sur le pied étranger, savoir : les trois régiments irlandais, les neuf régiments allemands ou liégeois, formant vingt-quatre bataillons d’infanterie, les régiments de royal-allemand, cavalerie; Schom-berg, dragon et les six régiments de hussards, formant en tout trente escadrons, seront dès à présent mis sur le pied français. Secondement, qu'on fera adopter à leur infanterie l’uniforme blanc et à tous la discipline et les marches françaises. Troisièmement, que les officiers et soldats de ces corps seront admis à prêter individuellement le serment civique et, dès cet instant, regardés comme citoyens. Quatrièmement, que tous les étrangers qui voudront avoir leur congé, le recevront à l’instant même. Cinquièmement, que ces corps seront dorénavant recrutés de nationaux, comme les autres régiments de l’armée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GOUTTES. Séance du jeudi 6 mai 1790, au matin. La séance est ouverte à neuf heures du matin, M. Muguet de lanthou, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. M. K-oederer, autre secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d’hier au soir. Ces procès-verbaux sont adoptés. M. de La Queuille, député d'Auvergne. Chargé, par mes cahiers, de solliciter les États généraux, de convoquer dans mon bailliage une assemblée deux mois après la lin de vos travaux , je remplis ce devoir et je finis ainsi ma mission, mes